Citations du moment :
«L'accouchement est douloureux. Heureusement, la femme tient la main de l'homme. Ainsi, il souffre moins.»
[ Pierre Desproges ]
Imagine

La rupture : Chapitre 1

 

La Rupture

 

 

 

Auteur : Nemesis

E-mail : nemesis_63@msn.com
Résumé : Sam se rend à Washington pour avoir une discussion avec Jack.
Genre : romance
Spoilers : post série. Je me suis amusée à mettre des références à la saison 10, mais très légères.
Disclaimer : Les personnages et l’univers ne sont pas à moi mais à la MGM…

 

 

Je suis assez bavarde comme fille : Je n’aime pas écrire des fics selon mon point de vue, j’estime que je n’ai pas à transférer mes états d’âme sur les personnages. Mais il y a des limites à ce que les scénaristes peuvent faire sans que ça influe sur ma santé mentale. Et cela m’insupporte de savoir qu’on m’a menée en bateau pendant 8 ans pour… RIEN.

Donc voilà, j’ai laissé les personnages poser mes questions, celles qui n’ont jamais eu de réponse. Surprise, ça parle de ship…

 

Merci à Terra pour le récapitulatif shippien. ;-)

Et merci à toutes celles qui m’ont relue et/ou soutenue. C’était le gros du boulot !!

 

 

Bon, je ne suis pas vraiment fière de mes goûts musicaux, mais j’ai écrit cette fic en écoutant en boucle le « Best of Ronan Keating ». Du coup, mes titres de parties sont des titres de chansons, parce que les paroles correspondent VRAIMENT (ça me fait même limite peur !):

 

-         The Long Goodbye : http://www.azlyrics.com/lyrics/ronankeating/thelonggoodbye.html

-         Last Thing on my Mind : http://www.azlyrics.com/lyrics/ronankeating/lastthingonmymind.html

 

(ouais, je sais, Ronan Keating était membre de Boyzone. J’ai troooooop honte. N’empêche que ça m’a inspirée !!!)

 

 

*******************

 

 

PREMIERE PARTIE : The Long Goodbye.

 

 

 

 

Cela faisait trois ans qu’il était parti.

Trois ans qu’il avait choisi de tourner la page du SGC et avait emménagé à Washington.

Qu’il avait cessé d’être son supérieur.

 

Trois ans qu’elle ne parvenait plus à avancer.

 

A l’époque pourtant, elle avait vraiment cru que tout allait marcher, que cette fois serait la bonne. Elle avait cessé de se mentir et avait rompu ses fiançailles. Elle était allée le trouver, une nouvelle fois. Certes, elle avait pris une douche froide en découvrant sa relation avec Kerry Johnson. Mais celle-ci avait rapidement été classée. Ils étaient alors partis dans son chalet. Pas seuls bien sûr, mais elle avait tout de même espéré qu’un changement surviendrait. C’était à lui de faire le premier pas, elle avait renvoyé la balle dans son camp en annulant son mariage.

Les barrières n’avaient jamais été aussi basses, elle se sentait enfin réellement prête.

Et il le savait.

 

Il n’avait rien fait.

Ou plutôt il en avait trop fait : il était parti.

 

 

En trois ans, elle ne l’avait vu que sept fois, et pas une seule en dehors du cadre professionnel. Pour deux personnes qui avaient travaillé huit ans côte à côte et qui avaient partagé plus que la plupart des couples en une décennie de mariage, c’était peu. C’était désespérément peu.

 

Et elle n’avait pas compris.

 

Il s’était certes éloigné de tout le monde, tant géographiquement qu’émotionnellement.  Comme s’il avait voulu s’isoler d’eux, changer de vie.

Mais il avait tout de même conservé un semblant de liens amicaux avec la plupart de ses anciens collègues. Avec elle, il se montrait moins que ça. Chaleureux au mieux, cordial la plupart du temps.

 

Elle qui avait espéré une évolution vers une relation sentimentale, elle n’avait obtenu qu’une sorte de reconnaissance professionnelle.

