par Sara Widener
Saison : milieu de la 7.
Résumé : SG-1 est séparée durant une mission de routine, et Carter est laissée derrière. Son équipe la quitte avec ce message : survivre quoi qu’il en coûte. Quoiqu’il en coûte pourrait bien valoir plus que la survie.
Note de Sara Widener : Thanks to Brenda for editing, researching and planting the whole Oz idea in my head. Oh, and for getting me hooked on Stargate!
Chapitre 1
« Vous voyez, c’est de ça que je parle ! »
Le colonel O’Neill ouvrit triomphalement les bras, alors que son équipe et lui-même sortaient de la Porte et prenaient pied sur P4X-985. Il y faisait un temps chaud et ensoleillé, avec un léger vent. Il y avait des arbres partout, mais ne ressemblant pas à ceux qu’ils connaissaient. Les troncs étaient d’un pourpre profond et sombre, et le feuillage, si tant est qu’on puisse l’appeler ainsi, avait les couleurs de l’arc-en-ciel.
« Carter ? » dit-il, se tournant vers son Second. « Je crois que nous ne sommes plus au Kansas » fit-il en désignant les arbres et la route qui se trouvait à une vingtaine de mètres devant eux.
Il était pavé d’une sorte de roche, une roche jaune. Jack ne pouvait effacer son sourire de son visage. Ils étaient passés sous l’arc-en-ciel et avaient trouvé Oz.
« Etes-vous déjà allé au Kansas, Jack ? » demanda Daniel, derrière lui.
Jack l’ignora, comme toujours.
« Quelle direction, Carter ? » demanda O’Neill.
O’Neill grimaça, et elle aurait pu jurer que ce n’était pas la réponse qu’il attendait. Et puis zut, elle pouvait bien se moquer de lui, pour une fois.
« On suit la route pavée d’or, mon Colonel ? »
Sam sourit et haussa les épaules en regardant Daniel, qui semblait blessé.
« Vous n’avez jamais dit qu’on avait droit à des friandises quand on était gentil avec vous » déclara Daniel. « Si je l’avais su, nos relations auraient été complètement différentes ! »
Sam eut un rire, sans pour autant partager sa récompense.
« Guidez-nous, Dorothée ! »
Jack ajusta sa casquette, et ne vit pas Sam lever les yeux au ciel. Ça allait être une longue journée.
Ils avaient marché sur la route pavée pendant plus d’une heure. Aucun signe de vie – animale ou autre. C’était un peu comme des vacances, de ces vacances dont ils avaient tous désespérément besoin.
« Jack ? » appela Daniel. « Ce n’est pas que je ne sois pas heureux que vous ayez trouvé Oz, mais par pitié, pourriez-vous fredonner autre chose que ‘Follow the yellow brick road’, au moins pour un instant ? »
Jack s’arrêta brutalement, n’ayant pas réalisé qu’il fredonnait. Sam croisa son regard et sourit.
« Désolé Daniel, j’ignorais que ma joie vous dérangeait tellement. »
Jack passa devant lui, feignant d’être vexé, et commença à fredonner ‘If I only had a brain’.
« Et bien au moins celle-ci est plus adéquate ! » souffla Daniel vers Sam, qui étouffa un rire.
Teal’c prit la tête, sans prendre le temps de s’arrêter.
« Subtil » dit Daniel.
Sam regardait Daniel, quelque peu désarçonnée par son commentaire.
« Il n’a pas pu entendre ».
Ils rirent tous deux et continuèrent de marcher, avançant au rythme des sérénades de Jack.
Teal’c se retourna deux minutes plus tard. Jack avait cessé de fredonner, et les soleils commençaient à décliner.
« O’Neill, je crois que nous devrions installer le camp. Le coin devant nous est adéquat. »
Teal’c haussa un sourcil et lança un regard lui conseillant la prudence. Il s’éclaircit la gorge, passa devant le Jaffa et commença à installer le camp.
« Mon Colonel ? Quelque chose ne va pas ? » demanda Carter.
O’Neill était étrangement plongé dans ses pensées, ce qui intriguait Sam.
« Je sais que vous tous êtes lassés de mes analogies avec le Magicien d’Oz… »
En réponse, O’Neill reçut un :
« Ouais ! » de Daniel.
Jack leur lança un regard noir et poursuivit :
« Oubliez ça. J’allais dire quelque chose de beau et de sentimental, mais vous venez de tout détruire. »
Sam l’embrassa légèrement sur l’arrière du crâne. A nouveau, Jack l’ignora et continua :
« Nous avons les cerveaux… » Il fit un geste vers Carter, qui sourit. « …nous avons le courage… » Il fit un signe de tête vers Teal’c, qui le lui rendit, reconnaissant. « …et nous avons le cœur… enfin un peu », ajouta-t-il en lançant un regard à Daniel et en soufflant le dernier mot.
Ils étaient stupéfaits. Teal’c avait fait une blague. Et une sacrée bonne ! Quelques secondes s’écoulèrent dans le silence le plus total, puis chacun réagit. Carter s’étrangla avec sa barre chocolatée, le café sortit du nez de Daniel, et même Teal’c consentit un sourire, en ajoutant :
« Je prendrai le premier quart, O’Neill. »
Teal’c s’installa à l’entrée du camp. Daniel, Jack et Sam se glissèrent dans leurs sacs de couchage. Ils ne s’étaient pas astreints à monter les tentes. La nuit était douce et la journée avait été agréable ; et puis tous avaient eu envie de dormir sous les étoiles.
« Carter ? » dit Jack, usant de son meilleur ton de commandement.
Mais elle n’était pas désolée et ne pouvait s’arrêter. Jack sourit et songea que cette mission était trop belle pour être vraie. Il se laissa glisser dans le sommeil.
Chapitre 2
Ils étaient tombés dans une embuscade. C’était aussi simple que ça. Ces gens connaissaient l’art de la furtivité. Car il fallait le maîtriser pour réussir à tromper la surveillance de Teal’c. Il n’y avait eu ni bruissement de feuilles, ni craquement de brindilles. Juste, l’explosion de la grenade à choc.
Le sol était dur. Ce fut la première chose que remarqua Jack. Non pas que leurs sacs soient confortables, mais ils étaient nettement plus doux que la pierre sur laquelle il était à présent allongé. Tout était dans la pénombre. Il remua les jambes, entrant en contact avec quelque chose de doux, et aussitôt il entendit un gémissement faible. Teal’c ne gémissait pas ; Carter lui aurait rendu son coup de pied. Donc, par processus d’élimination…
« Daniel ? » appela Jack.
Jack se doutait qu’il ne le pouvait probablement pas, mais il fallait tenter. Après tout on ne savait jamais, ces bidules d’Ancien et d’ascension pourraient bien avoir donné à Daniel des super-pouvoirs, ou quelque chose de ce genre.
« Non, rien. Ouch ! » répondit Daniel tandis qu’il se redressait pour s’asseoir et que, ce faisant, il se cognait la tête sur le plafond trop bas.
Jack n’eut aucune réponse. Il commença à la chercher aux quatre coins de la petite pièce, attrapant tout ce qui pourrait appartenir à son Second. Tout d’abord il trouva la jambe de Teal’c – trop grande. Ensuite il roula sur lui-même pour se retourner, heurtant Daniel encore une fois. Daniel gémit, mais cette fois ce fut plus fort et plus furieux.
« Jack, arrêtez ça tout de suite ! » ajouta Daniel.
Il n’eut aucune excuse de la part de Jack, mais il n’en attendait pas.
« Sam ! »
Ils commencèrent tous à l’appeler, tâtonnant tout autour de la pièce, qui pouvait à peine les héberger. Il n’y avait définitivement pas de Carter.
« Elle dormait entre nous deux, Jack » dit Daniel sur un ton navré. « Ils ont dû la capturer elle aussi ».
Jack fut interrompu par le bruit d’un métal que l’on traîne, sur sa gauche. Il y eut un faible gémissement, juste avant que quelque chose ne soit jeté en travers de ses genoux. La pièce trembla, tandis que la porte se refermait. De la poussière et des gravillons retombèrent sur leurs crânes.
Dehors, les voix discutaient entre elle, étouffées. Elles s’affaiblirent à mesure qu’elles s’éloignaient de la cellule. Ils se retrouvèrent tous les trois, abandonnés à nouveau dans le silence. Jack s’agenouilla, plus ou moins aveuglé par la poussière. Ses doigts reconnurent la texture d’une veste de treillis.
« Carter ! » souffla Jack.
Il l’attrapa par les straps de sa veste, pour la redresser. Derrière lui il entendit Daniel et Teal’c qui se rapprochaient.
« Carter ! »
Il avait crié cette fois, la secouant avec véhémence. Il pouvait deviner la forme de sa tête et de ses épaules. Elle ne bougeait pas.
« Ma vue revient » dit Teal’c, quelque part devant lui.
Pour un type de son gabarit, il bougeait plutôt vite ! Il y avait encore quelques secondes, il était de l’autre côté de la pièce, et maintenant il se tenait près de la porte, essayant d’en faire bouger les barres.
« La mienne aussi » lança Daniel, resté derrière Jack, appuyé contre le mur. « Elle va bien ? »
Jack n’écoutait pas leur conversation. Il était obsédé par les images floues qui flottaient devant ses yeux. Il bataillait contre les flashbacks de la dernière fois où Sam avait ainsi été jetée dans une cage, dans la petite boutique des horreurs de Nirti.
« Carter ! » cria Jack tout en la secouant à nouveau.
Cette fois elle s’accrocha à ses bras.
« Stop » chuchota-t-elle, à peine capable de parler.
C’était faible, et Jack n’était pas vraiment sûr qu’elle ait réellement dit quoi que ce soit. Il arrêter de la secouer, et elle s’effondra contre sa poitrine.
Les mains de Daniel vinrent vite autour de sa taille, l’aidant à s’adosser contre le mur. Il regarda Jack, puis Sam. Elle ne semblait pas blessée. Ils ne distinguaient ni hématomes, ni entailles. Son uniforme était entier, et même propre – en dehors de la poussière qui, à présent, la recouvrait.
« Vous pensez qu’ils lui ont fait quoi ? » demanda Daniel. « Et pourquoi ne nous ont-ils rien fait à nous ? »
La pièce était sombre – une cave, ou quelque chose comme ça. La poussière qui recouvrait le sol était humide ; le plafond était fait de pierre. Daniel n’avait pas cessé d’éternuer depuis plus d’une heure, ne s’arrêtant que pour élaborer une théorie sur ce que pouvaient être ces créatures. Des habitants des cavernes, pensait Daniel. Peut-être une race humaine primitive qui, pour une raison quelconque, n’aurait jamais évolué. Un ancêtre de Goa’uld. Oui, ça pourrait expliquer les armes.
Jack essayait de faire comme s’il écoutait. Teal’c, lui, tentait toujours de casser la porte, en remuant les barres ou en creusant par-dessous – l’homme était opiniâtre.
« Mon Colonel… »
La voix montant du sol fit tout s’arrêter – en dehors des éternuements de Daniel. Sam commença à se redresser doucement. Il y avait un martèlement dans sa tête, et la pièce tournait. O’Neill réussit à se pencher suffisamment en avant pour attraper son bras et l’aider à se positionner.
« Jack, attention à sa… » prévint Daniel, avant d’être interrompu par un éternuement.
Elle s’était décalée, et à présent était appuyée contre le mur, entre O’Neill et Daniel. Teal’c resta près de la porte.
« Que s’est-il passé ? » demanda-t-elle.
Il n’y avait pas assez de lumière pour que Jack puisse voir son visage, mais il était certain qu’elle avait été droguée. Elle articulait mal, et son ton était un peu trop guilleret compte tenu de leur situation actuelle.
« Je ne sais pas. Ils vous ont ramenée ici il y a environ une heure. Vous avez été inconsciente depuis lors » expliqua O’Neill.
Sam tâta ses bras, ses jambes, son ventre et sa tête.
« Tout est toujours là, mon Colonel ».
C’était donc ainsi qu’était Carter lorsqu’elle avait bu. Une part de lui-même aurait aimé avoir une caméra.
« Qui sont-ils ? » demanda Carter.
Sam s’énerva, agacée du défaut d’informations fournies par le Colonel. Elle était fatiguée. La pièce tournait toujours. Il lui était arrivé quelque chose, mais personne ne savait quoi, et pour le moment elle était trop dans le brouillard pour s’en soucier.
« Mon Colonel ? » bailla-t-elle. « Réveillez-moi quand vous saurez quelque chose ».
Elle se pencha sur sa gauche et s’avachit contre l’épaule de Daniel. Celui-ci éternua à nouveau, et elle lui darda son regard ‘comment-osez-vous-me-déranger’.
