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Imagine

Immortel : Chapitre 1

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      Encore une mission de routine, songeait Carter, les poumons en feu, les jambes lourdes…
      Sans ralentir sa course effrénée, elle jeta un œil derrière elle… Les derniers Jaffas quittaient la planète à bord de vaisseaux Al’kesh, désertant les lieux avant un bombardement en règle. Du moins c’est ce qu’ils en avaient déduis en réalisant qu’on ne les suivait pas…
      Sam reporta son attention devant elle. D’un geste vif, elle aida Daniel à se redresser tandis qu’il s’affaissait sur lui-même, épuisé par cette course folle. Jack se trouvait devant, ralentissant ses longues foulées pour rester avec eux. Teal’c fermait la marche.
      Encore quelques mètres et la Porte fut enfin visible. Elle avait déjà été ouverte par SG4 qui commençait à passer le vortex en les voyant approcher. Un dernier effort et ils y étaient presque. Sam se retourna de nouveau et découvrit avec appréhension qu’ils étaient à présent seuls. Une pâle lueur dans le ciel attira son attention et lui fit lever les yeux.
 
-         Les bombardements commencent ! hurla-t-elle pour se faire entendre de son supérieur, quelques mètres devant elle.
 
Elle vit celui-ci se retourner et regarder à son tour vers le haut.
 
-         Allez, allez, allez !!! On se dépêche !! s’écria-t-il en forçant de suite l’allure.
 
      Sam entendit gémir Daniel mais celui-ci ne fit aucun commentaire. Il n’en avait plus la force. Enfin, les jambes en coton, les poumons en feu, ils parvinrent à la Porte. Jack s’arrêta aussitôt et incita Daniel à passer en premier. Elle en profita pour se tourner une nouvelle fois vers le ciel. Son ventre se noua aussitôt lorsqu’un rayon unique et éblouissant percuta violemment le sol sous ses yeux. Un grondement énorme se fit entendre, une sorte de plainte sourde, comme si la planète elle-même se mettait à pleurer.
 
-         C’est pas vrai… murmura-t-elle tandis que l’horreur de la situation lui apparaissait soudain. Il faut y aller tout de suite !!!!
 
      Sur ces mots, Sam passa la Porte et, quelques secondes plus tard se retrouva sur Terre...  Une fois sur la passerelle, elle se retourna et ce qu’elle vit lui coupa le souffle… le vortex était devenu dramatiquement instable ! Elle recula, le cœur cognant dans sa poitrine, les yeux rivés sur la flaque luminescente. Puis Teal’c fit son apparition et dans un grondement sourd…  la Porte se referma derrière lui.
      L’alarme se tut aussitôt, et un silence de mort prit sa place. Tous avaient le regard rivé sur la Porte à présent inactive, figés comme des statues.
 
O’Neill n’était pas passé…
 
      Sam fut la première à retrouver ses esprits. Elle lâcha son arme et son casque qui tombèrent lourdement sur le sol, puis s’élança dans le couloir afin de rejoindre au plus vite la salle de commande. Elle monta les marches, au bord de l’épuisement et arriva aux côtés d’Hammond, le souffle court, les yeux exorbités.
 
-         Y a-t-il eu un signal au moment de la fermeture de la Porte ? s’écria-t-elle.
 
Sortant de sa torpeur, le sergent Harriman pianota de suite sur son clavier puis finit par secouer la tête.
 
-         Rien du tout, Major…
 
Il n’était pas bloqué dans la mémoire de la Porte comme elle l’avait plus ou moins espéré…
 
-         Tentez d’ouvrir un vortex !
-         Tout de suite.
 
Hammond était aussi immobile que ses hommes autour d’eux. Tous fixaient les chevrons s’actionner un à un... dans une lenteur abominable…
 
-         Chevron six enclenché.
 
      Les mains moites agrippées à son pantalon, le cœur au bord des lèvres, la jeune femme vit l’anneau tourner une dernière fois et le septième chevron s’engager mais se bloquer dans un bruit sourd.
 
« Non… Pitié… »
 
      Un gémissement s’échappa de ses lèvres tandis que tous se tournaient vers elle, attendant une solution qu’elle n’avait pas.
 
-         Ré-essayez ! ordonna-t-elle finalement.
 
      Harriman hésita mais voyant qu’Hammond ne disait toujours rien, finit par pianoter une seconde fois sur son clavier et tenta une nouvelle ouverture de la Porte… en vain.
      Le septième chevron refusait de s’enclencher.
      Sam leva une main tremblante vers ses lèvres… Elle avait un goût de cendre dans la bouche. Elle regarda la salle d’embarquement, dans un état second, avec l’espoir un peu idiot de découvrir le visage de Jack parmi les hommes qui la fixaient. Elle croisa les regards dévastés et pourtant plein d’espoir de Daniel et de Teal’c. A cet instant, elle seule savait qu’il n’y avait plus rien à faire. Ses jambes faiblirent tout à coup, un voile blanc passant devant ses yeux et elle agrippa le dossier de la chaise devant elle pour ne pas s’effondrer.
 
« Réfléchis… Réfléchis… »
 
      Il n’était peut être pas mort. Elle se trompait. Ce n’était pas l’arme terrible d’Anubis qu’elle avait vu fendre le ciel. Ce n’était pas elle qui avait détruit la planète et empêchait la ré-ouverture du vortex… Il y avait forcément une autre explication. Il devait y avoir une autre explication… 
 
-         Mon Général, s’exclama-t-elle soudain, la gorge nouée, je voudrais appeler mon père pour aller sur P2X421 afin de vérifier...
 
Elle ne put finir sa phrase… Hammond se tourna vers elle, le visage sombre. Elle savait pourquoi il hésitait. L’Alliance avait été rompue, rien ne disait que la Tok’ra répondrait.
 
-         Accordé, Major, acquiesça-t-il cependant. 
-         Merci…
 
Puis se tournant vers Harriman, il ordonna :
 
-         Allez-y !
 
Le Général enclencha ensuite le micro pour se faire entendre de ses hommes qui, hébétés, étaient toujours immobiles, les yeux levés vers eux.
 
-         Tous à l’infirmerie. Débriefing dans 20 minutes.
 