C’était pire que de la déception, c’était une véritable désillusion.

 

Elle s’était demandée si c’était de sa faute, si elle s’était fait des idées pendant huit ans… Mais il y avait tout de même eu du concret, des gestes et des paroles qu’il aurait été difficile d’interpréter autrement !

Non, ils avaient vraiment eu quelque chose, et elle y avait cru.

 

 

Elle avait rompu avec Pete après avoir été le trouver, après avoir commencé à lui exposer ses doutes. Il avait parfaitement compris, elle l’avait lu dans ses yeux.

Cela avait été au tour de Jack d’agir, elle s’était suffisamment jetée à ses pieds auparavant. Combien de fois avait-elle tenté d’avoir cette discussion ?

Et cette fois encore, le comportement de son ancien supérieur l’avait déçue. Pire encore, il s’était avéré…illogique au vu de ce qu’ils avaient vécu. Inexplicable.

 

C’était comme s’il avait choisi de nier les huit années précédentes.

 

Alors non, elle ne comprenait définitivement pas.

Plus grave, elle n’arrivait pas à passer outre et à avancer.

 

 

Et puis il y avait eu Alan.

Scientifique comme elle, biochimiste pour être exacte. Intelligent, gentil, amusant. Une nouvelle chance.

Seulement elle ne voulait pas répéter la même erreur qu’avec Pete et laisser des doutes et des fantasmes empoisonner son jugement. Elle ne regrettait pas d’avoir rompu ses précédentes fiançailles, ce mariage aurait été un échec certain.

Mais elle ne pouvait pas nier que son histoire avec Jack avait influencé son comportement.

Elle s’était enfermée dans la simulation, finissant par croire à ce qu’elle feignait de ressentir, à ce qu’elle voulait ressentir. Et faisant tout rater.

 

Et pourtant, malgré ses erreurs et ses échecs, elle avait encore droit à cette chance. Elle ne voulait pas la gâcher. Ce n’était même pas une question d’amour, elle voulait simplement pouvoir démarrer son histoire sur des bases saines.

 

Mais il subsistait un problème non négligeable : si Jack semblait avoir tourné la page, ce n’était pas son cas.

Cela avait duré huit ans, sans compter plus de deux ans de mort sentimentale. Pour que sa nouvelle relation fonctionne, elle avait besoin d’entamer une page vierge, sans rature. De pouvoir écrire sans aucun spectre derrière son dos.

Elle avait besoin d’en parler une fois pour toutes à Jack. Même pas de savoir si cela avait été possible, si cela l’était toujours. Il n’était pas question d’une dernière chance ou d’un espoir dans cette démarche. Elle ne demandait même pas une explication. Non, elle voulait juste pouvoir évoquer ouvertement les choses, enfin.

Et passer à la suite de sa vie.

 

 

Alors voilà, pour la première fois en trois ans, elle se retrouvait devant la porte de son appartement de Washington. Pour une visite personnelle.

Et cette fois, elle n’était pas là pour se jeter à ses pieds.

 

Elle était là pour rompre.

 

 

*********************

 

 

Sam lissa nerveusement son chemisier bleu. Elle devait bien avouer qu’elle avait beaucoup hésité sur sa tenue. Elle n’avait préparé aucun discours, ou plutôt n’en avait trouvé aucun de satisfaisant. De toute façon elle ignorait la réaction qu’il allait avoir, cela aurait été inutile. Et puis son jugement s’était souvent avéré erroné en ce qui concernait le comportement de son ancien supérieur.

Alors à défaut de contrôler ce qui se passait en son for intérieur, elle avait choisi de soigner l’extérieur. Pas trop non plus, juste suffisamment pour être à l’aise.

D’où le chemisier neuf et son jean fétiche.

 

Elle n’était pas certaine que cela suffirait à lui donner le courage d’aller au bout de son entreprise pour autant.

 

La jeune femme prit une longue inspiration, pressa une dernière fois ses mains moites sur son pantalon – mauvaise idée – et posa le doigt sur la sonnette.

