« Je fais des rêves… »
« Tout le monde en fait. »
« Pas comme moi… »
« Qu’ont-ils donc de si différent ? »
« Ce sont mes rêves… »
C’est étrange comme une seule personne peut modifier le cours d’une vie. Cette jeune femme a dévié ma rivière de son lit et personne n’a jamais pu reconstruire le barrage qu’elle avait détruit.
Elle a tellement tout saccagé en moi. Tellement qu’il m’arrive de ne plus m’y retrouver.
Mais ma mémoire finit toujours par s’éclaircir et tous mes souvenirs me ramènent à elle.
La première fois que je l’ai vue, les premières phrases d’une histoire que j’aurais pu écrire me sont venues à l’esprit.
« C’était une claire matinée du début d’hiver. Son regard décoloré portait à travers la fenêtre où le givre commençait à former ses sinueuses arabesques… »
Sauf qu’il ne s’agissait pas d’une fiction et que son regard, comme celui de toutes les personnes présentes ici, n’était pas très clair.
Son fichier médical était pour le moins sobre ; jeune femme d’une trentaine d’année, trouvée inconsciente devant l’Orbe, sorte de grand anneau, après qu’on ait entendu un grand bruit. Inconnue, Amnésique semblait-il.
Son cas ne différait en celui des autres patients de l’établissement de Mry que par les circonstances de son arrivée.
Je la revois encore, auprès de cette fenêtre, tordant ses doigts si fins, en proie à une angoisse qu’elle s’efforçait de taire.
La lumière tombait dans ses cheveux d’une drôle de manière, renforçant sa fragilité en mettant en valeur les nombreuses brûlures qui avaient entamé ses mèches blondes. Sa peau était légèrement trop pâle et son corps trop maigre mais je savais que c’était une des pratiques de l’hôpital ; pousser les patients jusqu’au point de rupture en espérant qu’ils soulageraient leur âme avant.
Barbare me direz-vous mais au moins, la faim faisait tenir ceux qui ne croyaient plus vraiment au lendemain.
Une manière comme une autre de s’accrocher à un futur. Du moins pour la famille des patients.
L’uniforme blanc crayeux n’allait pas avec son teint mais nous n’étions pas ici dans une maison de luxe. A quoi pouvait ressembler un malade, on s’en fichait bien. Les traces de beauté qui avait pu flotter dans cet endroit avaient disparu pour le moins rapidement.
Et il en irait de même pour cette jeune femme, prostrée contre la fenêtre, le regard perdu, si elle restait dans cet endroit quelques mois encore.
Ce qui ne manquerait pas d’arriver car où peut aller une folle ?
Ce genre de pensées me trottait dans la tête tant j’étais habitué à voir et revoir mes patients. Ils arrivaient ici et y mourraient. Le temps passé entre, peu importe sa durée réelle, était celui d’une vie.
J’étais tellement conditionné par mes réflexes qu’il ne m’était pas venu à l’esprit un seul instant que ma future patiente aurait pu guérir, ou même qu’on l’avait envoyée ici par erreur…
« Parlez-moi de vos rêves. »
« Qu’y a t il à en dire ? »
« Je ne sais pas, c’est vous qui en avez parlé… »
« Ils n’ont pas d’importance, plus rien n’en a… »
C’est ainsi qu’on commencé nos séances. Je l’avais prise en charge peu de temps après son arrivée, du coup, à part MacDoet, aucun médecin n’avait eu de contact à proprement parler avec elle.
Elle m’avoua même que j’étais la première personne de cette planète avec qui elle avait une réelle discussion. Je ne fis sur le coup pas tellement attention à cette remarque mais elle devait prendre son sens à l’arrivée des étrangers par l’Orbe, et à son départ.
Cette confidence ne fut qu’une des rares que je réussis à lui extirper. Toutes venaient d’ailleurs quand je m’y attendais le moins, comme si elle me guettait pour toujours me surprendre et rester maîtresse de la situation.
Elle aimait apparemment croire qu’elle gardait un tant soit peu de contrôle sur son environnement.
C’est en ce point où je marquai ma première erreur ; j’avais toujours cru que comme le reste de nos patients elle ne marquait qu’indifférence à son entourage. Seulement elle, elle n’affectait pas cette indifférence.
