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Un proverbe chinois dit que lorsqu'on a rien à dire d'intéressant on cite généralement un proverbe chinois
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Caresse d'hérisson... : Chapitre 1

 

                                                                          Caresse d'hérisson...

           - Auteur : Rayléna_rose.

Mail : Raylena_rose@hotmail.fr

          - Genre : romance S/J.

Résumé : avec la nuit pour seul témoin, une altercation marque la fin d’une ère...

         - Statut : complet.

Spoilers : Saison 08, après Threads, et saison 09 (très léger).
          
         - Disclaimer : Les personnages et l’univers ne sont pas à moi mais à la MGM…

Archive : à ne pas publier sans mon autorisation ! (Envoyez-moi un p’tit mail, je dirais sûrement oui).

   -        Note de l’auteur : Avant tout, un grand merci à Aurélia, Hito, Ally et Logan pour leur précieuse aide...
   -        Et puis, ce n’est pas parce que ce n’est plus la première qu’il faut que j’arrête avec mes clins d’oeils !! Alors... Hélios, GJC, CLD, Nemesis, ainsi que tous ceux qui ont aimé ma première fic, celle-ci est pour vous !

                                                                        Caresse d’hérisson...

 

    Elle respira un bon coup puis se glissa dehors non sans une certaine appréhension au cœur. Achevant son vol par une gracieuse danse, une feuille morte vint effleurer son visage rougi, et elle frissonna. Elle avait oublié qu’il faisait si froid en cette saison... Elle rentra le cou et remonta le col de son manteau, désireuse de se protéger du vent glacial qui venait s’y glisser. Ici, il faisait sombre et lourd, tout l’inverse d’une matinée au Colorado ! Croisant les mains sur sa poitrine pour se réchauffer, elle jeta un coup d’œil sur les environs puis soupira. Comme elle s’y était doutée, les gens affluaient en nombre...  

    La portière de la voiture claqua, l’arrachant précipitamment à la contemplation de la bâtisse... Se sentant noyée dans l’effervescence générale, elle se troubla quelque peu, perdant pied et voulu faire volte face mais la voiture était déjà repartie, aussi, elle soupira, saisit son courage à deux mains et avança.

   Trahissant l’averse de la veille, le sol de l’allée était légèrement humide si bien que ses hauts talons n’arrivaient pas à trouver appui dessus. Elle s’immobilisa, stoppant sa marche chaotique puis tenta d'enfouir un peu plus les pieds dans ses maudites chaussures. Ignorant les quelques personnes qui se retournèrent vers elle, elle finit par reprendre sa marche en priant Dieu, de ne pas s’affaler avant d’atteindre la porte.

   Une fois face à son destin, elle respira profondément, sentant déjà l’impatience la gagner... Elle aurait peut-être mieux fait de ne pas accepter, se dit-elle pour la énième fois.  
Sous ses yeux interdits, la porte s’ouvrit d’elle même, mettant un terme à son hésitation et la condamnant de ce fait à entrer... Elle se força à sourire à l’employé à qui, contrairement à elle, le froid ne semblait pas déranger plus que ça.  

    Elle passa une main nerveuse dans ses cheveux blonds que le léger courant d’air vint titiller, puis tira sur les pans de son manteau. Elle était assez anxieuse... très. Mais enfin, elle y était... Pas moyen de faire marche arrière.
Eblouie par le nombre de lustres qui scintillaient gaiement, elle couva l’immense salle du regard. L’endroit lui rappelait de vieux souvenirs... tellement de souvenirs.
Beaucoup de monde s’était déjà déplacé, des groupes s’étaient même déjà formés, tout le monde était sur son trente et un. Légèrement intimidée, elle inclina la tête, répondant aux sourires et regards qui convergèrent instantanément vers elle.

   Très vite, elle remarqua une jeune femme qui accourait dans sa direction en agitant la main. Elle lui adressa un sourire poli et marcha vers elle, la main crispée sur son sac. Tout ça était toujours aussi embarrassant...
Une fois à sa hauteur, le sourire de la jeune femme s’élargit et elle lui tendit chaleureusement le bras...

-    « Docteu... veuillez m’excuser, Colonel Samantha Carter, Enchantée de vous recevoir ! » salua-t-elle. « Je suis Amy MacLaren, c’est moi qui m’occuperais de vous... »

Le Colonel eut un sourire gêné. La grande salle grouillait de monde et elle n’était pas très à l’aise.

-    « Je crois que c’est un peu trop... »
-    « Oh, ce n’est jamais assez... » réfuta la dite Amy avec un sourire convainquant.
-    «  Bien, j’accepte volontiers alors... »

    Celle-ci se contenta de sourire en l’invitant à la suivre. Carter avança, l’air ailleurs... En premier lieu, elle tenta réellement d’écouter ce que son hôtesse lui disait. Celle-ci s’exprimait avec un entrain non feint, visiblement très excitée par l’évènement... Sam souhaitait vraiment donner le change, surtout que cette dernière paraissait très sympathique, mais rapidement, elle baissa les yeux, se laissant bercer par le claquement enthousiaste des hauts talons de la jeune femme à ses cotés...

Rituellement, son esprit s’égara...

    Ce séminaire allait regrouper les scientifiques les plus prestigieux dans le cadre du projet « Porte Des Etoiles » et en tant qu’invitée d’honneur, elle savait que quand viendrait son tour de prendre la parole, elle aurait droit à toute leur attention... et toutes leurs critiques aussi.
Sa dernière pensée lui arracha un soupir d’agacement.
Son travail allait enfin être reconnu et ses idées exposées à des gens brillants, pourquoi diable se torturer l’esprit à des pensées aussi lugubres?!
Se troublant, Sam releva vivement la tête tandis qu’une main la retenait par le bras...

-    « Mademoiselle Carter, vous êtes sûre que tout va bien... »

La jeune femme avait stoppé sa marche et la regardait avec inquiétude.
Sam acquiesça de la tête, en souriant...

-    « Ce n’est rien, juste un peu de fatigue... vous savez ce que c’est. »

    Sa voix sonnait faux. Elle en avait conscience... tout ce qu’elle faisait ces derniers temps sonnait faux. Dans ses fantasmes, on ne l’appelait plus jamais ainsi. Mademoiselle Carter... à croire que c’était inscrit sur son front ! Pourtant, c’était bel et bien la réalité et elle devait s’y résoudre, on l’appellerait sans doute ainsi toute sa vie... mademoiselle Carter. Juste ça...

-    « Les conférences ne commenceront que demain après-midi, vous avez des appartements à votre disposition, allez vous y reposer, mademoiselle... »
-    « Merci... »

Mademoiselle...

   Sam avança... encore. Elle était  si fatiguée... elle n’en pouvait plus. Elle ne supportait plus cette sensation de se tromper de chemin... que ce qu’elle devait chercher était bien ailleurs. Mais ce qu’elle supportait le plus mal, c’était de ne pas pouvoir regarder dans cette direction... de s’interdire de regarder dans cette direction. Depuis qu’elle était là, à Washington, elle se sentait encore plus embrouillée qu’avant. Si elle tentait vainement de se forcer à ne rien concevoir... ne rien espérer, c’était qu’elle souhaitait qu’ainsi, sa déception n’en serait que moins douloureuse... Mais malgré ses efforts, malgré le combat intérieur qu’elle menait contre elle-même, ses pensées la trahissaient toujours, en courant constamment vers un espoir... un vœu, qu’elle jugeait absurde.
Encore et toujours...

    Combien de fois seulement avait-elle imaginé qu’elle s’envolait pour Washington, après « son » départ ?... beaucoup trop. Mais hélas, en ce jour, elle n’y était pas pour la raison qu’elle aurait souhaité... Non, elle n’était pas là pour ça. Loin de là... Peut-être était-ce ça qui la minait tant? Qu’elle aurait désiré débarquer dans d’autres conditions... dans un autre état d’esprit... mais non. Il fallait vraiment qu’elle l’oublie...

-    « Voilà, Colonel... J’espère vous revoir en forme au dîner, ce soir... »
-    « Merci, mademoiselle Mclaren, j’essaierais de m’y glisser... »
-    « Je prends ça pour un oui ! »

   La femme la salua en souriant puis poursuivit son chemin, abordant également avec enthousiasme l’un des nombreux convives en passant.
Sam se surprit à envier sa bonne humeur. Cette femme était tellement légère, spontanée... elle avait l’air si désinvolte. Elle aurait tellement aimé pouvoir afficher le même air... pouvoir ressentir, ne serait-ce que durant une petite seconde, autre chose que de l’amertume... de la tristesse, inlassablement.

   Secouant la tête en un geste ironique, elle tourna la poignée et s’engouffra dans sa chambre en ne prenant même pas la peine d’allumer la lumière... Si elle n’avait pas été aussi blasée, elle se serait même volontiers arrêtée sur le somptueux intérieur qui reflétait avec fierté les rayons de la faible lumière qui filtrait à travers les rideaux tirés. Les organisateurs avaient, sans conteste, fait les choses en grand !

    Cependant, pour elle, le lit, lui, était vraiment de loin, plus attirant...
Elle posa son sac, se débarrassa de son manteau et le posa sur la chaise de bureau. Elle rajusta sa jupe et défit le premier bouton de son chemisier puis envoya valser ses satanées chaussures, appréciant de sentir sous ses pieds, le doux contact de la moquette. Doucement, elle avança vers le grand lit qui occupait le centre de la pièce et s’y affala les bras grands écartés, fixant le plafond. Vraiment, elle aurait aimé être là pour une toute autre raison...
   Il fallait qu’elle se repose si elle voulait pouvoir tenir debout, aussi, elle ferma les yeux, se laissant pénétrer par la douce intimité du lieu...
Son esprit s’aventura irrémissiblement, attiré par une intime pensée. La même... éternellement.


                       ****************************************

   Il referma la porte derrière lui, jeta un coup d’œil désespéré à sa montre puis s’élança précipitamment vers l’ascenseur, ahuri. Il était vraiment très en retard !!!  Etre en retard à un simple rendez-vous, passait encore, mais être en retard quand l’initiative venait de lui, ça, c’était le comble de l'absurde !
   Tendant le bras à l’extrême, il inclina la tête, saluant sa charmante voisine, mademoiselle Marchal, alors que les battants de l’ascenseur se rouvraient sur elle. Soupirant, il frotta d’une main lasse son bras endolori en se glissant à l’intérieur. L’ascenseur amorça enfin sa lente descente et il reporta son attention sur le défilé de numéros. 

   Quelque peu agacé, il se redressa légèrement. Levant discrètement les yeux au ciel, il se racla bruyamment la gorge, tentant gauchement de faire prendre conscience à la femme qu’il devinait à sa droite, de la façon peu équivoque dont elle le regardait –voire de la faire revenir sur terre. Il était vrai que c’était plutôt flatteur mais bon, quand même, il y avait des limites !! Elle n’avait qu’à être plus discrète... nettement plus discrète
   Ses doigts stoppèrent brusquement leur danse sur la paroi métallique lorsque les portes s’ouvrirent enfin, et il se précipita dehors en lui faisant un léger signe de la main. Peut-être était-ce l’uniforme qui leur faisait cet effet là ! Songea-t-il en secouant la tête.

   Sillonné par un long frisson, il se recroquevilla, se fustigeant de ne pas avoir pris son manteau en notant avec dépit le sale temps, mais se faisant, il écarquilla les yeux. Tout en avançant, il considéra la voiture stationnée devant avec incrédulité. Ça lui arrivait encore... d’oublier que maintenant, il y avait Jeff, son chauffeur. Plissant les yeux, il finit par secouer la tête en se rappelant d’un détail... sacré détail !!!
   En l’apercevant, celui-ci bondit aussitôt à l’extérieur du véhicule et s’empressa de lui ouvrir la portière, un sourire bienveillant barrant son visage. Jeune, plein de vitalité et d’entrain, Jeff n’était jamais à court de sourires. L’homme prit un air menaçant et fronça les sourcils, manifestement contrarié...

-    « Je croyais vous avoir donné votre après-midi?!! »

   Il aurait préféré lui donner toutes les autres aussi ! Songea-t-il avec dépit en se répétant que décidemment, ce n’était vraiment pas son genre, de se déplacer avec un chauffeur... Son pick-up lui manquait. Bien d’autres choses lui manquaient...
Souriant, le jeune homme haussa malicieusement les épaules, ne se laissant pas intimider.

-    « On dirait que j’ai bien fait de venir... Vous comptiez appeler un taxi, je présume ? »
-    « Vous présumez bien... »
-    « Voyons Général, ne prenez pas la mouche ! C’est votre secrétaire qui m’a prévenu que vous aviez un rendez-vous important ! »

   L’officier fit une légère moue en roulant les yeux. Il lui avait pourtant répété cent mille fois de ne pas le prévenir, qu’il se débrouillerait tout seul !
À croire qu’elle s’amusait à appeler ce bon vieux Jeff pour une toute autre raison...

-    « Mouiff... allons-y, j’suis assez en retard ! »
-    « Mais je suis là pour ça, Monsieur ! » sourit le jeune homme.

   La voiture démarra, quittant l’allée de la résidence. Il regarda par la vitre, se laissant imprégner par la mélancolie du paysage. Ces derniers jours avaient eu tendance à être très gris... c’était assez triste.
Heureusement qu’il avait des personnes comme Jeff et Amy -sa secrétaire personnelle- autour de lui, songea-t-il en jetant un coup d’œil vers son chauffeur. Car contrairement à tout ce monde qui lui servait -poliment- des sourires platoniques et des « Général...» hypocrites... eux, étaient d’une simplicité et d’un naturel désarmants. Ils n’hésitaient jamais à lui parler franchement, sans détours, et ceci tout en restant très professionnels !
Et puis, eux au moins, avaient le sens de l’humour ! C’était très important ça !!!
L’homme sourit à cette pensée. 