Le bruit la fit presque sursauter alors qu’elle en était à l’origine, ce qui lui fit secouer la tête. Elle était nerveuse, c’était plus fort qu’elle. Elle avait pourtant préparé sa démarche, fortement réfléchi avant de l’entreprendre. Elle avait retourné une multitude de scénarii dans sa tête avant de parvenir à la conclusion peu satisfaisante qu’elle allait improviser.

 

A aucun moment elle n’avait douté cependant.

 

Mais là, alors qu’elle attendait devant sa porte, elle commençait sérieusement à penser qu’elle était en train de faire une erreur. Oh, elle ne se dégonflerait pas, elle avait fait trop de chemin pour cela. Seulement, était-ce la meilleure chose à faire ? Elle venait lui annoncer qu’elle rompait avec lui, il allait croire qu’elle avait subi un choc post-traumatique quelconque. Et quand il comprendrait, que pourrait-il penser d’elle ?

Elle allait être ridicule.

 

Sam entendit qu’on baissait le volume de l’air d’opéra qui emplissait l’appartement et des pas qui s’approchaient.

Son cœur, qui battait déjà la chamade, accéléra encore si c’était possible. Elle essuya une nouvelle fois ses mains et se sermonna de réagir ainsi. Elle devait aborder son problème de façon raisonnable, chirurgicale même. Elle faisait ça pour elle-même, pas pour lui. Peu importait la réaction de Jack, elle n’était pas là pour tenter quelque chose. Sa démarche était purement égoïste et tant pis s’ils se quittaient sans que lui la comprenne. Elle en avait besoin pour avancer ELLE et elle allait donc le faire. Elle avait besoin de le dire, de mettre enfin les mots sur ce qu’elle ressentait au lieu de rester dans le sous-entendu.

Ils avaient assez dansé.

Et s’il choisissait de se braquer et de la renvoyer en hurlant, elle se ferait une raison. Pour ce que ça changerait à leur relation… Elle voulait juste pouvoir lui annoncer qu’elle rompait avant.

 

Aussi stupide que cela paraisse.

 

 

La porte s’ouvrit et la jeune femme sentit sa gorge s’assécher avant même de le voir. Elle faillit se mordre la lèvre mais réfréna l’impulsion au dernier moment.

Leurs yeux se rencontrèrent enfin et les sourcils de Jack se froncèrent immédiatement alors que sa main stoppait le battant.

Il ne masqua même pas sa surprise et avant qu’elle ait put dire un mot, il ouvrit la bouche :

 

-         Carter ?

 

Elle lui offrit un maigre sourire en tentant de soutenir son regard. Il avait déjà repris une expression neutre et attendait qu’elle explique la raison de sa présence. Une légère lueur d’inquiétude transparaissait néanmoins dans ses yeux. Il est vrai qu’elle ne s’était jamais rendue chez lui depuis qu’il avait quitté Colorado Springs.

 

Elle aurait peut-être dû appeler…

 

-         Bonjour Monsieur, dit-elle en dissimulant le tremblement dans sa voix et se cachant une nouvelle fois derrière le protocole militaire.

 

Elle s’arrêta,  peu certaine de ce qu’elle devait dire ensuite.

Il fronça de nouveau les sourcils et demanda d’un ton concerné :

 

-         Qu’est-ce que vous faîtes là ? Il y a un problème ?

 

Sam ferma un instant les yeux, ravalant son amertume. Manifestement, il était même anormal qu’elle passe lui rendre visite, il fallait forcément que quelque chose soit arrivé. Cela avait toujours été ainsi d’ailleurs. Et elle avait voulu croire qu’ils étaient au moins amis…

Elle réprima un soupir et secoua la tête :

 

-         Non mon général, répondit-elle plus fermement. J’étais juste passée pour … vous voir.

 

Les traits de son ancien supérieur se détendirent immédiatement et l’inquiétude quitta ses yeux. Il affichait de nouveau un visage impassible mais elle le connaissait suffisamment pour savoir que ce n’était que la façade.

