Chapitre 1 : Tension
Elle avait mis délibérément sa vie en danger. Elle avait reculé le moment de leur départ pour permettre la survie de quelques personnes. Et elle avait désobéi à ses ordres.- Grodin, pourriez-vous dire à Teyla de venir dans mon bureau, s’il vous plaît ? dit-elle dans son micro.
Elle émit de nouveau un soupir de résignation et se remit au travail en attendant l’arrivée de la jeune Athosienne.
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John Sheppard se détendait sous la douche où il essayait tant bien que mal de relaxer ses muscles endoloris.
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L’affrontement avait atteint des proportions démesurées.
- Je vous répète que vous n’aviez pas à désobéir à ses ordres ! Bien que vous ne fassiez pas partie de l’armée de l’air des Etats-Unis, ni même du peuple de la Terre, vous avez décidé de rejoindre notre expédition et de faire partie de l’équipe de commandement. Pour cette raison vous devez obéir à son leader et à ses ordres, et ce sans discuter. Vous avez failli causer votre perte à tous les deux, Teyla ! Et ça c’est une chose que je ne peux laisser passer.
Elle avait prononcé cette dernière phrase avec une colère effroyable dans la voix. Teyla eu un mouvement de recul, mais se reprit vite. Une lueur d’assurance brillait dans son regard.
- John et moi partageons des sentiments très profonds qui vous sont totalement étrangers, docteur, dit-elle avec insistance. L’attachement que je lui porte surpasse même mon affection pour Orin et les autres. Je n’aurais jamais fais quoique ce soit qui ait pu mettre sa vie en danger si je n’avais jugé cela absolument nécessaire. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, il m’attend pour notre entraînement au combat.
Elle sortit précipitamment du bureau.
John et moi… des sentiments très profonds… Attachement… Il m’attend…
Ces mots raisonnaient encore dans sa tête alors qu’elle se rendait discrètement au gymnase.
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- Vous ne pouvez plus rien faire Teyla, admettez que j’ai gagné le combat, fit John avec un sourire.
Il était torse nu et luisant de sueur. Les deux bâtons qu’il tenait dans les mains maintenaient Teyla fermement plaquée au sol, il apparaissait effectivement qu’elle était vaincue.
- Je crois que c’est vous qui êtes vaincu, John…
Il ne savait pas pourquoi, mais la situation le rendait extrêmement mal à l’aise. Quelque chose n’allait pas.
Il comprit se qui se passait au moment où Teyla approchait ses lèvres des siennes et s’apprêtait à l’embrasser.
- Major ?
Merde. C’est le seul mot qui lui vint à l’esprit. Il venait de se faire surprendre par Elizabeth en position pas très innocente avec Teyla. Laquelle venait de se relever et lançait un regard glacial au docteur Weir.
- Je peux savoir ce que vous faites ici, docteur ? demanda t-elle sans cacher sa colère.
Elle n’avait à vrai dire aucun prétexte valable pour se trouver à cet endroit. Restait le fait qu’elle n’avait ni à se justifier devant Teyla, ni à se faire parler sur ce ton.
- Je dois voir le Major Sheppard pour des problèmes de la plus haute importance… mais visiblement il a mieux à faire, dit-elle en lançant un regard courroucé à l’intéressé.
Elle sortit de la salle sans plus de cérémonies.
- Attendez ! supplia désespérément John. Il se releva et se mit à courir pour rattraper Elizabeth.
***
Elle aussi courrait, et elle tentait de refouler les larmes qui lui obscurcissaient la vue.
- Je veux que vous sachiez que…
Il se releva.
- Mon cœur est déjà pris par quelqu'un d’autre, dit-il avec un regard énigmatique.
Elle dû se contenter d’admirer les mouvements quasi-hypnotiques de ses muscles dorsaux tandis qu’il s’en allait, car il ne lui laissa pas le temps de répliquer quoique ce soit.
Elle sécha son ultime larme et partit vers ses quartiers, des interrogations plein la tête.
***
Elle était allongée sur son lit pour prendre un peu de repos. Les annales du disque-monde de Terry Pratchett ne parvenaient pas à chasser de son esprit l’idée fixe qui l’obsédait. Elle posa le livre.
Une grognasse voila ce qu’elle est. Une gro-gnasse… bon essayons de penser à autre chose… le commandement, quelle fabuleuse idée ! Pas toujours facile de gérer ses subordonnés, dont certains ont quelques débordements. Je prendrais pour exemple une connaissance à moi, une GROGNASSE… bon ne pas penser à autre chose, c’est impossible… Ou pourquoi ne pas penser à John ? Ce cher John qui s’est fait mettre au tapis par Teyla, laquelle a failli l’…OK. Stop on arrête là.
De la musique peut-être ?
Elle lança « Heaven is a place on earth » de Raja Mushtaq.
