Gregory House s’était réveillé en pensant que cette journée serait comme les autres. Il s’était levé en retard, comme tous les matins ; avait pris une douche rafraîchissante ; s’était nourri d’antalgiques avant d’enfourcher sa moto en direction de l’hôpital qui l’embauchait.
Il franchit l’accueil avec prudence, cherchant du regard la présence du Dr Cuddy, son patron, la directrice de l’hôpital avec qui il était si souvent en désaccord. Le terrain semblant dégagé, House s’engagea d’un pas aussi rapide que sa jambe paralysée le permettait vers les ascenseurs.
- « House ! » entendit-il rugir dans son dos.
Il grimaça et se retourna lentement. Il n’avait pas été assez rapide. Cuddy s’avançait vers lui d’un pas décidé. Aucune marque de sympathie n’éclairait son visage mais la contrariété semblait y avoir élu domicile. House nota qu’il ne l’avait jamais vu avec une quelconque marque de sympathie sur le visage.
- « Vous avez commandez du matériel médical sans me prévenir ? » demanda la directrice tout en tentant de réfréner une violente colère.
- « Oui. » répondit House feignant de ne pas comprendre où était le mal.
- « Et comment vous allez justifier cela ? »
- « Je croyais que les services étaient libres de commander le matériel nécessaire à leur bon fonctionnement ! »
- « Sauf quand ce matériel est un cardiologue réputé avec un salaire hors de prix pour cet hôpital que vous installez sur un poste déjà occupé ! »
- « Poste occupé par un incapable que vous avez renvoyé. »
- « Cette décision ne peut être prise que par le conseil technique et ne sera d’actualité que dans deux jours je vous signale ! De plus, j’aimerais savoir comment vous avez réussi à convaincre un imminent cardiologue de venir s’installer chez nous ? »
- « Je lui ai dit que la directrice était une femme facile. »
Cuddy lui jeta un regard noir auquel House ne répondit que par un haussement d’épaule.
- « Allez ne faîtes pas cette tête Cuddy ! Vous savez comme moi que c’est un incapable ce type et qu’il mérite d’être viré. Alors dans le fond qu’ai-je fait de mal sinon vous avoir retiré une belle épine du pied ? »
Cuddy ouvrit grand la bouche prête à protester lorsqu’elle mesura les propos de House. Il n’avait pas complètement tort même si ces manières lui donnaient de l’urticaire. Mais elle ne pouvait pas le laisser s’en sortir à nouveau avec autant de facilité.
- « Je vais lui écrire pour dire que c’était une erreur et que nous ne pouvons pas le prendre ici. Nous trouverons un autre cardiologue moins cher. »
- « Et si vous ne trouvez pas avant l’échéance ? »
- « Vous effectuerez l’intérim. »
- « Je ne suis pas cardiologue. »
- « Sans compter que je vais ajouter cette énorme abus de pouvoir dans votre dossier de plusieurs mètres de long, ce qui m’obligera à convoquer à nouveau le conseil technique en passant votre dossier prioritairement avant celui de votre confrère cardiologue. »
- « La menace d’un licenciement ne sera pas efficace avec moi Cuddy. »
- « Et celle d’une collaboration avec un cardiologue incompétent ? Je crois savoir qu’il doit opérer une de vos patientes très récemment. Une opération franchement compliquée qui dépasse largement vos compétences et les siennes, je me trompe ? »
House se renfrogna. Cuddy pouvait être aussi vil que lui quand il s’agissait de défendre ses propres intérêts. Même si dans cette situation, c’était plutôt l’amour propre de Cuddy qui en avait pris un coup.
- « Que voulez-vous ? »
- « J’accepte votre cardiologue si vous relevez un défi durant les prochaines 48h qui précèdent le conseil technique. »
- « Encore ! Vous m’avez déjà privé d’antalgiques une fois ! Quel coup tordu je vais devoir faire pour vous paraître irréprochable ? Attendez une minute, vous ne voulez pas que je sois votre esclave sexuel au moins ? »
House avait haussé le ton pour sa dernière réplique, attirant tous les regards présents vers eux deux. Les joues de Cuddy prirent une légère teinte rosée alors qu’elle l’entraînait à l’écart de la foule.
- « Je pensais à quelque chose qui vous mettrait bien plus en difficulté. »
- « Etre votre esclave sexuel le serait déjà pas mal. Je ne suis pas sûr de pouvoir assurer avec une nymphomane insatiable comme vous ! »
- « Arrêtez House ! Ce que je veux que vous fassiez pendant 48h c’est être gentil. »
- « Etre gentil ? »
- « Oui. J’aimerais que vous ne fassiez preuve d’aucun cynisme envers vos collègues et vos patients pendant 48h. Je ne veux recevoir aucune plainte ni remarques désobligeantes à votre sujet, ni être le témoin de votre excessif manque d’amabilité. Vous devrez être un modèle de médecin et je ne veux en aucun cas vous voir vous isoler dans un coin ou prétexter une quelconque maladie. »
- « Vous comprenez que si vous gardez cet imbécile, c’est la vie de ma patiente qui est en jeu ? »
- « Mais être aimable pendant 48h ne devrait pas vous tuer par contre ! »
House imita un homme grièvement blessé par ces propos. Cuddy prenait un air plein d’assurance en le scrutant du regard. Il était coincé. Une grande lassitude l’envahit et c’est avec un profond dégoût qu’il accepta le défi. Cuddy sourit avec ironie tout en lui indiquant la direction des consultations où il devait démarrer sa journée.