 

-         Vous voulez entrer ? demanda-t-il en s’effaçant légèrement pour lui faciliter le passage.

 

Elle acquiesça et pénétra lentement dans l’appartement. Il referma doucement la porte derrière elle, alors que les yeux de la jeune femme enregistraient rapidement les détails qui l’entouraient.

Un couloir décoré sobrement, une cuisine sur la gauche, la porte de la salle de bain entrouverte, des chambres qui se dérobaient à sa vue et le salon dans lequel il venait de la guider silencieusement. La pièce était meublée simplement, sans recherche de style, dans des tons beige. Neutre, à l’image de son propriétaire. Les mêmes photos que celle de son ancienne maison trônaient sur une réplique de cheminée, la seule touche personnelle à laquelle il ait semblé consentir.

Elle aurait pensé qu’il aurait pris un logement plus spacieux avec la fonction qu’il occupait maintenant.

 

-         Asseyez-vous, suggéra-t-il. A moins que…

-         Merci, le coupa-t-elle en cherchant des yeux un siège.

 

Elle avisa finalement dans un fauteuil qui ressemblait étrangement à celui dans lequel elle était assise lors de cette autre discussion qu’ils n’avaient pas eue. Sauf que Teal’c et Daniel étaient au SGC en ce moment même et qu’ils ne viendraient pas les interrompre cette fois-ci. Peut-être le général Hammond…

Elle se sermonna une nouvelle fois et prit place dans la bergère.

 

Il l’observait toujours en silence.

S’approchant enfin, il reprit la parole :

 

-         Vous voulez boire quelque chose ? Café ?

-         Un café serait parfait, merci.

 

Il était retourné dans sa cuisine et elle l’entendit ouvrir plusieurs placards d’affilée. D’autres souvenirs remontèrent et elle se demanda un instant s’il allait en manquer cette fois encore. Une bouffée de nostalgie la prit soudain à la gorge. Certaines choses ne changeaient pas…

Puis le bruit d’une cafetière mise en route lui parvint.

 

Non, tout était différent. Et cette fois, c’est l’amertume qui la saisit, qu’elle refoula tant qu’elle put.

 

Jack revint dans le salon et s’assit dans le sofa, la table basse les séparant, mettant inconsciemment une barrière entre eux. Encore une fois.

Elle promenait son regard sur les quelques objets qui décoraient la pièce.

Il se contenta de l’observer, attendant qu’elle se décide à exposer la raison de sa visite. Car ils savaient tous deux qu’elle n’était pas passée « comme ça ». Que sa voiture ne s’était pas retrouvée en bas de l’immeuble sans qu’elle n’ait trop su pourquoi.

La spontanéité ne faisait pas partie de leur relation, de quelque nature qu’elle fût. Et encore moins maintenant.

 

Elle n’était jamais venue chez lui par hasard de toute façon.

 

 

-         Vous n’avez pas de plantes vertes, observa-t-elle tout à coup, comme si cela avait eu une quelconque importance.

 

Comme si cela ne faisait pas trois mois qu’ils ne s’étaient pas parlés, et à propos d’une question de sécurité encore.

Une façon comme une autre d’amorcer la discussion.

 

-         Non, confirma-t-il, elles sont toutes mortes.

-         Vous vous en êtes occupé je suppose…

-         Elles ne sont pas mortes de soif si c’est ce qui vous inquiète. Elles n’ont pas supporté l’air de la ville je pense.

-         Vous leur avez parlé ? demanda-t-elle alors même qu’elle secouait mentalement la tête à la stupidité de sa question.

 

Il haussa les sourcils et un fin sourire se dessina sur ses lèvres, qui ne la détendit pas pour autant.

 

-         J’ai bien essayé mais elles n’étaient pas très causantes, plaisanta-t-il.

 

Elle esquissa un sourire malgré elle et baissa légèrement la tête. Elle n’avait aucune idée de la façon dont aborder le sujet qui lui tenait à cœur, la raison pour laquelle elle était là.