 
                                                                      ***
 
      Il fallut attendre plusieurs jours avant que la Porte ne s’ouvre enfin sur Jacob. Dans un soupir à fendre l’âme, Sam s’élança en salle d’embarquement pour l’accueillir. Lorsque le Tok’ra vit le visage bouleversé de sa fille, il se figea aussitôt.
 
-         Qu’est-ce qui se passe ?
 
La jeune femme ne prit même pas le temps de le saluer.
 
-         Il faut absolument que nous allions sur P2X421. Le Colonel est peut-être bloqué là-bas. Tu peux nous y emmener?
 
      Jacob hésita à peine. Il n’était plus censé venir en aide à la Tau’ri mais comment pouvait-il refuser cela à sa fille qui le regardait avec une détresse qui lui nouait l’estomac.
 
-         Très bien. Préparez-vous. Pendant ce temps, je m’occupe des coordonnées.
 
      Sam serra avec reconnaissance le bras de son père et se retourna vers ses deux coéquipiers.
 
-         On y va.
 
      Le soulagement de ses amis se lut aussitôt sur leur visage et tous les trois s’engouffrèrent dans les couloirs. Jacob leva alors la tête vers la salle d’embarquement et croisa le regard soucieux d’Hammond. Il sut à cet instant précis que cette mission avait peu de chance d’être une mission de sauvetage...
 
                                                                     
 
Vaisseau Cargo, quelques heures plus tard.
 
      Jacob tenta d’avoir des précisions sur les circonstances dramatiques qui avaient séparé Jack du reste de SG1 mais n’eut que des informations secondaires. Il en conclut rapidement que les chances qu’O’Neill soit encore en vie étaient minimes, voir totalement nulles et que Sam refusait simplement de l’admettre. Mais elle avait besoin de le voir de ses propres yeux aussi finit-il par accepter son silence.
      Daniel et Teal’c étaient d’une immobilité inquiétante. Seule la respiration saccadée du jeune archéologue prouvait son inquiétude. Il jetait de temps à autre un regard désespéré vers Sam, comme pour y puiser de la force mais elle-même semblait à bout.
      La jeune femme était la seule à avoir vu la nature de l’attaque d’Anubis. Elle n’en avait parlé à personne de peur qu’on estime inutile d’aller vérifier, car dans ce cas, O’Neill n’aurait eu aucune chance de s’en tirer… Sam, elle, se refusait à envisager une telle possibilité.
      Car c’était impossible. Il avait survécu à tellement de choses... Il ne pouvait pas être mort.
 
-         Nous sommes bientôt arrivés.
 
      La voix de son père la sortit de sa torpeur. Son ventre se noua un peu plus et la mâchoire serrée, elle se rapprocha afin d’avoir une meilleure vue. Teal’c et Daniel firent également quelques pas et s’arrêtèrent à ses côtés.
      Le vaisseau décéléra soudain et ils sortirent enfin de l’hyperespace. Ils furent aussitôt percutés de plein fouet par de nombreuses météorites. Indifférente au chaos indescriptible qui faisait rage, Sam se mit à trembler de façon incontrôlable et une douleur atroce lui traversa les entrailles. Des larmes vinrent lui piquer les yeux, tous ses muscles se crispèrent et ses poumons semblèrent se vider. C’était comme si la vie désertait son corps.
 
-         Non... Non... répétait-elle, secouant indéfiniment la tête en reculant.
 
      Un râle s’échappa de ses lèvres et se transforma en plainte avant de mourir dans un sanglot.
 
-         Qu’est-ce qui se passe ? s’exclama Daniel, sans comprendre, tentant de se maintenir debout malgré les soubresauts incessants du vaisseau.
-         Oh mon dieu, non... Pitié... 
 
      Elle continuait de reculer, les yeux exorbités accrochés à la nuée de roche qui fondait sur la coque du vaisseau. Les deux hommes se tournèrent vers elle et horrifiés par l’expression déchirante de la jeune femme finirent par comprendre.
 
-         C’est la planète... ? demanda inutilement Teal’c, d’une voix sourde. Elle a été détruite ?
 
      Pour seule réponse, des larmes glissèrent sur les joues dramatiquement pâles de Sam. Sa respiration devint de plus en plus hachée. La douleur dans sa poitrine était insupportable, l’étouffant, la faisant suffoquer. Son regard, rendu flou par les larmes, s’assombrit peu à peu. Elle avait le sentiment de tomber, de sombrer... Cette douleur dans la poitrine... Son coeur... Il était en train de se déchirer... Tout devint noir.
 
 
                                                                         ***
 
      Les premiers jours, elle avait pleuré toutes les larmes de son corps. Elle avait hurlé en silence son chagrin, sa peine. A présent, elle était comme vidée de tout. Il n’y avait plus rien en elle. Plus d’émotions, plus de sentiments, plus de désirs, ni de besoins. Seule une douleur continuelle dans sa poitrine lui disait qu’elle était encore en vie.
 
« Sam... »
 
      Chaque respiration lui coûtait. Elle ne se nourrissait plus, elle n’avait pas faim. Elle ne bougeait plus. Pourquoi faire... Elle ne parlait plus. Pour dire quoi... Seule cette souffrance dans son sein existait, à l’endroit même où son coeur avait été arraché. La supporterait-elle encore longtemps ? Cette douleur ? Ce manque qui ne disparaîtrait jamais. Car jamais plus elle ne le verrait. Il n’existait plus.
 
Il n’existait plus...
 
      Jamais plus elle ne croiserait son regard car jamais plus il ne le poserait sur elle. Elle ne fondrait plus sous son sourire car plus jamais il ne lui sourirait. Plus jamais.
 
Jamais…
 
      Ce mot était comme un poignard dans sa poitrine. Il la lacérait, l’écorchait un peu plus à chaque fois. Et jamais cela ne changerait. Il était mort. Il n’existait plus.
 
« Sam, je vous en prie... »
 
      Ce cri fut si déchirant qu’il parvint à tirer le voile qui la séparait de la réalité. Elle tourna un regard vide vers sa droite et découvrit Daniel et Teal’c à ses côtés.
      Où était-elle, déjà ? Ah oui... L’infirmerie. Pourquoi était-elle là ? Elle était blessée ?... Son coeur. On le lui avait arraché. C’est vrai... Sinon pourquoi aurait-elle si mal ?
 
-         Sam, vous m’entendez ?
 
      Elle se força à se concentrer sur ses amis, tentant de faire abstraction de la douleur qui la faisait suffoquer.
 
