Titre : Sculpteurs de Rêves
Auteur : Lisa
E-mail : littleshare@wanadoo.fr
Résumé : Sam se retrouve confrontée au portrait le plus intime de son officier.
Statut : Complet
Catégorie : Hurt/Comfort, Romance, drame (relativement)
Spoilers : Peut-être le film, et encore…
Rating : PG-13 pour situations sexuelles
Disclamers : Stargate SG-1 et ses personnages sont la propriété de MGM, Gekko Film Corp. et Double Secret Production. Je n’ai reçu aucune prime dans l’écriture de cette histoire. Toute ressemblance avec des personnes existantes est purement fortuite.
Note de l’auteur : Euh… c'est relativement psychologique comme truc, il faut essayer de lire entre les lignes quelques fois. Petite précision utile, j'imagine: l'italique représente des souvenirs. Gardez ça en tête pour que tout ceci ait un sens.
A Isa* et Carine, pour le pâté, le nougat, et pour être venues dormir chez moi pour la convention. Vous allez me dire que c'est pas à moi de vous remercier, mais c'était super sympa, ce temps passé ensemble !
NB : le début de la fic a été écrit il y a bien longtemps, ce qu'il s'y passe n'a aucun rapport avec Marlon. Mes plus sincères excuses à ceux chez qui de mauvais souvenirs referaient surface.
©Lisa, décembre 2003 - Ne pas publier sans mon autorisation… que je vous donnerai si vous demandez gentiment de toutes façons..
~*~
Longtemps, bien longtemps après, il était toujours là. Ses yeux qu'on aurait pu croire fixés sur la terre fraîchement remuée étaient en fait égarés dans le vague. Il commença à pleuvoir et les chants d'oiseaux cessèrent momentanément. Ils reprendraient après l'averse. C'était déjà arrivé deux fois depuis qu'il se tenait là, dans son costume gris et détrempé.
Pour lui, rien ne semblait plus lointain, plus incertain que le retour du chant des oiseaux après l'averse.
Une fine traînée d'eau glissa le long de son visage. Visage neutre, complètement serein. Effroyablement serein pour quelqu'un qui aurait connu Jack O'Neill. Les bras ballants de chaque côté de son corps, il lui semblait avoir cessé d'exister. Physiquement du moins. Mais il songeait sérieusement que cesser d'exister tout court serait une bien meilleure solution que de souffrir la lente agonie qui consumait son Être Intérieur. Ses ruines d'Être Intérieur dans son Corps Non-existant. Du beau travail.
Il avait choisi cette femme parce qu'il la savait parfaite pour lui. Lueur d'intelligence, douceur dans les yeux. Cheveux blonds dans lesquels il aimait faire glisser ses doigts à n'importe quelle occasion, plus particulièrement avant d'entrer en elle. Longues jambes, merveilleux sourire. Parfaite. Il l'aimait. Au passé et au présent. Il ne savait pas pour le futur. Il n'y avait plus de futur.
Elle gisait devant lui, à quelques pieds sous terre. Certainement sereine, elle aussi, avec ses os brisés et son visage que la mort - et le pare-brise - avait si violemment frappé qu'on lui avait déconseillé de le regarder une dernière fois.
Il avait suivi le conseil, étonnamment. Il avait vu Charlie avec une balle dans la tête et cela lui avait suffi.
Le grondement sourd du tonnerre réussit là où l'éclair avait échoué : il persuada l'homme que cette fois, les oiseaux ne rechanteraient plus avant un bon moment. Alors, son enveloppe charnelle décida probablement pour lui de quitter le cimetière, d'atteindre la voiture et de rentrer à la maison. Oui, probablement. Cela resta le moment le plus nébuleux de toute cette nébuleuse période.
Arrivé chez lui, il passa d'abord par la cuisine pour s'emparer d'une bière qui traînait dans le frigo pour ensuite aller la déposer sur la table basse et l'observer pendant des heures, des jours peut-être.
La mort… la mort occupait ses pensées. Occupait sa vie, occupait son monde.