Cette discussion superficielle semblait tellement plus facile…

 

-         Et vous n’en avez pas acheté de nouvelles ? reprit-elle malgré tout.

-         Vous êtes venue ici pour parler de mes talents d’horticulteur ? rétorqua-t-il.

 

Elle baissa à nouveau la tête, embarrassée. Ils avaient fini de tourner, il fallait entrer dans le vif du sujet et cela risquait de vite se transformer en affrontement. Le tango après la valse.

 

-         Non, répondit-elle en cherchant ses yeux puis en les fuyant une nouvelle fois. Je suis ici pour… parler.

 

Il se tendit imperceptiblement et elle sentit son appréhension se renforcer.

 

-         C’est ce que nous sommes en train de faire je crois, dit-il avec les sourcils légèrement froncés.

 

Sa voix avait encore le ton sur lequel il aimait plaisanter, ce que certains auraient pris pour du second degré.

Elle savait qu’il n’en était rien. Pas cette fois.

 

 

-         J’ai rencontré quelqu’un, annonça-t-elle abruptement.

 

Définitivement pas la meilleure manière d’entamer la conversation. Mais existait-il une façon acceptable ?

 

-         Il s’appelle Alan, continua-t-elle sans lui laisser le temps de la couper. Il est biochimiste et a travaillé en collaboration avec le SGC il y a trois mois, quand nous avons eu ce virus transmis par la plante que SG-4 avait ramenée. Je ne sais pas si vous avez eu le rapport…

 

Il acquiesça de la tête, sans la quitter des yeux, un masque d’indifférence plaqué sur le visage. Rien de ce qu’il ressentait ne transparaissait, et pourtant elle savait que ce n’était pas le cas. Qu’il l’écoutait attentivement, impassible.

Elle détestait quand il faisait cela. Elle n’aurait pas aimé qu’il ne se sente pas concerné, mais elle supportait encore moins qu’il feigne de ne pas l’être…

 

-          Nous nous sommes… plutôt bien entendus, reprit-elle difficilement. Il travaille en général dans le Nevada mais nous sommes parvenus à nous revoir quelques fois malgré la distance.

 

Elle s’arrêta là, ne sachant pas comment continuer son monologue, et redressa enfin la tête.

 

-         Pardonnez-moi Carter, finit-il par dire, mais en quoi cela explique-t-il la raison de votre présence ici ? Pourquoi venir m’en parler ?

 

Son expression était toujours impassible, mais ses yeux lançaient un avertissement qu’elle ne pouvait ignorer. Il savait parfaitement pourquoi elle était là et il n’avait pas envie d’en discuter. Il n’allait pas lui faciliter la tâche, elle le sentait.

Et il allait nier, encore.

Mais elle était décidée à aller jusqu’au bout de sa démarche, malgré ce regard qui la défiait de le faire. Elle n’avait que trop baissé les bras.

 

Ils auraient cette discussion, dusse-t-elle être la seule à parler.

 

-         Je ne suis pas ici pour vous demander votre avis, affirma-t-elle en tentant de soutenir son regard. Je ne suis pas dans ce salon pour avoir une quelconque bénédiction de votre part…

-         Alors qu’est-ce que vous voulez ? la coupa-t-il. Si c’est pour le faire muter à Colorado Springs, je peux toujours…

-         Laissez-moi finir ! l’interrompit-elle à son tour avec un geste agacé.

 

Le silence retomba entre eux, seulement troublé par les dernières notes de La Traviata.

Elle avait compris la technique de Jack depuis le temps. Il niait, se cachait derrière la barrière professionnelle, tellement facile, tellement pratique. Elle savait qu’il ne faisait ça que pour éviter toute discussion où il aurait dû parler de lui, de ce qu’il ressentait. Il avait beau feindre l’indifférence, elle voulait cesser d’y croire.

Elle était fatiguée de l’affronter ainsi, fatiguée du tango qu’ils dansaient depuis plus de dix ans. Il était plus que temps que cette musique-là s’arrête aussi.

