Lumière. Néant. Lumière. Néant.
Il semble que sa vie ne se réduise plus qu’à cela. Comme cette étoile, comme ce ciel si vide de sens mais d’autant de vies palpitantes. Samantha a beau gratter le vernis de son existence, rageusement, rien ne lui apparaît de plus que l’image qu’elle s’en envoie.
Sur le grand écran de ses sentiments les parasites se disputent à l’affiche et sur sièges usés de son cœur, personne ne se presse sinon lui. La star ce soir sera la solitude, un oscar à sa morosité s’il vous plait.
L’ouvreuse lentement d’un geste quelque peu rouillé, il faut bien qu’elle s’avoue ne pas inviter souvent un homme à ce film, vérifie le ticket de Peter. Elle va s’offrir ensuite, derrière le comptoir, un petit verre d’eau de rose pour alimenter le fantasme. Personne n’en saura rien, ce n’est certainement pas Samantha qui va dénoncer les excès de son cœur.
Et défilent en ouverture, ou en conclusion c’est selon, les raisons et sentiments de la jeune femme. L’homme, carré dans son fauteuil, observe sans un mot.
Dans le champs de la caméra, ses faux-pas et ses hésitations, ses sourires et ses victoires. Sa vie et ses questions défilent devant elle, et d’une main elle se fait une toile des lumières de ses regrets et une cape de ses amours. Et l’autre forge l’épée, pour lui couper la gorge si elle se laisse trop tendre vers l’homme dans la salle. Autant en emporte le sang, cet amour ne devrait pas être.
Vous pourrez bien verser une petite larme sur sa vie. Cela sera gentiment ajouté à sa collecte des soirées pyjamas, des amis perdus et de l’amour impossible. Mais faites-le avec sentiment, ceci dans le secret des émotions.
Dans le fracas du crash de sa vie, compatissez sous le silence des lumières revenant à elles sans Samantha. Regardez Peter se réveiller doucement tandis que l’ouvreuse lui montre fermement la sortie. Le film n’était pas bon se dira l’homme et sera bien incapable plus tard d’en donner les détails. Samantha lui échappera encore et toujours. Il n’a pas su l’écouter.
L’homme n’était pas le bon se dira la jeune femme, elle tournera la page mais n’oubliera pas. Son ouvreuse n’oublie jamais un visage qu’elle aurait pu aimer, ils ont tous leur portrait sur le mur, des bougies veillant leur dernier repos. C’est sa malédiction. Peut-être laissera t’elle encore entrer un autre après celui-ci, mais elle sait très bien qu’elle ne fait que retarder l’acte final.
Un jour, c’est lui qu’elle fera asseoir sur ce fauteuil usé, à lui qu’elle fera défiler le film de sa vie. Les violons déverseront leur miel et elle tissera sa toile d’araignée d’une main de maître autour de son cœur. Jonathan…
Mais pour l’instant, la dernière séance est arrivée, allez, sortez doucement, sur la pointe des pieds. Laissons-là savourer l’homme que pour l’instant elle ne peut avoir que grand écran. Quittons cette salle tandis qu’elle frémit de voir diffuser ses instants en sa présence. Et…
Mais voila que la porte s’ouvre sur l’ouvreuse, nous faisant signe de quitter la salle vivement tandis qu’entre une ombre qui se profile jusqu’à un vieux siège à coté de Samantha. Ne laissez pas votre regard s’attarder sur leurs bras entrecroisés et sur leur tête reposées l’une sur l’autre tandis que le film à l’écran devient à la vie…
Le rideau tombe….