Tout avait commencé lorsque Maggie, la nouvelle serveuse du restaurant du coin, avait ajouté du curry dans la soupe qu'elle allait servir à son père, dans les années soixante. Connor O'Neill était allergique au curry.
Nessa O'Neill s'était électrocutée avec un appareil ménager deux ans plus tard. Elle portait dans son ventre déjà rebondi un petit fœtus de sexe encore inconnu.
Ce n'étaient que trois des visages de la mort, si peu par rapport à tous ceux qu'il avait rencontrés durant ses trente années de carrière, mais déjà tant pour un petit enfant d'une dizaine d'années à peine…
Grâce à l'Air Force, il avait vu des membres arrachés par des éclats d'obus, des corps mutilés tombés à ses pieds après une explosion de grenade, des balles nichées dans un grand nombre d'organes vitaux…
Bam
On aimerait entendre autre chose que le bruit étouffé des pressions qu'on exerce violemment sur son thorax.
Bam
"Oh bon Dieu, me lâche pas mec…"
Bam
Un filet rouge s'échappe du coin de sa bouche. Ses yeux vitreux fixent le ciel. On a l'air con quand un homme nous clamse dans les bras. L'hébétement passé, on ouvre sa chemise, le sang dont elle est imbibée coule entre nos doigts. On lui ôte sa plaque, vite fait parce que les salopards qui lui ont fait un trou dans la poitrine sont encore derrière.
Bam Bam Bam
Son cerveau mit un certain temps à faire les rapprochements nécessaires. Des coups à la porte. Ce canapé était à changer, à en juger par ses rotules et autres articulations qui protestèrent sous l'effort. Peut-être émit-il quelques grognements, ou peut-être n'en prit-il pas la peine.
La porte s'ouvrit et révéla une silhouette féminine. Pendant un certain temps, ce fut tout ce que ses yeux peu habitués à la lumière du soleil lui permirent d'identifier. Il cligna plusieurs fois des paupières et porta deux doigts à ses tempes.
Des jambes, longues et fines, habillées de cuir noir. Il remonta un peu plus haut. Des hanches élégantes et une petite poitrine moulée dans un haut en lin beige. Il n'alla pas plus loin dans son analyse, il ne savait que trop bien ce qu'il allait y découvrir. Des cheveux blonds, une paire d'yeux doux et intelligents.
Si semblable à sa défunte femme que ç'en était effrayant.
"Carter… Bien le bonjour, vous avez perdu à la courte paille cette fois ?" ironisa-t-il en levant pour la première fois les yeux vers son visage.
Sa bouche qui s'était ouverte pour le saluer, manifestement, se referma doucement sous l'effet de la surprise. Elle fronça les sourcils.
"C'était à prévoir…" grommela-t-il en refermant la porte qu'il avait entrebaîllée. Quelque chose bloquait. Une chaussure. Peu après, la porte se rouvrit de force et il n'y opposa aucune résistance.
Ses sourcils étaient toujours froncés, et elle faisait apparemment de gros efforts pour ne pas laisser ses prunelles flamboyer trop ardemment. "Personne n'a tiré à la courte paille cette fois, colonel, et certainement pas moi. Peut-être est-ce insignifiant pour vous, mais des gens avec qui vous travaillez depuis six ans s'inquiètent pour vous. On appelle ça des amis, et certains n'ont pas l'intention de se faire claquer la porte au nez après avoir fait le déplacement."
"On est plus chez soi…" marmonna-t-il pour toute réponse, et il retourna dans le séjour se laisser tomber sur le canapé, devant sa bouteille de bière.
Sam refoula un petit pincement au cœur. Ce n'était pas vraiment le moment de se sentir vexée. Elle se considéra comme invitée à entrer et referma la porte derrière elle avant d'aller s'installer sur un siège qui lui faisait face.
"Qu'est-ce que vous voulez ?" demanda-t-il au bout d'un moment.
"Je vous l'ai déjà dit," fit-elle, un peu mal à l'aise malgré sa précédente démonstration d'assurance. "Je m'inquiète pour vous, ça fait déjà une semaine que vous n'avez pas donné signe de…"
"Sara est morte." déclara-t-il avec un calme déconcertant.
"Je sais. J'étais là quand ça vous a été annoncé."