Son regard vague et lointain, ses airs perdus et désintéressés pouvaient le laisser croire à un quelconque observateur mais pas à moi, après plus de 2 mois en sa compagnie.
Ce n’est qu’alors que je me rendis compte qu’entre temps, elle en avait plus appris sur moi que moi sur elle. Sa manière d’amener les choses, de détourner une question embarrassante avait quelque chose d’effarant pour un spécialiste comme moi.
Elle écartait les questions à la manière d’une femme maniérée chassant une mouche ou avec le froncement de sourcil d’une mère.
A tel point qu’il m’arrivait bien souvent d’oublier ma question tellement observer ses mimiques, ses moindres gestes me fascinait.
Elle me pelait comme un oignon à la vitesse sidérante de mon plein gré.
" Ce ne sont pas des rêves"
"Allons bon! Que venez vous de me dire?"
" Rien... A vous du moins"
"Je vois, encore un de ces mauvais jours. Nous pouvons arrêter la séance si vous le souhaitez."
"Ce sont des souvenirs..."
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Si sûre, si sûre d’elle. Evidemment dans un tel univers chacun est persuadé de sa réalité, se dressant face à autrui sur de son droit.
Il n’y a communément qu’une réalité alors pourquoi tant d’incertitude ?
C’est au moment où ce genre de question s’éveilla en moi que pour la première fois peut-être j’ouvris les yeux. A la lumière crue et aveuglante du monde et des réalités.
Des malades. J’en avais déjà vu tellement sûrs d’eux. Certains criaient leur certitude, d'autres se laissaient dériver ne cherche pas voulu approuver, n'ayant plus rien a prouver.
Elle... Dans son maintien en criait son insolente certitude ; sa fausse indolence, son regard présent. Aucun autre médecin il ne semblait sans être rendu compte mais il faut dire que d'aucuns ne l'avait réellement approchée comme moi.
Son regard me jaugeant tandis que j'ouvrais mes livres à la recherche d'un appui, d'un allié me donnait l'impression de me retrouver dans la peau ce gosse assis à une table essayant de convaincre un adulte de son savoir.
Maintes fois, j'ai laissé mes mains trembler – d’appréhension ? De plaisir ?- sous ce regard. Qu’avais-je donc tant à craindre que cela ne me fasse demander un congé ?
Avec le recul désormais je sais que je n’aurais jamais dû la laisser, m’éloigner d’elle ne serait-ce qu’un futile instant.
Mais comment aurais-je pu résister à la tentation de me libérer de sa toile, de la fascination que m’inspiraient les ombres fuyantes de son regard? Des pièges tissés par ses traîtres pas ? De la trame gluante filant entre ses doigts décharnés et pointés vers vous ?
Moi à qui on avait appris que la raison prédominait et que les femmes dans son genre n’intéressaient personne.
Ce n’était partir que pour mieux revenir et, au fond de moi je m’en doutais déjà.
J’ai tourné ma tête si souvent dans les couloirs alors que je marchais croyant voir se profiler son ombre, toujours tenté de retenir l’air après son passage cherchant à m’enivrer, tellement souhaité derrière mes questions que son regard vers moi change…
Souvent, toujours, tellement…
Rien que ces mots ne devraient pas être entrelacés avec elle. En fait rien ne m’appartenant ne le devrait. Mais comment résister à l’attraction de la chute ?
« Des souvenirs ? »
« Oui »
« Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? »
« Mes émotions, ma logique, mon cœur, mon esprit… »
« Ce ne sont pas des preuves »
« Et que devrais-je fournir comme ‘preuves’ selon vous ? »
La laisser seule fut la dernière erreur d’une longue liste que je commis car alors je ne fus pas le seul à être ramené par ses filets.
Que je sois absence n’entraîna pas la cessation de ses séances.
Un autre médecin s’occupa d’elle, la connut, toucha son corps. Un autre que moi lui parlait, la sentait, avait droit à ses regards. Un autre l’écoutait, tentait de la percer à jour, de la guérir.
C’est ainsi qu’à chaque moment j’étais tourmenté, harangué par mes démons, horrifié de ces sentiments.