« Désolé, Sam. Allerg… »
Daniel éternua encore. Sam soupira et se tourna vers la droite, utilisant l’épaule de O’Neill comme un oreiller.
« Il semblerait que le Major Carter ait été droguée » observa Teal’c, les regardant depuis la porte de la cellule.
Jack et Daniel le dévisagèrent, incrédules. « Ouais » pensa O’Neill, « il a un certain talent pour enfoncer les portes ouvertes ».
*
Le Général George Hammond entra dans la salle de contrôle du SGC.
« SG-1 a fait son rapport ? » demanda-t-il.
Hammond bailla et se frotta le crâne. Il aimerait que, pour une fois, SG-1 ait une mission banale. Juste une fois !
« Le vortex est ouvert, mon Général » l’informa Walter.
*
« SG-1, répondez ! »
La créature prit la radio dans ses larges mains, et la tourna dans tous les sens, la regardant avec curiosité. D’autres vinrent le rejoindre ; le récepteur passa de mains et mains, chacun le scrutant attentivement.
« SG-1, quelle est votre situation ? »
La créature qui tenait la radio à ce moment s’éloigna du groupe, et les autres la suivirent.
« O’Neill, ils reviennent » avertit Teal’c.
Elle retomba sur les genoux de Daniel.
« Je me lève, je me lève. Désolée mon Colonel, je suis encore un peu vaseuse » fit-elle en essayant de s’asseoir.
Daniel l’aida à se tenir droite, tandis que la porte de leur cellule s’ouvrait.
« SG-1 ! » dit la créature, agitant la radio.
Il semblait étrangement fier, comme s’il venait de résoudre un mystère. Sa peau verte était lisse ; ses yeux jaunes vifs. Il leur faisait signe de le suivre. Ses mains étaient totalement disproportionnées par rapport au reste de son corps.
« On va où ? » demanda Jack, soupçonneux.
Mais la créature se contenta de sourire tout en continuant ses gestes de la main.
« Je crois qu’il veut qu’on le suive, Jack » suggéra Daniel.
Elle le regardait, intriguée.
« Laissez tomber. D’accord, allons voir le Magicien ! » dit O’Neill à son équipe.
La créature continuait de sourire et les regardait avec curiosité.
« SG-1 » répéta-t-elle encore.
Et encore, elle leur fit signe de la suivre. Ils rampèrent un par un en dehors de la cellule. La cavité dans laquelle ils entrèrent était gigantesque. Il y avait des tunnels partant dans toutes les directions, et le plafond était démesurément haut. Jack estima qu’il y avait au moins l’équivalent de dix étages dans ce souterrain.
La créature leur fit à nouveau signe, et SG-1 la suivit, méfiante. Carter devait s’appuyer légèrement sur Daniel, ses muscles ne répondant pas encore aussi bien qu’ils le devraient.
Ils avaient marché un moment, et leur guide se retournait très régulièrement pour s’assurer qu’ils étaient toujours derrière lui. Jack ne pouvait s’empêcher de penser que son équipe avait des allures de bébête égarée, du genre ‘à-reconduire-d’urgence-chez-Papa-Maman’. Il espérait sincèrement que les Oziens ne chercheraient pas à les retenir.
Ils s’arrêtèrent juste à l’entrée de la gigantesque caverne. Des créatures surgirent de toutes les directions, les entourant.
« Euh, Jack… » commença Daniel.
Daniel s’avança vers leur guide, ou du moins vers celui qu’il tenait pour être leur guide. Il pensa que ces êtres étaient sans doute des clones.
« Bonjour ! » commença-t-il. « Mon nom est… »
Ils s’approchèrent encore, les encerclant.
« Ça ne semble pas fonctionner, Daniel Jackson » nota Teal’c non sans évidence.
L’équipe se tenait épaule contre épaule, chacun faisant face à une direction différente, dans une attitude de défense qu’ils avaient adoptée spontanément. Ils n’avaient pas d’armes et étaient à moins de un contre vingt.
« Une idée ? » demanda O’Neill en reculant, resserrant leur cercle. « Personne ? Ne soyez pas timide ».
Tout à coup, la foule des créatures commença à bouger, et SG-1 fut contrainte de suivre le mouvement. L’équipe se retrouva en dehors de la caverne, marchant au milieu des Oziens ; mais aucun d’entre eux ne pouvait distinguer les alentours.
« Mon Colonel » dit Carter, montrant le sol.
Ils étaient sur la route pavée de pierre jaune.
« Peut-être qu’ils nous reconduisent à la Porte ».
Jack grimaça. Ils n’étaient pas prêts d’oublier ça !
Sans avertir, les Oziens s’arrêtèrent. Le cercle des créatures commença à se séparer en deux groupes. L’équipe SG-1 resta au milieu, prêt à agir. L’être en face d’eux – peut-être le chef – commença à parler. Les autres firent de même, et des centaines de voix répétèrent la même phrase, encore et encore.
« Une idée, Daniel ? » demanda Jack, tout en résistant à l’envie de plaquer ses mains contre ses oreilles.
Il semblait toujours perdu, aussi Carter continua-t-elle :
« De grosses fleurs roses, nous les avons tués avec l’UAV ».
La lassitude filtrait de sa voix. Cet homme ne pourrait jamais se souvenir de rien !
« Je m’en souvenais, Carter. Je voulais juste vérifier que vous aussi » répondit O’Neill tout en scrutant à droite et à gauche.
Ils devaient être des clones. Ils étaient tous exactement identiques, et s’exprimaient tous avec la même voix.
« Mon Colonel ! » cria Carter.
O’Neill se retourna brusquement, au moment où elle criait. Elle ne criait plus. Le groupe des Oziens situé sur leur gauche l’avait complètement entourée. La colonne de droite commença lentement à conduire Daniel, Teal’c et lui-même, vers la Porte, qui était activée. La mélopée continuait.
« Major Carter ! » cria Teal’c.
Il se précipita sur ces êtres, en frappant quatre si brutalement qu’ils chutèrent. Mais avant qu’il ne puisse se retourner, cinq autres avaient pris le relais, les repoussant vers la Porte. Ils ne pouvaient rien faire.
« Carter ! » hurla O’Neill, voulant se faire entendre malgré le chant. « Accrochez-vous ! »
Les mots résonnèrent dans sa tête alors qu’elle était entraînée loin d’eux.
« Nous reviendrons ! » O’Neill continuait de crier par-dessus la foule. « On ne laisse personne derrière ! »
Tout ce que put faire Carter, c’est hocher la tête. Elle savait qu’il ne pouvait pas la voir, les Oziens (le nom que leur avait donné O’Neill, et qu’elle reprenait à son compte) l’avaient complètement encerclée. Mais elle espérait qu’il saurait qu’elle l’avait entendu ; qu’elle pourrait se raccrocher à ses mots. Ces mots qui seraient tout ce qu’elle aurait pour tenir dans les jours qui viendraient.
Chapitre 3
La mer des Oziens s’ouvrit, permettant au major Samantha Carter de voir la Porte des étoiles. Son équipe était partie. Elle jeta un œil sur les symboles du DHD, mais ne les reconnut pas. Au moins n’avaient-ils pas été envoyés vers la Terre, ce qui la réconfortait. Il y avait donc une chance pour qu’ils soient encore en vie. « Nous reviendrons » avait dit le Colonel O’Neill. Elle le croyait. Quel autre choix avait-elle que de le croire ? Ils n’avaient jamais abandonné quiconque derrière, aucune raison pour commencer aujourd’hui. Elle était rationnelle.
Pourtant, Sam était parfaitement consciente de ce que la probabilité pour qu’une mission de secours soit envoyée à temps était proche de zéro. Le reste de SG-1 avait été expédié Dieu sait où dans Dieu sait quoi. Les chances pour eux de regagner la Terre assez vite pour organiser un tel sauvetage étaient très faibles. Et pourtant, ces chances n’en existaient pas moins.
Tandis que ces pensées moroses lui traversaient la tête, Sam remarqua à peine que le vortex s’était désengagé. Néanmoins elle reconnut sans hésiter le bruit d’un nouveau qui se reformait aussitôt. Quelqu’un composait l’adresse de la Porte.
Les Oziens réagirent instantanément. Son champ visuel se résuma à un galimatias de faces vertes et d’yeux jaunes ; son corps fut entraîné par la foule qui regagnait l’orée des arbres. Ces êtres qui avaient chanté étaient maintenant silencieux. Sam n’entendait plus rien d’autre que le gargouillis de la Porte, et les battements de son propre cœur.
Puis elle entendit quelque chose d’autre, quelque chose de familier ; et elle le vit : l’UAV.
Sam bondit sur ses pieds, ôta sa casquette, espérant contre toute raison que sa tête blonde, unique, serait repérée au milieu de cette masse verte. L’aéronef la survola. Elle fut contrainte à s’agenouiller par l’un des aliens.
« SG-1 ici Hammond, me recevez-vous ? »
La radio, pensa Sam. Ils avaient toujours la radio.
« SG-1, répondez ! »
Elle se tourna vers le son de la voix familière du Général, et elle le vit. L’un d’entre eux retournait le récepteur entre ses mains. Elle n’était pas en mesure de la récupérer : il y avait quatre de ces créatures, entre elle et la radio. Elle n’aurait pas d’autre chance, elle le savait ; et son seul espoir était que durant son inspection, la créature active le bouton de communication.
« Mon Général ! » hurla Sam à pleins poumons. « Vingt mètres au nord-ouest de la Porte. Encerclée, mon Général ! Des créatures vertes ! SG-1 a été envoyé vers un autre site ! Localisation inconnue ! »
C’était fini : une main se plaqua sur son visage, et trois autres la firent se baisser. Elle se débattit.
« Les cavernes ! » cria-t-elle.
Ils la traînèrent au sol, la réduisant au silence. Son visage était à présent contre la pierre jaune de la route. Il y eut quelque chose d’humide sur sa nuque, puis une odeur. Elle se souvint. Et tout devint noir.
*
« SG-1 ici Hammond, me recevez-vous ? »
Le Général Hammond se tenait droit devant le micro, tout en scrutant les images transmises par l’UAV.
« SG-1, répondez ! » intima-t-il.
Le General Hammond se tourna vers le sergent Walter Davis :
« Sergent, vous pouvez repérer sa position ? » demanda-t-il.
Les doigts du technicien survolaient rapidement le clavier de la console de contrôle.
« La transmission était trop courte ».
L’engin montrait des arbres de toutes les couleurs, une route jaune orientée vers l’ouest, et une masse compacte de feuillage vert entre les deux.
« Sergent, refaites-le passer au-dessus de cet espace vert » ordonna Hammond.
La masse compacte verte virait à présent au rouge profond. Walter secoua la tête, incrédule.
« J’essaie de le faire voler plus lentement, mon Général ».
Walter fit repasser l’aéronef, tandis que le Général Hammond s’installait sur un siège à ses côtés, les yeux rivés au moniteur. Jusqu’à ce que l’écran devienne noir.
« Bon Dieu, qu’est-ce qui se passe ? » interrogea Hammond tout en bondissant sur ses pieds, faisait sursauter tout le monde dans la salle de contrôle.
Il hocha la tête, essayant de comprendre ce qui s’était passé. Ses doigts recomposaient avec frénésie l’adresse de la planète.
« Récupérez la connexion ! » ordonna le Général. « Je veux savoir ce que c’est que cette satanée chose, et ce qu’ils ont fait à mon équipe ! »
*
Le Colonel O’Neill venait de s’engouffrer dans le vortex, les yeux fermés, s’attendant à se fracasser contre l’iris d’une seconde à l’autre. Il se demandait ce qu’il ressentirait, si même il sentirait quelque chose. Il pensait que non. Carter le lui avait dit une fois, mais il n’avait pas écouté après « démolécularisé ». Compte tenu des circonstances présentes, il regrettait de ne pas l’avoir écoutée davantage.
« Argh ! » lâcha O’Neill lorsqu’il heurta quelque chose de dur.
Mais ce n’était pas l’iris. C’était Daniel.
« Jack ! » grommela Daniel, en-dessous de lui. « Je jure devant Dieu que quoi qu’il se passe, si vous me cognez encore une fois je vais… »
Ignorant totalement les menaces de Daniel, Jack se remit d’aplomb.
« Merci d’avoir amorti ma chute, Danny Boy. Les genoux, vous savez »
Il tendit une main à Daniel et l’aida à se remettre sur pieds.
« Teal’c, une idée de là où on est ? »
Il fit un geste montrant les alentours de la Porte. Aussi loin qu’ils puissent voir, il n’y avait rien d’autre que le sol argileux et rouge.
« Est-ce que ce ne sont pas des Oziens, Daniel Jackson ? »
Teal’c montrait la direction opposée à celle vers laquelle étaient tournés Daniel et Jack. Les deux hommes pivotèrent dans un même mouvement.