"Alors vous voulez qu'on en parle. Parce que ça soulagerait mon vieux cœur. Parce qu'en plus d'être mon major, vous êtes mon amie et les amis ça sert à ça."
La certaine ironie contenue dans ses propos la rendit indécise. Etait-il sérieux, revenait-il à la raison ou n'attendait-il qu'une chose, la rembarrer sans scrupule après lui avoir laissé entrapercevoir une lueur d'espoir ? Elle hocha doucement la tête et il eut un petit sourire.
"Elle revenait de chez des amis," entreprit-il de conter. "qui étaient d'ailleurs nos amis communs avant que notre fils ne se tire une balle. Scénario classique, un ado probablement défoncé grille un feu, lui avait des airbags, elle pas. Il est à l'hôpital, elle est dans la tombe. Selon le médecin légiste, personne n'aurait pu reconnaître son visage. En dehors de ça, plusieurs côtes et un tibia brisés, un coude avec un angle bizarre, le crâne fracturé, la nuque…"
"Colonel !" s'exclama-t-elle sous l'impulsion d'un haut le cœur et des larmes qui perlaient au coin de ses yeux. Elle ne savait pas ce qui lui faisait le plus mal, la tragédie sanglante qui s'était abattue sur cette pauvre femme qui avait déjà perdu son fils et son mari ou bien l'effet que cela semblait avoir eu sur ce dernier. Il semblait… anéanti. Purement et simplement.
Jack se leva lentement, plus pâle que jamais.
"Dites à Hammond que je vais survivre, ce n'est plus la peine de m'envoyer des missionnaires."
La colère se mêla à la peine dans les traits de la jeune femme. Elle se leva à son tour, sans un mot, et s'éclipsa.
Jack resta un moment debout, près d'une porte vers laquelle il ne se souvenait même pas s'être dirigé. Il commença à trembler, si bien qu'il dut s'y appuyer pour ne pas tomber à genoux. Blesser Carter. Il touchait le fond. Comme si elle méritait d'être traitée de cette manière après tout ce qu'elle avait fait pour lui… Mais là encore, qui méritait quoi en ce bas monde ? Le petit garçon encore innocent qu'était son fils avait été puni pour avoir joué avec les armes des grands, le couple qu'il formait avec Sara avait été puni pour l'avoir laissé faire. Et Sara, pourquoi avait-elle été punie au juste ? Où était la justice dans tout ça ?
Il tomba effectivement à genoux. La vie telle qu'elle s'était présentée à lui n'avait été qu'une sorte de lente agonie. Peut-être avait-il été un peu ravivé ces dernières années, notamment grâce à celle dont il venait très certainement de perdre l'amitié. Mort, trahison, culpabilité, douleur, douleur, douleur…
Une sonnette résonna à ses oreilles. Il s'en souciait peu, mais il se releva instinctivement en s'aidant de la poignée qui s'enfonça naturellement.
"Jack O'Neill ?"
Allons bon…
"Ce qu'il en reste."
"Bienvenue au club."
Il fut sur le point de demander plus d'explications tellement il était peu habitué à ce que l'on réponde à ses sarcasmes mais se retint au dernier moment.
"Je peux vous aider ?" demanda-t-il sur un ton désintéressé.
"La questions la plus appropriée ne serait-elle pas 'Qui êtes-vous ?'"
"Je suppose."
"Si vous m'invitiez à entrer ?"
Jack se passa une main sur le visage. Il sentait déjà un mal de tête s'emparer de lui à écouter cet homme débiter des choses insensées, proposant des questions pour ensuite les ignorer. Il pensa qu'il ne devait plus avoir beaucoup d'autorité dans son propre domicile car lui aussi semblait décidé à pénétrer chez lui sans en avoir reçu l'autorisation.
Il le regarda, interdit, se diriger vers le salon et s'asseoir à la place même où il était resté assis pendant un temps qu'il avait renoncé à calculer, avant l'arrivée de Carter. En temps normal, il aurait protesté, et c'était peu dire, mais il se sentait si déconnecté de la réalité qu'il finit par le rejoindre.
