Ses doigts parcouraient furieusement le clavier, interprétant avec maestria un de ces airs que tout le monde connaît mais dont il ignorait le compositeur. Il s'en fichait. Sa passion pour le piano lui venait de son grand-père maternel. Il lui avait tout appris: faire des gammes à longueur de journée, puis de gammes passer aux accords, des accords aux phrases musicales, et des phrases aux morceaux complets. Il n'avait jamais sû lire une partition; il n'en avait pas besoin: il lui suffisait de ressentir la musique pour dire si ce qu'il jouait était juste ou non.
Pour elle, c'était tout le contraire;le morceau qu'elle interprétait était tiré du Ballet Russe de Tchaïkovski, transcription pour piano à quatre mains. Un de ses morceaux préférés; pas le plus facile. Après dix ans de conservatoire, elle s'était sentie prête à interpéter l'oeuvre. Ses yeux suivaient fébrilement la partition; son cerveau lui dictait les ordres: faire attention à la deuxième mesure ou ne pas oublier d'enchaîner ici ou là...
Lorsque le silence se fit, un sourire s'afficha sur le visage de Sam. Elle n'avait pas joué ce morceau depuis des années, mais ses doigts avaient gardé les déplacements en mémoire.
S- J'ignorais que vous saviez jouer...
Jack tourna la tête vers elle et lui sourit.
J- ça fait tellement longtemps...je ne pensais pas être encore capable de le faire.
Sam se demandait comment ils en étaient venus à se retrouver là, tous les deux, en pleine Maison Blanche, à jouer un air de piano qu'ils affectionnaient apparemment autant l'un que l'autre. Ils avaient été conviés par le président à une soirée en l'honneur des équipes du SGC. Le buffet s'éternisant, Jack avait décidé de visiter les lieux; Sam, intriguée par sa disparition, était partie à sa recherche et avait été attirée par l'une des seules salles non gardées, d'où s'échhappait un air de piano. Elle était entrée et avait vu ses longs doigts se promener sur les touches blanches et noires. Sans bruit, elle s'était assise et l'avait suivie.
Elle sortit de ses pensées et regarda autour d'elle. La pénombre s'était installée et elle ne pouvait à présent que distinguer les contours des riches meubles de la pièce.
S- C'est magnifique...
J- Moui...un peu surfait pour une maison secondaire.
Sam sourit, discrètement, et se tourna vers Jack.
S- J'ai adoré jouer avec vous.
J- C'est partagé major...
Ils se fixèrent quelques instants puis Sam détourna le regard.
S- On devrait peut-être y retourner...
Jack murmura un 'oui' à peine audible.
S- ...cette réception est en notre honneur et...
J- Si vous saviez combien je me fiche de leurs 'réceptions'.
Sam s'arrêta, interdite. Jack avait dit ça avec une telle froideur! Mais son regard exprimait à présent plus de tristesse que de colère.
J- J'ai passé ma vie dans des réceptions en l'honneur de mon équipe; je me suis dévoué corps et âme à mon pays, jusqu'à en perdre mon fils et ma femme...et à quoi bon? A côté des médailles, finalement, je n'ai rien...
Sam inclina la tête sur le côté; une lueur de tristesse apparut dans son regard.
S- Je crois que c'est notre cas à tous ici monsieur. Le fait de devoir cacher notre métier est une sorte de rupture avec nos proches.
Jack se leva, se posta devant la baie vitrée et enfouit ses mains dans ses poches. Il soupira et se retourna vers Sam.
J- N'avez-vous jamais envie de tout lâcher, de vivre une vie plus simple, de vous marier, de ne pas avoir à cacher tout ça à votre partenaire?
Sam se leva doucement et vint le rejoindre.
S- Mais...si je quitte le SGC, je quitte ma famille. Mon environnement de travail, mes recherches, les missions, SG-1...c'est ça ma vie.
Jack acquiesça doucement et caressa le visage de Sam. Cette dernière frémit et posa sa main sur celle de Jack.
S(doucement)- Que vous arrive-t-il ce soir...?
J(doucement)- C'est juste que...j'aimerais tellement qu'il soit possible que nous écrivions le reste de notre vie à quatre mains.
Sam lui sourit tendrement et déposa un doux baiser sur ses lèvres.
S- Alors commençons notre récit ce soir...