« Ouaip » confirma Jack. « Et ça c’est notre équipement »
Sur leur gauche, ils voyaient des entassements nets, constitués de leurs matériels.
« Trois P-90, trois zat’s, et trois sacs » nota Daniel, tout en examinant l’équipement. « Est-ce que je suis le seul à remarquer la logique ? Jack, tout a été scrupuleusement organisé. Il y a trois exemplaires de tout, ici… Oh mon Dieu ! »
Le Jaffa ne quittait pas des yeux les aliens, qui s’approchaient d’eux.
« Il y a trois exemplaires de chaque chose » expliqua Daniel, dévisageant Jack. « Nous sommes trois exemplaires d’humains ».
Il poussa le jeune homme vers le DHD, puis se tourna vers leur équipement. Récupérant un pistolet et le transmetteur GDO, il se rapprocha de la Porte. Daniel composait l’adresse, tout en secouant la tête :
« On ne peut pas partir comme ça, Jack » dit-il. « Ça veut dire quelque chose. Ils gardent un exemplaire de tout, ça ne peut pas être une coïncidence. Ils doivent… »
O’Neill l’interrompit :
« Ils ont gardé un membre de mon équipe, Daniel ! » s’écria-t-il. « Ils ont gardé l’un d’entre nous. Je me fiche de savoir ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent, ça n’aurait jamais dû arriver. On ne laisse personne derrière. Maintenant, activez cette Porte ! »
Daniel s’exécuta, visiblement perturbé par les mots de Jack. Il ne lui en voulait pas de s’énerver. Bien sûr, ils avaient gardé l’un d’entre eux, ils avaient gardé Sam. Mais il détestait lorsque Jack se persuadait que les races qu’ils rencontraient étaient diaboliques.
« On y va ! » s’écria Jack à Teal’c et Daniel, tout en composant le code d’identification.
La vitesse de la foule avait augmenté au moment de l’activation de la Porte, mais les créatures restaient silencieuses. L’une d’elle se détacha du groupe et se dirigea vers Teal’c.
« T., on y va ! » cria JacK.
Le Jaffa renonça à son poste d’observation au moment où les Oziens atteignaient le fond de la vallée. Celui qui s’était détaché arriva presque aussitôt à la Porte, mais il était trop tard. SG-1 était déjà partie.
*
« Je reçois un code d’identification, mon Général » indiqua Walter. « C’est SG-1, mon Général ».
Le Général se précipita hors de la salle de contrôle et fit irruption en salle d’embarquement. Daniel sortait du vortex, suivi de Teal’c et O’Neill.
« Colonel O’Neill, que diable se passe-t-il ? Où étiez-vous... » commença Hammond.
Le Général ne pouvait guère le rassurer, mais il sentit l’angoisse dans la voix de l’archéologue. Il la partageait. Mais à la vérité, il ne pouvait pas se permettre de risquer la vie d’autres hommes dans une mission suicidaire, même s’il s’agissait de secourir le Major Carter. Il la connaissait depuis qu’elle était enfant, et il la connaissait assez bien pour savoir qu’elle serait raisonnable et comprendrait les impératifs militaires.
« Général Hammond » fit Teal’c en les rejoignant à son tour au bas de la rampe. « Daniel Jackson a une théorie selon laquelle tout ce qu’ils veulent, c’est le Major Carter. Nous ne courrons probablement aucun danger si nous y retournons ».
Le Général Hammond semblait perdu.
« Eh bien ils gardent un exemplaire de tout, Monsieur ».
O’Neill haussa les épaules et sortit de la salle d’embarquement, sans un regard en arrière. Teal’c fit un signe de tête vers le Général Hammond, et sans un mot sortit à son tour. Daniel resta sur place.
« Général… » commença-t-il.
Sa voix était posée, mais trahissait sa préoccupation.
« Lorsque nous nous sommes réveillés dans la caverne, Sam n’était pas avec nous. Quand ils l’ont ramenée, elle ne semblait pas blessée, mais était complètement à l’ouest. »
Puis il tourna les talons, laissant le Général seul dans la salle d’embarquement.
Chapitre 4
Le Major Samantha Carter revenait progressivement à elle. Elle ouvrit prudemment les yeux, s’attendant à la pénombre de la caverne. Mais elle fut aveuglée par une lumière artificielle. Instinctivement, elle leva les bras pour protéger son visage. Elle remarqua alors seulement que ses bras étaient nus et qu’elle reposait sur du métal froid. Elle se redressa immédiatement. Trop vite cependant, elle retomba sur la table sur laquelle elle était installée. Ce n’était visiblement pas le même endroit que celui où elle avait été retenue avec SG-1. Les machines en face d’elle ne ressemblaient à aucune des technologies qu’elle connaissait. Un peu plus loin, au-delà des moniteurs et de petits instruments (dont elle ne pouvait que deviner l’utilité), se trouvaient ses vêtements, méthodiquement rangés en pile.
Elle rapprocha ses jambes de son torse, laissant sa tête reposer un instant sur ses genoux. Lorsqu’elle eut suffisamment récupéré, elle se laissa glisser de la table et se dirigea vers l’unique sortie.
Le Major Carter osa un coup d’œil. Sécuriser le périmètre, évaluer la menace, soupeser les chances, ensuite seulement s’habiller.
Elle regarda le souterrain. Elle était à plusieurs mètres de l’endroit où SG-1 avait été emmené. Les Oziens étaient maintenant rassemblés là. Elle s’appuya contre le mur, écoutant en retenant son souffle, mais elle ne put entendre le moindre son. Ils devaient pouvoir communiquer par télépathie, en déduisit-elle.
Après avoir jeté un dernier regard, elle battit en retraite dans ce qu’elle supposait être un laboratoire, et récupéra ses vêtements. « Bien » pensa-t-elle, « voyons ce que ces bonshommes traficotent ».
Une fois rhabillée, Sam s’intéressa aux objets qui se trouvaient en face d’elle. Ils étaient grands, lourds, et difficilement utilisables par elle. Néanmoins elle pensa qu’ils devaient avoir la taille adéquate pour ses nouveaux petits camarades.
Il toucha l’un des moniteurs, bondissant en arrière lorsqu’il s’alluma. Elle risqua un rapide coup d’œil derrière elle, s’assurant de ce qu’elle n’avait attiré l’attention de personne. Puis elle s’intéressa aux images qui défilaient sur l’écran. Elle était horrifiée, mais ne pouvait détourner le regard pour autant.
Carter était paralysée. Que lui avaient-ils fait ? Il devait y avoir une sorte de caméra placée juste au-dessous de la table sur laquelle elle s’était réveillée, mais elle ne put repérer son emplacement. Quoi, ils l’examinaient ? Ils étaient cinq ; silencieux, comme toujours ; poussant, tirant, tiraillant de leurs mains gigantesques son corps dans tous les sens. L’un d’entre eux tenait l’instrument contondant qui se trouvait devant elle. Il l’examinait, tout en le passant au-dessus de son bras à elle ; les os apparurent, sous la peau. Le soldat en elle se fit prudent ; le chercheur, curieux ; la femme… Il n’était pas temps de s’arrêter sur ce qu’elle ressentait en tant que femme.
Elle prit l’objet, le soupesant dans une main, et le passant au-dessus de son autre main. Rien ne se produisit. Elle reporta son attention vers l’écran.
*
« Bon Dieu ! » s’écria O’Neill, frappant la clenche de son poing.
Teal’c était adossé contre le mur, le sourcil relevé. Le docteur Jackson était vautré sur un banc, la tête entre les mains.
« Je n’arrive pas à le croire ! Quelqu’un devrait vérifier sa nuque pour voir s’il n’y aurait pas trace d’une présence goa’uld ! C’est dément. On devrait être là-bas, en train de la ramener ».
La clenche encaissa un nouveau coup, puis un autre, et encore un autre, jusqu’à ce que les articulations de Jack soient en sang. Teal’c fut contraint d’intervenir et repoussa Jack contre le mur.
« Cela ne l’aide pas, O’Neill », fit-il sur un ton plein d’évidence, tandis qu’il maintenait d’une seule main un Jack plein de rage.
Ce n’était pas vraiment une question. Teal’c avait souvent fait référence aux compétences militaires de leur camarade. Certes elle était un soldat efficient. Mais Jack pensait que pouvoir survivre sur un champ de bataille et devoir survivre dans les circonstances actuelles étaient deux choses très différentes.
« Elle est forte, Jack » appuya Daniel. « Elle a été capable de survivre alors qu’elle était pourchassée par l’un des super-soldats d’Anubis et qu’elle n’avait aucune arme. Et combien de temps est-elle restée seule sur le Prométhée, avec une importante contusion, avant de sauver l’équipage en entier ?
Jack eut un rire.
« Vous savez quoi, Danny Boy ? Quand vous étiez coincé sur cette planète, là, celle avec le Type-à-moitié-Poisson venu de Babylone » dit-il en soupirant et en massant les tempes. « Et bien elle a trouvé. Elle a laissé le docteur McKenzie trifouiller son esprit, jusqu’à ce qu’elle se souvienne de ce qui vous était vraiment arrivé. Aussitôt fait, le Général Hammond nous a renvoyés là-bas pour vous récupérer ».
Cette fois, ce fut au tour de Jack de relever un sourcil.
*
Elle était sortie du laboratoire et cherchait à savoir à quoi servait cet endroit. Les protocoles suivis – c’est ainsi qu’elle appelait ce que les examens que Oziens lui avaient fait – avaient seulement renforcé son envie de se sortir de ce guêpier. Elle n’avait aucune idée du temps qui s’était écoulé depuis qu’elle avait été séparée de son équipe. Mais elle était certaine qu’il allait y avoir une mission de secours ; et elle aurait voulu être déjà dans l’infirmerie du SGC, à être examinée par le Docteur Janet Frasier.
Ses pieds étaient douloureux, à force de marcher sans chaussures sur la route pavée de jaune, mais elle ne voulait pas prendre le risque de faire du bruit avec ses rangers. Ces créatures pouvaient se déplacer sans bruit ; alors elle aussi le pouvait.
Deux niveaux au-dessus du laboratoire, elle constata un afflux de lumière artificielle. Elle entra dans la pièce plus éclairée, et s’assura à nouveau de ce qu’elle était seule, avant de voir ce qui l’entourait. C’était une sorte de musée. Du sol au plafond, les murs de la pièce étaient couverts de toutes sortes de choses, des armes goa’ulds jusqu’à des fourchettes. Si elle voulait être honnête avec elle-même, elle devait admettre que cela lui rappelait l’appartement de Daniel. Cette pensée la fit sourire. Les autres lui manquaient. Mais ce n’était pas le moment d’être sentimentale.
Elle continua le long du mur, énumérant mentalement tout ce qui pourrait lui être utile pour sortir de là. Elle n’avait jamais vu la plupart de ces objets, et ce n’était pas le meilleur moment pour se lancer dans des expérimentations touchant aux technologies extra-terrestres, pourtant elle était tentée.
Elle retournait vers l’entrée de la pièce, inspectant le mur opposé, lorsqu’elle s’arrêta brutalement. Les objets qui se trouvaient en face d’elle lui étaient familiers, très familiers. C’était son équipement. Sa radio, son sac, sa veste et… Oh Seigneur, il y avait même sa barre de Snickers à moitié mangée ! Elle la récupéra et la dévora. Elle ne s’était pas rendu compte à quel point elle avait faim. Au moment où elle avalait le dernier morceau, les Oziens firent irruption dans la pièce. « Imbécile ! » pensa-t-elle. Elle avait dû déclencher une sorte d’alarme. Ils l’avaient encerclée.
« Attendez ! » dit-elle d’une voix étranglée. « Attendez » répéta-t-elle, plus fort cette fois.
Elle ne reçut pourtant aucune réponse de la part des créatures.
« Que me voulez-vous ? Qu’est-ce qui se passe ? Attendez ! »
Cela ne servait à rien. Elle n’avait pas les compétences linguistiques de Daniel, mais de toute façon ils n’avaient rien dit qu’elle aurait pu tenter d’interpréter. Carter fut reconduite dans la cellule, et abandonnée seule dans le silence.
*
Il s’était écoulé onze heures depuis qu’ils étaient revenus sur Terre, environ dix-sept heures depuis qu’ils avaient été séparés pour la première fois, sur Oz. Le Colonel avait attendu que les gardes de nuit fassent leur ronde, à 01h00. Alors seulement, il était passé à l’action.
Il n’y avait que Walter et un autre technicien, dans la salle de contrôle. Il les assomma tous les deux avant qu’ils n’aient le temps de réagir, d’un coup de Zat’. Il se pencha alors sur le clavier, déverrouilla tout, et composa l’adresse de P4X-985. On eut dit qu’il l’avait fait toute sa vie. De fait, il avait déjà vu Carter le faire ; mais elle, elle aurait programmé l’adresse beaucoup plus vite.