Mais surtout vint me frapper et me laisser pantelant la révélation que je ne voulais pas qu’elle soit percée à jour ; je voulais la garder près de moi, étendre ma main sur sa vie.
Ou alors être celui qui la guérirait pour garder sur elle une emprise, qu’elle m’aime pour cela.
Oui, oui, oui, la voir lever tous les jours un regard d’adoration sur moi, quel régal alors !
Elle était devenue mon obsession et moi sa victime consentante, attendant sa leçon…
Au bout d’une semaine je quittais la ‘tranquillité’ de la campagne abruti, drogué par des somnifères.
Mais elle avait été suivie par un autre et l’avait fasciné…
Il était trop tard ; doucement, si doucement les acteurs se préparent à l’acte final…
« Puisque nous parlons de rêves et de souvenirs, d’après vous en suis-je un ? »
« Ne soyez pas stupide, vous ne ressemblez pas vraiment à Antonio Banderas. »
« A qui ? »
« Laissez tomber. »
« Intéressant encore une de vos expressions sans aucun sens. »
Il était une chose qui revenait sans cesse dans ses conversations ; une équipe, SG1, et son environnement. Selon elle il s’agissait d’une équipe, d’une quelconque organisation de « sa planète » voyageant sur d’autres mondes pour rencontrer des gens, lier contact.
Pas très réaliste, n’est-ce pas ? Cela l’était encore moins pour moi, car si j’admettais une seule seconde pouvoir y croire, elle pénétrerait plus profondément dans ses fantasmes, à la rencontre de cet Homme.
Ce fut ce monde qui signa ma perte, ce monde que je méprisais, n’accordant d’attention qu’à la ronde de ses gestes quand elle m’en parlait.
Néanmoins des petites choses ; son expression tellement heureuse, son attitude inatteignable, venaient heurter mon regard et me déranger au firmament de mes aspirations.
Je ne pouvais m’empêcher de remarquer le ton de sa voix quand elle parlait d’un tel, la posture de son corps, son regard…
Son regard… Ce n’est qu’en ces trop rares instants que l’on pouvait en voir toute sa portée et saigner… Saigner qu’il ne nous soit pas destiné et haïr celui qui doit le cueillir en même temps que l’adorer pour nous l’avoir révélé.
Fusaient des lieux, des rencontres, des moments, des gens, un homme…
Je le haïssais sans jamais l’avoir vu. Il avait eu à sa portée tout ce à quoi j’osais rêver et n’avait jamais récolté les semences de son amour.
Sans illusion, je peux dire que les malades ici sont partis tant physiquement que moralement. Hors d’atteinte…
Inaccessibles à leurs proches qui tentent désespérément de les atteindre, qui attendent un regard empli de vie, non leur miroitant leurs incertitudes. Combien de fois n’avais-je assisté à ces scènes, un air compatissant plaqué sur le visage pour leur expliquer la réalité du départ du malade. Trop souvent à mon goût… Je ne suis plus qu’un être de contradiction depuis que je la connais.
Elle. Elle, elle était présente sans être là. Mais ce n’était pas la même chose que pour les autres patients ; si son esprit, son corps étaient avec nous, son cœur avait quitté le domicile et la place n’était pas à vendre, encore moins à louer.
Cet homme n’était pour moi qu’un nom, une ombre. Il était un coin de sa bouche retroussé en un léger sourire, une aura protectrice dans ses gestes, calmes mais rigoureux et précis, un jeu d’ombre dans son regard…
J’avais appris à le connaître à travers elle sans qu’elle n’en parle clairement, apercevoir les signes avants coureur de son amour traître à mon existence et tenter de les chasser. Mais comment chasser une chose avouée seulement à demis mots ?
Ce n’est que maintenant que je réalise que ce que je voulais chasser n’était même pas appréhendée d’elle, que dès le début j’avais été exclu de sa vie, de son monde.
Je n’ai été que le catalyseur, lui permettant de tenir, son lien la sauvant du naufrage. Mon obsession fut sa bouée de sauvetage.