Il prit le premier dossier et pénétra dans la salle d’examen. Une vieille dame à l’air renfrogné l’attendait sur la table d’examen. Sa voix aiguë et pleine de mépris s’éleva aussitôt.
- « Vous êtes qui vous ? »
Se souvenant du défi qui l’attendait, House fit son plus beau sourire et répondit.
- « Je suis le Dr House madame et je suis là pour répondre à votre demande. »
- « Je veux un autre médecin, il est hors de question que je sois examiner par un handicapé. »
House roula des yeux en examinant la vieille dame. Une remarque acerbe faillit passer ses lèvres lorsqu’il aperçut Cuddy derrière la vitre qui lui faisant non avec les doigts en souriant. House baissa le store mais Cuddy ne se laissant pas abattre pénétra dans la salle d’examen.
- « Il y a un soucis madame ? »
- « Je ne veux pas être examiné par un handicapé. »
Cuddy prit un air surpris et House la regarda avec une lueur moqueuse dans les yeux. Il allait prendre plaisir à regarder comment la directrice s’en sortirait sans grossièreté.
- « Je peux peut-être vous examiner à sa place dans ce cas. »
- « Non je veux un médecin. »
- « Mais je suis médecin madame. »
- « Une femme ne peut pas être un médecin très compétent. Je veux un homme. »
- « Bien alors je vais appeler le Dr Foreman. »
- « J’espère que vous n’avez pas de problème avec les médecins de couleur noire. Sinon nous avons le Dr Chase, un excellent médecin australien. » rajouta House.
La vieille dame grimaça avec dégoût provoquant un air horrifié chez Cuddy. House arborait toujours un sourire plein d’innocence en observant l’attitude des deux femmes devant ses propos.
- « Je veux un médecin blanc et américain ! »
La vieille dame sembla analyser ses choix et finit par soupirer.
- « C’est mon doigt. J’ai un très vilain panaris que vous allez devoir inciser. »
Cuddy leva les yeux au ciel devant autant de débordement pour un simple panaris. Le regard sombre que lui lança la vieille femme la convainquit de sortir de la salle et de laisser House souffrir seul. Après tout il l’avait bien mérité.
Quelques heures plus tard, House se dirigeait d’un pas décidé vers le self. Il mourrait de faim et d’envie de hurler sur quelqu’un. Il avait besoin d’un substitut à son habituelle arrogance et la nourriture lui semblait un bon compromis puisqu’il ne pouvait quitter l’hôpital. Tout en marchant, il repensa à son horrible matinée entre une grand-mère raciste et macho, une mère de famille hystérique qui avait failli lui sauter au visage et un type qui n’avait fait que hurler pendant tout l’examen pour une pauvre contusion de rien du tout.
Il remplit son plateau d’un air bougon tout en espérant de ne croiser personne. Heureusement pour lui, son meilleur ami, James Wilson était absent en raison d’un congrès d’oncologie très important et House était ravi de ne pas devoir subir les plaisanteries que son ami aurait eu tôt fait de faire devant ce stupide défi.
Il s’installa à une table un peu éloignée et entama son sandwich avec appétit. Il sentit que manger le soulageait un peu de sa colère et reprit une bonne bouchée. Une forme apparut devant lui alors qu’il ouvrait à nouveau la bouche. Levant les yeux pour voir qui troublait ainsi ce court moment de répit, il vit Cameron qui lui souriait timidement, un plateau à la main.
- « Je peux m’installer avec vous ? »
Elle était restée debout, attendant sa réponse, sûre d’être rabrouée comme elle en avait l’habitude. Une furieuse remarque acerbe germa dans l’esprit de House qui lutta pour ne pas la laisser franchir la barrière de ses lèvres. Avec un effort surhumain, il acquiesça, au grand étonnement de Cameron.
La jeune femme ne fit aucun geste, étonnée de cette réponse positive et le regarda d’un air suspicieux.
- « Vous êtes sûr ? Je ne voudrais pas vous déranger. »
- « Evidemment que vous ne me dérangez pas, Cameron. C’est toujours un plaisir d’ avoir votre compagnie. »
Comprenant que quelque chose de louche se cachait derrière tout ça, Cameron prit place à la table tout en sondant son supérieur du regard. Celui-ci avait repris le cours de son repas et semblait s’être désintéressé d’elle.
Elle attaqua alors sa salade, cherchant un moyen de comprendre ce qu’il se passait. House restait silencieux et vidait tranquillement un plateau surchargé.
- « House, vous avez un problème ? »
- « Vous ne semblez pas dans votre état normal. »
- « C’est très gentil à vous de vous inquiéter, Cameron mais je peux vous assurer que je me porte comme un charme. Je ne voudrais pas que vous vous fassiez du souci pour moi sans raison. »
Estomaquée par ces remarques trop emplies de gentillesse, Cameron resta sans voix. House en profita pour se lever, lui souhaita une bonne journée et quitta le self rapidement. Cameron termina son repas et décida d’aller voir Cuddy pour connaître le fin mot de l’histoire. La directrice devait sûrement savoir quelque chose.