   Le décor changea peu à peu et les buildings cédèrent doucement la place à une architecture plus variée... Une vague d’appréhension le submergea, le faisant soupirer.
Elle devait être arrivée depuis assez longtemps, maintenant. Il savait qu’elle était l’invitée d’honneur du séminaire du siècle, comme se plaisaient à l’appeler certains. Il était au courant car il avait eu l’occasion de valider ce projet de regrouper leurs scientifiques les plus prestigieux afin de leur permettre de faire part à leurs confrères de l’évolution de leurs travaux et des obstacles qu’ils rencontraient avec la technologie aliène... bref, il avait pris connaissance de cette idée, il y avait environs trois semaines de cela, lors de l’une de ses -tant aimées- réunions avec le chef de l’Etat. Et à vrai dire, il n’avait commencé à s’intéresser à ce que lui racontait le Président que lorsque le nom de Carter fut mentionné. Notant avec une certaine fierté la reconnaissance qu’on portait à son ancien second, il avait souri, amusé. Carter à la tête d’une horde de scientifiques surexcités... attention, chaud devant !
   Et comme, leurs...« rapports » étaient assez restreints en ce moment, quoi de mieux que d’aller y faire un saut, histoire de lui faire un p’tit coucou !

-    « Ouaih, c’est ça... » souffla le Général en accompagnant ses paroles par un claquement de mains approbateur.

   Se prenant le visage entre les mains, il soupira. Encore un peu et tu y aurais vraiment cru, Jack ! Songea-t-il avec ironie.
C’était comme ça qu’il comptait lui justifier sa présence?!!
Un p’tit coucou ?!! ... pppffffff !!!
Autant lui dire directement qu’il mourrait d’envie de la voir !!
Ce serait moins risible et beaucoup plus crédible, songea-t-il en tentant de chasser d’un geste de la main l’agacement que lui inspira sa dernière pensée... Remuant nerveusement sur son siège, il finit par lever les mains au ciel, agacé par les sourires à peine dissimulés de Jeff.

-    « Quoi ?!!! » brailla-t-il.
-    « Quoi, moi ? »
-    « Oui, vous... A qui d’autre pourrais-je m’adresser?! » dit-il sarcastiquement.
-    « Bah pourtant, vous m’aviez l’air en plein débat ! » ironisa Jeff. «... un débat silencieux, certes, mais...»
-    « C’est bon... J’ai saisi, je crois ! » le coupa le Général, agacé.

Il soupira... encore.

-    « Détendez-vous, Général... Vous aurez tout le loisir de vous morfondre une fois qu’elle vous aura rembarré ! » déclara Jeff après un instant, d’un ton plaisantin.

Le Général haussa les sourcils, intrigué.

-    « Qui vous dit que c’est une femme que je dois voir ? Je peux très bien me rendre à un rendez-vous d’affaire !! »
-    « Non, non, non !! Il est clair qu’il n’y a qu’une femme pour susciter au grand Général Jack O'Neill un tel état d’anxiété ! »

   Contrarié par son ton moqueur, le Général fronça les sourcils, prêt à le contredire mais en relevant les yeux, il finit par sourire en croisant le regard amusé et complice de Jeff dans le rétroviseur.
Une femme. Jeff ne connaissait pas Carter ! Ce n’était pas... juste une femme.

-    « Je suis sûr que tout ira bien, Général... »
-    « Espérons... » maugréa ce dernier dans sa barbe. « Espérons... »

                       **********************************

   Elle soupira en tournant la tête à droite, la voilà dans la cage aux tigres ! Comment tout cela avait-il commencé? Son esprit était un peu -voire totalement- embrouillé... Elle inclina de nouveau la tête en souriant. Elle devait avouer qu’elle n’avait pas trop l’habitude de ce genre de réceptions ou l’on ne connaît presque personne mais ou tout le monde parle de vous… Dieu, mais que fichait-elle ici ? Elle aurait du rester dans sa chambre !!
Sam sourit plus franchement en se saisissant avec satisfaction du verre que le serveur venait de lui apporter, échangeant un regard amusé avec ce dernier.
   Les vieux scientifiques qui avaient selon certains dires « l’honneur » de partager sa table, la regardèrent en boire une gorgée, surpris.

-    « Mais qu’est-ce, très chère? ... du soda ? » l’interrogea le Docteur Weller à sa gauche, visiblement étonné.

   D’une réputation certaine, celui-ci avait été son Professeur à l’Université. Elle avait appris avec excitation son intégration aux recherches sur le Projet, car en plus d’être un excellent Professeur, c’était aussi l’un des plus brillants scientifiques du Globe. Ces théories étaient remarquables et elle se faisait une joie de pouvoir partager les siennes avec une telle pointure en Astrophysique.

-    « ... Du Coca Light, Professeur ! J’adore ça ! »

   Elle adorait ça, certes, mais... en réalité, elle ne voulait surtout pas s’aventurer à boire autre chose. Cela risquerait fort de dégénérer vu son humeur. Du Coca conviendrait très bien...

-    « Et bien, Samantha, j’ai toujours dit que vous étiez singulière ! Cela vient donc renforcer la vraisemblance de ma théorie... » rit doucement le Professeur, le regard bienveillant.

Humour de scientifique !  Songea-t-elle en partageant, cela dit son rire par politesse.

   Elle jeta un coup d’œil discret à sa montre. Bien que cela ne fasse qu’à peine trente -longues- minutes qu’elle avait rejoint le reste des convives, elle commençait sérieusement à s’impatienter et souhaitait déjà en finir, se demandant encore et toujours ce qu’elle faisait bien là.
Bien sûr, ce dîner n’ayant -contrairement au reste du séminaire- rien...« d’officiel », hormis les trois vieux mousquetaires qui lui faisaient face, tout le monde était venu accompagné... et encore ! Les vieux mousquetaires se déplaçaient d’ordinaire à trois, donc... Elle était bien la seule ! Rectifia-t-elle, exaspérée.

   Pete… Elle ne pouvait s’empêcher de songer à lui car... S’ils s’étaient mariés, comme prévu, elle aussi serait sans doute venue accompagnée. C’était sûr qu’il n’aurait jamais raté ça ! Imagina-t-elle avec amertume. Mais maintenant, il n’était plus question de ça... ni de rien d’autre, d’ailleurs. Elle n’avait pas voulu de ce mariage car sans le vouloir, elle n’avait pas été honnête... envers lui, envers les autres, envers elle-même. Même si c’était dur à admettre, elle n’avait vu en ce mariage qu’un moyen de se prouver qu’elle pouvait très bien aimer et... être heureuse et cela même sans...« lui ». Le seul et l’unique...
Et le résultat fut vraiment douloureux. La vérité pouvait parfois être cruelle. Elle le savait, maintenant... Encore aujourd’hui, si elle pensait à Pete, c’était bien pour ne pas -ne surtout pas- songer à un autre... celui que tout son être appelait inlassablement.

Une voix la sortit de son interminable analyse et elle se retourna, confuse. Un homme venait -d’après ce qu’elle supposait...- de lui poser une question, mais ce qui la troubla c’était qu’il la considérait intensément.
Il devait avoir une quarantaine d’années environs, assez grand. On pouvait aisément deviner sous la coupe élégante de son costume d’un bleu pâle, qu’il était assez athlétique. Ses cheveux châtain et quelques peu ébouriffés, adoucissaient son visage, sur lequel trônaient de magnifiques yeux d’un vert pénétrant. Il était très bel homme, et ce qui agaçait le plus Sam, c’était qu’il en avait parfaitement conscience et en jouait. L’homme fit encore quelques pas et s’arrêta à sa hauteur, la regardant dorénavant avec amusement...
... Sam haussa les sourcils, intriguée. Qui avait-il de si drôle?! Etait-elle aussi pathétique que ça ?!

-    « ... Docteur Carter !! Vous avez l’air aussi à l’aise qu’un poisson dans l’eau ! » déclara ce dernier d’un ton ironique.
-    « Excusez-moi ?!! » s’ahuri-t-elle. Non mais, de quoi je me mêle ?

L’homme qui, ne semblant pas remettre en cause ces propos plus que ça, la regarda toujours avec cet agaçant air moqueur, visiblement très amusé.

-    « Docteur Steven Antony... » se contenta-t-il de lui répondre, après un moment, accompagnant ses paroles d’un sourire charmeur.

   Devant sa belle assurance, Sam s’esclaffa, n’en pouvant plus ! Elle s’était préparée à beaucoup de choses en abordant ce dîner, mais alors là, se faire draguer d’une manière aussi... directe, ça, c’était tout à fait... grotesque ! Heureusement que le Professeur était trop absorbé par sa conversation !

-    « C’est drôle parce que, voyez-vous,  je ne me souviens pas du tout vous l’avoir demandé ! » ironisa-t-elle, agacée par son air enjôleur.

L’homme posa une main sur sa table et la regarda avec des yeux rieurs, selon toute vraisemblance, décidé à continuer son petit jeu.

-    « Vous savez que vous êtes tout à fait... » commença-t-il d’une voix assez chaude.
-    « Pas intéressée, oui ! » le coupa-t-elle sarcastiquement, la voix formelle.
-    « Vous êtes dure quand même, Docteur ! » s’écria-t-il, riant de la voir rouler les yeux.
-    « Ce n’est pas Docteur mais Colonel ! » rectifia Sam avec un regard menaçant.

   Sous ses yeux ébahis, Sam le vit avancer calmement une chaise et venir naturellement s’installer à sa droite. Il se rapprocha alors d’elle comme semblant vouloir lui confier un secret. Réticente, elle finit par céder devant son regard entendu. Il s’agissait sans aucun doute de leur « travail »...

-    « Ça, je le sais très bien ! » murmura-t-il. « Je viens juste d’être muté à la Zone Cinquante et Un, j’espère d’ailleurs, avoir le plaisir d’y travailler à vos cotés ! ».

Haussant les sourcils, Sam se redressa sur sa chaise.

-    « Le plaisir ?! » répéta-t-elle avec ironie. « Vous oubliez ce qu’on raconte sur les militaires ! »
-    « ... Modeste, en plus ! » la charma-t-il. « Décidemment Docteur, vous me plaisez ! »
-    « Colonel !! » rectifia de nouveau Carter, un peu décontenancée par sa franchise.

A part Pete, elle était plutôt habituée aux hommes qui ne disent jamais ce qu’ils pensaient, le genre de personnage qui lui faisait face, l’intriguait donc énormément. Les hommes étaient si différents les uns des autres... tellement différents.

-    « Vous êtes d’une humeur massacrante ! » sourit le séducteur.
-    « Et vous, d’une prétention aberrante ! »

L’homme se contenta d’hausser malicieusement les épaules. Probablement que ce n’était pas la première fois qu’on devait le lui dire, songea-t-elle avec curiosité.

-    « ... Est-ce la conversation de ce vieux Docteur Weller qui vous a assommé ?! » s’amusa-t-il.

    Confuse, elle se retourna vivement en direction de ce dernier. Elle soupira de soulagement en voyant qu’il n’avait heureusement, rien entendu. N’appréciant guerre ni ses propos inconvenants, ni son ton moqueur, Sam se renfrogna en croisant les bras sur sa poitrine... Dieu ce qu’elle pouvait détester ces hommes aux airs supérieurs et suffisants. Ceux-la même qui, généralement, se plaisaient à croire le monde à leurs pieds. 
Fronçant les sourcils, Sam s’approcha de lui.

-    « Tant que vous ne pourrez vous vanter d’avoir ne serait-ce que le quart de son savoir et de son charisme, ne vous avisez plus de critiquer la conversation d’un homme aussi exceptionnel ! » dit-elle en gardant son regard bien fixé au sien.

   Mais au lieu de se vexer, Sam vit avec encore plus de surprise le visage de l’homme s’éclairer d’un magnifique sourire. Plus franc cette fois, moins prétentieux... il y avait soudain dans ses yeux quelque chose qu’elle aurait, dans d’autres circonstances, vite qualifié de fierté mais elle n’en voyait décidemment pas le sens.

-    « Ne me dites pas que, même après vos grandes découvertes, vous admirez encore son travail ?! » demanda-t-il avec un sourire énigmatique.

Etrangement, Sam sentit qu’elle n’avait pas à craindre ce sourire, qu’elle n’avait pas à se méfier de lui...

-    « Figurez-vous, Docteur, que l’une de mes principales motivations en venant ici, était de savoir que j’aurais l’honneur et le plaisir de pouvoir enfin faire part à des gens tels que le Docteur Weller des progrès que mon équipe et moi-même avons réalisé et partager leurs impressions. Le Professeur saura, j’en suis convaincue, apporter du renouveau à nos recherches !! » lança-t-elle avec beaucoup de conviction, d’un ton très passionné.

Pour seule réponse, l’homme dorénavant silencieux, hocha la tête en signe d’acquiescement. Il avait l’air très satisfait par sa réponse, nota-t-elle, cela dit.

-    « ... Et vous alors? » l’interpella-t-elle, soudain intéressée par son regard. «... vous êtes ici pour ? »
-    « Vous. » lâcha-t-il en retrouvant le sourire.
-    « Moi ?! » s’esclaffa-t-elle.
-    « Oui. Assister à la conférence que vous allez donner après demain est la seule et unique motivation de ma présence ! »
-    « Ah...» fit Sam en rougissant légèrement sous le compliment. « Dans ce cas, j’espère que vous ne serez pas trop déçu. »

Avec son éternel sourire en coin, il se rajusta face à elle en posant les coudes sur la table.

-    « ... Anxieuse? »

Sam soutint son regard un instant puis finit par baisser la tête en soupirant. Au fond, c’était plus une affirmation qu’une question alors à quoi bon feindre l’assurance?!

-    « Assez, oui... »
-    « Vous n’avez pas à l’être, Docteur ! » dit-il avec une sincérité réconfortante.
-    « Colonel !! » s’agaça-t-elle en souriant.
-    « Bien, bien, Colonel !! » lui sourit-il.  « Alors, vous êtes venue seule? Je ne vois aucun Cavalier à l’horizon... »
-    « ... Cavalier ? » s’amusa Sam.
-    « Bah oui, toute princesse se doit d’être accompagnée par un Cavalier ! » dit-il très sérieusement.
-    « Vous vous y prenez très mal, Docteur ! » rit Sam, moqueuse.

