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Testis unus, testis nullus : on ne va pas bien loin avec une seule couille. Pierre Desproges
Imagine

Trop forte (too strong) : Chapitre 1

Le brigadier général Jack O’Neill gara son pick-up sur sa place de parking à l’extérieur de Cheyenne Mountain dans les premières heures de l’aube, bien avant que les gens normaux n’aient même l’idée de sortir de leur lit douillet ou d’allumer leur cafetière. Mais lui était là, une fois de plus. Il avait une réunion prévue avec Hammond à 13 heures, et après que son ordinateur eût planté la veille, il avait pris du retard sur son rapport.

Encore plus endormi qu’éveillé, il prit son café du porte gobelet de son tableau de bord et sortit de sa voiture. Le garde au premier poste de contrôle le salua d’un sourire et d’un « bonjour » que Jack fit de son mieux pour lui retourner, mais la caféine n’avait pas encore fait effet et parler était encore bien au-delà de ses capacités en cet instant.

Il but à petites gorgées le liquide chaud dans le premier ascenseur, laissant la vapeur et l’arôme se diffuser en minces volutes depuis sa tasse pour atteindre son nez.

Au second poste de contrôle, le garde semblait aussi fatigué que lui. Ils échangèrent un signe de tête compatissant avant que Jack ne prenne le second ascenseur qui l’emmènerait sous les niveaux du NORAD vers le SGC. Comme la cabine descendait vers le niveau 27, il s’appuya contre la paroi et laissa aller sa tête en arrière, ce mouvement faisant craquer le cuir de sa veste.

« S’il vous plait, faites que ce soit une journée tranquille. Sans révélations apocalyptiques. Sans dysfonctionnements monstrueux. Sans batailles rangées au mess. Juste… »

L’ascenseur s’arrêta et les portes s’ouvrirent pour faire apparaître Walter attendant debout, son visage rond tendu et fermé.

« Tout ça pour ça… »

-          Walter, il est 4h15, qu’est-ce qui a déjà pu mal tourner ?

-          Le colonel Carter est arrivé sous le feu de l’ennemi il y a douze minutes avec SG3 et 5 sous des tirs soutenus de Supers Guerriers.

-          Des blessés ?

-          Quatre. Ils sont à l’infirmerie à présent.

Jack entra à nouveau dans l’ascenseur et Walter le suivit, les portes se refermant derrière lui comme Jack enfonçait le numéro 21 avec son pouce. Le café qui avait été son instant de douceur une seconde plus tôt lui brûlait à présent la gorge. L’ascenseur montait maintenant avec une lenteur atroce.

-          Des morts ? demanda-t-il finalement.

-          Un, mon général.

-          Qui ?

« Je vous en supplie… »

-          Le lieutenant McElvoy de SG5, mon général. Le major Riggs de SG5 et le lieutenant Tannen de SG3 sont tous deux grièvement blessés. Le major Patenski et le colonel Carter souffrent de blessures plus légères.

Jack fit en sorte de ne rien laisser paraître, mais il glissa sa main au fond de la poche avant de son jean et ferma le poing jusqu’à ce que ses articulations lui fissent mal. L’ascenseur s’arrêta enfin et les portes s’ouvrirent. Jack tâcha de garder le contrôle de lui-même et de ne pas bondir en avant, mais de confier calmement son café à Walter.

L’infirmerie était en pleine effervescence alors que le Docteur Brightman et plusieurs membres de son équipe travaillaient avec fièvre sur les formes ensanglantées de Riggs et Tannen. Les masques sur les visages des médecins assourdissaient leurs voix, et leurs ordres s’entendaient à peine au-dessus des machines en train de biper et des instruments métalliques qui s’entre choquaient.

Jack resta immobile plusieurs minutes, retenant son souffle en regardant le médecin travailler. Il détestait cela… attendre et se demander si tout le monde s’en sortirait en un seul morceau. Ou sinon, au moins vivant. Il voulait s’enquérir de leur état, mais savait que poser des questions à ce moment précis ne ferait que déranger l’équipe médicale.

-          Carter…

-          Par là, mon général, dit Walter, marchant vers un coin plus calme de l’infirmerie à l’écart des médecins occupés.