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« Encore une de vos phrases sans sens »
« Encore une de vos fuites »
« Je ne fuis pas, m’avez-vous vu bouger ? »
« Vous jouez sur les mots. »
« Je ne joue sur rien. Je ne joue plus depuis longtemps. »
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Extrait du rapport du Dr. MacYlan sur la dénommée S. Carter :
La patiente 35XX27 montre une personnalité assez stable. Elle possède tous les attributs d’une personne saine d’esprit, si ce n’est une imagination débordante avec l’invention d’un monde imaginaire.
Elle a pied dans notre réalité car elle précise bien que ses rêves sont des souvenirs de son monde. Elle n’est pas perdue en dedans comme l’est le patient 27XY46 dans son hallucination.
Pour le moins un cas intéressant : où sont les autres troubles psychologiques diagnostiqués par son médecin traitant, le Dr. MacJones ?
Dr. MacYlan, à Mry.
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Quand je revins, je ne me rendis pas compte immédiatement que mon congé allait être déclencheur de sa perte pour moi.
Mais doucement, lentement, elle semblait s’écarter de moi, s’évaporer…
Lentement son image palpitant devait peu à peu s’éteindre pour éclairer un autre.
Fut-ce réellement le cas ou bien ne me convainquis-je moi-mêmê qu’elle me punissait pour mon départ ?
Aujourd’hui encore beaucoup de choses restent floues, 6 ans après ces évènements. Tant de temps, de folies pour un femme à peine connue durant 6 mois et dont il ne me reste que des souvenirs fabriqués pour la plupart et la nouvelle murmurée du bout des lèvres par un de ses compagnons de son mariage avec l’Homme il y a 4 ans.
Jusqu’où m’étais-je perdu dans ma folie ?
Mon phare s’éteignait, s’éloignant de moi, me laissant seul au milieu des écueils.
Lors de nos séances, les silences devenaient envahissants, grattant à la porte, la forçant. Pour cela, j’écourtais nos séances.
Rien n’avait changé, ni elle, ni le lieu, ni mes collègues. Ce n’était que moi.
Moi qui me punissais dans mon obsession, moi qui sombrais dans ma folie et m’enfermais dedans. Je lui offrais ma gorge palpitante, ma jugulaire gonflée d’un sang tourné, vicié et lui tendais un couteau. Je la voyais le plonger dans ma gorge avec délice comme dans du beurre, la sang acre et acide brûlant ma bouche, coulant le long de mes lèvres. Et moi toussant, crachant mon fluide mortel tandis qu’elle s’en délectait passant sa langue si rouge sur le couteau mêlant son sang clair au mien.
Je rejetais mes fantasmes tout le monde, y compris mon Obsession. Elle se réduisit à une image dont je me satisfaisais, poupée sans volonté pliée à mes désirs sordides.
Je sombrais alors dans un monde plus fou que le sien…
« Revenons sur vos rêves. »
« Des souvenirs. »
« Si vous voulez. Ce sont toujours les mêmes ? Autour du même Homme ? »
« …. »
« Je vois, pourquoi regardez-vous par la fenêtre ? »
« Je vois l’inéluctable. »
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Durant un temps, il n'y eut que des nuits orageuses traversant ma vie. Elle est était mon iceberg et moi, Titanic, ne demandant qu’à ce qu’elle m’envoie par le fond. Il me semblait me souvenir de séances, de paroles qui auraient franchi sa bouche vénéneuse. Mais il n’en était rien.
Ce fut sans aucun doute la période la plus sombre de mon illusion. Elle, comme moi en souffrirent. Mais je dois bien avouer n’éprouver aucun remord qu’en à l’avoir fait souffrir ainsi. C’est ma vengeance, si petite et mesquine qu’elle soit.
Je voulais l’atteindre, j’aurais tellement voulu l’ébranler mais elle était une impératrice inaccessible pour nous autres, si lointaine dans son amour pour cet Homme.
Ceci la rendait désirable, cet éloignement. Si désirable mais nous n’aimions alors que l’image qu’elle daignait bien nous envoyer par à coups, comme la lumière d’un phare.
C’est pourquoi je ressentais que le mien s’était éteint. Cette lumière ne brillait plus pour moi car j’avais vu que cette image n’était que celle miroitant sur les douves entourant sa forteresse.