L’homme se recula sur sa chaise, l’air faussement vexé. Il fit mine de réfléchir quelques secondes puis un immense sourire vint barrer son visage...

-    « Mon Colonel, permettez au modeste Docteur que je suis de vous inviter à partager son repas ! » pria-t-il en se mettant au garde à vous. 

    Sam rit encore, amusée par sa moue suppliante... Elle hésita un instant, tourna la tête vers le Docteur Weller, qui s’était encore lancé dans un discours déchaîné puis grimaça. Bien qu’elle leur portait beaucoup d’admiration, la perspective de passer une soirée aux cotés d’une bande de vieux scientifiques aigris ne l’enchantait pas plus que ça ! Cela dit, elle ne pouvait nullement leur faire l’affront de les laisser tomber. Un sentiment de déception se lut sur son visage alors qu’elle se retournait vers son nouvel ami.

-    « J’aurais aimé, mais comme vous le voyez, je suis assez entourée ! » lui expliqua-t-elle, un sourire d’excuse sur les lèvres.

   Ne semblant accorder qu’une mince importance à son excuse, l’homme eut un sourire vainqueur en se relevant. Il lui tendit galamment le bras, l’invitant par un geste de la tête à la suivre.
Fronçant les sourcils, elle le vit se tourner vers le Docteur Weller, l’air malicieux.

-    « Mon oncle ? » l’appela-t-il à la grande surprise de Sam.

C’était donc cela ! Songea-t-elle en souriant intérieurement. C’était bel et bien de la fierté...

-    « Ah Steven, je n’avais même pas remarqué que tu nous avais rejoint ! » sourit ce dernier. « ... je vois que tu as fais connaissance avec cette chère Colonel Carter ! »
-    « Justement, mon oncle, je voudrais vous l’enlever pour la soirée ! » demanda-t-il avec une moue suppliante.

Souriant franchement, le Docteur regarda tour à tour Steven et Sam, l’air malicieux. Gênée, Sam lui sourit maladroitement...

-    « C’est entendu, Steven... Amusez-vous bien surtout, jeunes gens !!! »

Steven n’eut même pas le temps de le remercier qu’il avait repris son discours, s’adressant à ses amis avec beaucoup d’énergie.
Les deux jeunes gens en question se regardèrent avec amusement.

-    « Alors, vous êtes partante, Mon Colonel ? »
-    « A une condition... Oubliez les « Mon Colonel », mes amis m’appellent Sam ! »
-    « Uniquement si vous m’appelez Steven... » sourit ce dernier, ravi.

   Souriant, elle finit par acquiescer de la tête. Charmant, brillant et souriant, qu’est-ce qui la retenait?! Elle ne pouvait continuer à espérer éternellement quelque chose qui ne viendrait sans doute jamais. Il n’était pas « lui », certes, mais... aucun, ne serait jamais lui ! Elle devait s’y résoudre...
Alors qu’elle se relevait, acceptant le bras qu’il lui tendait, elle chuchota à son oreille.

-    « Ne le dites surtout pas, mais je crois que vous venez de me sauver la vie ! » lui confia-t-elle malicieusement.
-    « Comptez sur moi pour vous le rappeler... » rétorqua-t-il sur le même ton.

Elle lui sourit encore, amusée. Cette soirée ne sera peut-être pas si nulle qu’elle l’avait conçue !

                          **********************************

   Alors que l’une des réceptionnistes s’affairait activement à consulter son ordinateur, il se retourna et resta un moment à contempler l’endroit. Il était vrai que passé le coté irritant que lui inspirait la pensée de se retrouver dans le même endroit que des douzaines de scientifiques grouillant d’impatience et d’enthousiasme non réfrénés, cette attente, le mettait très mal à l’aise. Lorsqu’il se retourna, il se troubla quelque peu au grand sourire qu’affichait la réceptionniste.

-    « ... Je vous confirme que le Colonel est bien arrivée, ce matin... Elle doit être au réfectoire, avec le reste des invités, voulez-vous que je la fasse appeler, Général? »
-    « Non, non !! » réfuta-t-il plus brusquement qu’il ne l’aurait souhaité.

A la seule idée d’être à quelques mètres à peine d’elle, son cœur se serra davantage puis se mit à cogner ardemment contre sa poitrine. Et bien voilà, il y était !

-    « Je vais y aller moi-même... merci, mademoiselle ! » dit-il après un moment, un sourire crispé sur les lèvres.
-    « Je vous en prie, Général... bonne soirée ! » 
-    « Je le souhaite... » souffla-t-il, gêné.

Il se décida enfin à se détourner et considéra avec anxiété la porte qu’elle lui avait indiqué. Machinalement, il se mit à marcher vers elle, le souffle court. O'Neill n’est pas un lâche ! S’encouragea-t-il.

   Stoppant sa marche après avoir fait quelques pas dans l’immense salle, il la couva d’un regard scrutateur, cherchant une cible bien précise.
Et lorsque ses yeux tombèrent enfin sur « elle », l’effet fut immédiat... il sourit bêtement et resta à la contempler. Ça faisait longtemps qu’ils ne s’étaient pas parlés et une éternité qu’ils ne s’étaient vus... Elle lui avait manquée.

    Les cheveux un peu plus longs, un grand sourire étirant ses délicieuses lèvres, très légèrement maquillée et même vêtue de l’uniforme officiel, elle était dans toute sa beauté. Vraiment magnifique...
... Un grand sourire étirant ses lèvres?
Curieux de savoir à qui était destiné son beau sourire, il détourna les yeux et se figea aussitôt. Le regard tout d’un coup voilé, Jack pâlit et son sourire fut vite enterré tandis qu’il remarquait -enfin- l’homme qui l’accompagnait.
A ce moment là, il crut sentir la lame du couteau qu’on venait de planter dans son cœur s’enfoncer un peu plus, l’asphyxiant.
« L’homme » visiblement en grande discussion avec Carter, prit les mains de celle-ci dans les siennes en un geste qu’il jugea assez familier, cherchant apparemment à capter son attention.
La mâchoire de Jack se serra et son visage se ferma...
Elle ne le repoussait pas... au contraire, elle semblait bien s’amuser.

Un cauchemar.

   C’était cela... oui.  C’était bien cela qu’il voyait dans ses pires cauchemars : Carter, belle et souriante au bras d’un homme élégant... de son âge... scientifique -ou non, d’ailleurs-... heureuse et épanouie. C’était pourtant ce qu’elle méritait... un homme à sa hauteur. C’était ce qu’il lui fallait... il le savait.
Décidemment, il n’avait pas à être là. Il n’avait plus à être là, rectifia-t-il en faisant déjà un pas en arrière.
Mais pourquoi diable se sentait-il aussi mal ? Il n’avait pas à l’être pourtant ! Il était juste un Général qui venait saluer son ancien second... ancien second qui n’avait aucun compte à lui rendre !
Après tout, elle était jeune, elle, et avait l’avenir devant elle... qui pourrait lui reprocher de vivre sa vie ? Pas lui en tout cas...
... ... ... ... ... ... ...

   Tournant la tête vers son compagnon de table qui regardait sa mousse au chocolat avec des yeux gourmands, Sam rit doucement en secouant la tête. Celui-ci releva la tête vers elle et fit une légère moue, la faisant rire de plus belle. Elle baissa les yeux, souriant.
   Bien que le chef y soit allé un peu fort sur le poivre -ce qui leur avait provoqué un fou rire interminable...- le dîner fut vraiment très plaisant.
Les rires et les taquineries avaient eu vite raison de la réserve de Sam qui, au fil des minutes, se détendit entièrement.  Passé le plaisir d’avoir troqué le vieux Docteur Weller et ses compères contre un homme pour le moins... exquis, elle était enchantée de pouvoir discuter de ses centres d’intérêt avec quelqu’un qui les comprenait et partageait car en plus d’être très drôle et tout à fait charmant, le Docteur Antony s’avéra aussi être vraiment très brillant ! Ils avaient eu ainsi, l’occasion d’évoquer certains points de leurs travaux –entre deux rires...
Elle se sentait vraiment bien, égayée et détendue. Ça faisait vraiment longtemps qu’elle ne s’était pas amusée autant... très longtemps.

-    « Allez quoi, dites-moi, Sam ! » la supplia le Docteur en faisant une moue boudeuse.
-    « Je vous ai déjà dit non ! » rit-elle, se sentant déjà céder.
-    « Quoi ? Vous avez peur que j’aille le répéter à nos chers collègues ! » la taquina-t-il en lui adressant un clin d’œil complice.
-    « Oh, mais je vous assure que vous n’avez pas intérê... »

Les yeux soudain écarquillés, elle se figea, stupéfaite. Son cœur manqua un battement avant de cogner rageusement contre sa poitrine. La gorge atrocement sèche, elle parvint par un suprême effort à fermer la bouche.

   Il était là... elle ne rêvait pas, « il » était bien là !!

Les joues roses, et les mains légèrement tremblantes d’appréhension et de joie mêlées, elle crut un instant sombrer, hypnotisée par la profondeur de son regard tandis qu’ « il » reportait son attention sur elle.
Sam tressaillit en captant avec ébahissement une fugace lueur dans le regard glacé du Général… Atrocement ébranlée, elle tenta de retrouver un semblant de calme car dans son esprit régnait le chaos total.
Une bouffée de chaleur l’envahit, bouleversant ses sens.
Bon Dieu, que faisait-il là ? Depuis combien de temps était-il là ? Qu’avait-il cru?

-    « Qui y a-t-il, Sam ? » s’inquiéta son nouvel ami, ayant remarqué son trouble. Elle avait pali et n’avait vraiment pas l’air bien !

Comme elle ne lui répondait toujours pas, il s’inquiéta.

-    « Sam, qu’est-ce qui ne va pas ? » répéta-t-il en la secouant légèrement.

   N’obtenant de nouveau aucune réponse, ce dernier se décida à suivre son regard, mais se faisant, il se détourna aussitôt en se mordant la lèvre de confusion. L’expression du grand homme au regard perçant et... à l’uniforme très bien repassé, ne lui disait rien de bon...
Bon sang, si c’est bien qui je pense que c’est, j’ suis mal !! Se blâma-t-il en leur tournant volontairement le dos.

   Les mains moites, les jambes en coton et le cœur au bord de l’implosion, le Colonel cilla en voyant son ancien supérieur s’avancer vers elle de cette démarche pleine de puissante et de nonchalance qui le caractérisait tant... Elle frissonna, réalisant avec un torrent d’émotions combien de le voir lui avait manqué... combien « il » lui avait manqué.
Bon Dieu, avec tout le monde qu’il y avait à Washington, quelles étaient les chances pour qu’ils se retrouvent tous deux au même endroit, au même moment ? ... La scientifique ne répondait plus !! La femme, elle, était perdue ! Que serait-il venu faire dans un lieu bourré de scientifiques si ce n’était pas... pour elle?

   Les mains serrées l’une contre l’autre jusqu’à se blanchir les jointures, le regard toujours ancré au sien, Sam finit cependant par se relever lentement et avança aussi. Mais, lorsqu’il s’arrêta une fois face à elle, le regard impénétrable, impulsivement, comme si elle en avait senti la nécessité, Sam se mit alors au garde à vous, bataillant pour retrouver un minimum de contenance au plus vite.

   Erreur ! Elle regretta aussitôt son geste en le voyant hausser un sourcil lourd de sens. Ne réalisant même pas la foule qui les regardait, ni les murmures qui courraient, ils se regardèrent, ne sachant trop quoi dire.
Jack, plus impassible que jamais, la considéra un moment puis se décida enfin à lui donner congé...
Elle s’exécuta.
Un silence de mort s’en suivit, les deux officiers drapés dans leurs habits d’apparat, se contentant de se dévisager mutuellement...
La tension dans la pièce était à son comble et tout le monde était attentif, suspendu à leurs lèvres...
Lentement, il s’avança vers elle, les poings crispés.

-    « Je croyais vous avoir dit de ne plus me saluer, Carter... » lui rappela-t-il, la voix acerbe.

   Son ton était dur... cassant. Les échos de cette phrase résonnèrent dans toutes les oreilles indiscrètes, et il y en avait bon nombre... Interloqués par l’attitude du Général, les autres convives s’étaient logiquement attendus à ce que Carter le prenne pour un fou, un de ces extravagants à qui le pouvoir avait fait tourner la tête... qu’elle recule apeurée... à la limite, qu’elle ravale sa fierté et qu’elle se confonde en excuses. Ils savaient, certes, de réputation, le Général Jack O'Neill du genre biscornu, mais delà à agir avec si peu de tact, tout le monde en resta bouche bée. Quel gradé serait assez stupide pour blâmer aussi gravement une subordonnée de l’avoir salué ? Et surtout en public ?!

   Mais à la surprise générale, le Colonel n’en fit rien. Elle se contenta d’encaisser remarquablement, le fixant avec effronterie et une once de défi dans les yeux. Aucune peur, aucune surprise, aucune animosité ne se lisaient sur son visage lisse, juste... oui, c’était bien cela...

-    « ... Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de vérifier que c’était toujours d’actualité, ces derniers temps ! »

   Au ton rancunier qu’elle avait utilisé, il ne cilla même pas, encaissant le double sens de ses paroles avec amertume...
A cette instant précis, elle le maudit de faire preuve d’autant de détachement, bien qu’elle eut fait de même, quelques instants plutôt...
   C’en était trop pour elle, elle baissa la tête, ne pouvant plus soutenir son regard… Elle qui croyait, il y avait à peine une seconde, avoir enfin réussi à le sortir de ses pensées... à se convaincre qu’il se fichait belle et bien de la savoir là... Voilà que par le seul fait de poser les yeux sur lui, tout revenait... même encore plus fort qu’avant. Toutes ces questions qu’elle savait condamnées à rester sans réponses, tous ces divers sentiments qu’elle s’interdisait d’éprouver... ce trouble… ces sensations qu’elle avait voulu renier en disant « oui » à Pete… cette frustration… cette boule au ventre... tout ressurgit.