 

Sam soupira et son regard se posa sur les mains de l’homme qui lui faisait face. Elles étaient immobiles, au contraire des siennes qui maltraitaient le tissu de son pantalon.

Elle s’était toujours demandée comment il parvenait à exercer un tel contrôle sur lui-même. Pourtant il n’était pas comme cela quand elle l’avait rencontré, il s’était au contraire peu à peu ouvert à elle, révélant l’homme qu’il était vraiment. Celui qui se cachait derrière le militaire dur et exigeant.

 

Quand le phénomène avait-il pris le chemin inverse ? Quand avait-il commencé à se refermer, à ne plus la laisser pénétrer sa carapace ?

 

Elle n’aurait sans doute jamais la réponse, il était trop tard maintenant.

 

La jeune femme redressa la tête et balaya ses doutes. Il était inutile de prendre des gants, il n’aimerait pas cela et de toute façon elle ne se sentait pas capable d’aborder le sujet autrement.

 

-         Je suis venue vous dire adieu, dit-elle de but en blanc.

 

Il ne bougea pas. Comme toujours.

Cela ne fit qu’encourager Sam à poursuivre. Malgré son envie de hurler.

 

-         Je suis venue mettre un terme à cette histoire entre nous, parce que je suis fatiguée de cette minuscule flamme d’espoir qui continue de brûler en moi. Et comme vous ne savez que raviver la braise sans allumer le feu, je viens tout éteindre. Définitivement.

 

Elle ferma un instant les yeux, espérant et redoutant à la fois qu’il prenne la parole. Il n’en fit rien, l’observant toujours muettement.

La boule dans la gorge de Sam enfla.

L’odeur du café chaud parvint aux narines de la jeune femme et elle songea qu’une tasse aurait été la bienvenue, ne serait-ce que pour occuper ses mains.

 

Il fallait qu’elle termine. Il fallait qu’elle lui dise clairement ce qu’elle ressentait, au lieu d’employer encore et toujours des images.

 

Il se taisait toujours et Sam sentit la frustration la submerger. Et toutes ces choses qu’elle avait toujours refoulées.

Il était temps.

 

-         Je suis tombée amoureuse de vous, annonça-t-elle en le regardant dans les yeux, satisfaite de le voir enfin tiquer sur les mots qu’elle venait d’employer. Et à l’époque, je l’ai combattu. Parce que cela n’avait pas lieu d’être, parce que j’avais peur. Mais je n’ai jamais réussi à me débarrasser de ces sentiments, quels que fussent mes efforts. Et puis je croyais que c’était partagé.

 

Elle marqua une légère pause, calmant les battements désordonnés de son cœur et tentant de dominer l’étrange sensation qui l’envahissait à mesure que les mots franchissaient ses lèvres.

 

-         Alors je me suis raconté des histoires, j’ai espéré, attendu. Et quand j’ai enfin pris conscience que c’était inutile, qu’il me fallait avancer, je me suis aperçue que c’était ancré trop profondément en moi. Et vous n’avez rien fait pour arrêter tout cela, me laissant encore et toujours dans le flou. Je ne nie pas mes propres responsabilités dans cette simili-relation, mais je sais qu’il y a des choses que je n’ai pas imaginées. Et comme vous ne semblez pas décidé à me dire ce que vous ressentez, c’est moi qui vais le faire. Je suis fatiguée de vivre avec ce poison, alors je fais ce que vous n’avez jamais eu le cran de faire. Je mets un terme à tout cela.

 

Elle se tut, reprenant son souffle.

Elle ne se sentait pas soulagée par ce qu’elle venait de lui dire, au contraire. La frustration l’emportait, encore.

Ce qu’elle avait retenu pendant tant d’années débordait à présent, elle sentait le flot de ces émotions brimées refluer avec force. Elle voulait lui dire les heures passées à monter des scénarii. Les nuits passées à pleurer à chaque nouvelle déception. La peur qu’elle ressentait quand il était porté disparu. Les efforts pour camoufler ses émotions.