Il était grand, nota-t-il en le dévisageant. Grand, mais sans être réellement imposant, minceur oblige. Habillé tout de noir, les cheveux châtains coupés court, la quarantaine bien passée, les yeux… rouges.
"On s'est déjà vu quelque part ?" demanda-t-il en plissant le front.
L'homme ne répondit pas et détourna le regard. Sa main droite se crispa légèrement sur l'accoudoir du canapé.
"Vous n'avez pas l'air en forme." commenta Jack.
"Sans vouloir vous offenser, vous avez l'air pire."
Sans vouloir l'offenser, hein ? Il fronça les sourcils et sembla réaliser pour la première fois qu'un inconnu débarquait chez lui, s'installait sur son divan et ne trouvait rien d'autre à faire que de commenter l'état du propriétaire des lieux.
"Ecoutez," dit-il d'une voix plus ferme. "Je ne sais pas qui vous êtes, vous êtes ici chez moi, alors vous répondez à mes questions ou je me ferai un plaisir de vous indiquer la sortie sans plus de cérémonie."
"Stuart Hoffman. On s'est vu il y a trois jours." Le dénommé Stuart se tut sous les yeux écarquillés de son interlocuteur.
"Vous êtes…"
"Son frère."
"Et pourquoi…"
"Ma femme est japonaise, j'habite là-bas."
"Vous pourriez me laisser finir mes phrases au moins !" s'exclama-t-il avec une pointe d'irritation.
"Pardonnez-moi, ces derniers jours ont été un peu difficiles…"
Jack fit une moue qui en disait long. Il choisit de continuer, ce n'était pas exactement le moment de s'engager sur le délicat chemin de l'apitoiement sur soi-même. "Et quand bien même, vous habiteriez sur Mars… Je n'ai jamais entendu parler de vous !"
"Normal. On a eu une violente dispute bien avant que vous deux ne vous rencontriez, et je n'ai repris contact avec elle que lorsque mon père m'a annoncé tout ce qui s'était abattu sur Sara. Depuis je prends… je prenais l'avion plus souvent pour lui rendre visite."
Jack hocha la tête. Sara avait un frère et le lui avait toujours caché.
Il s'en contrefichait.
"C'est bien joli tout ça, enchanté de faire votre connaissance d'ailleurs, mais à quoi ça nous mène exactement ? Pour dire les choses simplement, qu'est-ce que vous me voulez ?"
Stuart le regarda longuement. Cet homme, Jack, avait les yeux cernés, le visage fatigué et une expression si complexe au fond les yeux qu'il se garda bien de tenter de l'identifier.
"Sara m'a parlé de vous." Il attendit une réaction qui ne vint jamais. "Elle m'a dit qu'elle avait peur pour vous, qu'à vous imaginer seul devant la vie, elle avait peur que vous ne vous en sortiez pas."
Perspicace demoiselle que Sara, pensa Jack, elle le connaissait bien.
"Et donc…" continua-t-il, l'invitant à s'exprimer.
"Et donc maintenant que… qu'elle est… enfin j'ai pensé que ça avait dû être un coup dur pour vous."
La perspicacité était dans les gènes de la famille.
"Et vous faites comme tous les autres, vous venez voir si je ne serais pas enclin à rejoindre ma femme et mon fils ?" Ce beau-frère inattendu commençait sérieusement à l'agacer, un peu à la manière de Carter l'instant d'avant, sauf que celui-ci n'avait aucun droit de regard sur sa vie. Pas plus que son major d'ailleurs, mais… mais ce n'était pas le moment de penser à elle.
"Pas exactement Jack, même si je sais que ça en a l'air. Je ne viens pas en ami, tout simplement parce que je ne me considère pas comme tel. Je ne viens pas vous donner quelques conseils pour surmonter ce deuil. Je vous donne l'ordre de surmonter ce deuil."
"Excusez-moi ?" demanda-t-il sur ce ton incrédule qui n'appartenait qu'à lui.
"Sara vous aimait encore, et elle semblait tellement accablée lorsqu'elle pensait à vous…" Stuart ignora Jack qui levait les yeux au ciel. Il avait conscience que ce qu'il disait n'allait pas lui remonter le moral. "Sa dernière volonté aurait très certainement été de vous voir heureux, et vous ne semblez pas en prendre la voie."