-    « Ça l’est toujours... » lança-t-il après un instant de silence, la voix étrangement radoucie.

Relevant vivement la tête, Sam faillit tourner de l’œil devant son regard entendu. « Ça l’est toujours... ». De quoi parlaient-ils déjà ?
L’esprit encore plus embrouillé, Sam en arriva même à se demander pourquoi elle lui en voulait… Tant d’émotions l’envahirent qu’elle ne sut quoi dire.

-    « Que faites-vous là? » demanda-t-elle brusquement, un peu troublée par le brusque changement de ton.
-    « Vous n’êtes pas contente de me voir ? »
-    « D’après vous? » demanda-t-elle sur le même ton.

Il fit mine de réfléchir une seconde puis fixa un point derrière elle.

-    « Vous aviez l’air en charmante compagnie, je ne voulais pas déranger. »
-    « Ça ne répond pas à ma question ! » s’agaça-t-elle.

Jack O'Neill ou l’art de détourner les questions... et leurs réponses, soupira-t-elle intérieurement.

-    « ... Qui était? » demanda le Général, l’air de rien.
-    « Qu’est-ce que vous faites là? » demanda-t-elle avec plus d’assurance dans la voix.

Il y eut un instant de silence. Le Général, soudain légèrement gêné se passa une main nerveuse sur la nuque en faisant une légère moue.

-    « Vous avez toujours eu le trac... » dit-il, un soupçon d’embarras dans la voix.

Ecarquillant les yeux, elle crut un instant avoir mal saisi ses propos mais devant sa gêne, elle rougit légèrement...

-    « Vous êtes venu pour ça ? » demanda-t-elle avec le sourire d’une petite fille à qui l’on aurait fait un beau cadeau. Au diable la colère !!

Eberlué et terriblement troublé de voir le regard du Colonel passer de douloureusement froid à délicieusement chaleureux, le Général mit quelques temps avant de comprendre ce qu’elle venait de lui dire.

-    « Euh... entre autre. » lança-t-il brusquement, se forçant à reprendre contenance.  « ... mais comme je l’ai déjà dit, je ne voulais en aucun cas vous déranger, donc, je vais vous laisser ! »

Il inclina la tête, se retourna, prêt à repartir. Quel idiot il avait été ! Carter se débrouillait très bien toute seule et n’avait aucunement besoin de lui... il s’était bien ridiculisé. Même le coup du « p’tit coucou » aurait été moins... embarrassant. Beaucoup moins...

-    « Mais où allez-vous? » s’outragea-t-elle en le retenant par le bras, incrédule.

Pour le moins surpris, il se retrouva de nouveau face à une Carter au regard nettement plus ennuyé.

-    « Maintenant que vous êtes là, vous n’allez tout de même pas me laisser ! » poursuivit-elle d’un ton geignard. « Mon Général... » rajouta-t-elle cela dit, devant son sourcil levé. 
-    « Carter... » commença-t-il, souriant malgré lui devant son air suppliant. « Vous n’avez aucunement besoi... »
-    « Mais ce sont les meilleurs scientifiques que ce monde connaît, ils sont plus brillants les uns que les autres !! Je vous parie qu’à la moindre petite erreur, ils feront tout pour... »
-    « Carter !! ... On respire ! » la coupa-t-il en souriant franchement cette fois-ci.

Ce n’était pas qu’il était heureux de savoir qu’elle était inquiète, loin de là... mais bon, ça lui faisait une belle jambe quand même !

-    « Vous avez toujours été un excellent anti-stress, Mon Général... » balbutia-t-elle, troublée par son délicieux sourire en coin.
-    « Rien que ça ? »

Devant l’exquise espièglerie de son regard, elle ne put s’empêcher de rougir et lui adressa un sourire lumineux, réalisant avec trouble qu’il était bien là, en face d’elle. Qu’il était incontestablement venu... pour elle et rien que pour elle.

-    « On y va ? » proposa-t-il, un sourire malicieux sur les lèvres.
-    « Ou ça ? » s’étonna-t-elle, levant un sourcil intéressé.
-    « Vous verrez bien... »
-    « ... C’est d’accord. » accepta-t-elle en se disant qu’il n’y avait vraiment pas matière à réfléchir la dessus.

Acquiesçant de la tête, il fronça soudain les sourcils alors qu’une certaine image s’imposait de nouveau à son esprit...

-    « Mais votre... » dit-il en lui indiquant « l’homme » du menton.

Intriguée par son air soudain, moins assuré, Sam détourna les yeux, suivant son regard, puis se retourna brusquement vers lui...
C’était donc cela. Il avait cru que...

-    « Lui, c’est le Docteur Steven Antony, figurez-vous que c’est le neveu de mon Professeur ! » dit-elle, l’air de rien.
-    « Il vous l’a présenté ? » répliqua-t-il, se rappelant une conversation du même genre qu’ils avaient eue dans un certain ascenseur.
-    « En quelque sorte... Vous aussi, vous trouvez ça vieux jeu ? » demanda-t-elle malicieusement, entrant volontiers dans son jeu.

Jack fit mine de réfléchir une seconde, puis pencha la tête en arrière, l’air grave.

-    « ... Très. » lui assura-t-il, surprenant agréablement le Colonel.
-    « Je suis sûre qu’il comprendra. » sourit Sam en secouant la tête l’air de dire vous êtes impossible, vous. « C’est un garçon très ouvert d’esprit ! »

O'Neill préféra ne rien rajouter devant l’air amusé de Carter.

-    « Il va m’en vouloir... » dit-il seulement, après un moment.
-    « Auriez-vous peur, Mon Général ? » se moqua-t-elle, gentiment.
-    « Du tout, » réfuta-t-il sérieusement. « ... j’adore arracher les belles demoiselles des griffes de leurs assaillants, vous me connaissez! »

Il avait accompagné ses paroles d’un sourire ravageur ce qui la fit naturellement rougir.

-    « Vous ne changerez donc jamais ! » balbutia Sam, ne s’attendant certainement pas à ce genre d’attaque. Très efficace ! songea-t-elle intérieurement. 
-    « Parce que vous voudriez que change? » lui demanda-t-il avec un soupçon d’amusement dans la voix.

Faisant mine de réfléchir à son tour, elle finit par hocher négativement la tête...

-    « Non, finalement, je crois que non... Vous risqueriez d’être beaucoup moins attira... »

Les yeux écarquillés, elle se tut, effarée par ce qu’elle venait...« d’avouer »?
Jack, lui, en haussa ses deux sourcils tellement il fut étonné par ce... délicieux dérapage !

-    « Vous disiez, Carter ? ... Moins quoi? » la taquina-t-il, fier de la voir rougir de plus belle.
-    « Hum... moins... » balbutia-t-elle en se détournant, troublée.
-    « ... Moins ? » s’impatienta-t-il, le regard malicieux.

Les joues roses et aucune répartie en vue, Sam se tortilla nerveusement les mains... Si seulement l’on pouvait créer un livre appelé : « 100 façons de se sortir d’une situation -très- embarrassante face à Jack O'Neill... » Songea-t-elle, dépitée.
Plissant les yeux, Sam crut l’entendre rire doucement aussi, elle releva brusquement la tête vers lui et croisa immédiatement les bras sur sa poitrine, faussement outrée. Visiblement, sa gêne semblait beaucoup amuser Monsieur !!

-    « Ne vous gênez surtout pas pour moi, allez-y ! » le pria-t-elle sarcastiquement. 
-    « Enfin, Carter... Jamais, j’oserais ! » rétorqua-t-il en levant les mains, l’air innocent.

   Les deux interlocuteurs échangèrent un sourire complice puis Jack tendit le bras, l’invitant à avancer. Souriant, Sam se retourna, fit un pas, puis s’arrêta net.
Jack, ne s’y attendant certainement pas, cogna contre son dos, la bousculant quelque peu. La voyant légèrement déstabilisée, il la retint par le bras, posant l’autre sur son dos. Perplexe, Jack leva à son tour les yeux et se crispa, comprenant enfin la réaction de Carter.

   Malgré sa soudaine rigidité, ce... contact fit immédiatement son effet sur Sam qui tourna lentement la tête vers l’homme collé contre elle, légèrement rougie.
Jack, lui, se racla discrètement la gorge puis baissa les yeux vers elle, lui adressant un regard entendu. Alors délicatement, Sam se détourna tandis qu’il se détachait doucement d’elle.

-    « Je crois que là, j’ai fait une entrée pour le moins mémorable, Carter... » lui chuchota-t-il à l’oreille.

   Encore plus déstabilisée par le souffle chaud de Jack qui venait titiller sa nuque que par les dizaines d’yeux braqués sur eux, Sam se crispa.
Mais rien à faire, les battements de son cœur se faisaient saccadés et ne se décidaient pas à reprendre un rythme normal. Avoir Jack O'Neill littéralement collé à son dos n’était pas chose courante, non pas qu’elle s’en plaigne, non, diable ! Cependant, si elle voulait pouvoir paraître un tant soit peu... naturelle, c’était très mal parti ! Et lui qui ne se mettait à lui parler à l’oreille...

-    « ... Hey, Carter ! Vous êtes toujours parmi nous ? » s’inquiéta-t-il.
-    « Oh oui ! » s’empressa-t-elle de répondre en tentant vainement de réprimer un frisson.

Le Général, n’ayant apparemment aucune conscience du... trouble qu’il occasionnait chez son ancien second, s’en rapprocha encore.

-    « Je ne voudrais surtout pas vous presser, Carter... J’adore me mettre en avant, vous le savez... mais... faudrait peut-être qu’on bouge de là... » lui dit-il à voix basse, une pointe de sarcasme dans la voix.
-    « Je vous en prie, après vous... » formula-t-elle entre ses dents.

   Aussi fou que ça paraisse, tous les convives s’étaient retournés vers eux.
Tous, sans exception ! Bon sang, dire que depuis le début, tout le monde suivait gentiment la scène et qu’ils n’avaient, d’après la réaction de son supérieur, tous deux rien remarqué, songea Sam avec ébahissement.
Même si elle s’en doutait quand même un peu, c’était pour elle assez troublant de réaliser que dès qu’elle l’avait remarqué, rien à part lui n’existait plus autour d’elle... Il était là, voilà tout.

-    « Sortez-nous de là, Carter... C’est vous la tête pensante, je vous rappelle ! »
-    « A part nous enfuir en courant, j’ vois pas, Monsieur ! » chuchota-t-elle toujours dos à lui.  
-    « Ah, Carter ! Je vois que je déteins sur vous ! » dit-il fièrement.
-    « Vous croyez vraiment que c’est le moment de vous en vanter ?! » lui fit-elle remarquer, ne pouvant cela dit réprimer un sourire.
-    « Bah, je crois que c’... »

Une voix derrière eux les fit se retourner simultanément. C’était un homme qui venait à priori, à peine de pénétrer dans la pièce...

-    « Général O'Neill !!! » s’exclama-t-il en avançant vers lui, un grand sourire aux lèvres.
-    « C’est l’organisateur, Monsieur... » l’informa Carter, en se demandant comment il s’était débrouillé pour se retrouver une nouvelle fois dans son dos.
-    « Je le sais, Carter... » lui apprit-il.
-    « Ah ? »
-    « Albert ! » salua O'Neill en serrant la main de ce dernier.

L’homme visiblement d’humeur taquine tapota l’épaule du Général en souriant.

-    « ... Alors ? Que nous vaut l’honneur de votre présence parmi nous, Jack ? Ne me dites pas que vous commencez à vous intéresser à la science ? » s’amusa-t-il.
-    « Oh non !! Moi, y’a que Carter qui m’intéresse ici... » s’entendit-il lancer d’un ton désinvolte. « ... enfin, je veux dire... je suis venu lui faire un p’tit coucou ! » se rattrapa-t-il en voyant le visage de celle-ci s’empourprer alors que celui d’Albert se fendit en un sourire qu’il aurait pu qualifier de... moqueur.

Et bien voilà !!! Outre sa boutade, il pouvait être fier !! Il avait enfin réussit à le placer ce « p’tit coucou », c’est qu’il était sacrément tenace !!

-    « Je vous avez pourtant promis de prendre soin de votre protégée, Général ! » renchérit Albert, enfonçant Jack sans le vouloir.
-    « Merci, Albert... » grimaça Jack, tout d’un coup très tendu.
-    « Mais je vous en prie, Jack... Bonne soirée, les amis ! » fit-il en les quittant, sourire aux lèvres.

Comme il s’y attendait, Carter ne tarda pas à se retourner vers lui, sourcils haussés. Note pour plus tard : tuer Albert !

-    « ... Votre protégée ? » reprit-elle, en plissant les yeux.
-    « Je vous jure que ce... terme ne vient pas de moi, Carter ! » se défendit-il en gesticulant nerveusement.

Comme elle le considérait avec une légère moue, visiblement peu convaincue, il leva les yeux au ciel, gêné. 

-    « Enfin quoi, Carter... » la supplia-t-il presque.
-    « C’est bon ! » sourit-elle, fière de son coup. « Après tout, ça peut avoir du bon d’être considérée comme la protégée du Général O'Neill, je vais pouvoir demander des faveurs ! » plaisanta-t-elle.
-    « Et ils n’auront pas intérêt à vous refuser quoi que ce soit ! » renchérit Jack, les yeux malicieux.

Sam rit doucement, très amusée par ces échanges pour le moins... inhabituels. Sa protégée... si seulement, songea-t-elle, les joues joliment rosies.

-    « Y a quelqu’un qui vous fait signe, Carter... »
-    « Ah... où ça ? » s’étonna-t-elle.
-    « A votre gauche ! »

Se retournant doucement, elle soupira de soulagement en constatant que ce n’était que le Docteur Weller. Celui-ci, après un regard entendu, se releva et vint naturellement à leur rencontre. Jack un peu apeuré par l’air un tantinet farfelu de l’homme aux cheveux blancs, toussota discrètement.