-         Oui... parvint-elle à murmurer.
 
      Le soupir de soulagement que poussa les deux hommes brisa le silence de l’infirmerie. Elle sentit quelque chose de chaud contre sa main. Elle glissa les yeux vers le bas. Daniel la lui serrait avec force.
 
-         Sam, je vous en supplie. Il faut vous ressaisir. Vous ne pouvez pas vous laisser mourir ainsi.
-         Major Carter. Vous devez survivre, insista Teal’c.
 
Un silence accueillit ces mots.
Survivre...
 
-         Pourquoi ? souffla-t-elle.
 
A quoi cela lui servirait-il de survivre ? Il n’était plus là.
Elle aurait pu continuer loin de lui. Savoir qu’il était en vie, quelque part, lui aurait suffit. Mais il n’existait plus. Et jamais plus elle ne le reverrait.
 
-         Pourquoi ? répéta Daniel, tremblant. Pour nous, Sam. Vous ne pouvez pas nous quitter aussi. Je vous en prie.
 
      Ce fut un véritable cri du coeur et Sam sentit quelque chose vibrer en elle, au fond de ses entrailles, caché dans sa souffrance. Mais ce fut si léger qu’elle crut avoir rêvé.
Non. Elle ne pouvait pas survivre...
 
Elle était déjà morte.  
 
 
                                                                        ***
 
      Daniel ne savait pas s’il avait bien fait. L’absence de Jacob qui avait du rejoindre la Tok’ra au plus vite, se faisait atrocement sentir. Sam n’avait quasiment plus de moments conscients. Teal’c lui avait conseillé de ne rien faire mais malgré tout il l’avait appelé. Après tout, ils étaient ensemble depuis plusieurs mois maintenant. Peut être parviendrait-il à lui redonner un peu goût à la vie.
      Cela faisait trois semaines qu’ils étaient rentrés sur Terre après avoir découvert l’horrible vérité. Anubis avait détruit la planète, et Jack se trouvait encore là-bas lorsque c’était arrivé. Les funérailles officielles avaient été repoussées par le Général Hammond. Il souhaitait attendre que Sam soit capable de se s’y rendre mais voilà. Depuis son retour, elle semblait sombrer de plus en plus dans une sorte de torpeur, indifférente à ce qui l’entourait, se noyant dans sa douleur. Ça le tuait de la voir ainsi. Ils avaient perdu Janet puis Jack… Il ne supporterait pas de la perdre, elle aussi.
      Le projet « Porte des Etoiles » l’accaparant totalement, Teal’c, O’Neill et Sam étaient devenus sa famille, les seuls individus qu’il côtoyait hors de la base. Et jusqu’ici, ça lui suffisait. Quelle importance de n’être lié qu’à trois personnes lorsqu’ils s’agissaient d’êtres aussi exceptionnels ? Mais voilà que l’un d’eux disparaissait. Et pas n’importe lequel. Le pilier de leur union. Le point central de leur unité. Il était le frère de Teal’c, le coeur de Sam et son meilleur ami. S’il n’arrivait pas à ressouder leurs liens, s’en était fini d’eux.
      Mais pour cela, il fallait qu’elle surmonte son chagrin…
      Daniel avait toujours su qu’il y avait quelque chose de particulier entre Jack et elle mais jamais il n’aurait cru cela si fort… Elle était anéantie, brisée par cette perte, écrasée par sa souffrance. Il retrouvait en elle la même douleur qui l’avait presque détruit après la mort de Shaa’re. Mais il était parvenu à remonter la pente, grâce à eux et à leur combat qui n’attendait pas...
      Cependant, en regardant Sam, il vit bien qu’elle ne voulait pas être aidée. Elle se laissait dépérir, happée par la douleur et il savait parfaitement pourquoi. La souffrance était trop insupportable. Mourir était le seul moyen pour qu’elle cesse.
      Mais il ne la laisserait pas mourir ! Oh non ! Et encore moins interner, comme l’avait suggéré le psychologue de bazar qui était venu la voir ! Hors de question ! Il ferait tout pour la ramener ! Il tenterait tout pour cela. Alors, malgré les recommandations de Teal’c, il l’avait appelé. Il lui avait simplement dis que Sam n’allait pas bien et qu’elle avait besoin de lui. Bien sûr, il était accouru...
 
 
-         Sam... Chérie.
 
      Pete s’assit sur le lit et prit la main de la jeune femme dans les siennes. Elle était d’une pâleur effrayante et sa maigreur lui noua l’estomac.
Qu’avait-elle ? Elle restait immobile, les yeux grands ouverts à fixer quelque chose qu’elle seule parvenait à voir... On ne lui avait pas expliqué les raisons de son hospitalisation. Daniel lui avait simplement demandé de venir...
 
-         Pourquoi est-elle comme ça ? demanda Pete d’une voix anxieuse. Que lui est-il arrivé ?
-         Jack... Le Colonel O’Neill est décédé.
-         Son supérieur ?
-         Oui.
 
      Pete se tourna vers Daniel et lut dans son regard une profonde détresse. Sam parlait beaucoup de ses amis et pourtant jamais de ce Colonel. Il savait juste qu’il avait été le meilleur supérieur qu’elle ait jamais eu... Voilà à peu près la seule chose qu’elle lui avait dit.
 
-         Elle semble en état de choc... Je ne comprends pas.
 
Daniel se racla la gorge, mal à l’aise.
 
-         Ils étaient très liés. Elle ne vous en a jamais parlé ?
 
Un désagréable frisson le parcoura de la tête aux pieds.
Non, elle ne lui parlait jamais de lui... Jamais...
 
-         Liés comment ? demanda-t-il d’une voix sourde, fixant le jeune homme avec insistance.
-         Eh bien... Ils étaient amis. De très bons amis... Comme Teal’c et moi...
 
Un silence accueillit cette réponse...
Pete reporta son attention sur Sam. Cet archéologue mentait vraiment très mal... Sinon comment expliquer l’état dans lequel elle se trouvait, ainsi que la raison de son silence. Pourquoi ce besoin de lui cacher une telle affection ?
 
-         Amis, vraiment... ?
 
Cette fois-ci, Daniel eut la décence de ne rien répondre.
 
-         Il est mort depuis combien de temps ?
-         Presque un mois.
 
A ces mots, Pete releva brutalement la tête, interloqué.
 