Le vortex se forma. Jack récupéra son équipement et se précipita dans la salle d’embarquement, sans prendre la peine de jeter un regard vers les deux hommes inconscients qui gisaient au sol. Ils allaient bien. Ce n’était pas leur premier coup de Zat’. Et Bon Dieu, ce n’était même pas la première fois qu’il les zattait.
« Salut Jack ».
Daniel était assis au bord de la rampe d’accès à la Porte. Que diable fichait-il ici ? songea Jack. Il l’ignorait, mais pour l’instant s’en moquait éperdument.
« Daniel ». Jack le dévisageait, attendant une explication.
Il était équipé et prêt à partir, portant le même uniforme sombre que Jack.
« Daniel ».
Jack se contentait de hocher la tête. Il songea qu’ils avaient un don pour choisir les mêmes vêtements, mais ce n’était certainement pas le moment d’avoir une telle conversation. Lui, il avait un boulot à faire. Un boulot qui, sans aucun doute, mettrait un terme à sa carrière dans l’armée, voire un terme à sa vie. Il ne pouvait accepter que Daniel prenne un tel risque.
« Je viens avec vous » exposa Daniel.
Ils l’avaient attendu, tous les deux. Ils savaient qu’il n’accepterait pas les ordres de Hammond et ne resterait pas assis sans rien faire.
« Jack » fit Daniel, bien décidé à poursuivre leur débat.
Daniel attendait toujours patiemment l’accord de son ami ; mais il s’était déjà avancé, se tenant aux côtés de Teal’c, au sommet de la rampe. Maintenant c’était eux qui étaient prêts à partir sans lui.
« Teal’c, Daniel » se contenta d’approuver Jack, tout en les rejoignant.
Il se planta devant eux et les dévisagea. Ils étaient SG-1, une SG-1 amputée d’un membre. Il ne voulait pas leur faire prendre de risques, mais il avait besoin de leur aide, et il n’était pas assez fier ou assez stupide pour la repousser. Le Général Hammond avait eu raison sur un point : ils n’avaient aucune idée de ce que ces aliens voulaient ou de ce qu’ils pourraient faire. Il ne jouait pas qu’avec sa propre vie, sur cette mission. S’il n’acceptait pas le renfort de ces deux là, il risquait aussi la vie de Carter. Et puis Teal’c était dans le vrai : si ça avait été qui que ce soit d’autre, elle aurait été la première à passer la Porte. Elle avait besoin de leur aide. De leur aide à tous, ceux de SG-1. Pas seulement de l’aide du Colonel Jack O’Neill, autoproclamé super-héros.
Il endossa son paquetage, prit son revolver et avança vers le gargouillis de la Porte. Daniel et Teal’c étaient devant le vortex, l’attendant. Les portes donnant sur les corridors s’ouvraient. Il se tourna vers son équipe, ses amis :
« On y va ! »
Et sur cet ordre, ils passèrent la Porte pour aller secourir Sam.
Les portes achevèrent de s’ouvrir, et une demi-douzaine de soldats armés fit irruption dans la salle d’embarquement, suivis par un Général Hammond sombre. Le vortex se désengagea et personne n’osa dire un mot.
« Repos » lança le Général.
Les hommes quittèrent la salle. Avant de les suivre, il ajouta doucement :
« Ramenez-la à la maison, SG-1 ».
Chapitre 5
Le Major Samantha Carter reprit conscience de retour dans sa cellule. C’était celle là même où SG-1 avait été retenue, avant que le reste de l’équipe ne soit renvoyé par la Porte. A présent qu’elle était seule, elle avait beaucoup plus d’espace. Il y avait assez de lumière venant des fissures du mur pour qu’elle puisse voir la large empreinte des chaussures de Teal’c, et la pile de kleenex que Daniel avait laissée dans un coin. Elle était fatiguée et dolente. C’était comme si tout à l’intérieur d’elle-même avait été tiraillé dans tous les sens. Elle frissonna lorsqu’elle réalisa que c’était exactement ce qui avait dû se passer.
« Sers-toi de ta tête Carter ».
La voix de Sam résonna étrangement sur les parois de pierre. Elle détestait être seule. Au moins lorsqu’elle avait été coincée sur le Prométhée, elle avait eu de la visite. Certes, ils n’étaient que des projections de son imagination dues à son choc à la tête, mais enfin c’était toujours de la compagnie.
« Bon, que veulent-ils ? »
Sam se parlait à elle-même à voix haute. Elle était consciente du ridicule, mais elle avait besoin d’entendre quelque chose, fut-ce sa propre voix. Le silence la rendait folle.
« Pourquoi seulement moi ? Ils ont renvoyé le reste de SG-1 quelque part, mais moi ils m’ont gardée ici. Ils m’avaient déjà fait quelque chose lorsque nous avons été capturés la première fois. Je ne suis pas revenue à moi dans cette pièce, avec le reste de l’équipe. Le Colonel O’Neill a dit qu’ils m’avaient ramenée plus tard. Alors que veulent-ils obtenir de moi ? »
Elle avait besoin de se reposer, de s’allonger un moment. Elle décida d’enlever sa veste et en fit une boule qu’elle cala derrière sa tête. Elle aurait aimé se pelotonner et s’endormir, mais elle craignait de se réveiller à nouveau sur cette table ou, pire, de ne pas se réveiller du tout. « S’ils voulaient me tuer, ils l’auraient sans doute déjà fait depuis longtemps. Mais peut-être voudront-ils pousser plus loin leurs expérimentations » se dit Sam malgré elle, n’osant formuler à voix haute les pensées qui taraudaient son esprit.
Il y eu du bruit provenant de l’extérieur de la cellule. Des bruits de pas ! Ils revenaient, encore.
« Pas cette fois les gars ! »
Carter se cala contre le mur opposé à la porte. Elle n’irait nulle part sans s’être débattue.
L’un des aliens entra dans la cellule, dodelina de la tête, et la dévisagea. S’il avait eu des sourcils, Sam aurait parié qu’ils auraient été levés. Il s’approcha d’elle et s’arrêta à quelques centimètres de son visage. Eclairée par la lumière fade de la cellule, sa peau était d’un vert émeraude profond ; ses yeux jaunes tournaient à l’orange. Il était plus grand qu’elle de quelques centimètres, ses proportions étaient assez proches de la physionomie humaine. Tout, sauf les mains. Les mains étaient démesurément grandes.
La créature leva une main vers elle, l’approchant de son visage. L’être positionna le bout de son doigt au sommet du crâne de la jeune femme et le descendit lentement, traçant une ligne invisible tout le long de son corps. Lorsqu’il arriva au niveau de son nombril, il s’arrêta. Carter bataillait pour conserver le contrôle de sa respiration. « Découvrez ce qu’il veut ». Elle pouvait presque entendre la voix de Daniel dans sa tête.
L’alien souleva doucement son tee-shirt et s’agenouilla devant elle, inspectant son nombril.
« Je suppose que vous n’étiez pas invité à la première ribote ? » plaisanta Sam, nerveuse.
La créature ne répondit pas.
« Vous m’entendez ? » demanda-t-elle.
A nouveau, elle n’obtint aucune réponse. Elle tenta sa chance, et toucha la main qui appuyait sur son estomac. Instantanément la créature bondit sur ses pieds, et avant même qu’elle ait eu le temps de réagir, la main qu’elle avait touchée la maintenait contre le mur.
« Hey ! Wahou, je suis désolée ! Je… »
Tandis que Sam essayait de parler, l’autre main vint au-dessus de sa tête et recouvrit son visage. C’est alors qu’elle sentit l’odeur. La fragrance lui était étrangère et pourtant familière. Elle sentit la pénombre l’envahir. « Pas cette fois » pensa-t-elle, tout en combattant pour ne pas inhaler.
Puis ses muscles se relâchèrent, et elle s’effondra sur le sol de la cellule ; elle sentit la créature qui la soulevait, l’emmenait hors de la pièce. Elle ressentait tout, entendait tout, mais était incapable de bouger. « Nous y voilà, encore » pensa Sam.
*
Le Colonel Jack O’Neill, Teal’c et le Docteur Daniel Jackson franchirent la Porte. A nouveau, ils se retrouvaient sur la planète que O’Neill avait baptisée Oz.
« Vous savez » dit Jack, « j’aimais mieux cette planète la première fois que maintenant ».
Jack leva les yeux vers lui. Quelquefois Teal’c ne comprenait pas ses sarcasmes.
« Les circonstances étaient bien plus agréables, Teal’c » expliqua Daniel.
« Comme s’ils ne savaient pas que je m’inquiète », pensa O’Neill. Mais il était un Colonel de l’US Air Force. Ce qui signifiait qu’il devait conserver son self-control en toutes hypothèses.
*
Cette fois-ci Sam était consciente de ce qui l’entourait. Elle était de retour dans le labo. On lui avait ôté ses vêtements ; elle sentait le métal froid de la table contre son dos. Elle était prisonnière de son propre corps. Elle tenta de se concentrer de façon à se souvenir de ce qu’ils lui faisaient. Il y avait cinq mains, une sur chaque jambe, une sur chaque bras, et une au niveau du ventre. Quelque chose de froid fut placé sur son nombril. « C’est juste un bouton sur le ventre ! » se dit-elle. « Finissons-en ».
Alors arriva la douleur, irradiant tout son abdomen. Elle cria en silence, essaya de se battre avec ses bras et ses jambes ; mais elle ne put les bouger. Sa respiration était devenue courte et rapide, ce qui attira leur attention. Sam sentait leurs doigts parcourir son visage, sonder ses narines. Quelque chose de froid y fut glissé, qui causa une douleur indicible. Elle cria de nouveau, se débattit encore. Aucun son ne franchit ses lèvres, mais cette fois quelque chose remua.
Son bras droit retomba, pendant le long de la table. Elle espéra qu’ils la drogueraient. Elle attendit qu’ils continuent de faire ce qu’ils faisaient, mais elle ne sentit rien. Il n’y avait aucun son, aucun mouvement. Elle se concentra sur sa respiration, sur le mouvement de ses doigts et de ses orteils, sur ses yeux qu’elle voulait tant ouvrir.
Lorsqu’elle réussit enfin à ouvrir les yeux, les créatures étaient parties. Une fois de plus, Carter se retrouvait seule. Lentement et dans la douleur, elle se redressa pour s’asseoir, laissant ses jambes se balancer le long de la table. Elle était nauséeuse, avait affreusement mal, et avait l’impression que sa tête allait exploser d’une minute à l’autre.
Remerciant son entraînement militaire, elle réussit à se lever et quitter la table. Elle se dirigea aussitôt vers les moniteurs, sur le mur opposé. Elle devait savoir ce qu’ils lui avaient fait.
*
« Jack, il nous faut un plan » dit Daniel, juste derrière lui.
Jack haussa les épaules, jetant un œil sur ses coéquipiers.
« Ecoutez » dit-il avec colère et frustration, « Je n’ai pas de plan principal. Je ne sais même pas comment nous pourrions formuler un plan principal ! Nous n’avons aucune idée de ce à quoi nous allons avoir à faire, ni même de combien ils sont ou de ce qu’ils sont. Tout ce que je sais, c’est qu’ils nous ont traîné le long de cette route. Donc cette route va là où ils sont. Et où qu’ils soient, il est plus que probable que Carter y soit elle aussi. Alors c’est là que nous allons ».
Il se retourna et continua sa route le long du chemin jaune. Daniel et Teal’c restèrent en retrait un moment.
« Je suppose que nous allons juste rencontrer le Magicien » dit Daniel, tout en le suivant.
Et SG-1 repartit pour trouver et secourir le membre manquant de leur équipe.
*
Les moniteurs refusaient de fonctionner. Elle les toucha comme elle l’avait fait précédemment, mais n’obtint aucun résultat.
« Qu’est-ce que vous m’avez fait ? » cria-t-elle avec frustration, attrapant l’instrument le plus proche et le lançant contre l’écran en face d’elle.
Quelques secondes plus tard, Sam réalisa ce qu’elle venait de faire et se tint prête à attaquer les créatures qui ne manqueraient pas d’être attirées par le bruit. Elle attendit, mais personne ne vint.
Elle récupéra ses vêtements, enfila son tee-shirt et son pantalon, sans prendre la peine de prendre le reste. Elle se moquait que ces créatures la voient nue à nouveau, mais quelque chose en elle refusait de se promener ainsi. La douleur redoubla au moment où elle refermait sa ceinture. Son nombril et ses bords étaient rouge et meurtri. Reprenant son souffle, Sam retira la ceinture et laissa son pantalon flotter sur ses hanches. La douleur ne partirait certes pas pour autant, mais ce serait tout de même mieux. Elle retroussa également son tee-shirt de quelques centimètres, juste pour être plus à son aise. Puis elle quitta le labo et retourna dans la pièce qu’elle avait découverte la veille.