-    « Hem... Carter, c’est qui ça? Une autre de vos conquêtes?»
-    « Non, juste mon ancien Professeur, le Docteur Weller... » chuchota-t-elle, tentant de réprimer son rire.

Jack ravi de l’avoir fait rire, vint se placer à ses cotés alors que le Professeur arrivait enfin à leur hauteur. Celui-ci s’arrêta et la regarda avec amusement...

-    « Je crois que vous avez fait des jaloux, Colonel... » dit-il avec un clin d’œil complice.

Souriant de la voir rougir sous le sous-entendu, il se retourna vers Jack qui n’avait rien raté de la scène.

-    « Bonsoir, Général... » le salua-t-il avec un sourire bienveillant. « Je suis le Docteur Richard Weller, j’ai été le Professeur de Samantha, à l’université... Je suis enchanté ! »
-    « Ravi Professeur, Général Jack O'Neill, moi, j’ai été le Supérieur de Samantha ! » lui sourit Jack en lui serrant chaleureusement la main.

Sam rougit légèrement en notant l’air amusé des deux hommes.
... Samantha. En général, les rares fois où il l’appelait par son prénom, les circonstances étaient toujours... désastreuses.
Mais quand il le faisait, ça lui affolait le cœur... la bouleversait. On aurait dit que son prénom prenait tout son aplomb quand il le prononçait... toute sa force.

-    « Permettez que je vous invite tous deux à ma table, Général... »
-    « Croyez bien que je vous en remercie, Professeur, mais j’aimerais autan ne pas m’éterniser ici ! » lui expliqua-t-il avec un regard entendu.
-    « Je vous comprends tout à fait Général... Je présume que notre hirondelle vous accompagne? » demanda-t-il en souriant à Carter.
-    « En effet, comme dirait un ami... » confirma O'Neill en haussant cela dit un sourcil perplexe devant l’appellation qu’il eut employée.

Les scientifiques et leur jargon ! Se dit-il, décidemment peu convaincu par son hypothèse.

-    « Monsieur, » l’interpella alors Carter avec embarras. « ... comme ce dîner est censé être en mon honneur, je ne sais pas si c’est... » commença-t-elle avant de s’interrompre devant sa main levée.
-    « Raahhh, Carter ! Puisque c’est moi qui vous enlève, il ne viendrait à personne à l’idée de protester, je me trompe? ! » dit-il fièrement.
-    « ... Non, Mon Général ! » lui sourit Sam.
-    « Parfait. Que diriez vous d’aller saluer le reste de vos amis, pendant que je vais serrer quelques mains histoire de faire bonne figure? » proposa-t-il.
-    « Tout à fait d’accord ! »
-    « Alors rendez-vous dans cinq minutes... si je suis encore de ce monde ! » ironisa-t-il, faussement affligé. « Professeur, j’espère que nous aurons le plaisir d’évoquer ensemble les péripéties de Carter, la prochaine fois ! »
-    « Je l’espère aussi, Général O'Neill... »
-    « Pas moi ! » rétorqua brusquement l’intéressée en faisant une légère moue.

Mettant nonchalamment sa main contre le dos de Carter, Jack pencha la tête et la considéra en souriant, inconscient de l’effet que ce simple contact avait sur elle...

-    « Auriez-vous des choses à cacher, Carter? » s’amusa-t-il.
-    « Pas plus que vous, Monsieur... » répliqua-t-elle.

Les yeux du Général se plissèrent si imperceptiblement qu’une personne qui ne le connaîtrait pas -ou peu- n’aurait rien remarqué, mais, ce n’était pas le cas de Sam... loin de là. Prenant enfin conscience de leur échange muet, Sam baissa la tête en se rappelant le nombre de personnes qui avaient toujours les yeux braqués sur eux...

-    « Nous en reparlerons... » dit Jack d’une voix diaboliquement neutre. « A tout de suite, Carter... »
-    « Bien, Mon Général... »

                              ***********************************

   Lorsque Sam le vit revenir -enfin- vers elle, elle se releva, souriant. Il avait dû serrer plus de mains qu’il ne l’avait prévu ! Se dit-elle en notant avec amusement l’effervescence du lieu. En effet, délaissant leurs tables, beaucoup de monde s’était relevé, et les discussions étaient plus animées que jamais.
Mais soudain, quelque chose la frappa de plein fouet, lui faisant plisser les yeux : l’attitude de ses confrères et plus particulièrement... la gente féminine.
Aussi absurde que ça puisse paraître, elles se livraient une vraie bataille pour attirer son attention si bien qu’il était obligé de slalomer afin de les éviter sans les froisser... enfin, c’était ce qu’elle supposait.

   Sam soupira... Il fallait bien avouer qu’elle les comprenait. Après tout, il avait toujours plu aux femmes, c’était un fait.
Mais là, il était dans toute sa splendeur et donnait forte matière à fantasmer... songea-t-elle alors que son esprit faisait déjà un pas vers une exquise vision. Secouant la tête en se sermonnant intérieurement, elle grogna presque de frustration, s’attirant de ce fait le regard surpris de son ancien Professeur. Confuse, elle se força à sourire, désireuse de lui dissimuler le pourquoi de ce...« dérapage sonore », puis elle reporta son attention sur son Général, l’air de rien.
Sauvée ! Soupira-t-elle en notant que le Professeur n’y avait vu que du feu.

   Sam savait que le Général devait sûrement avoir remarqué leur manège, car elles n’étaient pas ce que l’on pourrait qualifier de...« discrètes », bien au contraire ! Seulement, malgré tout cela, il continuait à avancer, ne leur prêtant aucune attention... pas même un regard.
Sam sourit. Il avait une horde de femmes qui se disputaient son attention et il les ignorait totalement... Anti-scientifiques, jusqu’au bout ! C’était bien lui ça...

   Quand il arriva enfin près d’elle, il l’invita tacitement à le suivre.
Elle se redressa, souriant de l’entendre soupirer d’agacement et marcha à ses cotés après un dernier au revoir à ce cher Docteur Weller...
Détournant les yeux un instant, Sam reçut avec un certain amusement quelques regards noirs. La situation en soi, n’avait rien d’amusant, bien au contraire ! Mais ce qui la faisait sourire, c’était l’embarras qu’eut son supérieur en suivant son regard. Ça, c’était marrant !!!
... ... ... ... ...

Lorsque la porte du bâtiment se referma enfin derrière eux, le Général ne put réprimer un soupir de soulagement. Fini, l’enfer ! Songea-t-il. 

-    « Je crois que je me suis fait de nouvelles amies ! » déclara Sam, un brin d’ironie dans la voix, en finissant de boutonner son manteau.

   Dès qu’ils furent sortis du réfectoire, le Général avait été aussitôt interpellé par quelques connaissances, sans même qu’ils n’aient pu échanger un mot... Mais heureusement, elle avait pu en profiter pour aller se changer et enlever enfin ses maudites chaussures ! Songea-t-elle en notant que le temps ne s’était toujours pas arrangé.
Semblant arraché à ses pensées, Jack se retourna vers elle et grimaça légèrement, élargissant le sourire de celle-ci.

-    « On dirait bien... » approuva-t-il, embarrassé. « Désolé, je crois que je n’aurais pas dû vous arracher à eux... Ça va jaser ! » confia-t-il, imaginant déjà le tableau.

C’était là que, prise par un phénomène inexpliqué, Sam se surprit à lui lancer d’un ton d’une inaccoutumance infiniment intime :

-    « Oh, ne vous excusez pas pour ça, après tout, j’ai l’habitude, maintenant ! »

Comme accompagnant un souffle de vent dans son élan, il releva aussitôt la tête, pour le moins... surpris.
Sam quant à elle, rougit violemment en prenant conscience de ses propos...

-    « Comment ça... vous avez l’habitude, maintenant ?! » demanda Jack, bien décidé à avoir le fin mot de l’histoire. 

Sam baissa les yeux en se mordant la lèvre inférieure. Les joues joliment rosies, elle tenta de rassembler ses idées. Mais comme elle ne répondait pas, il s’impatienta...

-    « Carter, dites-moi ! » lui demanda-t-il d’un ton plus ferme.
-    « Enfin Monsieur, vous savez bien... » hasarda-t-elle, n’osant croiser son regard.
-    « ... Quoi, Carter? » l’encouragea-t-il. « Vous savez... je ne mords pas... enfin pas vous ! » rectifia-t-il.

   Inéluctablement, elle sourit... Il avait l’art de détendre l’atmosphère ! Combien de fois seulement lui avait remonté le moral... redonner confiance, en jouant de ses blagues débiles?
Elle souffla un bon coup puis, sachant qu’elle ne pouvait plus reculer face aux efforts qu’il faisait pour la mettre à l’aise, se lança... Après tout, ils n’allaient pas éviter le sujet éternellement !

-    « Monsieur, vous êtes un homme... » énonça t-elle, rougissant déjà.
-    « Jusqu’à preuve du contraire, oui ! » la coupa-t-il, sarcastiquement.

Elle leva les mains au ciel en signe d’agacement tout en souriant contradictoirement...

-    « Pitié... déjà que ce n’est pas évident de balancer un truc pareil à son supérieur, alors, laissez-moi finir !... Mon Général. » rajouta-t-elle, embarrassée par le ton intime qu’elle eut employé.

Jack ne put s’empêcher de sourire devant son air affligé...

-    « Très bonne analyse, Carter ! » commença-t-il alors qu’elle adressait un regard noir. « Bien, bien... voilà, je me tais alors maintenant allez-y, je me suis préparé au pire ! » se radoucit-il.

Elle soupira.

-     « Merci, Monsieur. Donc ce que j’essaie si brillement de vous dire c’est que... vous plaisez aux femmes, c’est un fait ! » lui certifia-t-elle d’une voix qu’elle souhaitait le plus neutre possible.

Évitant soigneusement de croiser son regard alors qu’il répondait par un simple « oh ! », elle continua : 

-    « ... Les femmes de la base ne vous étaient pas indifférentes non plus, croyez-moi. »

Elle marqua une pause.

-    « Seulement elles, étaient beaucoup moins démonstratives étant donné votre position et votre grade. Vous étiez très impressionnant pour elles... » expliqua-t-elle.  

Sam le regarda, agacée qu’il n’ait pas encore saisi...

-    « Monsieur, sauf votre respect, elles étaient pour la plupart toutes folles de vous... Si j’ai dit ça c’est parce que... parce qu’étant la seule femme à être restée à vos cotés... tout au long de ces huit dernières années... J’avais eu le droit au même traitement de leur par que tout à l’heure ! Alors, ça ne me change pas tant que ça... » acheva-t-elle d’un trait. 

Se demandant encore comment elle avait réussi à soutenir son regard tout au long de son... épouvantable monologue, elle respira enfin, et attendit, la boule au ventre, sa réaction...
Semblant enfin avoir saisi le sens de sa phrase, le Général se rembrunit et fronça les sourcils d’un air soucieux...

-    « Je ne savais pas que c’était à ce point là, Carter... Je croyais qu’ils s’amusaient juste à colporter des rumeurs grotesques ! » s’indigna t-il. « Je suis navré de vous avoir porté préjudice auprès de... »

Touchée par la sincérité ô combien rare qui émanait de sa voix, Sam le coupa maladroitement...

-    « Vous rigolez, Monsieur !! » protesta t-elle, les yeux brillants. « Je ne vous échangerais pas contre toutes les amies du monde... »

Ses sourcils atteignirent des hauteurs à en faire pâlir Teal'C, tant il fut surpris. Avait-il bien entendu ? Il eut sa réponse en la voyant porter la main à sa bouche, les yeux exorbités, rouge de confusion...

-    « ... Je ne voulais pas... » balbutia-t-elle, cramoisie. « ... Enfin je veux dire... mon Dieu !» finit-elle par souffler en prenant son visage entre ses mains dans un geste déconcerté.

Jack sourit, attendri. Une simple phrase de sa part et il se sentait l’homme le plus fort du monde... Le cœur gonflé par cet aveu inespéré, il finit par éclater de rire, la faisant sursauter...
Elle le regarda, incrédule... Il fallait vraiment qu’il arrête avec ça !

-    « C’est ça, moquez-vous ! » s’offusqua-t-elle, faussement vexée.
-    « Non, non Carter ! J’me moque pas de vous... » réussit-il à placer entre deux rires. « Enfin, pas totalement... » s’amusa-t-il gentiment. « C’est juste que... si ces femmes savaient ce que c’était que de me côtoyer, elles s’enfuiraient en courant ! » lança t-il ironiquement.

Touchée par cette confidence dissimulée, Sam le considéra sérieusement...
Il aimait tourner en dérision ce qui le touchait et ça, elle le savait...

-    « Et moi alors... je ne suis jamais partie, et pourtant... » lui confia-t-elle.
Devant le sous-entendu à peine voilé de ses propos, Jack ne put que sourire.
-     « Mais vous, vous êtes unique Carter... » rétorqua-t-il en agitant négativement la tête. « vous êtes ma petite parenthèse... Il n’y a vraiment pas matière à comparaison ! » lui avoua-t-il, le regard séducteur.

Seul un sourire radieux accueillit ses dernières paroles.

-    « On marche un peu ? » proposa O'Neill. « enfin, si vous avez froid, on peut... »
-    « Ça me va, Monsieur... marchons. » le coupa-t-elle.

Son cœur battait toujours sous le souvenir de leur précédente réflexion... Elle se sentait le feu aux joues et ça semblait l’amuser vu le sourire en coin, un tantinet moqueur qu’il arborait, nota-t-elle. 