-         Un mois ? C’est une plaisanterie ? Ca va faire un mois qu’elle est comme ça ?
-         Eh bien, plus ou moins… En fait, c’est de pire en pire... Nous vous aurions appelé avant mais vous étiez injoignable...
-         J’étais en mission d’infiltration... Mon Dieu... Sam... murmura-t-il en se penchant vers elle, cherchant à la faire réagir. 
 
 
 
      Des voix lui parvenaient parfois. Des sons qui traversaient son esprit embrouillé... La douleur était toujours là, brûlante, déchirante... insupportable. Et rien ni personne ne parvenait à l’atténuer. Ni son père, ni Daniel, ni Teal’c, ni le Général... ni celui qui parlait à l’instant même. Alors qu’ils se taisent !
      Elle n’en pouvait plus ! Elle ne supportait plus d’avoir mal... !
      Ses yeux la hantaient. Son regard et son sourire. Pourquoi ne la laissaient-ils pas partir ? Pourquoi continuaient-ils de la maintenir en vie contre sa volonté. Elle voulait le rejoindre. Ne plus être là où il n’était plus, où il ne serait jamais plus.
      Sa poitrine se souleva soudain tandis que ses poumons cherchaient désespérément de l’oxygène... Elle n’arrivait plus à respirer. La douleur devenait de plus en plus forte. Peut-être que si elle se concentrait sur Lui, son coeur s’arrêterait tout seul sous la torture.
      Alors Sam cessa de se battre, de refouler ses émotions et se laissa submerger par ses souvenirs.
 
Sa tendresse, sa force, son courage, sa volonté, sa détermination, ses principes, sa dureté...
 
      Elle commença à suffoquer, incapable de faire pénétrer de l’air dans ses poumons tant sa gorge était serrée. Elle entendit s’élever au loin des voix anxieuses, reconnut son nom mais elle ne céda pas.
 
Son regard, sa nonchalance, son sourire, sa voix, sa démarche...
 
Elle se sentait partir... Elle allait le rejoindre, elle allait mourir...
Enfin.
 
 
 
-         Sam !!! hurla Daniel, en secouant la jeune femme pour la faire réagir. Respire !!!
 
      Elle suffoquait, les yeux exorbités, la bouche ouverte et le corps secoué par des spasmes de plus en plus puissants.
 
-         Appelez un médecin, s’exclama-t-il alors en se tournant vers Pete, qui à côté de lui semblait paralysé par l’horreur.
 
      Celui-ci finit par sortir de sa torpeur et s’élança dans le couloir. Jackson réalisa alors trop tard qu’il aurait suffi à Pete de tendre le bras vers le téléphone mural… Se levant précipitamment, il décrocha l’appareil et contacta l’infirmerie. Puis une sourde angoisse nouant son estomac, il revint vers la jeune femme et posa ses mains sur ses épaules pour la soutenir.
 
-         Respire, Sam !! Je t’en supplie !
 
      Elle se mit soudain à trembler et un son étrange, une plainte inhumaine s’échappa de ses lèvres. Le cœur serré devant tant de souffrance, Daniel la vit se redresser, son gémissement se transformant en hurlement de douleur.
Alors il comprit.
 
-         Sam... Vas-y...
 
      Elle sembla l’entendre car elle tourna son visage vers lui. Il posa ses yeux dans ceux ravagés de la jeune femme et pour la première fois depuis des semaines, elle accrocha son regard.
 
-         Sam...
 
      Agrippés l’un à l’autre, le corps de la jeune femme fut de nouveau pris de soubresauts mais cette fois-ci, il ne s’agissait plus de spasmes mais de sanglots... Son cri peu à peu s’atténua et des larmes glissèrent sur ses joues.
 
-         Pleure... Ne te retiens pas...
 
      Elle sembla lutter encore puis finit par capituler. Fermant les yeux, elle pleura comme elle n’avait jamais pleuré, accroché à lui, la tête sur son épaule. Ses plaintes, ses sanglots déchirants le bouleversèrent au plus profond de son être. Serrés l’un contre l’autre, ils partagèrent leur douleur et leur chagrin. Très vite, ils sentirent des bras vigoureux les étreindre doucement, leur apportant un peu de force et de réconfort. Daniel sourit à travers ses larmes. Ils s’en étaient sortis, tous les trois. Il savait qu’ils s’en étaient sortis. Sam arrivait enfin à extérioriser sa souffrance. Ils veilleraient sur elle et de nouveau elle parviendrait à vivre.
 
 
                                                                      ***
 
      Il ne pleuvait pas ce jour-là. Le soleil brillait, lumineux dans le ciel, réchauffant de ses rayons le coeur glacé des personnes présentes autour de la tombe. Sam, fragilisée par de nombreux jours de privation se tenait pourtant droite, fière dans son uniforme de cérémonie. Entourée de ses deux amis, sa souffrance était supportable.
      Son regard était fixé sur le cercueil vide en face d’elle. Un drap aux couleurs de leur pays était posé dessus. Ils l’enterraient ici, dans ce cimetière mais il n’était pas là. Il reposait dans les étoiles à des milliers d’années lumières de la Terre.
      La cérémonie se fit dans un silence respectueux. Sara, l’ex-femme du Colonel O’Neill était présente. Elle avait le visage aussi pâle que le sien. Elle l’avait aimé et l’aimait certainement encore. Plus de la même façon mais elle avait fini par lui pardonner la mort de Charlie et la tendresse avait pris le dessus.
      Sam croisa son regard l’espace d’un instant et fut surprise de la voir la saluer d’un mouvement de tête. Elle ne devait pourtant pas la connaître puisque Jack et elle ne se voyaient plus depuis des années.
      Lorsque le pasteur eut fini son discours, le son dramatique du clairon se fit entendre, tandis qu’au-dessus d’eux, trois F16 saluaient le défunt en fendant le ciel dans un bruit assourdissant. Le drapeau qui reposait sur le cercueil fut alors plié lentement, méthodiquement et Sam eut la surprise de voir le sergent chargé de cette tâche s’approcher d’elle. Il s’arrêta et le lui tendit.
      Le ventre noué, incapable d’émettre le moindre son, elle se tourna vers Hammond. Ce n’était pas à elle de recevoir ce drapeau mais à la femme ou l’ex-femme du disparu. Cependant, pour toute réponse, le Général lui sourit simplement, encourageant. Elle se tourna alors vers Sara et celle-ci, nullement surprise, acquiesça en signe d’assentiment.
      Perdue, la gorge nouée, elle finit par tendre les mains et prit le drapeau qu’elle serra aussitôt contre son coeur. Elle s’était promise de ne pas pleurer mais recevoir ce présent inattendu la bouleversait profondément. Elle sentit aussitôt la chaleur de deux bras se glisser dans son dos afin de la soutenir. Elle sourit à travers ses larmes. Elle n’était pas seule. Ils étaient là.
      Enfin, le cercueil fut descendu et peu à peu, la foule se dispersa. Sam vit Sara disparaître sans un mot puis finalement se tourna vers Hammond qui venait la rejoindre.
 