Il fallait prendre le couloir sur la droite, elle ne l’avait pas oublié, mais cette fois la lumière venait de la gauche. Sam contrôla les alentours et, lentement, elle se dirigea vers cette autre pièce. Elle eut le souffle coupé lorsqu’elle se trouva face à face avec un Unas. Il était derrière une sorte de vitrine transparente. Elle dévisagea le Unas ; ses yeux morts la fixèrent en retour. Il était parfaitement conservé. Elle se retourna et vit d’autres vitrines, de nombreuses autres. Elle sentit les poils de ses bras se hérisser.
Elle était entrée dans la salle. Le SGC n’avait jamais rencontré la plupart des spécimens entreposés dans ces vitrines. Il y avait un Jaffa, avec le tatouage de Râ sur le front. « Ils doivent être là depuis un sacré bail » pensa Sam. Lorsqu’elle parvint à la dernière vitrine, son sang se glaça. Elle était vide, en dehors d’une paire de rangers, le modèle standard fourni par le SGC. C’était donc ce qu’ils voulaient faire d’elle : un trophée pour leur collection.
« Bon, j’en ai vu assez » dit Carter tout en quittant précipitamment la salle des trophées pour rejoindre le couloir central.
Sam était à présent dans la pièce qu’elle avait découverte la veille. Elle savait ce qu’elle était venue y chercher, et n’hésita pas lorsqu’elle l’extirpa du mur. Elle les entendit arriver, et les attendit patiemment. Cette fois, elle était plus que prête pour les recevoir. C’était maintenant ou jamais, si elle voulait sortir de là vivante.
*
« C’était trop facile » fit Daniel avec scepticisme, alors qu’ils pénétraient dans la salle principale des souterrains. « Où sont-ils tous passés ? »
Daniel avait raison, cela avait été trop facile.
« Teal’c, vous avez quelque chose ? »
Jack savait que c’était le bon endroit, même s’il n’avait aucun moyen de le vérifier. Il faisait confiance à la mémoire de Teal’c bien davantage qu’à la sienne.
« C’est effectivement le même souterrain, O’Neill » répondit Tealc. « Mais je ne vois pas où les Oziens pourraient être ».
« On dirait que l’équipement a été détruit » constata Teal’c, alors qu’ils entraient dans le labo.
Daniel commença à les lister.
« Bon Dieu ! » lâcha Jack, faisant un rapide demi-tour.
Daniel et Teal’c le rejoignirent au moment où une masse verte surgissait devant eux.
« On bouge ! »
*
Sam sentait l’énergie produite par l’arme goa’uld l’envahir. Les créatures s’avançaient vers elle, sans faire le moindre bruit. Elle dirigea l’engin vers eux, et l’utilisa pour les contraindre à reculer. Il lui semblait trop facile de les repousser ; jusqu’à ce qu’elle fut attrapée par derrière. Le bras qui tenait l’arme fut emprisonné par une main énorme et verte. L’alien tira son bras dans son dos, et elle entendit l’os se briser.
« Aaah ! » hurla-t-elle sous la douleur.
Il devait y avoir une autre entrée qu’elle n’avait pas repérée lorsqu’elle avait visité la pièce ; aucun d’entre eux n’avait pu la contourner. La créature la projeta contre le sol, et elle atterrit durement sur le ventre. Elle cria de nouveau, mais le son ne passa pas sa gorge. La douleur était trop intense, elle ne pouvait plus respirer. Ils la rejoignirent, toujours en silence. Leurs yeux jaunes tournaient au rouge. Elle était à genoux. Levant son bras autant que possible, elle se servit du pouvoir de l’arme goa’uld et réussit à propulser quelques uns de ces êtres à travers la pièce. Mais d’autres continuaient d’arriver.
« Carter, à terre ! »
La voix de O’Neill vint de quelque part derrière elle, rompant le silence de l’attaque. Sam agit avant même de comprendre ce qui se passait. Elle roula sur son dos, sans plus bouger le moindre muscle. Le Colonel O’Neill, c’est tout ce à quoi elle pensait. Tout s’estompait lentement autour d’elle. Le fruit des tirs remplit la pièce : P-90 et lance. SG-1. Elle sentit une main sur son bras. Une main normale. Elle réussit à tourner la tête :
« Daniel ? » demanda-t-elle, ne pouvant en croire ses yeux.
Ses lèvres bougeaient, mais aucun son n’en filtra. Elle savait qu’il n’aurait de toute façon pas pu entendre, avec le bruit des détonations, pourtant il hocha de la tête. Il la soutint et l’entraîna vers la sortie. Elle jeta la tête en arrière, heurtant son torse, lorsqu’il agrippa son bras droit. Elle hurla de douleur. Y regardant de plus près, il découvrit que le bras était de toute évidence cassé.
« Bon Dieu, Sam » chuchota Daniel.
Il tenta de l’agripper autrement pour l’entraîner dehors sans la blesser davantage. Il glissa son propre bras sous ses genoux et la souleva. Elle grimaça de nouveau, souffrante, alors que son corps se mit à trembler. Mais Daniel ne pouvait rien faire d’autre. Il la porta hors de la pièce.
Jack continuait de tirer, bien que les créatures n’avancent plus.
« O’Neill » dit Teal’c, le prenant par le bras et baissant son arme vers le sol. « Nous avons réussi. Daniel Jackson a récupéré le Major Carter ».
Jack sortait d’une sorte de transe. Vengeance ! C’est tout ce à quoi il aspirait. Un regard vers son Second, sa Carter, et il ne pensait plus qu’à violenter ces créatures qui l’avaient blessée, elle. Les aliens reposaient en tas devant eux, mélange de sang orange et de peau verte. Jack jeta un œil vers Teal’c ; le signe de tête de ce dernier lui apprit que le Jaffa comprenait.
« Sortons d’ici » fit Jack.
Il quitta la pièce sans un regard derrière lui, et s’en alla retrouver Daniel et Carter.
*
« Je peux marcher, Daniel » insista Sam.
Il la regarda, jugeant de son état physique. Elle respirait difficilement, et il la connaissait suffisamment bien pour savoir qu’elle refoulait ses larmes.
« Mon bras est cassé, mais pas mes jambes » dit-elle, esquissant un sourire. « En plus, je pense que ça fera moins mal si je suis debout ».
Dniel approuva de la tête et la reposa au sol. Le changement de position la fit grimacer, et elle plaça son bras valide autour de ses épaules, profitant de son appui.
« C’est mieux ? » demanda Daniel, inquiet.
Il s’apprêtait à passer un bras autour de sa taille afin de l’aider à marcher, mais il suspendit son geste lorsqu’il remarqua le ventre rougi et enflé. Quelque chose en lui n’avait pas vraiment envie d’entendre la réponse à sa question.
Sam suivit son regard sur son ventre. Elle pressa son bras valide contre l’épaule de son compagnon, afin de capter son attention.
« Je ne sais pas » avoua-t-elle franchement.
Pour la première fois, sa voix trembla. Il ne fallut qu’une seconde pour que le Major Carter reprenne le pas sur Sam, mais cela avait suffi à Daniel pour comprendre sa peur. Il résista à l’envie de la prendre dans ses bras, sachant que de toute façon il ne savait trop quelle partie du corps de la jeune femme il pourrait toucher sans la faire souffrir. Il se contenta d’approcher son front du sien.
« C’est fini » dit-il, tandis que Jack les rejoignait.
Jack regarda Daniel, afin d’avoir quelque indice sur l’état de Sam, mais les yeux de Daniel était rivés à ceux de la jeune femme. Sam hocha la tête, son front toujours contre celui de Daniel, et referma ses yeux. Elle savait parfaitement que ce n’était pas fini ; et Jack en était tout aussi conscient.
Chapitre 6
C’est une SG-1 enfin réunie qui regagnait la Porte des étoiles. Le Colonel Jack O’Neill avait pris la tête, suivi d’un Daniel Jackson qui soutenait le Major Samantha Carter. Teal’c, le Jaffa, couvrait leurs arrières. Ils avaient cheminé rapidement, et dans le plus grand silence. Le contraste était patent, avec la flânerie joyeuse et plaisante qu’ils avaient connue quelques jours auparavant, la première fois qu’ils étaient arrivés sur cette planète. Cette fois ci, il n’y avait rien à dire. L’équipe était à nouveau complète, mais l’un de ses membres était brisé, et chacun en souffrait.
« Jack, attendez une minute » dit Daniel.
Jack se retourna et le vit en train d’étendre Sam sur le sol. Teal’c accéléra le pas pour rejoindre les autres, Jack fit demi-tour, et tous entourèrent Sam, roulée en boule sur elle-même.
A genoux, Sam se balançait d’avant en arrière, son bras blessé serré prudemment contre son torse, l’autre bras tenant sa tête douloureuse. Teal’c essaya de la relever, mais elle le repoussa.
« Carter, qu’est-ce qui se passe ? » demanda O’Neill, utilisant sa voix de commandement.
Il s’inquiétait pour son officier et son amie ; mais ils devaient continuer d’avancer s’ils voulaient atteindre la Porte avant la tombée de la nuit. Sam ne répondit pas.
« Carter ! » cria O’Neill.
Il la força à retirer son bras de sa tête, mais renonça aussitôt qu’il croisa son regard. Il n’avait jamais vu un tel regard, auparavant. Pas même dans ses propres yeux. C’était un regard empli d’une terreur sans nom.
« Ils arrivent » chuchota Sam. « Je les entends, ils recommencent à chanter ».
A présent elle pleurait ouvertement, terrassée par la douleur supplémentaire que provoquait ce bruit. Elle pleurait devant son équipe, devant son supérieur.
« Lorsqu’ils nous ont séparé » poursuivit-il entre deux sanglots, « j’avais déjà entendu ce bruit strident. Et je l’entends encore, maintenant. Je ne sais pas pourquoi vous, vous ne l’entendez pas, mais moi je le perçois, clair et fort. Et ça fait un mal de chien ».
Daniel n’avait pas bougé, la soutenant toujours.
« Il est possible qu’ils aient fait quelque chose de façon à ce qu’ils puissent communiquer avec elle » avança Daniel. « En dehors de ce bruit lorsque nous avons été séparés, ils restent toujours silencieux, n’est-ce pas ? Ils doivent communiquer par télépathie. Peut-être ont-ils fait quelque chose à Sam pour qu’elle aussi, elle puisse les entendre ».
Elle s’était redressée et remise sur pieds, avec l’aide de Daniel. « Toujours le soldat » songea Jack.
« Pour autant que je m’en souvienne, c’est la première fois que je les entends faire le moindre bruit depuis la première fois où nous avons été séparés, mon Colonel » dit-elle, avant d’interroger : « Vous pensez que je suis folle, c’est ça ? »
Elle sourit, et Jack en profita pour capter son regard. La peur était toujours là. Elle essayait de la cacher, et y réussissait relativement bien. Mais pour quelqu’un comme lui, passé maître dans l’art de cacher ses émotions, ses efforts pour la dissimuler étaient transparents.
« Bien. S’ils arrivent, nous devrions partir. Ça ira, Carter ? » s’enquit O’Neill. « Teal’c pourrait vous porter, vous savez ».
Mais sa voix était si teintée de sarcasme qu’elle n’en fut pas offensée. Elle cachait ses peurs derrière sa détermination ; il cachait les siennes derrière le sarcasme et les mauvaises blagues.
Ils repartirent, marchèrent durant plus de vingt minutes. Les soleils commençaient à décliner, et Jack se faisait de plus en plus inquiet. Dans la pénombre, ils n’auraient aucun moyen de se défendre contre ces créatures.
« O’Neill » appela Teal’c, interrompant le fil des pensées de Jack. « Nous nous approchons de la Porte des étoiles ».
La Porte était devant eux, à un peu plus d’un kilomètre. Sa forme se dessinait clairement dans le coucher du soleil. En d’autres circonstances, la scène aurait eu un côté majestueux qui les auraient ravis. Mais au vu de leur situation, SG-1 n’aspirait qu’à rentrer.
*
Ils ne réussirent pas à atteindre la Porte avant que l’attaque ne commence. Les créatures les rejoignirent. On eut dit que tout ce qu’elles voulaient, c’était récupérer Carter.
« Non ! » hurla Carter, alors qu’elle était violemment arrachée aux bras de Daniel par l’un des Oziens.
Les mains de l’alien entourèrent son abdomen, et elle pleura sous l’effet de la douleur, alors qu’il l’entraînait vers les arbres. Les autres créatures se retirèrent.