Plusieurs répliques se bousculèrent à la bouche du militaire. 'Sans blague ?' lancé avec l'air le plus railleur qu'il avait en réserve faillit faire l'affaire, mais il se contint au dernier moment. Qui diable était-il pour décider ainsi que…
"Je ne suis pas heureux ? Avez-vous la moindre idée de ce à quoi j'ai passé mes journées pendant plus de six ans maintenant ?"
"Vous avez repris votre carrière militaire ? C'est ça qui vous rend heureux ?"
"C'est vos oignons peut-être ?"
"Non, et il n'empêche que je ne vous crois pas."
"Je le suis pourtant !" s'emporta Jack.
"Ou vous l'étiez. Parce que j'imagine que vous n'êtes pas retourné à ce boulot qui a l'air de tant vous rendre heureux, et que vous n'en considérez même pas la possibilité."
"Mais c'est pas possible…" grogna-t-il en s'enfonçant dans son siège, "On vous a appris à rester en dehors de la vie privée des gens ?"
Stuart haussa les sourcils et Jack, intérieurement, s'avoua vaincu. Non, l'idée de retourner au SGC n'avait pas une seule fois croisé son esprit. "Pour votre gouverne, je reprends le travail demain" mentit-il avec le plus grand sérieux.
"Bien ! Dans ce cas si Jack O'Neill ne fera pas la bêtise de retomber dans la déchéance qui a suivit la mort de mon neveu, s'il est heureux, j'ai la conscience tranquille." déclara-t-il, non sans avoir vu clair dans le jeu de son interlocuteur. Mieux valait en effet s'assurer que sa fierté l'obligerait à faire ce qu'il avait dit.
Il se leva, lui tendit son numéro de téléphone et lui serra la main, laissant derrière lui un beau-frère songeur qui avait la nette impression de s'être fait manipuler.
~*~
La jeune Ska s'accorda quelques instants de concentration, sous l'œil paternel de son mentor. Le premier transmetteur était fixé à ses tempes et l'autre extrémité du fil argenté se trouvait relié au spécimen qu'elle avait trouvé le plus attirant.
Ce n'était pas une mince affaire que de ne pas se perdre dans cet esprit totalement inconnu, et si différent de tous les autres. Les parois étaient plus épaisses, les impulsions électriques plus instables et fugitives…
"Ska ?"
"J'y suis presque Iho, j'y suis presque…"
Quelques secondes plus tard, elle y parvenait effectivement et le sourire de satisfaction qui s'afficha sur son visage s'estompa quand les sons et les images inconnus envahirent son esprit. Ses yeux se fermèrent et sa tête tomba sur son épaule droite.
Iho observa et attendit.
~*~
"Je ne comprends pas O'Neill, comment un bol d'air pourrait-il être consommé ?"
"C'est une expression Teal'c… Daniel ?"
"Jack, cette explication est simple, vous pourriez tout de même vous en charger !"
"Je sais bien, mais vous partez toujours dans maintes et maintes digressions alors que j'ai tendance à aller droit au but. Et vu le manque évident de piafs sur cette planète, on aurait bien besoin d'un bruit de fond pour les deux prochaines heures…"
Un sarcasme. Tiens donc. J'hausse les sourcils et m'accorde un instant de réflexion avant d'expliquer l'origine de l'expression "Bol d'air" au Jaffa.
Ce n'est pas que ce genre de remarques puisse encore me blesser, loin de là. J'ai l'habitude et je sais pertinemment que Jack m'apprécie, en fin de compte, même si je ne l'ai jamais entendu me l'avouer que sur son lit de mort un an et quelques auparavant. J'aurais simplement pensé que… qu'il aurait eu d'autres choses en tête que de me taquiner après ce qui est arrivé.
Revenant de sa visite, Sam nous avait déconseillés d'en faire autant. Je la connaissais assez bien pour voir que le moment, si court fut-il, qu'elle avait passé avec lui n'était pas à classer parmi les plus heureux de sa vie. Et puis sans que personne ne sache pourquoi, il a débarqué le lendemain à la base. Pas exactement guilleret, seulement… Jack O'Neill. Le Jack O'Neill d'avant l'accident.