Patenski était soit endormi soit inconscient sur l’un des lits alors qu’une infirmière lui injectait un médicament en intraveineuse. Une autre infirmière s’arrêta au pied de son lit et ouvrit le rideau qui séparait son lit du suivant. Le cœur de Jack se serra dans sa poitrine quand il découvrit Sam rentrant le bas d’un T-shirt propre sous son pantalon de treillis.

Ses cheveux étaient décoiffés, et de la suie tachait ses joues. Un large bandage blanc était enroulé autour de son avant-bras, sortant de sous la manche de sa veste. Un autre bandage, déjà rosi par la blessure qu’il couvrait, courrait le long de son sourcil, partiellement caché par les cheveux de la jeune femme.

-          Faites-moi part de leur état aussi vite que possible, dit Jack à voix basse, et Walter acquiesça, disparaissant dans la direction opposée.

Sam leva les yeux et leurs regards se rencontrèrent. Jack prit lentement une profonde inspiration, rentrant les épaules, et s’avança vers elle.

-          Carter... dit-il avec douceur alors qu’il arrivait près d’elle. Qu’est-ce que je vous avais dit à propos de se faire tirer dessus en mission ?

Elle se déplaça sur le bord du lit avec des mouvements raides et hésitants.

-          On a du oublier de transmettre votre mémo à l’ennemi, mon général.

Jack essaya de sourire et poussa ses mains plus loin dans ses poches. Il leva le menton dans sa direction :

-          Ça va, vous ?

Sam acquiesça et posa ses pieds sur le sol. Jack sortit précipitamment ses mains de ses poches et l’aida à se lever. Il plaça son bras sur sa taille et lui tint la main alors qu’elle se tenait debout. Elle grimaça, mais cacha rapidement ce mouvement d’appréhension derrière un masque inexpressif.

« Un bon soldat, hein ? »

-          Je ne vois que ce qui est visible, et le reste ?

Sam se redressa avec un léger soupir douloureux, mais elle ne quitta pas sa main et il ne bougea pas son bras.

-          Rien de grave.

-          Carter…

Elle leva le menton et croisa son regard :

-          Je me suis blessée à la jambe droite du genou à la cuisse sur la rampe de la porte, et je me suis fêlé une côte ou deux. C’est tout. Rien en comparaison de tous les autres.

Il la regarda un moment, et vit dans ses yeux les mêmes émotions que celles qu’il avait ressenties pendant des années. La culpabilité d’être le chef quand les choses tournent mal, spécialement quand quelqu’un meurt. Neuf fois sur dix, il n’y a rien à faire qui puisse un peu alléger le poids sur vos épaules.

Jack remonta sa main le long de son dos et la baissa à nouveau avant de s’écarter et de reprendre sa pose « poings dans les poches ». Un geste plus simple à faire en treillis, mais il n’avait pas encore eu la moindre occasion de pouvoir se changer.

-          Que s’est-il passé ?

Sam secoua la tête, les coins de sa bouche s’abaissant.

-          Je n’en suis pas sûre mon général. J’essaye de tout démêler dans ma tête, mais la douleur n’aide pas.

-          Ok. Allez vous changer. Prenez une douche et reposez-vous. Nous en parlerons plus tard.

Sam regarda Jack s’arrêter à la porte de l’infirmerie et parler avec Walter et le Docteur Brightman. Elle regarda les corps à présent silencieux des hommes. Ils avaient tous survécu – sauf McElvoy.

« Merci mon Dieu »

Elle essaya de se rappeler ce qui était arrivé. Ils exploraient la planète, recherchant un possible campement de rebelles jaffas. Sam se rappela avoir grimpé une colline et avoir vu les tentes dans la vallée en contrebas. Un picotement douloureux passa le long de sa colonne vertébrale et se répandit dans l’arrière de son crâne comme de l’acide dans ses veines, et Sam ferma les yeux pour lutter contre la douleur. Alors une odeur de chair brûlée et les hurlements des d’hommes emplirent ses souvenirs. Ils couraient vers la Porte. Des super guerriers les poursuivaient à travers les arbres. Sam traînait Tannen derrière elle…

« C’est de sa faute… Il savait… »

La voix murmura, telle un serpent dans le Jardin d’Eden, et Sam ouvrit à nouveau les yeux en grand. Elle balaya la pièce du regard, trouvant Jack toujours près de la porte. Il leva les yeux et leurs regards se croisèrent, un sourire rassurant remontant le coin des lèvres du général.