-    « Alors, où est-ce que vous m’emmenez ? » demanda-t-elle en se disant que s’il continuait à la regarder ainsi, elle ne répandrait plus de rien !
-    « Vous n’avez pas confiance ? »
-    « Ce qui me rassure, c’est qu’il n’y ait pas de lac dans le coin ! » rit-elle doucement.
-    « ... Pourquoi? Vous n’avez pas aimé la dernière fois ? »

Bercée par le doux scintillement des luminaires, elle attendit un moment avant de répondre, submergée par les souvenirs.

-    « Si... bien sûr que si. »

Il ne répondit rien car il n’y avait rien à répondre à ça. C’était juste ainsi.
Silencieux, ils arrivèrent finalement aux abords d’un parc, l’endroit étant assez isolé de l’effervescence de Washington.

-    « Comment le saviez-vous? » demanda Sam en se tournant vers lui, un grand sourire sur les lèvres.
-    « Je suis passé devant en voiture, tout à l’heure... » fit Jack, malicieux. « On y va ? »
-    « Avec plaisir... » lui sourit-elle.

   Le malaise était passé. Car malaise, il y avait, c’était certain. Prenant naturellement place sur l’une des balançoires, Sam soupira à cette pensée alors que l’objet de ses tourments s’installait sur le banc à coté, une simple barre de fer les séparant. Si seulement, il n’y avait que ça ! Soupira-t-elle encore.

   Ce week-end au Minnesota aurait pourtant dû être parfait... pas seulement génial. Il n’y avait plus de Kerry, elle, leur avait apprit qu’elle avait rompu ses fiançailles avec Pete... Alors qu’est-ce qui avait cloché?!
Elle était pourtant plus persuadée que jamais de ce qu’elle voulait... lui.
Et pourtant... rien. Des rires, des taquineries... de la complicité, bien sûr, mais... elle aurait voulu plus. Tellement plus...

   Peut-être était-ce juste parce qu’ils n’étaient ni l’un ni l’autre prêts à ça, car elle devait bien s’avouer qu’à part sourire et rougir, elle n’avait pas fait grand-chose qui aurait pu le pousser à croire que les choses avaient changé... que les choses devaient changer.
C’était comme lors de l’un de leurs nombreux retours catastrophiques de missions. Bien qu’ils lisaient la même chose dans le regard de l’autre, ils ne faisaient rien...

-    « ... Le SGC ne vous manque pas trop, Carter ? »

Sursautant, elle sortit brusquement de ses pensées, s’efforçant d’afficher un visage neutre...

-    « Désolé, je ne voulais pas vous faire peur... » s’excusa-t-il en souriant. «... Vous rêviez ? » lui demanda-t-il.
-    « Je me disais juste que... c’était plus vous, que le SGC, qui me manquiez... » dit-elle pensivement.

Au sourcil qu’il arqua, elle s’empressa de rajouter...

-    « Hum... je veux dire avec Daniel et Teal'C ! » barbota-t-elle.
-    « J’avais compris... » dit-il en souriant. « Vous m’avez manqué aussi. » lui confia-t-il en la regardant cependant droit dans les yeux.

Parcourue de toute part par les douces vibrations de sa voix, elle lui sourit simplement. Il était si étonnamment troublant...

-    « J’ai eu Teal'C au téléphone, hier... » lança-t-elle, orientant la discussion.
... ... ... ... ... ...

   Étant donné qu’il faisait relativement froid, personne ne s’était aventuré dehors, leur donnant de ce fait, l’agréable impression d’être seuls au monde. Seul un léger vent se faisait complice de leur humeur... apprivoisant leurs angoisses, disséminant leurs rires, recueillant leurs silences, soulignant leur complicité... encourageant leurs aveux. Ils étaient vraiment bien... tous les deux. Les minutes... les heures, se succédèrent au rythme de leur conversation et ils restaient à se raconter... à revivre, à partager certains instants. Quelques uns drôles, d’autres douloureux... en se disant juste qu’ils en avaient vécu des choses ensemble.

   Pouvait-on expliquer la raison de ces affinités incompréhensibles qui se situaient en marge de la loi la plus cruelle de toutes... celle que l’homme n’avait jamais réussi à dompter... celle du cœur. Ils ne s’étaient alors pas souciés d’analyser leurs sentiments du moment : ils se sentaient transportés et s’abandonnaient tout simplement aux doux murmures que l’autre faisait naître en eux.

-   « Sacré Danny Boy, toujours à fourrer son nez partout ! » s’exclama Jack en riant.

Une lueur délicieusement espiègle dans le regard, Sam le vit se relever et venir prendre place sur la balançoire d’à coté.

-    « En parlant de surnom, Carter... Parlez-moi un peu de cette histoire d’hirondelle ! » demanda-t-il malicieusement.
-    « Joker, Mon Général ! » réfuta l’intéressée en secouant négativement la tête.
-    « Allez, Carter ! M’obligez pas à vous l’ordonner ! »
-    « Vous n’oseriez pas ? »
-    « Vous me défiez de le faire?! »
-    « C’est pas juste ! Avouez qu’il y ’a mieux comme surnom... » bouda-t-elle.
-    « Moi je trouve ça plutôt marrant ! » s’esclaffa-t-il.
-    « Vous vous moquez encore ! »
-    « Non, je vous assure Carter ! » fit-il en se tournant vers elle. « Allez, racontez-moi d’où vous tenez un si beau surnom... »

L’espace d’une seconde, Sam voulut se dérober puis finalement, céda et reporta son attention devant elle, laissant les souvenirs affluer à son esprit.

-    « En réalité, ça remonte à l’époque où j’étais encore à l’université... » commença-t-elle mélancoliquement. « Cette matinée là, ma promotion devait passer l’examen du Professeur Weller, alors autant vous dire qu’avec la pluie, le vent et le réveil qui n’avait pas sonné, j’étais dans un état de stress inégalé ! » raconta-t-elle.
-    « Je peux facilement l’imaginer... » souligna Jack, lui arrachant un sourire ironique.
-    « Mais alors que nous étions tous réunis devant la porte, tâchant de peaufiner certains points, mon amie Laura, nous fit remarquer un p’tit oiseau, roulé en boule en plein milieu de la cour... »
-    « Et vous y êtes allée ! » la devança O'Neill.

Elle acquiesça de la tête, amusée par sa tête concentrée.

-    « Au début, je voulais juste vérifier qu’il allait bien... »
-    « Mais? » La coupa-t-il encore.
-    « Mais, dès que je l’ai eu entre les mains, je n’ai plus eu le cœur à l’abandonner... Ne me regardez pas comme ça, il faisait très froid dehors, même nous, on était gelés !! »
-    « Mais j’ai rien dit, Carter... » lui sourit-il, amusé.
-    « Vous me regardiez bizarrement ! »
-    « Carter... » s’agaça-t-il.
-    « J’ai compris ! » fit-elle, faussement dépitée. « Je continue... donc, les autres, qui étaient restés à l’abri de la pluie, m’avaient vite rejoint et quand je leur avait proposé de retrouver sa mère, tout le monde m’avait suivi en, en oubliant même qu’on avait un examen à passer ! » s’exclama-t-elle avec dépit.
-    « Vous aviez déjà votre public, Carter... » commenta O'Neill.
-    « Un public très peu fiable, hélas ! Parce qu’une fois face à un Professeur Weller plus furibond que jamais, tout le monde s’était retourné vers moi en criant : « C’est à cause de l’hirondelle, Professeur !! » ... Alors depuis, à chaque fois qu’il s’adressait à moi, le Professeur m’appelait notre hirondelle ... »
-    « J’imagine la tête qu’il a dû tirer en expliquant au directeur que toute une promo avait raté son examen à cause d’une hirondelle !! » rit doucement O'Neill.
-    « Moi, je préfère ne pas l’imaginer... » répliqua Sam en se joignant à lui.
-    « En tout cas... ça vous ressemble beaucoup Carter. » conclu O'Neill, avec un sourire enjôleur.

Rougissant sous le compliment, elle acquiesça simplement de la tête, heureuse d’avoir pu partager un de ses souvenirs avec lui...
Puis subitement, elle tourna la tête vers lui et le considéra avec une lueur étrange dans les yeux.

-    « Et vous alors, Monsieur... On ne vous a jamais donné de surnom? » lui demanda-t-elle, souriant.

Quelque peu surpris par la question, il s’accorda un moment de réflexion.

-    « ... Si. » confia-t-il d’une voix neutre. « Le plus souvent, les gens ne se permettent pas... mais, autrefois, il y a bien longtemps, une personne m’en avait donné un. » dit-il.
-    « C’était votre femme? » hasarda Sam.
-    « Non. » réfuta-t-il seulement. « C’était le Major Darren, mon Supérieur à l’époque... mais je ne sais pas si ça compte parce que c’était bien le seul à m’appeler comme ça... » se rétracta-t-il, le regard évasif.

Sam resta un moment à l’observer en silence, ayant noté son hésitation et le changement de ton dans sa voix.

-    « Si vous vous en souvenez, c’est que ça doit compter, non ? » lui fit-elle remarquer.
-    « Peut-être, je n’en sais rien... » répliqua O'Neill, visiblement peu enclin à lui en parler.

Sam, se renfrogna. Elle avait pourtant bien senti qu’il voulait lui en parler... elle aurait pu le jurer !

-    « Allez quoi... Je vous ai bien raconté, moi ! » lui rappela-t-elle en se balançant. « ... C’était si terrible que ça ?! Quoique, je verrais bien quelque chose comme « O'Neill, l’intrépide » ! » s’amusa-t-elle en allant de plus en plus haut.

O'Neill, se tourna vers elle et sourit. Carter, jouant de l’humour pour détendre l’atmosphère, tout le monde à terre !!! Songea-t-il.

-    « The hedgehog. » lança-t-il tout d’un coup.

A ces mots, Sam freina tout de suite son élan et reposa les pieds sur terre, légèrement essoufflée par son effort. Si ce n’était le visage grave de son Général, elle aurait volontiers ri mais... quelque chose lui disait que tout ça avait beaucoup plus d’importance à ses yeux qu’il ne voulait l’admettre.

-    « The hedgehog?... le hérisson ? » demanda-t-elle, souhaitant le pousser à poursuivre.
-    « Oui. Mais il n’est pas aussi amusant que le votre ! » fit-il l’air de rien.
-    « ... Racontez-moi. » lui répondit-t-elle après un instant de silence.
-    « Laissez tomber, Carter. Ce n’est pas marrant... »
-    « S’il vous plait, racontez-moi... » répéta-t-elle en le regardant droit dans les yeux.

L’éclat de son regard changea, croyant certainement avoir l’obscurité pour seul témoin de son trouble et... pour la première fois depuis longtemps, il sembla ne pas pouvoir soutenir son regard et détourna les yeux, la laissant coite. Elle comprit... il avait besoin de temps. Elle le lui laisserait...

-    « Vous avez déjà entendu parler du dilemme du hérisson, Carter? » demanda-t-il soudain.
-    « Non... qu’est-ce? »

Il resta un moment silencieux, se souvenant...
      « Il me faut un de vos hommes, Major... »
      « O'Neill sera parfait. »
      « Je ne fais pas confiance à ce type, il est un peu trop... »
      « J’ai dit... O'Neill sera parfait. »
      « C’est compris, Major... »
      « Bien, Mon Colonel ! »
... ... ...
      « Hedgehog, vous partez, préparez-vous... »
      « À vos ordres, Major ! »
Quand il avait rejoint l’armée de l’air, il était doué, certes... mais il lui manquait quelque chose de plus que sa passion pour le ciel et son envie de monter en grade. Se faire torturer n’était pas tabou chez eux car ils étaient entraînés pour les missions suicides, les missions dont les chances de succès étaient réduites au minimum, s’il perçait dans ces missions-là, c’était bien parce qu’il partait à chaque fois en se disant que le soldat parfait était celui qui n’avait aucune attache, rien qui le retienne à la vie à part le vœu de réussir sa mission même s’il n’y survivait pas, peu importait. Il était froid, arrogant et impassible... un soldat redoutable.
Mais... avait-il envie de lui dire ça? ... avait-elle besoin de savoir ça?
Semblant batailler contre une dernière bribe d’hésitation, O'Neill se lança finalement...

-     « ... Les hérissons se servent de leur aspect physique comme d’un atout, ainsi, ils espèrent que personne ne les approchera... c’est leur façon de se défendre... » commença-t-il, encore hésitant. « ... C’est pourquoi, même entourés, ils évoluent généralement à l’écart, étant donné que personne ne s’aventurerait à les approcher. » déclara-t-il. « Mais quelques fois, quand les hérissons ont froid, ils se risquent à se rapprocher les uns des autres, souhaitant se réchauffer, seulement sans le vouloir, ils se blessent mutuellement avec leurs épines... » poursuivit-il.

Il marqua une pause.

-     « ... Pour résumer, le hérisson se fait mal en se frottant à ses semblables et il blesse ceux qui font, ne serait-ce que l’effleurer, alors... il vit seul. C’est ce que l’on appelle le dilemme du hérisson... »

Ayant bataillé ferme pour ne pas interrompre ses confidences, Sam se retint difficilement de lui sauter dessus et de le secouer dans tous les sens tellement ces propos la troublèrent.

-    « C’est absurde !! » s’écria-t-elle soudain. « Les humains n’ont pas d’épines, Monsieur ! »

Pour le moins décontenancé par la brusque réaction de Carter, il ne sut trop quoi dire... Les yeux plus expressifs que jamais, elle faisait glisser sur lui un regard profond... pénétrant.
Cela dit, il finit par sourire, le cœur amer.

-    « Les épines peuvent prendre différents aspects, Carter... Comme le hérisson, il y a des gens qui sont destinés à vivre seuls... »

C’était ce qu’on lui avait maintes fois répété...
Il aurait dû s’y tenir, se blâma-t-il en songeant encore au jour où, croisant un sourire lumineux, tout son univers trembla. Tout se bouleversa.
Sarah... celle qui deviendra peu de temps après sa femme était entrée dans sa vie. Ils avaient réussi par leur grande complicité à instaurer un certain équilibre. Pour la première fois, il avait laissé quelqu’un l’approcher... Il admirait cette femme, elle était si généreuse avec lui, elle savait lire en lui, elle savait quand être là et quand le laisser seul avec ses démons. Un petit être vint après combler son existante et pour la première fois de sa vie, l’hérisson qu’il était, avait une famille... mais... c’était une erreur, il avait payé le prix cher. Jamais plus, il ne le referait.