Tout le monde s'en est étonné. Moi, je m'en suis inquiété. Je redoutais que la façade qu'il affichait soit proportionnelle à sa destruction intérieure. Pourquoi est-il revenu si rapidement ? Mystère. Je n'ai jamais vraiment compris cet homme, et ce n'est pas demain la veille que je commencerai.
Je secoue la tête d'un air de démission. "Un bol d'air est une image Teal'c, ça signifie que l'air de cette planète est particulièrement pur, en contraste avec…"
~*~
"Je ne comprends pas O'Neill, comment un bol d'air pourrait-il être consommé ?"
"C'est une expression Teal'c… Daniel ?"
"Jack, cette explication est simple, vous pourriez tout de même vous en charger !"
"Je sais bien, mais vous partez toujours dans maintes et maintes digressions alors que j'ai tendance à aller droit au but. Et vu le manque évident de piafs sur cette planète, on aurait bien besoin d'un bruit de fond pour les deux prochaines heures…"
Je sens mes lèvres se courber sans même que je ne leur en donne l'ordre. Je sens son cœur être envahi d'une indéfinissable sensation de chaleur qui se répand bientôt dans tout mon être, malgré cela, un frisson me parcourt l'échine.
Oh… Je ne connais que trop bien cette sensation-là.
Je secoue la tête et ralentis un peu mon allure pour instaurer une petite distance entre moi et le reste de mon équipe. Il est temps de prendre les choses en mains, et comme l'a souligné le colonel, on a bien deux heures de marche devant nous. Autant de temps qu'il serait tout aussi utile de passer à me faire une petite thérapie personnelle.
Ok, donc selon Janet, ça n'est pas bien difficile… Il suffit tout d'abord de prendre une grande inspiration. Chasser ensuite toute pensée de son esprit. Voilà, ne penser à rien. Fixer distraitement le sol devant soi, marcher, établir le néant tout autour de soi.
Une fois le néant établi, se représenter mentalement l'objet des tourments.
Colonel Jack O'Neill.
Jamais homme ne m'a à ce point intriguée. Jamais homme ne m'a tant fait souffrir. Et parce que je souffre bien assez comme ça, j'ai simplement décidé d'éradiquer tout ce qui se trouve en moi et qui a un rapport non avec Colonel, mais avec Jack O'Neill.
Je cherche, et je trouve…
De la pitié ? Il ne l'accepte pas, et ce genre de sentiment finit toujours par se retourner contre ceux qui lui en portent. Sentiment à éradiquer..
Du respect ? Bien évidemment, c'est mon officier. Sentiment à ne pas éradiquer.
De l'admiration ? C'est un soldat hors pair, mais ça reste professionnel. Sentiment à ne pas éradiquer.
De l'affection ? Pas plus qu'un major doit en porter à son colonel… Comment pourrais-je, alors que pour commencer, il n'apprécie pas le monde scientifique à sa juste valeur et a les idées étroites ? (Il dissimule son intelligence et préfère que ses ennemis le sous-estiment pour avoir l'avantage sur eux.) Il se met toujours dans des situations impossibles et compte sur ses hommes pour le sortir de là. (C'est un bon meneur d'hommes. Il connaît son job et sait se fier aux capacités des membres de son équipe.) Il distribue autour de lui des remarques souvent désobligeantes et blessantes, confer la façon dont s'est déroulée la petite entrevue de la dernière fois. (Il n'a fait ça que dans le but de se protéger, on ne peut pas en vouloir à un homme qui a perdu sa femme.) Sentiment à éradiquer *impérativement*. (Impossible)
Je serre les dents et sors de mon néant. Malgré tout ce que Janet a pu m'en dire, le paragraphe 'Affection' est bien ancré et prédomine. Je suis ridicule, plus je trouve d'arguments en faveur de ses défauts, plus mes arguments contraires sont fournis et passionnés. Cette petite expérience sensée me faire prendre du recul face à mes sentiments se transforme en analyse glorificatrice de celui vers lequel ces sentiments sont dirigés.