Jack et Teal’c bondirent, armes aux poings, mais ils ne purent ajuster leur tir. Pourtant brusquement, l’être tomba en avant, atterrissant brutalement sur Sam. Jack, Daniel et Teal’c échangèrent un regard intrigué du genre c’est-pas-moi, avant de s’élancer vers la jeune femme. Teal’c la dégagea, et Jack l’aida à se lever.
« La créature est morte » constata Teal’c, tout en lui envoyant un coup de pied pour lever tout doute.
Il n’y avait pas de sang, aucune trace de blessure. Il était juste tombé, mort.
« Jack, comment… » commença Daniel.
Daniel obéit aussitôt. Jamais Jack ne l’avait vu courir aussi vite.
« Fichons le camp d’ici ! » ordonna O’Neill.
Il voulut aider Carter à se sortir de là, et réalisa alors seulement qu’il lui tenait encore le bras. Elle le suivit d’un pas douloureux, avant de s’écrouler à genoux. « Quoi qu’ils aient pu lui faire, ça a dû être terrible » pensa Jack.
« Teal’c, est-ce que… » commença Jack.
Mais il se retrouva avec une lance entre les mains ; déjà Teal’c l’avait devancé, portant Carter. Jack hocha la tête, sans même s’interroger sur le pourquoi du comment, si par hasard ils n’étaient pas eux-mêmes devenus télépathes au fil des années, et s’élança sur les traces de Teal’c. Daniel avait activé la Porte, et SG-1 bondit dans le vortex juste au moment où la mélopée reprenait. Cette fois, ils entendirent tous le chant perçant.
*
« C’est SG-1 mon Général » annonça Walter, le technicien, alors que le Général faisait irruption dans la salle de contrôle.
Il poursuivit sa route et s’élança dans les escaliers, afin de retrouver son équipe fétiche. Daniel arriva en premier, suivi de Teal’c qui portait Carter. Elle cherchait son souffle, tâchant de se retenir de crier sous la douleur. Le voyage à travers le vortex lui avait donné l’impression d’être lacérée en lambeaux. O’Neill surgit le dernier, tirant toujours de son arme.
« Fermez la Porte ! » cria le Général Hammond, lorsque SG-1 eut passé.
Il s’avança sur la rampe, mais fut bousculé par le Docteur Janet Frasier qui déboulait pour prendre en charge l’équipier blessé.
« Sam » appela le Docteur Frasier, essayant de prendre la mesure de son état.
Carter était encore dans les bras de Teal’c et y demeura, alors que le Docteur Frasier commençait son examen.
« Sam, il faut que tu respires » ordonna-t-elle.
Carter relâcha finalement son souffle, et le cœur de chacune des personnes présentes dans la pièce rata un battement lorsque son râle résonna contre les murs. Un voile passa un instant dans les yeux du Docteur Frasier, avant que le médecin militaire ne reprenne le dessus.
« Où diable est le brancard ? » cria-t-elle.
Elle avait précédé les infirmiers, ne s’en rendant compte que lorsqu’ils surgirent derrière elle.
« Teal’c, déposez-la sur le brancard. Colonel, je dois savoir ce qu’il s’est passé » ordonna Frasier, alors qu’elle donnait ses ordres à ses auxiliaires.
Elle était déjà à mi-chemin de l’ascenseur, et le Général Hammond n’avait pas encore réalisé ce qui s’était passé. Il n’était pas stupide ; il savait qui avait le pouvoir dans ce Complexe pour tout ce qui était médical, et lorsque le Docteur Frasier donnait un ordre, tout le monde s’exécutait. Le Général Hammond n’y faisait pas exception. Il s’engagea dans le couloir, suivant SG-1 vers l’infirmerie.
*
Le Docteur Frasier avait prescrit toutes les analyses possibles, puis elle s’était résolue à lui administrer une dose massive de morphine. Sam subissait tout courageusement. Le Général s’était réfugié dans son bureau, non sans avoir donné des ordres pour être tenu informé de l’évolution de la situation. Daniel était assis sur une chaise près du lit de Sam, Teal’c debout à ses côtés, et Jack était affalé dans le coin. Ils étaient aussi près de Carter que le Docteur Frasier le leur permettait.
« Eh bien il n’y a rien d’autre que nous puissions faire pour le moment. Lorsque les résultats des analyses seront revenus, nous aurons une meilleure idée de ce à quoi nous avons affaire ».
Elle leur avait parlé sur le ton du médecin ; tous se tournèrent vers Sam.
« A moins qu’il n’y ait autre chose que vous ayez à me dire ? » leur demanda le Docteur Frasier, sceptique.
En temps normal, Daniel aurait ri de cette perspicacité, mais pour l’instant il était incapable du moindre sourire. Sam n’avait pas réagi lorsqu’il l’avait touchée. Il se demandait si elle avait entendu un seul mot de ce qu’il avait dit.
Il adressa un signe de tête à Janet, dont l’expression disait combien elle partageait son inquiétude. Puis Teal’c et lui partirent en direction du mess.
« Colonel ? » dit Janet, défiant O’Neill de ses bras croisés.
C’était la première chose qu’il disait depuis qu’ils étaient entrés dans l’infirmerie. Il répondait au Docteur Frasier, mais ses yeux ne quittaient pas son Second.
« Dehors ! » ordonna le médecin.
Jack s’éloigna à contrecœur. Le Docteur Frasier referma la porte derrière lui, tout en hochant la tête.
« Cet homme me tuera. Je ne sais pas comment tu… »
Elle était à présent seule avec son amie, et pouvait parler librement. Elle se tourna vers Sam. La jeune femme était pliée sur elle-même, en une position fœtale protectrice.
« Sam ? » appela Janet, tout en posant une main sur l’épaule de son amie. « Que s’est-il passé ? »
Elle roula sur elle-même, tournant le dos au médecin. Elle luttait contre la souffrance que lui causait le moindre mouvement.
« Sam… » reprit Janet.
Elle était assise là, contemplant le dos de son amie, et attendait.
« Je ne crois pas qu’ils m’aient violée, si c’est ce que tu veux savoir » lâcha finalement Sam.
Elle avait toujours les yeux clos, essayant tout à la fois de se souvenir et d’oublier.
« J’ai senti ce qu’ils ont fait la dernière fois. Et j’ai vu ce qu’ils avaient fait la première fois, sur une sorte d’enregistreur. Ils avaient des machines ».
Elle espérait que Janet ne remarquerait pas son tremblement. Mais elle sentit sa main dans son dos. Aucune chance que Janet n’ait rien perçu. Elle continua :
« Je ne sais pas trop comment, mais ils pouvaient vois à l’intérieur de moi sans être dans mon corps ». Elle ne pouvait pas voir son amie, mais elle savait qu’elle avait piqué au vif l’intérêt de Janet. « J’ai essayé de te ramener l’une de ces machines, mais je n’ai pas réussi à m’échapper avec ».
Sam se tourna, s’allongeant sur le dos, espérant être parvenue à dévier la conversation. Mais elle aurait dû la connaître mieux. Janet la dévisageait toujours, attendant la suite.
« Ça fait mal. C’est tout ce dont je suis sure. Juste que ça fait mal ».
Cela, Sam pouvait l’affirmer sans le moindre doute. Janet eut un hochement de tête et serra la main de Sam :
« Tu es à la maison. On trouvera ce que c’est. Repose-toi ».
Sam sourit, et serra à son tour la main de son amie. Puis elle ferma les yeux et tenta de juguler la douleur qui, malgré les calmants, irradiait dans son corps.
Janet attendit que Sam soit endormie. Puis elle gagna le mess pour discuter avec les autres membres de SG-1. Il devait y avoir autre chose, et elle aurait des réponses.
*
Janet entra dans le mess et découvrit les hommes de SG-1 attablés dans un coin. Ils étaient en pleine conversation. Elle approcha lentement, espérant surprendre quelque chose qui l’aiderait dans le traitement de sa patiente et amie. Daniel expliquait quelque chose au Colonel O’Neill. Elle pouvait voir qu’il faisait preuve de la plus grande patience. Le Colonel semblait l’écouter calmement, jusqu’au moment où son poing s’abattit violemment sur la table, projetant de la gelée bleue vers Teal’c. O’Neill se leva et fit quelques pas, ne s’arrêtant que lorsqu’il heurta le Docteur Frasier.
« Je peux la voir ? » jeta-t-il en guise d’excuses.
Elle inclina la tête, mais il était déjà à la porte. Elle s’installa sur la chaise devenue vacante.
« Il est inquiet » dit Daniel, excusant le comportement de son ami.
Janet l’arrêta d’un geste de la main. Elle connaissait assez bien le Colonel O’Neill pour savoir comment il pouvait être lorsque ses hommes étaient concernés.
« Comment va-t-elle ? » s’enquit Daniel.
*
Jack retourna à l’infirmerie et y trouva Carter, plongée dans un sommeil artificiel induit par la morphine. Il était soulagé qu’elle se repose, mais regrettait de ne pas pouvoir lui parler. Non pas qu’elle aurait eu quelque chose de nouveau à lui dire, quelque chose qu’elle n’aurait pas dit au Docteur Frasier, mais il voulait lui laisser une chance de parler, le cas échéant. Néanmoins pour l’instant, il était heureux de pouvoir veiller sur son sommeil.
Il était assis là depuis cinq heures. Daniel et Teal’c étaient venus, lui proposant de prendre sa place. Le Général Hammond était passé une fois, le temps de prévenir O’Neill qu’ils n’avaient pas réussi à contacter la Tok’ra. Le Docteur Frasier passait régulièrement la tête, afin de s’assurer qu’il ne réveillait pas Sam. Mais le Colonel O’Neill ne bougeait pas. Et il n’avait aucune intention de bouger.
Il était assis tout près du lit de Carter, et passait son temps entre triturer les câbles des machines et ranger les instruments sur la table du Docteur Frasier. Il était sur le point d’achever une réplique miniature de son chalet lorsque Carter commença à suffoquer, cherchant son souffle. Jack pivota sur lui-même, démolissant son chalet, et prit sa main pour tenter de la rassurer. Les yeux de la jeune femme regardaient dans le vide, puis, le rencontrant, ses pupilles se fixèrent sur lui. Sa main serrait la sienne si vivement qu’il sentait ses doigts s’engourdir.
« Doc ! » appela-t-il, incapable de laisser Carter pour aller chercher de l’aide. « Doc ! »
Le Docteur Frasier se précipita dans la chambre, une seringue à la main. Elle en déversa le contenu dans l’intraveineuse de Sam. Les tremblements de la jeune femme se calmèrent, sa respiration reprit un rythme plus normal, et sa main devint molle dans celle de O’Neill. Il ne la quitta pas.
« J’étais justement sur le point d’informer le Général du résultat des dernières analyses » dit Frasier doucement. « Vous devriez venir vous aussi, Colonel ». Constatant qu’il n’esquissait aucun mouvement, elle ajouta : « Elle va rester inconsciente un bon moment, Colonel. Je vous promets que nous serons de retour avant qu’elle ne se réveille ».
Jack hocha la tête et, à contrecœur, il lâcha la main de Carter pour suivre le Docteur Frasier en dehors de la chambre.
Ils étaient tous les deux presque arrivés à la salle de briefing lorsque la voix de Walter se fit entendre à travers les couloirs.
« Activation non programmée de la Porte ! »
Il fallait encore que les voyageurs s’identifient, avant d’ouvrir l’iris. Jack tourna les épaules et se dirigea vers la salle de contrôle, le Docteur Frasier sur ses talons. Daniel, Teal’c et le Général Hammond les rejoignirent tout de suite.
« Pas de code d’identification, mon Général » dit Walter. « Mais nous recevons une transmission audio ».
Ils échangèrent tous un regard horrifié lorsque la mélopée des Oziens rugit dans les haut-parleurs.
« En salle de briefing, tout de suite ! » ordonna Hammond.
Chapitre 7
« Jack, écoutez-moi » dit Daniel Jackson, installé dans son fauteuil habituel, autour de la table de la salle de briefing.
Le Colonel Jack O’Neill faisait les cent pas tout au long de la pièce, refusant d’entendre.
« Non ! » dit Jack durement, tout en se dirigeant vers la porte.
Le Colonel O’Neill était à nouveau debout, incapable de rester sagement assis.
« Oui Jack, c’est ça » se défendit Daniel.
C’est tout ce que Jack avait pu dire. Il croisa son regard ; il le fixait avec des yeux assassins.
« Colonel ! »
La voix du Général Hammond le contraignit une fois de plus à s’asseoir.
« Et s’ils n’avaient pas utilisé de grenade à choc goa’uld, la première fois ? » continua Daniel. « Si c’était bien eux, pourquoi alors n’ont-ils pas recommencé lorsque nous les avons attaqués ? »
Le Docteur Frasier avait posé la question avant même que Daniel ait eu le temps d’ouvrir la bouche.