-    « Ne me dites pas que vous estimez que ce sobriquet vous convient? » s’ahurit Sam.
-    « ... Avouez qu’il y a beaucoup de points communs, Carter... » déclara-t-il avec une ironie amère dans la voix. 

Sam en resta interdite. Il devait sûrement plaisanter... il ne pouvait pas penser des horreurs pareilles !! Se répéta-t-elle, intérieurement.
Ses yeux étaient soudain si obscurs... si graves, qu’elle se sentit déchanter.

-    « Je ne suis pas d’accord ! Ce discours ne vous ressemble pas, c’est tellement fataliste ! Où est donc l’espoir dans tout ça? Où est la vie? » continua-t-elle, souhaitant le faire réagir.
-    « La vie n’est pas toujours comme on le voudrait, Carter... »
-    « Ça, je le sais, Monsieur... mais à qui la faute ? »
-    « Je n’en sais rien... probablement que c’est un tout. » dit-il, le regard fuyant.
-    « Pourquoi vivre, dans ce cas ? » s’esclaffa-t-elle, au bord de la crise de nerfs.

Pas l’ombre d’une hésitation ne se refléta dans ses yeux si durs à ces mots... Pourtant, il avait froid mais ne tremblait pas, ses yeux le brûlaient mais ses poings serrés les retenaient. Il devait lui répondre...

-    « Car... il faut assumer, faire de son mieux pour... supporter son destin... jusqu’à la fin. »
-    « C’est votre cas ? Vous n’attendez vraiment plus rien de votre vie ? Vous la supportez plus que ne l’appréciez ? » lui demanda-t-elle, la voix tremblante.
-    « ... De la vie en général, j’attends encore beaucoup de choses, Carter. Mais de la mienne... »

La gorge nouée par sa placidité et son accablante retenue, Sam se détourna, tremblante de colère. Le sang bourdonnant à son oreille, elle sentit un sanglot la secouer, la faisant suffoquer. Pourquoi? Pourquoi diable continuait-il à s’aveugler volontairement? Pourquoi la repoussait-il aussi fortement?
Elle porta la main à sa bouche, tentant d’étouffer un second sanglot, en vain, alors... n’y tenant plus, elle se releva brusquement, le regard furibond. Entendre des bêtises pareilles sortir de sa bouche lui retournaient le ventre, c’était encore plus révoltant que d’assister à sa propre déchéance...

-    « Si c’est vraiment ainsi que vous concevez les choses, je crois que je n’ai rien à faire ici ! » s’écria-t-elle en s’éloignant à grandes enjambées.

Pris au dépourvu, Jack se releva vivement et s’élança à sa poursuite.

-    « ... Carter, attendez ! » appela-t-il en la retenant par le bras.

D’un mouvement brusque, Sam se dégagea, lui lança un regard noir puis lui tourna de nouveau le dos, prête à reprendre sa... fuite, mais il la retint encore, la faisant se retourner.

-    « Vous voudriez que je vous dise quoi ? » s’énerva-t-elle. « Que vous avez raison? Que Votre vie est tout à fait insignifiante ou sans valeur?! Je le ferais s’il n’y a que ça pour vous faire plaisir !!! »
-    « Arrêtez, Carter... ce n’est pas ce que... » tenta-t-il.
-    « Non, vous, arrêtez !! Vous n’êtes qu’un égoïste qui ne parvient même pas à voir le nombre de personnes qui l’aiment... Vous êtes là à rire de votre sort alors que... »
-    « Carter !! »
-    « Lâchez-moi ! Laissez-moi partir si c’est ça que vous pensez... » se débattit-elle.

Relâchant sa poigne sur son bras, le visage de Jack se troubla. Son cœur était peut-être trop lourd, le sang qui courait dans ses veines brûlant, et ses mains tremblantes mais il ne pouvait s’empêcher de s’attendrir... car même s’il avait été entraîné à résister à toute sorte de tortures, celle-la était de loin, l’une des plus dures qu’il n’aie jamais eu à supporter...
Ainsi luttant contre les assauts de ses larmes, Sam paraissait si fragile, si frêle qu’il aurait pu tuer pour pouvoir la prendre dans ses bras, la serrer à lui en faire oublier tout... seulement, il ne pouvait pas... il ne voulait pas céder après s’être accroché si longtemps. Après tout, qu’y avait-il de si différent en lui, aujourd’hui, qui puisse le pousser à changer de position?!
Même si, à présent, il parvenait à voir la vie d’un regard moins sombre, la sienne, elle, devait le rester... il en était persuadé.

-    « Je ne comprends pas... Pourquoi diable vous mettez-vous dans un état pareil pour si peu? » demanda-t-il d’un ton franchement interloqué.
-    « Si peu? » reprit-elle en ricanant nerveusement.

Jack fronça les sourcils...

-    « ... Vous avez bu, Carter? »
-    « Non, je n’ai pas bu s’il n’y a que ça que vous trouvez à dire !! » explosa-t-elle.
-    « Baissez le ton, Carter... » s'irrita-t-il, perdant patience. « Je vous rappelle que je suis toujours votre... »
-    « ... Supérieur, oui, je le sais ! Comment l’oublier? » s’écria-t-elle, sarcastiquement.
-    « Carter... » menaça-t-il, perdant patience. « Vous frôlez l’insubordination... »

   Sam ne cilla même pas. Si elle le provoquait c’était qu’elle n’en pouvait vraiment plus. Elle n’arrivait plus à taire sa rage, à refouler ses sentiments... Pour lui, ça semblait si simple de ne rien laisser paraître, il était tellement doué à ce jeu que personne n’osait plus le défier... Mais elle, ne voulait plus faire semblant... elle savait que si elle s’en allait, maintenant, la porte lui resterait à jamais close.
Alors quitte à le perdre, autant dire ce qu’elle avait sur le cœur... Au diable sa fierté, le jeu en valait largement la chandelle !

-    « Vous savez quoi, Mon Général... » reprit-elle en insistant effrontément sur son grade. « Je crois qu’au fond, vous avez jeté l’éponge, il y a bien longtemps ! »
-    « Mais pour l’amour du ciel, arrêtez ça, Carter ! » lui ordonna-t-il, le regard furibond.
-    « ... Vous vous en foutez du reste du monde, tout ce que vous voulez, c’est pouvoir continuer à purger une peine fictive, tout seul !! Vous voulez qu... »
-    « Bon sang, qu’en savez-vous de ce que je veux?!!! »
-    « Et vous?!! Le savez-vous seulement?! »
-    « Mais qu’est-ce que vous voudriez que j’attende de plus d’une vie qui me refuse la seule chose qui pourrait me la faire accepter !! » explosa-t-il, fulminant.
-    « Mais qu’est-ce que vous voulez à la fin ? » s’emporta-t-elle. « ... Une nouvelle promotion ? Exterminer la menace extraterrestre? Pleins de poissons dans votre lac ? Une nouvelle canne à pêche? »

   Sa voix se brisa sous l’émotion et Sam qui avait littéralement craché ces dernières paroles, se détourna, ne pouvant plus le regarder en face. Elle chercha vainement à recouvrer un semblant de calme car plus que son effarement, un autre sentiment voilait son esprit... la colère. Celle qui vous prend aux tripes, vous ôtant toute cohérence et vous laissant à sa merci. Les mots... ces mots, tant de fois retenus, éclataient enfin, sans qu’elle ne puisse les retenir. Elle n’en avait aucune envie, d’ailleurs... Pourquoi s’arrêter? Relavant vivement la tête, plus en colère que jamais, elle le défit du regard.

-    « Alors?! Qu’attendez-vous? Dites-moi ! Dites-moi ce qui est si difficile à obtenir même pour le grand Jack O'Neill ?!!! »
-    « VOUS !!! »

   Les yeux exorbités, Jack se figea. Son cœur manqua un battement avant de repartir de plus belle, l’assourdissant. Elle... c’était ce qu’il voulait. Elle...
Le savoir et tenter de l’oublier était une chose, mais s’entendre le dire... le « lui » dire... ça, c’était totalement bouleversant ! Et imprévu...
Et pourtant... Il l’avait dit... il l’avait bien dit, il en était sûr. Alors... pourquoi? Pourquoi ne réagissait-elle pas comme elle aurait dû le faire ? Pourquoi le regardait-elle avec soudain tant de tendresse ? Pourquoi sentait-il que toute sa vie était suspendue à ses lèvres?

-    « Juste ça? » lui demanda-t-elle après un moment qu’il lui parut durer une éternité.

   Si elle n’aurait pas eu aussi si mal en cet instant là, elle aurait pu dire qu’elle se sentait rassurée... heureuse de cet aveu tant espéré. Mais la situation ne lui inspirait pas du tout ces sentiments, bien au contraire !
Aimer quelqu’un en se disant qu’on ne l’aura jamais... elle connaissait. Elle le vivait seconde après seconde depuis si longtemps... Et même si les rires, la complicité, leur douce entente réussissait quelque fois, à atténuer la douleur... la blessure, elle, n’en restait pas moins lancinante et son chagrin toujours aux aguets. Cet aveu arraché n’était vraiment qu’une mince victoire à coté de ce qui allait suivre ! Car, elle le connaissait bien, la carte de la provocation ne marcherait pas deux fois... C’était tout de même jack O'Neill !

-    « Regardez-moi... Jack ! »

   Le visage redevenu lisse, il s’exécuta docilement. Cela aurait pu tromper n’importe qui, mais pas elle...
Sous ses traits sévères et durs, sous ses moqueries, sa dérision... il y avait juste quelqu’un qui tentait de cacher son cœur en sang. Des blessures aussi profondes que l’abysse. Des blessures aussi douloureuses que vitales.
Son cœur était si tourmenté, qu’elle n’osait imaginer ce qu’il avait dû subir tout au long de sa vie. Mais elle devait continuer... quitte à lui faire mal.

-    « ... Regardez-moi et dites-moi que vous n’avez jamais vu ce que vous dites chercher, au fond de mes yeux... Ne serait-ce qu’une fraction de seconde, dites-moi que vous n’y avait jamais lu ! »
-    « ... A quoi ça rime tout ça, Carter ? Je me suis assez ridiculisé comme ça, ça en est assez pour aujourd’hui... »

   Et pour tous les autres jours, songea-t-il amèrement. Quand est-ce que cette conversation avait dérapé? Comment en étaient-ils arrivés à ça?
Lui qui, d’ordinaire, évitait ce genre d’échanges comme la peste, comment avait-il pu laisser faire? Pourquoi s’était-il laissé entraîner vers ce chemin à l’issue diablement voilée? Il avait mal... pourquoi maintenant? Il ne fallait pas... ils en souffriraient tous les deux.

-    « Vous souffrez... »
-    « Mais bon Dieu, Carter, taisez-vous !! »

   Il ne pouvait plus supporter son regard... pas ce genre de regard.
Il ne voulait pas qu’on le plaigne, qu’on ait pitié de lui... s’il avait tout fait pour ne jamais plus inspirer à quiconque ces sentiments, c’était bien parce qu’il détestait se retrouver en position de faiblesse... Et surtout pas face à elle ! Il voulait qu’elle s’en aille, qu’elle l’oublie... qu’elle arrête de parler... qu’elle arrête de le torturer. Il fallait qu’elle cesse... sa voix lui déchirait le cœur, ses paroles le garrottaient...

-    « Vous me faites souffrir, vous le savez... » poursuivit Sam d’une voix tremblante. « La vérité, c’est que ça vous fait mal de savoir qu’il puisse y avoir quelqu’un qui vous aime... qui vous aime, juste parce que vous êtes là... que vous existez... »
-    « Arrêtez ! Vous ne savez plus ce que vous dites... »

Sam sourit, ignorant ses protestations...

-    « Pourtant vous éprouvez le besoin de le sentir... Vous provoquez ce sentiment mais le repoussez aussitôt... car... c’est ce qui vous retient à la vie. Je suis là, avec vous... Repoussez-moi encore, éloignez-moi tant que vous voudrez mais sachez que je penserais tout de même à vous... parce que... parce que c’est ce qui me retient à la vie aussi... c’est vous, ma vie... »
-    « Carter... »

   Il ferma les yeux, le cœur cognant. Pendant, toutes ses années, il voulait se montrer fort, se tenir coûte que coûte à sa décision mais... peut-être que le réel courage était tout autre ! Il avait toujours été doué pour cacher ses sentiments aux autres, il n’aimait pas se découvrir...
Mais, s’il fermait les yeux aujourd’hui, devant cette femme aux mains tremblantes, c’était que, ces larmes qu’il ne s’était jamais autorisé à verser... elle, elle parvenait à les deviner derrière le manteau de son regard.
Démuni de tout sarcasme, il se sentait terriblement impuissant.
Il était un être impassible en apparence mais qui se livrait une vraie bataille pour ne rien laisser paraître... ne pas faiblir, pourquoi ne pas juste faire comme tout le monde? Peut-être parce qu’il ne l’était pas... comme tout le monde.
Sam fit un pas en avant.

-    « J’aimerais que vous puissiez voir l’éclat de vos yeux, que vous y voyiez ce que moi, je vois... J’aimerais que vous vous regardiez à travers mes yeux... peut-être votre existence vous paraîtra-t-elle moins... insignifiante. Vous aurez ainsi, au moins la consolation d’avoir fait battre un cœur... le mien. »
-    « Carter... »

   Sa voix vibra un peu plus, son regard se brouilla, son cœur se brida... Il se sentit étouffé... pris au piège. Ses yeux étaient si tendres, sa voix était si pénétrante, ses paroles si percutantes... mais il fallait qu’elle arrête, elle ne savait pas... elle ne savait pas à quel point...