-         Mon Général... Je ne comprends pas...
-         C’était une des volontés de Jack. Il voulait que ce soit vous qui receviez le drapeau, Sam.
 
      Sous l’émotion, ses ongles s’enfoncèrent dans le tissu, serrant son précieux fardeau un peu plus encore contre elle. Elle croisa le regard triste d’Hammond, parfaitement conscient du message qu’avait voulu faire passer Jack à travers ce geste.
 
-         Je suis désolé... murmura-t-il avant de se retourner et de partir, les épaules voûtées par le chagrin.
 
      Sam ferma les yeux un instant, incapable de bouger, se concentrant sur sa respiration pour ne pas s’effondrer. Sentant leur présence, elle finit par se retourner et croisa le regard chaleureux de ses deux amis.
 
-         Rentrons, Sam...
 
                                                                
 
      Pete entendit au loin la portière d’une voiture se refermer. Il se leva, jeta un œil par la fenêtre du salon et sentit son cœur s’affoler en voyant la jeune femme se tourner vers les deux hommes qui sortaient à leur tour du véhicule. Il avait cru s’être rapproché d’elle ces derniers mois. Sans entrer dans les détails, elle s’était de plus en plus confiée à lui, partageant la peine qu’elle avait ressentie lors de la mort de son amie Janet. Et voilà qu’il découvrait qu’elle ne s’était pas totalement dévoilée à lui, qu’elle lui avait caché sciemment d’obscurs sentiments pour son supérieur... 
      Pete n’avait jamais rencontré ses coéquipiers et jusqu’ici, n’avait pu prendre conscience du lien qui les unissait. Il revoyait, un peu choqué et blessé, l’image de Sam agrippée à Daniel et Teal’c. Il était revenu dans la chambre en courant, frustré de ne pas trouver l’infirmerie, se perdant dans ces couloirs qui se ressemblaient tous. Un sentiment dérangeant, proche de la jalousie, l’avait secoué de part en part, en les découvrant serrés ainsi, les uns contre les autres, conscient qu’il n’était pas à sa place... Pire... qu’il n’avait pas sa place à ses côtés. Elle n’avait pas besoin de lui car, à l’inverse de ces deux hommes, il ne pouvait pas comprendre sa peine. Il ne connaissait pas celui pour qui étaient versées toutes ces larmes. Celui qui faisait gémir de désespoir la femme qu’il aimait.
      La certitude de son inutilité et une peur atroce l’avaient alors submergé. Il était en train de la perdre.
      Avec appréhension, il regarda Sam serrer ses amis à tour de rôle et son angoisse s’accentua. Il les enviait tellement de pouvoir être aussi proche de cette femme, d’être aimé si fort d’elle. Il savait parfaitement pourquoi elle l’avait fait venir aujourd’hui, le jour même de l’enterrement. Elle voulait passer à autre chose...
      Pete se détourna en gémissant de ces embrassades interminables et se dirigea vers la cheminée, là où trônait « son » visage, figé sur du papier glacé. Il plongea son regard dans le sien, cherchant à découvrir ce qui le rendait si extraordinaire aux yeux de Sam. Il était aux côtés de son équipe, un sourire fier et satisfait sur les lèvres, une lueur amusée dans ses yeux. Il dégageait une assurance qui l’agaçait prodigieusement. Il semblait si sûr de lui. Sûr de sa force, de l’affection de ses amis… De l’amour de son second ?... Avait-il seulement conscience de sa chance ? Il avait tout ce qu’un homme pouvait rêver... Oh oui, il avait des raisons de sourire et d’être satisfait.
      Le bruit de la porte le fit soudain sursauter. Plus tendu que jamais, il se tourna vers la jeune femme qui entrait, les bras chargés. Il reconnut rapidement le drapeau américain, celui qui normalement revenait à l’épouse... Pourquoi l’avait-elle ?
      Elle posa son sac sur la table basse, mais garda son précieux fardeau, avant de s’avancer vers lui.
 
-         Comment te sens-tu ? commença-t-il tandis qu’elle s’arrêtait devant lui et contemplait à son tour la photo de SG1 posée sur la cheminée.
 
      Son regard s’assombrit aussitôt et elle finit par détourner vivement les yeux, bouleversée par cette furtive vision.
 
-         Ca va, merci.
 
      Non, ça n’allait pas et il aurait aimé qu’elle le lui dise, qu’elle lui dise combien elle souffrait, qu’elle se confie à lui comme elle l’avait fait pour Janet... Mais non... Elle serrait simplement le drapeau contre elle comme pour y puiser de la force.
 
-         Comment se fait-il que tu l’aies reçu ? demanda-t-il alors en l’indiquant du menton.
 
Sam baissa la tête, la gorge trop nouée pour pouvoir parler de suite.
 
-         ... C’était sa volonté...
-         Je vois.
 
Un silence se fit tandis que, son angoisse grandissante, il attendait qu’elle prenne la parole.
 
-         Pete... Je ne peux pas continuer, finit-elle par murmurer. Je suis désolée.
 
La gorge nouée, il serra les poings. Il n’allait pas partir sans se battre.
 
-         Sam, je sais que tu es malheureuse, tu viens de perdre en peu de temps deux de tes meilleurs amis. Mais je suis prêt à attendre le temps qu’il faudra pour que tu reprennes pied.
 
La jeune femme, la tête toujours basse, ne disait rien, écoutant patiemment ce qu’il avait à dire. Il eut l’horrible impression que quoi qu’il dise, elle ne changerait jamais d’avis. Mais il ne pouvait abandonner.
 
-         Je t’en prie, donne-moi une chance... Je veux t’aider, je veux te soutenir. Je ferais tout ce que tu voudras mais...
 