La brûlure se calma et le murmure cessa. Sam déglutit pour lutter contre la sécheresse de sa gorge et gagna les douches.

-          Tu à l’air très distrait ce soir.

Jack leva les yeux de l’assiette de traiteur asiatique devant lui, sa fourchette plantée au milieu des pâtes chinoises, pour regarder Kerry assise en face de lui.

-          Désolé, dure journée.

-          Tu veux en parler ? Ou est-ce un problème qui demande une autorisation plus élevée que celle que j’ai ?

Il secoua la tête.

-          Je suis debout depuis 3 heures du matin.

Elle sourit, et but une gorgée de Merlot.

-          Est-ce qu’il t’arrive d’oublier que tu es militaire ?

Jack reposa son bras, le manche de sa fourchette faisant un petit bruit sec sur le bord de l’assiette. Il regarda la femme rousse qui s’était si récemment infiltrée dans sa vie, si rapidement que parfois il pouvait jurer ne pas se souvenir de comment ou quand c’était arrivé. Un jour il était en train d’échanger des recettes d’omelettes avec Carter, et le lendemain il partageait son lit – un lit qui avait été vide depuis bien plus d’années qu’il ne voulait y penser – avec une jeune femme de la moitié de son âge.

« Qu’est-ce que tu es en train de foutre, O’Neill ? »

-          Non, fut sa seule réponse.

Kerry coupa délicatement son poulet frit, en portant un morceau à sa bouche. Jack eut un bref souvenir d’avoir partagé un repas similaire avec son équipe dans le passé. La cuisine chinoise n’était jamais mangée à table ou dans de vraies assiettes, mais dans le salon devant un match – match de n’importe quoi, cela dépendait de la « saison ». Habituellement, Jack occupait son côté favori du canapé et Sam, le plus souvent, s’asseyait sur le sol et utilisait le canapé comme dossier. Pieds nus, assise en tailleur, elle mangeait ses « œufs Foo Yong » à même le carton et à l’occasion se retournait pour croquer un bout du Chow Mein de Jack. Daniel goûtait un peu dans tous les plats, choisissant généralement de prendre une assiette en carton et Teal’C faisait un blocage sur le riz au porc frit. Avec beaucoup de sauce soja. Vraiment beaucoup de sauce soja.

-          J’ai entendu dire que des équipes SG étaient revenues sous le feu de l’ennemi ce matin.

Jack cligna des yeux, s’efforçant une fois de plus à prêter attention à la conversation – et à la compagnie – présentes.

-          Ouai.

-          Tu as perdu un homme.

-          Ouai.

-          Est-ce ce qui te rend si silencieux ?

Jack abandonna la nourriture, posant sa fourchette et repoussant son assiette.

-          Désolé. Dure journée.

Kerry finit le vin dans son verre, le regardant au-dessus du rebord. Alors elle soupira et reposa ses couverts.

-          Oui, tu l’as déjà dit.

-          Tu es distraite ce soir.

Sam détacha son regard de l’écran de  télévision et du film qu’elle ne suivait pas vraiment, et se concentra sur Pete.

-          Comment ?

Il eut un petit rire et sourit :

-          Cela a été à peu de chose près la réponse à toutes les questions que j’ai t’ai posées ce soir. A quoi penses-tu, Sam ?

Elle secoua la tête et glissa son pouce entre ses dents, laissant son coude reposer sur le bras du canapé.

-          Désolée, dure journée.

-          Comment te sens-tu ? Je veux dire, je sais que tu ne peux pas me dire « comment » tu t’es fait tout ça, mais… ça va, non ?

Sam acquiesça et se déplaça, regrettant immédiatement son geste quand la douleur lui vrilla la jambe.