Le sacrifice de son bonheur sur l’autel de l’indifférence dont il avait fait preuve. Dont il faisait toujours preuve.

 

Elle tairait tout cela, certaines limites ne devaient pas être franchies.

 

Jack avait enfin lâché son regard, ses yeux l’évitaient à présent. Elle sentit malgré elle une légère impression de satisfaction, ne serait-ce que pour avoir réussi à lui faire baisser ce masque d’indifférence tant haï.

Mais il se taisait toujours.

 

Elle se sermonna à nouveau.

Encore une fois, elle s’était raconté des histoires, avait espéré. Non pas une déclaration ou même un mot sympathique. Même pas de la pitié. Il y avait longtemps qu’elle s’était fait une raison pour cela.

Mais elle aurait voulu qu’il parle, qu’il réagisse. Et tant pis si elle avait tenté de se convaincre du contraire, si elle s’était presque persuadée que la réaction de l’homme qu’elle avait aimé importait peu du moment qu’elle parvenait à le lui dire.

Elle n’était pas une machine, elle avait des sentiments. Et elle ne lui demandait que d’en tenir compte. Et surtout de le lui montrer.

 

Fichu espoir qui ne voulait pas mourir.

 

Le mutisme de l’homme qui lui faisait face la fit une nouvelle fois soupirer de frustration et elle se leva du plus calmement qu’elle put, se dirigeant d’un pas ferme vers la sortie.

Elle avait accompli la mission qu’elle s’était fixée. Même si celle-ci s’était révélée moins libératrice qu’elle ne l’avait espéré. Mais cela viendrait sûrement, il fallait laisser du temps au temps.

Et maintenant elle allait sortir de sa vie sans se retourner et avancer vers un autre avenir, une autre image où il ne serait pas. Elle ne savait toujours pas si Alan en ferait partie, mais cela avait-il de l’importance ?

 

Jack n’y serait plus, c’était cela qui comptait.

 

 

Sam venait d’atteindre la porte du salon quand elle entendit sa voix s’élever :

 

-         Qu’est-ce que vous attendez de moi ?

 

Elle s’arrêta et ferma les yeux, laissant les mots faire leur chemin dans sa tête. Il avait une réaction, enfin.

La jeune femme se retourna lentement et sentit soudain une immense déception la submerger. Il l’observait, le visage toujours désespérément neutre. Elle venait de lui dire ce qu’elle attendait de lui. Elle lui avait expliqué qu’elle attendait simplement qu’il cesse d’être indifférent, qu’il lui dise ce qu’il ressentait, même si cela devait la faire souffrir.

Et une fois encore, il la laissait décider.

 

-         Rien, finit-elle par dire désabusée.

 

Elle esquissa un pas pour sortir mais se ravisa, se tournant à nouveau en direction de son ancien supérieur.

 

-         Je n’attends plus rien de vous justement, fit-elle la tête haute, consciente que c’était leur dernière conversation. Parce que vous êtes incapable de me montrer autre chose que de l’indifférence. Parce que vous préférer cacher ce que vous ressentez, au point qu’on finit par se demander si vous avez même un cœur. Je crois que c’est la raison pour laquelle vos plantes sont mortes, par manque de considération. Elles se sont desséchées parce que vous n’avez pas compris qu’elles avaient besoin d’autre chose que d’eau pour vivre. Alors voilà, je vais sortir de cette pièce et ce sera terminé. Cela aurait pu être différent si vous aviez su exprimer ce que vous ressentiez.

 

Elle se détourna lentement et quitta la pièce, remontant le couloir d’un pas assuré. Laissant finalement couler sur ses joues des larmes qu’elle n’avait jamais eu conscience de retenir.

 

 

La porte de son appartement claqua et Jack sursauta malgré lui.

Sa main se crispa sur le chambranle de la porte du salon contre lequel il venait de s’appuyer.

 

-         Oui, cela aurait pu être différent, murmura-t-il au silence qui lui tenait compagnie.

 

Maintenant il était trop tard.

 

 
 
Conçu par Océan spécialement pour Imagine.
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