Auteur : Lisa
Résumé : Quitter sa planète, trahir les siens et s’émanciper… Découvrir l’univers. Découvrir le reste.
Statut : 1/1 Complet
Catégorie : Romance S/J, et c’est tout. Si vous voulez de l’aventure, faut aller voir autre part.
Spoilers : Emancipation, Zénith
Saison : 6
Rating : G
Disclamers : Stargate SG-1 et ses personnages sont la propriété de MGM, Gekko Film Corp. et Double Secret Production. Je n’ai reçu aucune prime dans l’écriture de cette histoire. Toute ressemblance avec des personnes existantes est purement fortuite.
Note de l’auteur : Références littéraires, Jonas oblige ! Pour plus d’infos, voir l’ouvrage Pieds Nus sur la Terre Sacrée. Certains m’ont demandé une suite à Possession… il n’y en aura pas, mais A-la-ba-ma peut servir d’explication.
©Lisa, septembre 2002.
~*~
Sa tête reposait sur son torse. Juste ainsi, sans prétention, pendant que le vieil homme parlait. Il tenait ses bras autour d’elle, conscient que la température avait considérablement chuté depuis que la nuit s’était encore assombrie. Elle, plus décontractée, ou peut-être plus indifférente au monde extérieur, se contentait de se laisser bercer au rythme de sa respiration.
Et le vieillard parlait, et tous écoutaient.
On se tait quand les anciens parlent.
Le feu faisait jouer les ombres sur son visage basané, les traits peut-être plus marqués par la rigueur des éléments que par l’écoulement du temps et de la vie. Il était assis en tailleur, aussi loin de la source de chaleur et de lumière que ses compagnons.
On le respectait ici.
On le respectait, mais pas comme l’on pouvait respecter un rescapé de la der des ders, où l’on s’incline avec respect forcé devant des tirades virant au mélodramatique. J’ai vu la guerre, moi ! Peuh, pas de ça disait Mataho au visage basané, je ne suis qu’un vieillard cinglé et sénile. Cela devait faire la différence, sans doute.
Pourtant, lorsqu’il parlait, on l’écoutait.
Il avait débuté son histoire entre chien et loup, puis le loup avait exigé la totalité du territoire… et voilà que la belle de nuit était bien haute dans le ciel à présent, répandant sa clarté blanche sur les vallées, puis les collines et les montagnes enneigées qui s’étendaient au loin. Sur notre Mère, la Terre, disait-il d’une voix enrouée alors qu’il narrait la Genèse de sa planète perpétuée par tradition orale de génération en génération.
Ces derniers temps, il m’est souvent arrivé de m’identifier à cette phrase de M. Proust. La première, la plus connue parait-il, la seule qu’il m’ait été donné de lire, malheureusement, par manque de temps.
Longtemps, je me suis couché de bonne heure.
Vraisemblablement, ceci est à prendre au sens propre, mais je l’apprendrai par la suite. Au sens figuré cependant, je puis affirmer que j'ai cette même impression. Celle que doit ressentir un adolescent à qui il est pour la première fois accordé la permission de minuit.
A présent, ayant quitté ma planète et passant régulièrement cette porte vers d’autres univers, je suis à la recherche du Temps Perdu, si je puis dire, pour reprendre les propres termes de cet homme.
Elle sourit et caressa doucement le visage de son compagnon. Il s’était endormi dans son cou. Cela avait l’air de beaucoup l’amuser… petit souvenirs et anecdotes partagés refaisant surface sans doute. J’ai cru comprendre que Jack O’Neill n’avait jamais été passionné par ce genre de narrations.
Un étalon s’ébroua dans son enclos. Mataho poursuivait, imperturbable. Je pense n’avoir jamais connu quelqu’un ayant atteint un tel niveau de sagesse. A la tête de sa tribu, malgré son grand âge, il distribuait conseils et prédictions qui ne cessaient de m’étonner.
Son peuple était arrivé deux jours auparavant sur ces terres sauvages, ce qui coïncidait avec la notre, par la porte. SG-1 est à la base définie par premier contact. Nous avons donc tenté de l’établir, et y avons brillamment réussi.