« Pourquoi ? » répéta Jack, lassé de ces bavardages. « Parce qu’ils ont essayé de la récupérer avant que nous n’atteignions la Porte ! Parce qu’ils avaient d’abord essayé de nous empêcher de la récupérer ! Mon Général, je suis d’avis d’envoyer une bombe vers Oz, et de faire sauter la route pavée d’or pour la réduire en poussière ».
Elle fit une pause ; tous savaient déjà ce qu’elle allait dire.
« Elle est en train de mourir, Colonel. Ses organes ont été profondément atteints. Elle souffre d’hémorragies internes. Elle va mourir, et ce sera douloureux. Et moi, je ne peux rien faire pour elle ».
Elle avait parlé avec tant de sincérité dans la voix que personne ne dit un mot.
« Laissons-les venir » ordonna le Général Hammond.
Ce furent les mots de la fin. Il se leva et regagna son bureau. O’Neill dévisagea le Docteur Frasier ; elle soutint son regard, refusant de baisser les yeux. Il savait que c’était sa seule chance ; mais il refusait de l’admettre.
*
L’iris s’ouvrit, et un Ozien passa la Porte, un émetteur radio au creux de sa main gigantesque.
« SG-1 » dit-il, regardant avec curiosité les hommes armés qui se tenaient dans la salle.
O’Neill, Daniel et Teal’c s’approchèrent. Daniel fit signe à la créature de le suivre ; Teal’c avait un zat’ pointé sur sa tête. Jack se contentait de fermer la marche.
Lorsqu’ils entrèrent dans l’infirmerie, ils découvrirent le Docteur Frasier et une infirmière qui maintenaient Carter. Elle se débattait vigoureusement, essayant de se dégager.
« Doc ? » fit Jack.
Le Docteur Frasier allait se lancer dans une explication médicale, lorsqu’elle vit la créature entrer dans la chambre. Elle se contenta d’ouvrir la bouche, incapable de parler.
« Docteur Frasier, voici le Grand Géant Vert » présenta O’Neill.
Il prit le relais de l’infirmière, et maintint Carter fermement sur le lit, ses deux mains appuyées sur ses épaules. Elle regardait alternativement la créature et son supérieur.
« Daniel a une théorie » dit-il, penché sur son visage.
Carter hocha la tête, redoutant ce qui filtrerait de ses lèvres si elle ouvrait la bouche. Elle avait confiance en son équipe. Les théories de Daniel étaient assez justes, habituellement. Bien sûr, en général elles n’avaient pas de conséquences pour sa vie, mais Sam lui faisait confiance.
Elle tenta de surmonter sa peur, tandis que la créature s’approchait d’elle. L’alien plaça un doigt sur son nombril, et commença à tracer une ligne, à rebours de celle qu’il avait suivie lorsqu’ils étaient dans la cellule.
O’Neill jeta un coup d’œil à Carter, qui de nouveau lui répondit par un signe de tête. Mais c’était suffisant. Il la laissa continuer, et le doigt poursuivit son chemin, du milieu de son corps jusqu’à son visage. A ce point, la main la recouvrit. Elle sentit cet arôme désormais familier et aspira profondément, appréciant ce noir sans douleur qu’elle avait tant espéré ; mais il ne vint jamais. Au lieu de cela, elle entendit l’alien lui parler. Ce n’était pas la mélopée stridente qui l’avait hantée, juste les pensées de la créature. Elle resta immobile, essayant de capter tout ce qu’elle pouvait percevoir.
« Qu’est-ce qui se passe, Daniel ? » demanda Jack.
Jack grommela dans sa barbe, mais ne fit aucune objection. Quoiqu’il se passe, Carter était calme, pour la première fois depuis des heures ; et il n’allait pas gâcher ce calme.
La créature extirpa un instrument arrondi de la sacoche qu’il avait apportée, et le positionna au-dessus de l’abdomen de Carter. L’engin se mit à clignoter en vert lorsqu’il entra en contact avec sa peau. L’autre main de la créature était restée sur son visage.
Carter ne pouvait croire ce qu’elle entendait. La créature communiquait avec elle par télépathie. Il lui apprit que son nom était Kad’nerb. Il y a des siècles de cela, son peuple avait été esclave des Goa’ulds, mais ils avaient réussi à gagner leur liberté à la suite d’une révolte. Depuis lors, beaucoup parmi eux avaient adopté le comportement de leurs anciens oppresseurs. Kad’nerb et quelques fidèles, eux, cherchaient une autre façon de vivre. Ils ne pensaient pas que les expériences que certains des autres pratiquaient soient nécessaires pour acquérir la connaissance. Il souhaitait une vie meilleur et digne pour son peuple. éSeigneur, il est exactement comme Teal’c » songea Sam, alors qu’elle tentait désespérément d’attirer l’attention de ses compagnons.
Ils entendirent sa voix, étouffée par la main de la créature. Elle agrippait les couvertures, qu’elle commença à repousser. Pensant que l’alien lui faisait du mal, Teal’c activa son zat’, prêt à faire feu.
« Attendez, T. »
Ils furent tous étonnés d’entendre Jack intervenir.
« Colonel… » commença à objecter le Docteur Frasier.
Mais elle suivit le regard de O’Neill. L’instrument qui clignotait en vert brillait désormais en rouge ; et l’abdomen de Sam, tout à l’heure encore rougi, avait repris sa pâleur habituelle.
« Oui » disait Kad’nerb. « Votre ami et moi combattons pour la même cause. Nous voulons tous les deux la liberté pour notre peuple ».
Il poursuivit, lui expliqua qu’il avait fait échouer la tentative de séparation de son équipe dont elle avait été l’objet. La mélopée qu’ils chantaient était un cri de guerre, un moyen pour Kad’nerb de distinguer ceux qui étaient avec lui de ceux qui ne l’étaient pas. Les autres, expliqua-t-il, n’avaient jamais cherché à parler ; ils pensaient que c’était quelque chose de superflu. Il conclut en expliquant que SG-1 était arrivée sur le territoire des fidèles de Kad’nerb, mais qu’ils avaient été pris avant qu’il n’ait eu le temps d’entrer en contact avec eux.
« Vous êtes celui qui les a empêchés de m’emmener lorsque nous tentions de fuir ? » demanda Sam à l’alien. Ils continuaient de communiquer par la pensée.
Sam était effarée, elle ne savait pas que penser. La créature l’aidait, la soignait. Elle pouvait le sentir.
Il attrapa un autre instrument dans sa sacoche. Il le fit passer au-dessus de son bras, révélant le ressoudage de l’os. Le Docteur Frasier approuva d’un signe de tête.
« Nous pouvons vous aider » dit Sam, sentant l’instrument parcourir son bras. « Nous pouvons aider votre peuple ».
Elle sentit qu’il retirait sa main de son visage. Elle tenta de se redresser dans son lit, cherchant à renouer ce lien physique qu’ils avaient partagé.
O’Neill appuya de ses mains sur ses épaules, la repoussant.
« Du calme, Carter ».
Elle tenta de s’expliquer, de leur faire comprendre qu’il fallait empêcher Kad’nerb de repartir. Elle était certaine de pouvoir les convaincre d’aider la créature qui venait juste de lui sauver la vie. Sam essaya d’expliquer tout cela, mais elle ne le put. Elle sentait le sédatif envahir son corps. Elle cessa de lutter contre les bras de Jack, et retomba sur le lit.
La créature toucha à nouveau son visage.
« Merci » murmura-t-elle, avant que tout ne devienne noir.
L’Ozien hocha la tête de telle façon qu’elle leur rappela Teal’c. Puis il se détourna et partit. La chambre résonna d’un soupir collectif ; aucun d’autre eux ne s’était aperçu qu’il retenait sa respiration. Teal’c suivit Kad’nerb jusqu’à la salle d’embarquement, toujours prêt à tirer en cas de besoin.
Daniel jeta un œil sur Sam.
« Je devrais essayer de lui parler… » dit-il.
Daniel sortit dans le couloir, à la suite de Teal’c. Le Docteur Frasier ordonna une nouvelle batterie d’analyses, afin de confirmer que Sam était vraiment sortie d’affaires.
*
Cela faisait un peu plus de deux heures depuis que leur visiteur extra-terrestre était venu et reparti. Carter commençait à se réveiller. Sa tête roulait d’un bord à l’autre, et elle marmonnait quelque chose que O’Neill ne parvenait pas à comprendre. Il tenta de capter son attention, et lança un banal :
« Alors Carter, quoi de neuf ? »
Il se rejeta en arrière sur sa chaise. Il n’avait pas quitté la chambre depuis qu’elle s’était endormie, et en avait profité pour reconstruire sa cabane.
« Où est-il ? » demanda-t-elle d’un voix cassée.
Carter se redressa.
« Colonel, il faut l’en empêcher. Nous ne pouvons pas… » commença-t-elle.
Mais O’Neill ne la laissa pas terminer :
« Ils vous ont enlevée, ils vous ont blessée, ils étaient sur le point de vous tuer. Je crois que vous aider était la moindre des choses que ces bonshommes verts puissent faire. Et personnellement je ne veux plus jamais les revoir ! »
Elle savait lorsqu’il était inutile d’argumenter. Mais elle n’en avait pas fini avec cette discussion.
« Dormez » ordonna-t-il à nouveau.
Elle l’avait promis, et pourtant, malgré elle, le sommeil ne venait pas. Elle était simplement allongée là, dans l’infirmerie, seule avec ses pensées. Elle avait déjà tué, auparavant : des Goa’ulds, des Jaffas, et Bon Dieu, même des humains. Après tout elle avait été sur le front, durant la Guerre du Golfe. C’était des années avant qu’elle ne devienne cette caricature de super-héros intergalactique. Elle savait ce qu’était la mort, elle savait même ce que ça faisait lorsque la vie vous quittait. Alors pourquoi est-ce que cette fois-ci c’était différent ?
Elle tenta de se rappeler comment les choses avaient pu déraper à ce point, lors de la dernière attaque. Elle les avait entendus arriver tout autour d’elle. Elle se souvenait qu’elle avait fermé les yeux et s’était concentrée pour faire fonctionner l’arme de poing goa’uld.
Elle ouvrit les yeux et, alors qu’elle aurait dû voir les murs de la chambre de l’infirmerie, elle revoyait la terreur qui baignait les yeux des Oziens. Ils avaient eu peur d’elle. Elle ne l’avait pas remarqué sur le moment, mais ils avaient été terrifiés par elle. Elle pouvait encore voir les traînées de leur sang orange et lumineux, sur ses bras. Sa main ressentait encore l’énergie de l’arme goa’uld qu’elle avait utilisée pour les tuer. Oui, elle avait déjà tué, auparavant ; mais jamais ainsi. Etaient-ils les fidèles de Kad’nerb ? Etaient-ils venus pour lui faire du mal, ou pour l’aider à s’enfuir ?
« Vous voulez en parler ? » dit doucement la voix de Daniel, à l’extrémité de son lit.
Elle ne l’avait pas entendu entrer. Elle était tellement perdue dans ses pensées et ses remords qu’elle n’avait pas remarqué qu’ils s’étaient tous installés autour d’elle. Ses garçons étaient revenus, tous.
« On n’a pas pu parler avec l’alien. Tout ce qu’il voulait, c’était rentrer sur Oz » expliqua Daniel.
Ils rirent tous. Tous, sauf Sam.
« Remise sur pieds, Teal’c » corrigea O’Neill. « Elle sera remise sur pieds très vite ».
Teal’c hocha la tête, sans bien saisir la différence entre les deux phrases, mais acceptant le correctif apporté par O’Neill.
« Ils vont me faire passer sur le divan du psy avant de m’autoriser à reprendre du service actif. C’est toujours ce qu’ils font » dit Sam.
Elle ramena ses genoux contre sa poitrine, permettant à Daniel d’avoir un peu plus de place pour s’asseoir. Elle se demandait comment leur parler de ce qu’elle avait vécu.
« Ils le feront » confirma O’Neill. « Et vous surmonterez tout ça. D’autant que j’ai entendu dire que le Docteur McKenzie a obtenu un nouveau divan, depuis la dernière fois qu’on l’a vu ».
Il espérait qu’elle rirait, ses mauvaises plaisanteries et ses sarcasmes y parvenaient toujours. Mais il n’obtint aucun sourire.
« Carter, regardez-moi ».
Elle se décala pour lui faire face, le visage las, mais toujours obéissante aux ordres.
« Vous avez fait ce que vous deviez faire. Vous avez survécu sur cette planète, beaucoup plus longtemps que vous n’auriez dû avoir à le faire. Carter, vous êtes en vie. C’est ce qui est le plus important ».
La voix de O’Neill se faisait plus grave, à mesure qu’il se souvenait du temps qu’ils avaient perdu avant de la sauver.