Sa voix se brisa. Il respira profondément, refoulant ses larmes, essayant de se calmer.
 
-         Sam, je t’aime. Laisse-moi t’aider. Ensemble nous y arriverons, j’en suis sûr...
 
A ces mots, la jeune femme releva la tête et il put croiser son regard étrangement indéchiffrable.
 
-         Tu ne comprends pas... Il n’y a plus d’ensemble possible. Je ne peux plus t’aimer.
 
Ces mots le clouèrent sur place.  Consciente d’avoir été trop dure, Sam se radoucit un peu.
 
-         Ce que je veux dire c’est que... Ce n’est pas toi en particulier que je ne peux plus aimer... Mon coeur est mort avec lui... Je suis désolée.
 
      Serrant les poings, il sentit le chagrin peu à peu se transformer en colère puis en haine. Il haïssait cet homme, cet inconnu qui, même disparu, lui enlevait la femme de sa vie. Maintenant qu’il n’était plus, il était encore plus dangereux pour lui que lorsqu’il était vivant ! Qu’aurait-elle fait s’il n’était pas mort ? Aurait-elle poursuivi leur relation ? C’était complètement fou ! Il haïssait cet homme au point de le tuer et paradoxalement, il aurait souhaité qu’il ne meure jamais !
 
-         Tu ne vas pas cesser de vivre parce qu’il n’est plus là ? Tu ressens ça pour le moment parce que c’est récent, mais...
 
Elle leva la main pour le couper, à bout, le regard brillant de larmes.
 
-         Je crois que tu ne comprends pas... Jamais plus je ne pourrai...
-         Mais si ! Tu finiras par l’oublier !
-         Non ! s’exclama-t-elle, les yeux exorbités, comme s’il venait de proférer le pire des blasphèmes. 
-         Soit, tu ne l’oublieras pas mais tu finiras par passer à autre chose ! C’est la vie, Sam ! On souffre mais on survit et on aime de nouveau !
-         Tu ne peux pas comprendre... Tu ne sais pas... Tu n’as aucune idée que ce qu’il y avait entre nous...
-         Oh je t’en prie ! s’écria-t-il à bout. Tu ne vas pas gâcher ta vie pour rien ! Il est mort, Sam !
 
Un bruit sec. Une brûlure sur sa joue. 
Plus que la douleur en elle-même, ce fut le geste qui lui brisa le coeur. Mais il reconnaissait qu’il ne l’avait pas volé...
 
-         Je suis désolé...
 
Ces mots la calmèrent un peu, mais le mal était fait.
 
-         Je veux que tu partes.
-         Sam...
-         Maintenant.
 
      La mort dans l’âme, comprenant à son regard résolu, bien que voilé, qu’elle avait pris une décision ferme et définitive, Pete finit par sortir de sa poche le double des clefs de la maison et les posa sur la table... Elle les lui avait données la dernière fois qu’ils s’étaient vus...
 
-         Je t’aime, Sam... Si jamais tu changes d’avis, je t’en prie, appelle-moi.
 
Et sur ces mots, il sortit de sa vie...
 
 
                                                                        ***
 
      Les premiers mois furent les plus difficiles. Ils apprirent dans un premier temps que Jack leur avait légués tout ce qu’il possédait, divisé en trois parts égales. Bien sûr, la non-existence officielle du Jaffa faisait que même ayant hérité, celui-ci ne disposait de rien légalement... Mais pour eux, cela n’avait aucune importance...
      Etant donné la grande fragilité de Sam, Daniel et Teal’c décidèrent de rester aux côtés de la jeune femme 24 heures sur 24. Ils choisirent de s’installer tous les trois chez Jack, sa maison étant la plus grande... Ils n’avaient pas le courage de la vendre, de toute façon… 
      Le plus dur pour Sam avait été de s’accoutumer à cette demeure. Chaque pièce, chaque objet, chaque meuble, était à son image. Sa présence était partout et elle en fut à la fois torturée et heureuse. Elle se sentait plus proche de lui que jamais, comme s’il continuait de vivre à travers cette maison...
      Dans un premier temps, elle avait fait le tour du rez-de-chaussée, touchant, caressant, s’emplissant de son essence... Ensuite, elle avait pris les escaliers qui menaient à sa chambre. Elle était entrée, timidement, comme on pénètre un sanctuaire... puis elle s’était approchée de son lit, s’était effondrée dessus et avait enfoui son visage dans les draps, respirant le parfum de son corps encore imprégné dans le tissu. Elle avait cru ne jamais pouvoir se relever. Il fallut toute la persévérance et la douceur de Teal’c pour la contraindre à ressortir... Elle garda cependant les draps de Jack aussi longtemps que son odeur persista puis enfin, la pièce fut nettoyée et rangée... Elle y installa ses affaires et ses deux amis n’y trouvèrent rien à redire. Ca leur semblait naturel.
      Au fil du temps, bien que l’état de la jeune femme s’améliorait, ils n’éprouvèrent pas le besoin de changer leurs habitudes. Daniel finit donc par abandonner définitivement son appartement et Sam vendit sa maison. Ils se sentaient bien ainsi.
      Ayant hérité également du chalet de Jack, Teal’c et Daniel s’y rendaient parfois, lorsque la jeune femme avait besoin de solitude. Elle n’allait jamais là-bas. C’était à ses yeux le symbole de ce qui n’avait jamais pu être. De ce qui ne serait jamais... Elle n’aurait pas supporté de s’y trouver sans lui.
 
      L’habitude aidant, elle finit par reprendre totalement pied et put de nouveau partir en mission.
      Les premières semaines, un nouveau colonel fut incorporé à l’équipe mais voyant que Sam avait retrouvé tout son professionnalisme, Hammond décida de la promouvoir au rang de Lieutenant Colonel et lui donna le commandement de SG1. Il tenta de trouver le quatrième homme qui manquait à l’unité mais finit par y renoncer. Ils s’entendaient si bien. Inutile de risquer l’harmonie du groupe par l’intrusion d’un parfait inconnu.
 