Pathétique.
"Un bol d'air est une image Teal'c, ça signifie que l'air de cette planète est particulièrement pur, en contraste avec…"
~*~
"Je ne comprends pas O'Neill, comment un bol d'air pourrait-il être consommé ?"
"C'est une expression Teal'c… Daniel ?"
"Jack, cette explication est simple, vous pourriez tout de même vous en charger !"
"Je sais bien, mais vous partez toujours dans maintes et maintes digressions alors que j'ai tendance à aller droit au but. Et vu le manque évident de piafs sur cette planète, on aurait bien besoin d'un bruit de fond pour les deux prochaines heures…"
Et j'aurais de loin préféré les piafs. Mais que voulez-vous y faire, c'est comme ça. Carter sourit, Daniel réfléchit un moment, Teal'c attend. Et nous marchons gaiement en direction de la cité.
Gaiement est l'adjectif le plus approprié pour donner à tout ceci une allure d'image sortie directement du Magicien d'Oz. D'un autre côté, c'est très certainement le plus inapproprié pour décrire mon équipe et moi marchant à la rencontre d'une énième mission de premier contact.
Quelque chose plane, je le sens. Un malaise, instauré par ma propre personne. Mais là encore, que puis-je y faire ? Qu'attendaient-ils de moi, un retour à l'état dans lequel j'étais après la mort de Charlie ? Stuart, cet imbécile manipulateur, m'a fait comprendre que je n'avais pas envie de replonger, et que la meilleure façon de…
Oh et puis quoi, ai-je besoin de me justifier ? Je suis là, un point c'est tout.
Carter marche en retrait, le front plissé, Daniel réfléchit toujours et Teal'c patiente calmement.
Observer son équipe en permanence. C'est un des premiers points du 'Guide du Parfait Petit Colonel' qu'Edwards est en train d'écrire. Amusant comme bouquin. Il m'a récemment demandé d'y ajouter mes propres observations.
Voyons…
Observer Carter, écouter l'avis de Carter avant de prendre une décision, faire attention à Carter (et à Daniel de temps à autres), faire semblant de ne rien comprendre à ce que raconte Carter pour faire sourire Carter, laisser Carter prendre les commandes pour la préparer à sa promotion prochaine, sauter sur toutes les occasions qui permettent de tapoter l'épaule de Carter…
Bien sûr, et pourquoi ne pas présenter ses excuses à Carter pendant qu'on y est ?
"Un bol d'air est une image Teal'c, ça signifie que l'air de cette planète est particulièrement pur, en contraste avec…"
~*~
Ska interrompit une fois encore le processus à cet endroit, rien ne l'intéressait moins que d'écouter la définition de l'expression 'Bol d'air'. Elle cligna plusieurs fois des yeux pour chasser les petits points lumineux de sa vision et réfléchit quelques instants sur ce troisième spécimen. Intéressant. Plein de contradictions. Pas aussi surprenant que la femelle, mais tout aussi déconcertant.
"Qu'en penses-tu Ska ?"
"Mon verdict… Si l'on se fie à cette parcelle de leur mémoire, celle qui a précédé leur arrivée ici, leurs intentions ne sont nullement belliqueuses." dit-elle en levant les yeux sur Iho. Elle se mordit la lèvre et tourna la tête vers la porte qui donnait sur le laboratoire voisin. "A-t-il été décidé si oui ou non il était sage d'appliquer le processus sur le quatrième ?"
"Ton père a étudié sa morphologie. Il a un autre être à l'esprit puissant en lui. C'est tout à fait extraordinaire, mais tu connais nos principes…"
"Oui… La première règle à respecter est de ne pas faire quoi que ce soit sur plus d'un esprit à la fois. On ne joue pas avec ces choses-là."
"Exact. Et même si ce cas n'a jamais été envisagé - penses-tu, un corps et deux consciences ! -, il serait sage de ne pas prendre de risques. Ton père est d'accord avec moi sur ce point."
"Hum…" acquiesça-t-elle, se laissant entraîner dans une courte réflexion avant de continuer. "De toutes façons, il était avec eux". Elle désigna les trois corps immobiles allongés près d'elle. "Il ne doit pas présenter bien plus de dangers."