-   « Si je pars, maintenant... j’aurais au moins la satisfaction de savoir que l’homme que j’aime tuerait pour mon bonheur, c’est ce que je lis dans vos yeux... Seulement, je devrais vivre avec l’idée qu’il ne me gardera pas près de lui parce que... parce qu’il a peur... »
-    « Je n’ai pas peur de vous, Carter... » ne put-il s’empêcher de réfuter.
-    « Non, c’est vrai... vous n’avez pas peur de moi, mais de vous, si. Vous avez peur pour moi ! »
-    « Allez vous en, Carter... »
-    « Savez-vous que même la pire des morts me parait moins effrayante que la perspective de devoir continuer à vivre en me forçant à oublier ce que me crient vos yeux... »

   Tout paraissait si clair, maintenant... Ils s’étaient toujours parlés avec des « je », des « lui, elle…» et des « vous » mais n’avaient jamais utilisé le « nous » car... pour eux, il ne fallait pas... ça n’avait jamais existé. Ils en avaient peur...
Même si, elle y avait cru un certain temps, elle savait maintenant que le « nous » ne sortirait jamais de son cœur. Et le précédent chapitre de sa vie n’avait somme toute fait que renforcer cette certitude... elle ne pourrait jamais l’oublier.

-    « Je ne veux plus perdre quelqu’un, je ne veux plus avoir à revivre ça une nouvelle fois... »

   A cette phrase, le cœur de Sam se pinça à en suffoquer... Qu’était-ce donc ? Certains diraient que c’était de l’injustice... d’autres que c’était la fatalité pure et simple. Mais peu importait les mots, ce qu’elle voyait, elle, c’était que la vie avait voulu que cet homme si exceptionnel ait pour seule compagne, sa souffrance.

-    « Mais en passant la Porte, on prenait à chaque fois le risque de ne pas revenir... ce n’est pas nouvea... »
-    « Je ne vous parle pas de ça... » la coupa-t-il, le regard fuyant.

   Jack ferma les yeux, se souvenant douloureusement de ce jour où... parmi tous les gens qui le plaignaient... toutes les mains échouées sur son épaule fébrile, se voulant réconfortantes... parmi tous les murmures indécents qui jugeaient abruptement l’homme qui ne pleurait pas son fils... l’homme qui avait tué son fils. Ce jour là, seul parmi ces fantômes, une partie de lui était morte. Son rayon de soleil était parti... et il n’avait rien pu y faire.
   Depuis, il s’était juré que jamais plus, il ne laisserait quelqu’un l’approcher, tant sa plaie était profonde... il ne voulait jamais plus aimer de sa vie ! Y avait-il dans ce monde une douleur plus forte que celle de perdre sa raison de vivre? Sa chair... sa famille?! Jamais plus, il ne voulait entendre parler d’amour... Il voulait juste... souffrir car il jugeait que c’était tout ce qu’un homme tel que lui, méritait... la souffrance, la douleur... la solitude.

-    « ... Je ne veux pas avoir à vous voir me fuir une fois que vous aurez compris... qui je suis. Je ne suis pas quelqu’un pour vous, Carter... »
-    « Vous êtes quelqu’un pour qui, alors ? »

   Le ton avait baissé, la colère aussi...« Vous êtes quelqu’un pour qui, alors? »
... En réalité, lui même n’en savait rien. Cette affectation qui lui avait sauvé la vie, il y avait neuf de cela, fut le but... le défi qu’il appelait inconsciemment. Une page s’était tournée et dès cet instant, il fut juste Jack O'Neill, un Colonel buté à l’humour -légèrement- débraillé. Ainsi, il pouvait se montrer sans pour autant se découvrir...
Seulement, l’armure qu’il s’était forgé si durement, n’avait pas su résister devant l’éclat... d’hommes et de femmes exceptionnels, qui avaient su la percer... juste assez pour qu’il se laisse entraîner... La vie avait repris.
Tout d’un coup, il avait des gens pour qui s’inquiéter, des projets à mener à bien... une planète à protéger. « Vous êtes quelqu’un pour qui, alors ? »
... Il savait qui, il était... mais... pas pour qui l’être.
Jack attendit un moment avant de répondre...

-     « Je n’en sais rien... Pour une femme moins... désarmante que vous, moins... Ecoutez, Carter ! Vous êtes une femme brillante, belle et drôle, qu’est-ce qu’un type comme moi pourrait vous apporter? »

Le visage de Sam s’adoucit encore plus à ces paroles, semant le doute dans son esprit. Pourquoi diable ne réagissait-elle jamais comme elle le devrait?!

-    « Un type comme vous ? » reprit-elle avec ironie. « Vous voulez dire... un homme exceptionnel qui, passé son grand courage, son dévouement et sa force, possède une force d’âme incroyable ? Un homme qui... »
-    « Arrêtez... »
-    « ... n’aime pas qu’on voie en lui de la lumière car il préfère l’ombre, qu’il s’y croit condamné ? Un homme qui m’a sauvé la vie un nombre incalculable de fois... quelqu’un qui a su me rassurer, me faire sourire, rire, alors que tout me semblait perdu? Un homme qui... »
-    « Carter !! »
-    « ... m’aime ? Un homme qui m’aime... »
-    « Je... »

    Son cœur fit une embardée et il se tut, incapable de placer un mot. Même s’il s’était efforcé à rejeter l’évidence, à détourner les yeux quand la vérité devenait trop flagrante... Au fond de lui, il le savait. Il l’avait toujours su. Il pouvait le voir dans chaque détail qui faisait son être. Il savait... que jamais plus sa vie ne serait pareille, mais il faisait tout pour ne pas entendre ces murmures... Il se fermait à chaque fois que ce sentiment devenait trop présent.
« Elle »... Sa plus belle blessure, la plus fière. Elle... sa douceur, son énergie... son sourire. Un sourire qui arrivait toujours à consoler son cœur... des yeux qui, balayant les notes du pénible requiem qui le tourmentait, lui fredonnaient encore la même aubade... Et en dépit de l’épaisse cloison qui les tenait éloignés... il l’entendait.

-    « Mais peut-être pas assez, après tout... » se troubla Sam en détournant les yeux devant son peu de réaction. « Pas assez pour prendre le risque de me laisser l’approcher de trop près parce qu... »
-    « Et vous, vous l’êtes? » la coupa-t-il. « Vous êtes vraiment prête à accepter que certaines portes vous restent sans doute à jamais fermées ? »

   Affolant encore plus son cœur, une lueur étrange brilla dans les yeux de son Général lorsqu’elle se décida à relever des yeux pleins d’un espoir qu’elle croyait encore une fois enterré, vers lui.
Sa voix était grave, flottante mais posée, comme si les mots sortaient sans qu’il ne puisse les retenir... comme s’il avait cédé à une impulsion refoulée.
Sam joignit ses mains, tentant de calmer ses légers tremblements. Il fallait trouver les mots justes pour lui faire enfin comprendre que... qu’il n’y avait pas de doute possible. Que c’était juste... une évidence.

-    « Je ne vous demande pas d’oublier... vos souvenirs, vos blessures, vos craintes... » commença-t-elle, la voix tremblante. « ... moi, je vous demande juste de les partager avec moi... partageons-les. »

   Jack tressaillit légèrement, le regard soudain plus brillant...
Aussi bête que ça puisse paraître, il était persuadé que personne ne dirait jamais ces mots pour lui... Il en était tellement persuadé et pourtant... il lui fallut croiser l’étonnante lueur d’un regard bleu pour réaliser que ses convictions s’écroulaient. Que ses défenses cédaient... qu’il avait eu tort.
Il fit un pas en avant, soutenant son regard.

-    « Généralement, les gens se contentent de la façade... ne cherchent pas à savoir ce qu’il y a en dessous, ont peur de ce qu’il y en dessous... Je croyais que c’était ce que j’attendais d’eux... » dit-il en effleurant de sa main, la joue de Sam. « Mais en réalité... depuis le début, moi, ce que je voulais... c’était que, même si on ne me comprenait pas toujours... j’aurais voulu qu’on me dise juste « partageons ensemble »... »
-    « Je sais, Jack... » lui sourit-elle, les yeux embués.

   La pression de la main qui caressait sa joue s’accentua et elle ferma les yeux, laissant les larmes emporter loin d’elle, tous ses maux... Elle pouvait enfin se laisser aller, maintenant... il avait enfin compris. Ce n’était pas dans le genre de Jack O'Neill de faire une déclaration enflammée... mais peu lui importait, elle savait que le « nous » s’exprimait enfin, que demander de plus en cet instant ?

-    « J’ai les pieds froids, Carter... »

Surprise par le brusque changement de sujet, elle ouvrit les yeux et tomba dans un regard aussi doux que joueur... 

-    « Ça tombe bien, moi aussi ! » fit-elle en souriant.
-    « J’ai un caractère de cochon... »
-    « Je sais, j’ai déjà eu le plaisir de vous voir à l’œuvre ! »
-    « Je ronfle... » ajouta-t-il en se disant avec une certaine fierté que, vraiment, il avait bel et bien déteint sur elle.
-    « Ah ça ! Je confirme, j’en avais fait les frais en missi... »

   Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’il fondit sur elle, capturant tendrement sa bouche, une main de chaque coté de son visage.
Au début, ses lèvres caressèrent délicatement celles de Sam, souhaitant lui faire passer par ce si délicieux contact... toutes l’émotion qu’elle faisait naître en lui, toutes les choses qu’il rêvait de lui dire... Il n’avait jamais été doué pour les mots, lui.
   Puis doucement, il entrouvrit la bouche et l’embrassa de façon plus prononcée. La jeune femme ne chercha pas à lui échapper. Il vit ses yeux papilloter un instant, puis se clore comme des oiseaux se posant timidement sur une branche, prêts à s’enfuir à tout instant.
Enhardi par ce consentement muet, il cella leurs bouches en glissant la pointe de sa langue entre les lèvres humides et chaudes de Sam. Ce baiser tendre et voluptueux lui procurait une excitation violente et il avait grand-peine à se réfréner d’enlacer follement sa compagne et de l’attirer encore plus contre lui. Et le fait qu’elle réponde avec fougue à ses caresses n’arrangeaient pas ses affaires, loin de là...
Il poussa un gémissement sourd de contentement et de frustration mêlés, puis s’intima l’ordre de mettre fin à cet échange... très inspirant.
   C’est alors qu’il sentit les mains de Sam se poser sur sa poitrine. Il releva la tête, croyant qu’elle voulait le repousser. Elle le regardait fixement. Mais, dans ses yeux, il ne vit ni peur, ni objection. Il vit autre chose –quelque chose qui ressemblait plus à une lueur de... plaisir.

   Sam fut pendant quelques secondes, incapable du moindre geste. Elle laissa ses mains sur la poitrine de Jack, scrutant son visage avec attention. Ses yeux lui semblaient... différents. Elle découvrait à présent des reflets encore plus foncés au fond de leurs iris, un peu comme ceux de la mer lorsque l’on plongeait dans l’abysse. Ces yeux-là la tenaient sous le charme, il l’enchantaient, la troublaient...
   Elle cilla, songeant qu’elle devait se ressaisir. Jamais elle n’aurait imaginé, même dans ces rêves les plus fous, que Jack puisse se montrer si affectueux avec elle. Il était grand, fort et de toute sa personne émanait une virilité presque effrayante. Pourtant, il avait su l’embrasser avec la tendresse d’un poète, la caresser avec des mains de soie. Sam secoua la tête, toute émerveillée. En posant la main sur son torse, elle n’avait pas eu l’intension de le repousser mais au contraire, de l’attirer contre elle.

    Lorsque Jack posait les yeux sur elle... la touchait, elle éprouvait des sensations... insoupçonnées.  Son corps s’enflammait et des frissons délicieux la traversaient. Un désir, oui, un désir irrépressible l’envahissait, jetait le trouble dans son âme, prenait possession de tout son être. C’était magique...

-    « Rentrons, Jack... rentrons ensemble. »

   Son regard s’attendrit et se penchant, il l’embrassa encore, puis la serra fortement contre lui comme pour vérifier qu’elle était bien là... qu’il ne rêvait pas.
Sam enroula ses mains autour de sa taille, comprenant que cette étreinte n’était plus purement... physique, il avait besoin de sentir cette chaleur... Il avait besoin d’elle.

   A chaque contact, elle continuait à faire fondre tous ces tourments, les uns après les autres, tous cédaient devant sa tendresse... son amour. Qui pouvait dire pourquoi il y avait quelqu’un comme elle qui veuille panser ses plaies ? Une femme qui accepte de rire... de pleurer avec lui? Pourquoi n’y avait-il rien au monde qu’il désirait plus que cela alors qu’il n’avait aucun droit de l’exiger?
   Quoi qu’on puisse en dire, prendre le risque de se dévoiler à quelqu’un n’était jamais une décision facile, ni légère, mais... quand la personne que vous chérissez sait trouver le moyen de vous rassurer... de vous aimer, tout vous parait moins confus. Vous voyez alors les choses différemment...
Tout bonheur mérite de prendre des risques, lui, aujourd’hui, noyé dans le regard empli d’amour et d’envie de la femme qu’il tenait contre son cœur, n’arrivait plus à concevoir sa vie autrement qu’auprès d’elle...

   Même si pendant toutes ces années, ils avaient eu aussi froid l’un que l’autre, ils étaient restés étrangers, se contentant de s’observer à travers le mur invisible qui les séparait... n’osant faire le premier pas... Mais aujourd’hui, leurs cœurs enfin réchauffés, ils s’étaient vraiment rencontrés...

-    « Dis, Sam... t’étais sérieuse quand tu disais que t’avais les pieds froids, aussi ? »
-    « Je t’assure que tu n’auras pas l’occasion d’avoir froid, ce soir, Jack... » lui susurra cette dernière, provocante.
-    « Gggrrrr... ... »                                                                                  
                                                                       

                                                                   Fin. (enfin, oui !)

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Conçu par Océan spécialement pour Imagine.
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