 
                                                                       ***
 
      Les semaines se transformèrent en mois et les mois en année. Daniel et Teal’c virent avec appréhension leur amie devenir de plus en plus détachée de tout, incapable de se lier avec qui que se soit. Elle évoluait dans la vie comme dans un brouillard... Elle semblait vidée de toute émotion.
      Son travail, palliatif au mal qui la rongeait, lui prenait presque la totalité de son temps. Sam était donc devenue ce que Jack avait été à son époque. Le leader des équipes SG, le second d’Hammond. Parfois, certain la comparait à la Légende, feu le Colonel O’Neill, et elle ne pouvait s’empêcher d’en ressentir une immense fierté. Elle aimait qu’on associe son nom au sien.
C’était tout ce qui lui restait.
      Elle voulait lui ressembler. Dur comme la pierre, généreux avec ses amis, un mental fort... Irréprochable. La personne qui se sacrifie, celle sur qui on peut compter, qui souffre pour éviter cela aux autres. Et elle était devenue tout cela et en était satisfaite.
Voilà ce qu’était sa vie depuis deux ans.   
 
                
                                              **************************************
 
 
      Un klaxon retentit à l’extérieur et Sam, sans perdre un instant, enfila son haut de survêtement par dessus son tee-shirt et mit ses tennis. Elle était nerveuse, comme à chaque fois qu’elle allait là-bas. Elle en ressentait le besoin et savait, cependant, parfaitement qu’elle en reviendrait plus bouleversée encore. Mais malgré tout, elle continuait... Le premier jour de chaque permission...
      Elle attrapa ses clefs, ferma derrière elle et alla précipitamment à la rencontre du taxi qui l’attendait devant chez elle.
 
-         Le cimetière John F. Kennedy, s’il vous plait, indiqua Sam après avoir refermé la portière derrière elle. 
-         C’est parti ! répondit le chauffeur en démarrant.
 
      Le trajet se fit en silence et ne fut interrompu qu’un instant à la demande de la passagère. Il y avait une petite boutique de fleurs sur la route et la jeune femme s’y arrêtait toujours avant d’aller là-bas. Elle achetait à chaque fois la même chose. Une seule rose.
      Arrivée au cimetière, le chauffeur lui demanda sobrement s’il devait l’attendre mais elle refusa et le paya.
      L’air était humide ; le ciel d’un gris sans nuance, désespérément triste et uniforme. Elle s’avança parmi les tombes qui parsemaient le sol, piétinant l’herbe fraîchement coupée de sa foulée nerveuse et cependant décidée. Encore quelques mètres et elle la verrait. Encore quelques pas, et elle se retrouverait devant elle. Cette tombe où il n’était pas.
      Le jour de l’enterrement, elle s’était promise de ne pas y retourner... A quoi bon ? Elle était vide. Mais dans son chagrin, il lui avait fallu un lieu où pleurer, un lieu où le retrouver. Alors elle avait fini par céder et était venue ici. Devant elle. Cette tombe où il n’était pas et qui lui donnait cependant l’étrange impression d’être reliée directement à lui. 
      Ce n’était pas une simple plaque au sol, comme la plupart de celles qui l’entouraient. Daniel, Teal’c et elle avaient choisi une stèle de marbre sobre mais imposante à l’instar du disparu.
      Sam, le ventre noué, la gorge sèche, s’accroupit devant la tombe et déposa la rose qu’elle tenait serrée dans sa main. D’un geste machinal, elle caressa l’herbe et laissa affluer les souvenirs qu’elle refoulait désespérément, jour après jour. C’était pour elle le seul moyen de ne pas devenir complètement folle, de ne pas plonger définitivement dans la douleur pour ne plus pouvoir en ressortir. Il fallait qu’elle se libère.
      Alors elle le vit, dans son esprit, si plein d’énergie et de force, si sûr de lui... Sa façon de bouger, de se mouvoir, de sourire... Son sourire... et son regard.
      Peu à peu, elle sentit le chagrin brûler ses yeux, son coeur se serrer à n’en plus pouvoir. L’espace d’un instant, son instinct la fit se révolter face à une telle souffrance mais elle finit par balayer ses dernières défenses et la douleur fit intégralement partie de son corps, de son être. Elle n’était plus que tourments et désespoir. Alors, lorsqu’elle se sentit à bout, lorsque son coeur fut sur le point de se déchirer, elle se releva, son visage ruisselant de larmes, et, posant un dernier regard sur la tombe où il n’était pas, s’enfuit loin de « lui ».
      Mais son image flottait dans son esprit malade. Son visage et son rire. Alors elle accéléra l’allure...
      Elle courait de plus en plus vite, indifférente au monde extérieur, à tout ce qui n’était pas sa douleur. Elle courait pour se libérer de lui, de sa présence ; s’épuisant en allant plus loin que ses limites, se vidant de toute pensée le rattachant à elle. C’était sa seule chance de tenir un peu plus longtemps dans ce monde où il n’était plus. Où il ne serait jamais plus. 
 
 
 
      Teal’c l’entendit rentrer mais ne bougea pas, sachant parfaitement qu’elle ne serait pas en état de parler. Il attendit patiemment qu’elle prenne une douche et  retrouve ainsi son sang froid. Il savait parfaitement où elle allait et savait aussi combien elle en avait besoin. Parfois elle en revenait plus forte et parfois plus détruite.
      Il se souvenait d’un retour particulièrement difficile. Daniel Jackson et lui venaient de faire les courses et tandis qu’il faisait la navette entre la voiture et la cuisine, il avait croisé Samantha sur le pas de la porte. Elle était épuisée d’avoir couru plusieurs kilomètres à s’en déchirer les poumons, et elle s’était arrêtée en tremblant devant lui, ne s’attendant visiblement pas à le croiser. Son visage était décomposé. Il y avait une telle souffrance, un tel désespoir dans son regard. A sa vue, il avait aussitôt lâché les sacs qu’il tenait à la main et s’était avancé vers elle. Il ne lui en avait pas fallu davantage pour qu’elle se jette contre lui afin d’y puiser le réconfort qu’elle n’avait su trouver dans sa course folle. Daniel Jackson était arrivé à son tour et avait passé ses bras autour de son dos, sa tête dans ses cheveux. Ils l’avaient emprisonnée dans un cocon de chaleur et de tendresse et peu à peu, ses larmes s’étaient taries... 
      C’était il y a longtemps maintenant. Et depuis, elle ne s’était plus permise un tel épanchement. Elle se cachait derrière un masque de dureté et de force qu’il avait bien du mal à accepter... Tout le monde avait le droit de flancher, mais même cela, elle ne se l’autorisait pas. Ni ici, chez eux, ni en mission.
      La dernière en date avait énormément inquiété Teal’c. Samantha avait été faite prisonnière et torturée… encore une fois… O’Neill, en son temps, n’avait pas été épargné, il est vrai. Mais le Jaffa avait beaucoup plus de difficulté à accepter que cela arrive à la jeune femme ; non pas qu’il ne la croyait pas capable de gérer cela, mais simplement parce qu’elle ne semblait pas se battre pour l’en empêcher… Il n’était pas un spécialiste de la psychologie humaine ou terrienne mais il se doutait que cela cachait un mal-être fort inquiétant. A croire qu’elle n’attendait qu’une chose… que quelqu’un en finisse avec elle. Pourtant elle était extrêmement prudente et professionnelle, là n’était pas la question, mais son besoin d’assumer tous les dangers était suicidaire.
      Il était donc temps pour lui d’avoir une discussion avec la jeune femme. Daniel Jackson, resté travaillé au SGC, venait à peine d’appeler pour lui apprendre qu’ils étaient tous les deux attendus à la base dans vingt minutes. Samantha venait à peine de rentrer après avoir passé deux semaines à l’infirmerie…
      A présent, il se trouvait en face de sa chambre, attendant tranquillement que la jeune femme sorte. Il n’eut pas longtemps à patienter. La porte s’ouvrit et elle s’arrêta aussitôt dans son élan.
 