"En toute logique, non." Il la regarda un instant, comme pour s'assurer qu'elle ne changeât pas d'avis, puis étendit le bras et arracha les trois fils argentés, matériel simple et efficace servant à la fois à relier les sujets à sa jeune élève et à les maintenir dans l'inconscience la plus paisible.
"Carter… ?" marmonna l'un d'eux en émergeant difficilement.
Ska tiqua. Ces aliens avaient des problèmes relationnels pour le moins complexes et paradoxaux, en particulier celui-ci et la femelle.
~*~
"Carter… ?"
C'était en quelque sorte devenu un réflexe inconscient au fil du temps. Il se sentait sortir de l'inconscience, que faisait-il ? Il appelait Carter. Il se souvenait ensuite qu'il fallait aussi s'inquiéter pour les deux autres.
"Daniel ? Teal'c ?"
Seulement les deux premières personnes sollicitées lui répondirent. Encore une mission qui promettait… Avant de réfléchir à la meilleure façon de prendre les choses en main, il prit une grande inspiration et évalua la situation.
Il était tout simplement allongé sur une froide plate-forme de métal argenté. Chose plutôt rare, il réalisa en ramenant ses genoux et ses bras vers lui qu'il n'était prisonnier de rien et pouvait bouger à sa guise. Daniel se trouvait à sa droite, Carter à sa gauche. Aucun signe de Teal'c.
"Bonjour, je m'appelle Daniel Jackson." entendit-il en se frottant les yeux avant de se redresser comme l'avaient déjà fait ses deux coéquipiers. "Voici…"
"… Samantha Carter et Jack O'Neill, oui nous savons." coupa une jeune fille dont la longue chevelure noire aux reflets bleus le laissa admiratif.
"Il n'y a que toi qui sais Ska, laisse-les s'exprimer." protesta un homme visiblement plus âgé qui se tenait à ses côtés.
"Il n'y a qu'elle qui sait quoi ?" demanda Jack en s'installant en tailleur pour plus de confort.
"Tout ce que nous devions savoir."
"Comment ça ? Je veux dire, tout quoi ? Qu'aviez-vous besoin de connaître à notre propos ?"
"Vos identités, vos origines et vos intentions."
"Hum hum… Je crois que la question qui s'impose est 'comment ?'"
L'homme sourit et posa une main sur l'épaule de la jeune fille. "Ska est née avec un talent particulier pour l'Elmel, c'est notre plus grand espoir en la matière"
"L'Elmel ?"
"La faculté d'interpréter les ondes électriques du cerveau, si vous préférez. Notre race pratique cette activité depuis des siècles déjà, et à chaque génération un enfant prodige nous est offert."
"Donc pour résumer, elle a lu dans nos pensées."
"Dans votre mémoire, en vérité." interrompit Ska d'un air hautain. "Vous êtes d'étranges spécimens. Vous-même et Carter devriez communiquer, vos esprits sont compliqués et toujours confus quand la pensée de l'autre apparaît."
"Ah, ça ne m'étonne pas…" lança Daniel qui se fit aussitôt fusiller du regard, si bien qu'il préféra immédiatement changer de sujet. "Quelqu'un d'autre nous accompagnait, qu'est-il advenu de lui ?"
"Est-il d'un quelconque danger pour nous ?" questionna Iho.
"Non, vous pouvez en être sûr, mais il pourrait chercher à nous rejoindre et il ne serait pas bon de l'en empêcher… Je dis ça pour vous".
Iho inclina la tête en souriant et leur tourna le dos pour se diriger vers une porte qui semblait donner sur une pièce identique. Peu après, il réapparut en compagnie de Teal'c et d'un autre homme qui se présenta à eux comme le père de Ska.
"Nous vous prions de nous excuser pour cet accueil, mais lorsque vous vous êtes présentés à l'entrée de notre cité nous n'avions pas d'autre choix que de prendre connaissance de vos desseins à notre égard."
"C'est tout à fait compréhensible, ne vous excusez pas…" répliqua Sam en souriant.