Ce que j’avais pu entrevoir au-delà m’avait révulsé car cet amour conservé derrière ses murailles ne me concernait en rien. Cet Homme seul l’aimait pour ce qu’elle était, et non pour une image.
Lui seul à jamais été admis par deçà les murs qu’elle a si bien sculptés tout en arêtes sur lesquelles des hommes ont laissé leur vie et leur espoir en s’y empalant. Des hommes comme moi.
Je ne peux reposer ma tête sur son épaule, je ne peux dire que je n’ai qu’elle car je ne possède même pas son ombre.
Je ne peux lui conter mes déceptions, mes joies car elle en fait partie intégrale seulement à mes yeux et pas aux siens.
Ce qu’elle est est bien trop hors d’atteinte pour moi. Elle aurait bien des conseils à me donner pour être insensible, son regard vague tandis que je lui parle.
Elle ne se rappellera certainement pas de moi, quoi qu’elle puisse en dire car je ne serai qu’un parmi tant d’autres, une histoire ancienne ayant trop vite succombé.
Et ainsi allaient les jours ; moi coulant en lui servant de support.
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« Ils sont là. »
« Qui ? »
« La fin de ma présence ici. Adieu. »
« Mais, de quoi… »
« Adieu ! »
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Et fut brisé mon miroir un jour de Dry. La chaleur pointait, repoussant les assauts du givre. Sa peau semblait perdre en transparence pour gagner en ivoire pâle. Ses yeux donnaient l’impression d’incarner le dégel des ruisseaux tumultueux, reprenant leurs cours gelés par le froid.
Il faisait tellement lourd ce jour là. Il était à l’opposé de celui de son arrivée qui évoque à mes souvenirs celui d’une clochette balancée par une bise mordante d’hiver sous un ciel pur.
Quand je suis arrivé le matin, elle n’était déjà plus là. L’air était pourtant si lourd, comment aurait t’elle pu s’échapper ?
La chaleur gênait les patients. Certains respiraient pitoyablement en battant des mains devant leur visage hagard. Ce n’était pas un de ces jours d’haute saison où il fait bon flâner et taquiner le ciel.
Son soleil était par bien des cotés trop amical avec les rares promeneurs ; ils avaient du mal à s’en défaire.
J’étais arrivée plus tard qu’à l’accoutumée mais avais effectué ma visite rituelle à mon Obsession sans coup férir et craindre.
Mais l’écharde qui pénétra alors mon cœur une fois sa porte ouverte n’a toujours pas fondue.
Elle n’était plus là, comme si elle ne l’avait jamais été. Je ne me rappelle de ce qui a suivit que confusément ; bruit, cavalcade, menace. Au milieu de tout cela, j’attrape une nurse par les épaules et la secoue de toutes mes forces pour savoir où Elle est.
Puis je cours, encore et encore…
Tout est en dégradé de gris, s’entremêle et m’englue. J’ai couru, jusqu’à retrouver mon souffle tandis que son image me filait entre les doigts sans plus m’oppresser. Mais je voulais son oppression, je la voulais elle contre toute raison.
Je dus arriver à l’Orbe. Celle-ci était, aujourd’hui encore je ne sais pas. Peut-être pourriez-vous me le dire ? Mais pour moi, l’Orbe était pareille à ses yeux en dégel et j’eus l’impression que sa lumière allait m’engloutir. Et Elle à contre-courant, sa silhouette flanquée de 3 hommes.
J’avais beau vouloir plonger en ce flot, je ne faisais que le contrer. Mon cœur y tendait de tous ses vestiges mais ma volonté, accrochée aux lambeaux de ma conscience, me sommait de la laisser partir, de me fuir.
J’étais là, au milieu de mes intérêts divergents, incapable d’un choix, face à cette vague qui ne voulait pas m’atteindre pour m’emporter avec elle.
Et Elle, sur le dos de cette vague, esquissant les pas d’une fuite tout en silence tandis que d’un saut de biche, elle quitta mon monde, mon univers, et la lumière disparut…
Elle est partie comme elle est venue, en silence, sans un son, sans un rire, sans un pleur alors que tout autour d’elle était mortellement calme.