Le problème avec la Terre, c’est qu’on en était à des années lumières…
***
De nouveau sous la douche, pour chasser la sueur et l’énervement, John aussi écoutait de la musique.
Le morceau endiablé de Yes, Owner of a lonely heart, le rappela à la réalité.
Il ne voulait rien de plus avec Teyla. Son amitié lui était chère, mais il refusait que ça aille plus loin.
En tentant de satisfaire ses propres désirs, elle avait détruit l’ébauche de ce qui était les siens. Maintenant il n’y avait plus rien ou presque entre lui et Elizabeth. Il avait bien tenté de réparer les pots cassés tout à l’heure, mais à la réflexion, sa petite phrase énigmatique lui avait peut-être laissé des doutes quant à ses véritables sentiments, et elle lui avait peut-être fait croire qu’il était déjà engagé auprès de quelqu'un d’autre. Avait-elle toujours confiance en lui ? Y avait-il toujours ce sentiment si particulier entre eux comme avant ?
Il fallait qu’il sache.
***
Peut-être qu’elle s’était trop emportée tout à l’heure. Peut-être pas.
Peut-être avait-elle été aveuglée par ses propres sentiments, et interprété la scène qu’elle avait vue de façon incorrecte.
Peut-être que John avait dit la vérité. Peut-être pas.
La musique avait changé. Dirty Robot de Arling and Cameron.
Why don’t you just shut up…
C’était bien ça le problème… elle avait besoin de lui.
Avait-il besoin d’elle ?
Il fallait qu’elle sache.
***
Elle marcha d’un pas décidé vers les quartiers de John.
Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui demander ? Question intéressante qui méritait d’être approfondie. Cependant elle n’aurait pas le temps de le faire une fois devant lui, et en tant qu’habile diplomate, elle préférait de loin les discours préparés à l’avance aux improvisations hasardeuses. Elle décida de s’arrêter tout d’abord sur un balcon pour faire le point sur ce qu’elle ressentait, et comment elle allait pouvoir l’exprimer une fois devant lui.
Elle mit les deux mains sur la balustrade, prit une profonde inspiration, et entama un début de discours à voix haute.
- Comment vous dire ça John ? Voila, je voudrais m’excuser mon attitude de ce matin, je me suis emportée… parce que…
Non, trop mélodramatique. Il fallait quelque chose de plus enjoué, de plus percutant !
- Oh John, ça alors c’est amusant de vous voir, je pensais justement à vous, en fait je voulais vous dire que je suis désolée pour ce qui est arrivée ce matin et je souhaitais vous présenter mes sincères excuses pour mon comportement.
Non. En fait ce n’était pas du tout ça le but de sa visite. Il fallait qu’elle sache si oui ou non, les sentiments qu’elle éprouvait à son égard étaient réciproques.
- Je ne vais pas y aller par quatre chemins John…
Quoique, se raisonna t-elle intérieurement. Dans l’éventualité où elle se tromperait complètement, mieux valait ne pas lui faire du rentre-dedans directement, et se garder une porte de sortie au cas où… Il fallait y aller en douceur.
- J’éprouve de tendres sentiments à votre égard ; poursuivit-elle, toujours à voix haute ; et mon cœur ne pourra pas souffrir plus longtemps de les garder cachés, sans avoir s’ils trouvent un écho dans le votre. Dites moi la vérité John… fit-elle d’une voix lasse en regardant la mer qui scintillait sous les reflets du soleil couchant.
Elle s’apprêtait à se retourner pour aller dans les quartiers de John quand une voix masculine s’éleva derrière elle et les mots qu’elle prononça lui glacèrent le sang.
- Oui, Elizabeth. Ces sentiments dont vous parlez en termes si délicats trouvent effectivement un écho dans mon cœur…
La voix était grave et douce à la fois.
C’était comme si une sonnerie d’alarme avait commencé à retentir à l’intérieur de son crâne. Tous ses sens étaient en alerte, son rythme cardiaque avait atteint des sommets, elle n’osait même pas imaginer où en était sa pression artérielle…
Il était arrivé sur le balcon sans qu’elle sans aperçoive, trop absorbée par ses pensées et son entrevue prochaine avec le séduisant militaire.
A coup sûr il avait entendu sa dernière tirade passionnée, et elle redoutait ce qui allait suivre, notamment après la déclaration sans équivoques qu’il venait de lui faire.
Elle ne pouvait plus reculer, autant psychologiquement que physiquement. En effet il l’avait coincée sur le dos contre la balustrade, et empêchait toute tentative d’évasion en maintenant ses deux bras sur la rampe de chaque côté d’Elizabeth.
Laquelle avait la gorge sèche et les yeux plantés droits dans ceux de son interlocuteur.
- Et maintenant ? parvint-elle avec articuler avec difficulté.