-          J’irai mieux dans un jour ou deux. Je récupère vite.

-          Est-ce que je peux t’attraper quelque chose ?

Le téléphone sonna derrière lui alors qu’il demandait, et Sam le désigna du menton.

-          Tu peux me passer le téléphone.

-          Bien, dit-il en l’attrapant. Allo ?

Il fit une pause, et Sam vit cette ombre familière passer sur le visage de Pete. Sans avoir besoin de demander, elle savait qui c’était. Pete lui tendit le téléphone.

-          Allo…

-          Bonsoir Carter.

-          Bonsoir mon général. Est-ce qu’il y a un problème ?

-          Non.

La voix de Jack s’anima à l’autre bout de la ligne :

-          J’appelais juste pour savoir comment vous alliez. Ça va ?

-          Je suis seulement épuisée, mon général. Rien que je ne puisse supporter.

-          Avez-vous besoin de prendre un jour ou deux ? Pour vous reposer.

-          Non.

Cette fois-ci Sam réalisa que c’était à son tour de trop s’animer. Elle s’éclaircit la voix et jeta un coup d’oeil vers Pete, qui faisait de son mieux pour avoir l’air de ne pas écouter la conversation.

-          Non, ce ne sera pas nécessaire, mon général.

-          Certaine ?

-          Oui, mon général.

-          Bon. Alors je vous vois demain matin.

-          Mon général ? dit-elle rapidement avant qu’il puisse raccrocher.

-          Oui…

-          Toujours pas de nouvelles ?

Il y eut un silence avant qu’il parle, et c’était la seule réponse dont Sam avait besoin.

-          Non. Pas encore. Dès que je sais quelque chose à propos de Daniel, vous serez la première au courant. Quelle que soit l’heure.

-          Merci mon général.

-          Bonne nuit, Carter.

Sam raccrocha le téléphone et se laissa aller contre le dossier du canapé. La même douleur brûlante qu’elle avait ressentie à l’infirmerie remonta le long de sa colonelle vertébrale, courant dans ses veines jusqu’à ce qu’atteignant sa tête elle l’oblige à fermer les yeux. Elle pressa ses paupières fermées et grinça des dents sous la douleur.

« Fais ce qui doit être fait…. Fais le avant qu’il ne soit trop tard… FAIS LE ! »

-          Sam ?

-          Quoi ?

Pete secoua la tête :

-          Rien…

Et il se leva pour aller dans la cuisine.

Sam se réveilla en sursaut, sa tête jaillissant de ses bras repliés alors qu’elle tâchait de se rappeler où elle était. Son laboratoire était presque entièrement plongé dans la pénombre, mis à part la douce lueur qui émanait des divers indicateurs lumineux de ses équipements.

Elle repoussa sa manche et tourna sa montre pour la regarder : 2 heure 16.

« Mince ! »

Elle ne se souvenait même pas ce qu’elle était en train de faire. Elle cligna des yeux, essayant de se concentrer sur le jour présent. Attendez… Est-ce que ce n’était pas samedi ? Pourquoi était-elle seulement à la base ?

Sam réalisa alors qu’elle avait un petit tournevis rouge serré fort dans son poing gauche. Elle ouvrit les doigts et le regarda, comme si elle ne l’avait jamais vu auparavant.

« Mais qu’est-ce qui se passe ? »

Elle posa l’outil et descendit du haut tabouret sur lequel elle était perchée. Comment elle réussit à ne pas tomber et s’ouvrir le crâne, impossible à dire. Elle regarda autour d’elle dans son labo. Il n’y avait rien sur la table qui indiquât sur quoi elle était en train de travailler… pas de notes, l’ordinateur était éteint.

« Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? »

Elle secoua la tête et marcha à reculons vers la porte. C’était aussi bien de sortir aussi furtivement qu’elle le pouvait. Si quelqu’un la voyait et disait au général qu’elle était là si tard, elle se prendrait un savon lundi sur le fait de ne pas profiter de la vie. Cela, et il voudrait savoir ce qui était si important pour la faire revenir à la base aux premières heures du dimanche matin.

Et comme elle ne le savait pas, cela posait un léger problème….
 
 
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