Mataho le sage était monté sur la colline et avait planté son bâton dans la terre humide des eaux de la rivière. " A-la-ba-ma " avait-t-il dit. Ici, nous pouvons nous reposer. Cela c’est avéré exact, une fois de plus. Les terres étaient fertiles et le gibier abondant, les buissons regorgeaient de baies.
Nous nous étions parfaitement intégrés dans cette ethnie, cette grande famille que Jack et Sam se plaisaient à appeler Indiens, bien que ces terres n’eussent jamais reçu le nom d’Inde. Mes lectures m’ont indiqué il y a quelques semaines, et je fus bien inspiré de consulter les ouvrages d’Edward S. Curtis avant mon départ, que ce peuple a presque totalement disparu sur Terre, annihilé par la gourmandise toujours plus grande du futur Américain.
Daniel aurait aimé être là, avait dit Jack, avec une pointe d’amertume dans la voix. Les autres avaient acquiescé. Il leur manque tellement… Je regrette de ne pas l’avoir connu plus tôt pour partager leur deuil.
Sam s’était par la suite demandée comment les tribus arrivaient à communiquer entre elles, si leur monde n’était peuplé que par l’Indien. Elle s’était demandée comment ils arrivaient à ne pas étouffer dans ces tipis délibérément enfumés quand la nuit venait à tomber. Elle s’était demandée comment ces jeunes gens survivaient lorsque la tradition voulait qu’ils s’isolent pendant plusieurs jours dans un cercle, sans boire, ni manger, à la merci des éléments.
La femme blanche pose trop de questions, lui répondirent-ils. On lui avait conseillé d’entrer dans le cercle pour le rituel, quatre jours durant. Car tout ce qui fait le pouvoir de l’univers se fait dans un cercle. D’autre part, le quatre est un chiffre sacré, quatre saisons, quatre éléments, quatre points cardinaux… Elle voulait trouver les réponses ? Bien, elle les trouverait seule. Ce fut tout ce qu’elle obtint d’eux.
Je n’imaginais pas qu’elle y consentît. Elle parla d’une fois où elle avait accepté de se fondre dans la communauté, de s’aligner sur ses us et coutumes. Cela avait faillit très mal finir. J’avais lu le rapport. Je lui ai alors fait remarquer que non, elle n’était pas anthropologue, comme elle l’avait souligné à l’occasion de cet événement, mais que, étant donné le degré spirituel de cette civilisation, l’expérience ne pouvait être qu’enrichissante. Je crois que j’en ai étonné plus d’un en la convainquant d’accepter la proposition.
Au bout d’une journée, Jack avait commencé à se poser la même question : comment font-ils pour survivre ? Il avait voulu partir à sa recherche, et le camp entier l’avait arrêté. Mais Mataho avait dit que s’il voulait la rejoindre pour son bien, c’était que les esprits en avaient décidé ainsi. Peut-être leur quête était-elle commune après tout.
J’ai été à la rencontre de Mataho il y a deux nuits. C’était réellement impressionnant. Il était seul, dans son tipi, face au feu. Il avait les yeux clos et murmurait des paroles inaudibles. Je m’assis à ses côtés et attendis. Après quelques minutes d’immobilité, à l’écouter attentivement, j’en vint à la conclusion qu’il chantait. Je ne sais exactement combien de temps je suis resté ainsi, le vent faisait tourbillonner la fumée, l’empêchant de s’échapper par la mince ouverture que formaient les mâts en se rencontrant au sommet, et la chaleur humide de l’orage se préparant combinée à ce phénomène me fit perdre la notion du temps. C’était surnaturel. Au bout d’un certain temps cependant, le tonnerre explosa et l’Indien prit la parole.
Je lui répondit que oui, cela m’était venu à l’esprit en les imaginant tous deux dans un cercle de pierres, observer les nuages noirs s’amonceler sur l’horizon. Les éclairs illuminaient les peaux de bêtes tendues entre les mâts sur lesquels la pluie frappait continuellement.