De la sueur perlait sur son front. Il rapprocha sa bouche de son oreille pour lui susurrer discrètement :
- Si j’étais le capitaine Kirk je vous aurais certainement déjà embrassé, mais… voyez-vous, tout de suite là et maintenant ce n’est pas possible… chuchota t-il encore plus bas.
Elle fronça les sourcils. Ils étaient dans une situation extrêmement tendue et extrêmement particulière qui exigeait que… Zut à la fin ! Il devait l’embrasser, c’était la suite logique des choses ! Lui-même n’avait pas l’air contre, alors… qu’est-ce qui pouvait bien le retenir ?
C’est alors qu’elle vit, au travers des cloisons transparentes entre le balcon et la cité, Teyla et Rodney qui… que faisaient-ils au juste ? Visiblement Teyla était accoudée à un mur et regardait au travers de la cloison d’un air mécontent, tandis que Rodney semblait en train de lui parler… ou plutôt de parler à un mur car elle ne détachait pas ses yeux du balcon.
***
- Mais voyons Teyla, je vous dis qu’ils sont seulement en train de discuter, de dis-cu-ter !
L’autre ne lui répondit rien. Rodney avait lui aussi compris le petit manège qui se jouait entre John et Liz depuis quelques temps. Particulièrement heureux pour ses amis, il n’allait certainement pas laisser l’Athosienne gâcher ce bel instant… si elle ne l’avait pas déjà fait. Comprenant ce qu’elle allait faire lorsqu’elle avait suivit Elizabeth, il l’avait rattrapé et tentait à présent de la raisonner.
Il sentait que sa rage atteindrait bientôt un niveau suffisamment élevé pour la pousser à aller sur le balcon. Et il ne pouvait pas la laisser faire ça. Il se tourna, fit un signe de croix, se retourna et prit de nouveau la parole :
- Vous savez Teyla, en plus d’être le plus grand génie qu’ait jamais enfanté la planète Terre, le meilleur joueur d’échec de tous les temps et un garçon très séduisant… commença t-il tandis que la sueur se mettait à couler au dessus de ses sourcils. C’était un pari risqué.
Le changement de sujet semblait avoir attiré l’attention de son interlocutrice.
- … je suis aussi un cœur à prendre ! termina t-il en faisant un sourire très exagéré.
La réponse ne se fit pas attendre. Elle lui balança une retentissante claque dans la figure et repartit vers la cité les poings serrés.
- Et bien au moins le sacrifice de mon sublime visage aura servit à quelque chose, dit-il en se frottant la joue.
Il vit ses amis qui riaient, leur renvoya leur sourire, puis leur fit un signe de la main et partit à son tour.
***
Maintenant il n’y avait plus de sursis possible. C’était juste lui et elle sur ce balcon, deux amoureux parmi tant d’autres dans l’Univers. Il n’y avait plus de Wraiths, plus de cité d’Atlantis, plus de Genii, plus de Teyla, plus de problèmes… juste lui et elle. Eux.
Ce qui allait se passer maintenant serait déterminant pour leur futur, tout du moins était-ce l’avis d’Elizabeth. Il et Elle allaient peut-être devenir Nous.
Les rires avaient à présent stoppé, et leurs regards étaient comme accrochés par une force mystérieuse. C’est quand il baissa les yeux qu’elle comprit que quelque chose se passait mal.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
Sa voix tremblait.
- Je… Je ne sais pas si c’est une très bonne idée… de… enfin vous voyez de quoi je veux parler ! dit-il nerveusement.
- Mais pourquoi ? Il y a quelques minutes à peine vous étiez près à m’embrasser, et si Teyla n’avait pas été là nous… Sa voix avait pris des accents désespérés.
- Je ne vous parle pas d’un baiser. Je vous parle de s’engager l’un auprès de l’autre.
Elle était paralysée de la tête au pied. Elle avait à peine osé espérer un baiser, et lui parlait déjà d’engagement tout en lui faisant comprendre que ce n’était pas possible. Un pas en avant, deux pas en arrière. Elle ne pouvait pas laisser tous ses espoirs se réduire à néant. Pas maintenant. Pas là où ils en étaient arrivés.
- Mais rien ne vous oblige à vous engager auprès de moi John –les larmes commençaient à envahir ses yeux - pour moi il s’agissait juste de…
- Ah. C’était juste pour le sexe alors ? lui balança t-il à la figure.
Elle ouvrit la bouche pour lui crier combien il se trompait, mais elle fut incapable de prononcer un seul mot. Il la laissa en plan et partit en maugréant des paroles incompréhensibles. Elle s’affala contre la balustrade, enfoui sa tête dans ses bras et se mit à pleurer toutes les larmes de son corps.
Mais elle savait que cette fois-ci, il ne viendrait pas la consoler.
To be continued… ? A vous de voir ! Feedbacks siouplait :p)