-         Teal’c ?
-         Samantha ? Pourrais-je vous parler ?
 
      Depuis qu’ils vivaient ensemble, le Jaffa avait mis de coté les « Major Carter » et « Colonel Carter », tout du moins en privé. Daniel Jackson et la jeune femme lui avaient bien proposé de se tutoyer, comme eux même le faisaient à présent, mais ça ne lui semblait pas naturel, alors ils avaient fini par capituler. Quelle importance après tout.
 
-         Bien sûr. Qu’y a-t-il ?
-         Je m’inquiète pour vous. Vous venez à peine de sortir de l’infirmerie et je viens d’apprendre que vous avez accepté une autre mission.
 
Le visage de Sam s’adoucit.
 
-         Je vais bien. Je ne l’aurais pas autorisé si je ne m’en sentais pas capable.
-         Vous avez été torturée deux fois en moins trois mois... Je sais que vous ne vous plaignez jamais, mais il est tout à fait normal de vouloir prendre du repos. Personne ne vous le reprochera.
 
Cette fois-ci, la jeune femme sourit et s’approcha du Jaffa pour le serrer dans ses bras. Celui-ci accepta cette étreinte de bon coeur. C’était un geste courant entre eux. Il savait qu’elle en avait besoin, parfois.
 
-         Ne vous inquiétez pas, dit-elle simplement, sa tête contre son épaule.
 
Puis se redressant, elle croisa son regard et une ombre passa sur son visage.
 
-         La pire des souffrances n’est pas physique, Teal’c. Je vais bien. 
 
Sur ces mots, elle lui sourit une dernière fois et partit d’un pas résolu vers les escaliers.
 
-         Vous venez ? On est en retard.
 
Résigné, il finit par la suivre sans rien ajouter. 
Ils firent le trajet en silence. Arrivés en salle de commande une demi-heure plus tard, Hammond et Daniel les accueillirent.
 
-         Vous tombez bien. La sonde vient d’être envoyée.
 
Ils attendirent les premières images qui ne tardèrent pas à apparaître sur leur écran. La Porte était semble-t-il entouré d’un autel en pierre au milieu d’une petite clairière auréolée de grands arbres.
 
-         Ca semble assez standard. Rien de particulier... mis à part ceci, commença Daniel en pointant du doigt une sorte d’obélisque à quelques mètres de la Porte.
-         Approchez-vous, ordonna Sam au Sergent Harriman qui dirigeait la sonde télécommandée.
 
Tandis que cette dernière s’avançait vers l’obélisque, une phrase gravée à même la pierre apparue sur leur écran.
 
-         « A ceux qui sont perdus, vous trouverez ici un refuge », lut Daniel. Plutôt encourageant.
-         Il n’y a pas de DHD, intervint alors Sam, l’esprit pratique.
-         Faites un balayage de la zone, réagit aussitôt Hammond.
 
Harriman fit faire à la caméra un 360° et en effet, aucun DHD ne se trouvait à proximité de la Porte.
 
-         Revenez sur l’obélisque, demanda Teal’c qui, jusqu’ici, était resté silencieux.
-         Vous avez trouvé quelque chose ?
-         Là ! s’exclama le Jaffa en pointant à son tour son doigt vers le bas de l’écran.
 
Incrédules, ils restèrent silencieux un long moment.
 
-         Qu’est-ce que le symbole de la Terre vient faire ici ? réagit finalement Hammond.
-         Il n’est pas gravé... intervint Daniel en se penchant vers l’avant, cherchant inutilement à faire abstraction des pixels qui rendaient l’image floue.
 
Sam se tourna vers son supérieur.
 
-         Je demande l’autorisation d’aller sur cette planète, Mon Général.
-         Accordé, Colonel. Vous emmenez SG3 avec vous. Ils s’occuperont de tenir la Porte prête à être ouverte en cas de problème. 
-         Merci.
 
Elle jeta un oeil vers ses coéquipiers et d’un regard les incita à la suivre pour se préparer.
 
 
 
      Ils revinrent en salle d’embarquement quelques minutes plus tard, équipés de la tête aux pieds. SG3 se trouvait déjà sur place avec le matériel pour ouvrir la Porte sans l’aide du DHD.
 
-         Colonel Reynolds, salua Sam sobrement. Je prends le commandement.
 
      Pourtant plus gradé, il se contenta d’acquiescer, habitué à faire équipe avec SG1. Elle se tourna alors vers la salle de commande et fit un signe. La Porte se mit aussitôt en branle et les chevrons s’enclenchèrent un à un sous les yeux blasés des personnes présentes.
      Une fois le vortex ouvert, Sam regarda Hammond, attendant ses dernières recommandations.
 
-         Puisque vous ne pouvez ouvrir la Porte qu’une seule fois, je vous re-contacterai dans une heure pour faire un bilan de la situation.
-         A vos ordres.
 
Et sur ces mots, ils passèrent le vortex, Carter en tête. 
 
 
Conçu par Océan spécialement pour Imagine.
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