Il tomba de nouveau un de ses silences impressionnants dont il était le gardien et que je n’osais profaner. Le feu continuait à crépiter dans son âtre, et je me sentais comme envoyé dans un monde nouveau, une dimension plus élevée de mon être.
J’objectai.
Le vieil Indien sourit et se balança d’avant en arrière. Je fut surpris lorsque je l’entendit rire, discrètement. L’incompréhension me domina jusqu’à ce qu’il reprenne la parole.
J’ai beaucoup réfléchi à ces paroles, et j’y réfléchissais encore ce soir là, alors qu’ils étaient face à moi, sans que l’on ne puisse distinguer où finissait l’un et où commençait l’autre. La situation dans laquelle tous deux se trouvaient était vraiment équivoque.
Première ligne de défense de leur planète.
Soldats.
Je n’avais jamais imaginé auparavant que mes nouveaux compagnons puissent avoir une vie, en dehors du programme. C’était stupide, peut-être, mais cela ne m’avait jamais effleuré l’esprit. Maintenant que j’y pensais, cependant, je fus amené à une constatation. Si leur condition ne leur permettait pas de vivre une existence normale, ils avaient dû s’en construire une dans leur propre environnement. La plus grande qualité de l’être humain est de savoir s’adapter à un grand nombre de situations, d’où sa survie. Doctrine Darwinienne…
Parallèlement à l’ouvrage majeur de Charles Darwin, j’avais lu le règlement de l’Air Force. Etrange chose que l’article 134. Non contente de mettre en quarantaine ceux qui la servent, l’armée doit-elle les isoler de la seule famille qu’il finit par leur rester ? Cela rentrait en conflit avec ma précédente théorie…
Leur relation ne serait alors qu’une illusion construite de toutes pièces… ? Mais au bout de six années, les plus petites illusions avaient dû prendre une ampleur démesurée…
J’en vint donc à la conclusion qu’ils s’appartenaient l’un à l’autre, illusoirement. Etait-ce cela que Mataho avait insinué ? La réponse qu’ils cherchaient l’un dans l’autre était-elle la confirmation de l’illusion ?
Il leva les mains à la hauteur de son visage et le cercle qui s’était formé autour de lui commença à se lever et à s’éloigner, comme si ce simple geste pouvait s’apparenter à The End à la fin d’une projection cinématographique. Les femmes prenaient leurs enfants et les raccompagnaient à leur tipi respectif, les hommes finissaient par leur emboîter le pas après avoir salué le vieux conteur.
Teal’c s’avança vers lui pour l’aider à se relever, proposition qu’il accepta bien volontiers. Comme nous tous, le Jaffa s’était beaucoup attaché au vieil Indien. Il pensait que si l’univers contenait plus de gens comme lui, la haine et les guerres n’auraient jamais vu le jour. Tous les peuples seraient aussi libres que les Pawnee. J’étais d’accord avec lui.
Quant à moi, j’avais une ou deux questions à poser au colonel, l’aboutissement de mes réflexions ne m’avait pas entièrement convaincu. Je me levai, mais j’eus quelques hésitations à entrer dans leur monde. Il s’était réveillé et partageait à présent l’amusement de la jeune femme assise entre ses jambes. Il plaisantait, elle souriait, elle plaisantait, il souriait. Ils jouaient à entrelacer leurs doigts, mais sans toutefois aller plus loin.
Je sursautai comme un enfant prit en flagrant délit d’espionnage.
Je ne compris réellement qu’à cet instant où Mataho avait vraiment voulu en venir en accordant à Jack l’autorisation d’aller la rejoindre sur la colline.
Cette mission prenait un ton d’intermède, loin de la réalité…
Je ne saurai sans doute jamais ce qu’il passé sur cette colline, dans ce cercle ou en dehors, mais le fait est que le vieux sage avait visé juste : peut-être ne s’étaient-ils pas retrouvés en symbiose avec Mère Nature, ou Oma Dessala selon les cultures, mais si symbiose est synonyme de main dans la main, ils ont fini en symbiose l’un avec l’autre, c’est certain.
~*~
Fin
Rappelez-vous, les feedbacks sont la seule reconnaissance que les auteurs peuvent obtenir… On adore ça généralement J