« Mais eux ne le sont plus » se lamenta-t-elle. « Combien en ai-je tués, avant que vous n’arriviez ? Combien vous, en avez-vous tué, avant de me faire sortir de là ? Ils auraient pu être nos alliés, si nous avions essayé de les comprendre. Ils auraient pu… »
O’Neill avait levé une main juste sous son nez, pointant le doigt en l’air.
« D’abord, c’est ‘nous’, pas seulement vous. Peut-être que nous aurions pu faire mieux. Deuxièmement… » continua-t-il, levant un autre doigt « il n’y avait aucun moyen de savoir qu’ils n’allaient pas forcément vous tuer. D’ailleurs nous ne savons même pas si ceux que nous avons tués étaient les gentils ou les méchants ».
Elle voulait tout leur dire, tout ce que Kad’nerb lui avait appris lorsqu’ils avaient discuté, tout ce qui concernait la lutte de son peuple, son enlèvement à elle. Mais à chaque mot qu’elle prononçait, la culpabilité se faisait plus vive.
« Ce que je leur ai fait… » Sa voix était traînante, ils percevaient les larmes qui l’étranglaient.
O’Neill avait terminé la phrase de la jeune femme. Il n’aimait pas le tour que prenait cette conversation.
Ils la continuaient de la dévisager, essayant de percevoir la dispute silencieuse qui se tenait dans sa tête. O’Neill la fixait droit dans les yeux, tâchant de lire dans ses pensées, mais il n’y parvint pas. C’est à cet instant qu’il prit conscience qu’avant son enlèvement, il était capable de lire en elle. Avant il pouvait voir son âme, pas entièrement certes, mais suffisamment pour savoir quand quelque chose n’allait pas, assez pour être en mesure de la réconforter, de la faire rire, ou bien de la laisser dans ses songes. Mais à présent, elle était totalement hermétique. Elle s’était refermée, barricadée sur elle-même. De toutes les choses qu’il avait dû affronter ces derniers jours, ce fut ce qui le terrifia le plus. Ils avaient sauvé son corps, mais quels dommages avaient été infligés à son âme ?
« C’était un meurtre. J’ai tué ces créatures de sang froid » dit-elle d’une voix atone. « J’ai enclenché l’alarme, je savais qu’ils viendraient. Je les ai attendus, et je les ai tués ».
C’était un coup bas, elle le savait, mais elle voulait qu’ils comprennent.
« Si j’avais su qu’il n’était pas dans son intention de les blesser, qu’il avait agi par simple négligence ou désinformation, je n’en serais pas affligé. Vous n’auriez pas blessé ces Oziens si vous aviez été consciente de leurs bonnes intentions, sauf si vous ne l’aviez jugé indispensable ».
Teal’c parlait, utilisant plus de mots qu’ils n’étaient habitués à l’entendre prononcer. Il essayait de l’aider, ils essayaient tous de l’aider ; mais ils ne comprenaient pas.
« De toute façon, Sam » ajouta Daniel, « vous ne pensez pas que Kad’nerb vous l’aurait dit, si ces créatures avaient été ses fidèles ? S’ils l’avaient été, ils auraient tenté de communiquer avec vous, comme lui l’a fait ».
Il était hors de question qu’elle le laisse endosser sa propre responsabilité.
« Et je recommencerai s’il le faut ! » cria O’Neill, balayant la table de chevet d’un revers de main.
Il voulait qu’elle s’énerve, qu’elle le frappe, qu’elle pleure hystériquement, bon dieu ! Qu’elle lui rit au visage ! Tout, sauf ce regard fixe et vide qui le torturait. O’Neill en avait assez de ce regard inexpressif. Il était temps de passer à l’action.
« Daniel, Tealc, donnez-nou une minutes, voulez-vous ? » demanda O’Neill.
Daniel se leva du lit, et, protecteur, s’interposa entre Jack et Sam. Il savait que Jack ne lèverait jamais la main sur elle, mais il préférait malgré tout rester entre eux deux.
« Jack ? »
C’est tout ce qu’il dit, mais ce simple nom appelait de nombreuses questions. Ils se défièrent du regard un long moment.
« Je crois que nous devrions accéder à leur demande, Daniel Jackson » dit Teal’c, à la porte.
Daniel quitta Jack et se tourna vers Sam.
« Ça va, Daniel » dit-elle.
Daniel lança un regard noir vers Jack, puis suivit Teal’c hors de la chambre.
« Il y a quelque chose que vous voulez me dire, mon Colonel ? » dit-elle, un ennui forcé dans la voix.
Elle faisait face fièrement, mais était consciente de ce que Jack avait vu clair en elle.
O’Neill repoussa ses jambes de l’autre côté du lit, de sorte qu’elle lui faisait face. Il posa ses mains sur ses épaules, afin de la maintenir en place. Elle le fixait, une lueur furieuse dans le regard. « Ah, de la colère » songea Jack. « Le meilleur des masques. Et c’est moi qui le lui ai appris ».
« Je devais certainement avoir quelque chose de profond à vous dire, avant ce petit tête-à-tête » admit-il nerveusement. « Laissez-moi y réfléchir encore une seconde ».
Il fixa le mur, comme si les bons mots pouvaient être gravés dans le plâtre. Au moment où il détournait le regard, les épaules qu’il maintenait se mirent à trembler. En vérité, Jack savait qu’il ne pourrait rien dire qui permettrait à Carter de se sentir mieux. Elle avait raison. Ils les avaient tués. Il les avait tués, mais il n’avait aucun moyen de savoir s’ils voulaient autre chose que les attaquer et récupérer Carter. Et il n’allait pas laisser cela se produire, même s’il devait les combattre tous à mains nues jusqu’à leur extermination de la surface de la planète entière.
Il dévisagea Carter. Sa pseudo-colère avait déserté son regard, pour faire place à un flot d’émotions si dense qu’il n’aurait pas eu assez de sa vie entière pour tout lire. Ils étaient seuls maintenant, et elle abandonnait la carapace qu’elle s’était construite depuis son retour. Il savait que Carter lui faisait confiance pour ce qui touchait à sa vie mais, plus important, elle lui faisait confiance pour respecter ce qu’elle était : un soldat, son Second, une femme, son amie. Elle n’avait pas à lui cacher quoi que ce soit, et elle ne l’avait jamais fait.
Carter savait qu’il la fixait toujours, resserrant son étreinte autour de ses épaules. Elle savait qu’il avait cessé de chercher ses mots. De toute façon, ils n’en avaient eu besoin, entre eux. Les mots étaient inutiles. Les yeux de Carter lui parlaient bien davantage que sa voix aurait pu le faire. Elle laissa sa tête tomber contre la poitrine de O’Neill et passa son bras valide autour de sa taille, abandonnant son propre corps aux sanglots. Jack la rapprocha de lui. Tous les démons qui dansaient dans son regard étaient vaincus par cette étreinte.
« Finalement, peut-être que parler n’est pas si important » souffla-t-il, le nez dans ses cheveux.
Elle marmonna quelque chose en retour, mais Jack estima que ce n’était pas suffisamment important pour la repousser et le lui faire répéter.
*
Kad’nerb avançait le long du chemin jaune, s’éloignant de la Porte. Ces gens ne pouvaient pas les aider, pensait-il. Personne ne le pouvait. Les autres continueraient à chasser, à faire le mal. Il savait, lorsqu’il avait franchi la Porte, que son combat pour la cause de son peuple aurait une fin. D’ici là, il ferait en sorte que cette fin ne soit pas vaine. Il lui faudrait détruire les laboratoires, songeait-il. Il devrait détruire la salle d’exposition. Il devrait tout détruire.
Kad’nerb ne les entendit jamais approcher. Il était perdu dans ses pensées, réfléchissant à son périple. Il ne vit pas les autres qui s’approchaient, mais il sentit leur présence, la prise de contrôle sur son esprit. Sa dernière pensée autonome fut pour les êtres qu’il venait de quitter. Peut-être auraient-ils pu l’aider, leurs esprits étaient si complexes.
Il existe entre nous différentes sortes de connexions. Si plusieurs esprits s’allient en nombre suffisant, nous pouvons influencer le comportement d’un autre, et même provoquer sa mort
Kad’nerb fut traîné sur le reste du chemin jaune, en direction des souterrains. Un nouveau trophée pour leur collection.
épilogue
Jack s’assit à l’extrémité du ponton, une bière à la main, passant le temps en dessinant une ligne dans l’eau. Daniel était à côté de lui, assis sur l’autre siège ; Teal’c s’était installé sur la glacière.
« Je suis étonné que Sam ne soit pas venue, depuis le temps » dit Daniel. « Il a fallu trois semaines avant que Janet ne l’autorise à quitter l’infirmerie. Ça m’étonne qu’elle ne se soit pas attachée à l’arrière de votre 4x4 pour s’enfuir »
Jack se retourna vivement, arrosant Daniel de sa bière.
« Carter ! » s’exclama-t-il.
Il déserta le ponton pour la rejoindre. Son bras cassé était toujours en bandoulière, mais le plâtre avait été enlevé. Elle avait un sac de voyage jeté en travers de son épaule.
« Ravi que vous vous joigniez à nous, Major ! »
Daniel recracha sa bière.
« Vous avez quoi ? » s’écria-t-elle, inquiet pour son équilibre mental. « Vous avez un bras cassé et vous avez fait de la moto depuis Colorado Springs ? »
Elle eut un rire franc.
« Relax, Daniel. J’ai pris l’avion. Vous pensez vraiment que j’aurais pu faire un tel voyage ? »
Daniel secoua la tête et s’avança vers elle, menaçant.
« Daniel » intervint Jack. « Elle est bien plus rapide que vous. Je n’essaierai même pas ».
Sam lança à Daniel un regard provoquant. Il s’était finalement sagement assis près de Teal’c. Sam semblait déçue.
« Alors, aucune nouvelle technologique miraculeuse d’origine extra-terrestre ? » demanda O’Neill, retournant s’asseoir aux côtés de Carter.
Daniel hocha la tête, approbateur. Jack tenta de ne pas lever les yeux au ciel. Les discussions technologiques n’étaient pas autorisées au chalet, mais c’était le premier séjour de Carter. Il ne voulait pas la couper dans son élan.
« Nous avons essayé de composer l’adresse de P4X-985 mais… »
Ils ne sauraient jamais combien elle avait été soulagée, lorsque le septième chevron avait refusé de s’enclencher. C’était définitivement terminé.
« Bien ! » dit Jack, mettant un terme à la conversation.
Il attendit que Carter proteste, mais elle n’en fit rien.
« C’est vraiment magnifique, mon Colonel » dit-elle, se lovant dans son fauteuil et jetant un coup d’œil au-delà de l’étendue d’eau.
Daniel leva les yeux au ciel tandis que Teal’c se contentait de soupirer. Tous deux avaient déjà entendu ce discours, auparavant. Jack les ignora.
« Bien sûr mon Colonel » approuva Sam. Elle tentait de ne pas rire des réactions de Daniel et Teal’c.
Teal’c se contenta de hocher la tête, compréhensif.
« Mon Colonel ? » Sam était curieuse de savoir pourquoi elle, elle avait des règles spéciales.
Aussitôt qu’elle se rendit compte de ce qu’elle venait de dire elle commença à s’en excuser, et brandit son bras blessé en défense. Jack aurait peut-être accepté de l’épargner, mais il était trop tard. Avant que quiconque ait le temps d’y penser, Teal’c l’avait déjà soulevée de sa chaise et la tenait à bout de bras aux bords du ponton.
« Teal’c ! »
Sam essayait de protester, mais elle riait tant qu’elle ne pouvait plus respirer. Elle n’aurait jamais pensé que le Jaffa prendrait part à quelque chose de si puéril. Jusqu’à ce qu’il la lâche. Elle nagea pour rejoindre le ponton.
« Ça va ? » demanda Daniel, s’agenouillant pour lui tendre la main et l’aider à grimper sur le ponton.
Elle avait insisté sur le « Jack », adressant un clin d’œil à son supérieur. Daniel se retrouva aussitôt à ses côtés, dans l’étang.
*
Plus tard dans la soirée, les quatre amis étaient installés autour d’un feu de camp, faisant griller des hot-dogs.
« C’est bien meilleur que nos rations de survie » constata Daniel achevant son troisième hot-dog.
Elle approuva de la tête, s’interdisant tout commentaire qui aurait pu passer pour un jargon technologique.
« Donc il y a des chances pour qu’un jour on se retrouve à arpenter une autre planète avec une route pavée d’or ».
Jack hocha la tête, appréciant l’enthousiasme de Daniel. Sam soupira, sourit, et leva sa cannette de bière.
« A Oz ! » dit-elle.
Jamais toast n’avait été plus approprié.
– fin –