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Le droit de s'inquiéter... : Chapitre 1

 

Le droit de s’inquiéter…

(1ère partie)

 

 

-  Auteur :      Rayléna_rose.

-  Résumé :     le dilemme d’un être… où quand l’inquiétude dénonce les sentiments.

-  Spoilers :     saison 08, après Affinity...

-  Genre :         Romance S/J.

-  Mail :            Raylena_rose@hotmail.fr

- Disclaimer : les personnages et l’univers ne sont pas à moi mais à la MGM…

- Archive :       À ne pas publier sans mon autorisation ! (Envoyez-moi un p’tit Mail J).

 

 

 Note de l’auteur :

-         Merci à Hélios pour ses précieux conseils ! Ton Zat est très efficace, miss (^_^ !

 

 

* * * * * * * * * * * * * * * * * * *

 

 

1. Une robe du soir au SGC…

 

                           

Après avoir frappé pour la énième fois, le Colonel Carter se tourna vers le soldat en faction devant la porte. Elle était nerveuse.

 

-         Mayers, êtes-vous sûr qu’il n’a pas bougé d’ici depuis jeudi matin ?

-         Affirmatif, Mon Colonel. On m’a dit qu’il revenait de mission…

 

S’apprêtant à réitérer son geste malgré la protestation muette de son poing endolori, Carter se figea et resta interdite, une franche surprise se lisant sur son visage.

 

-         Il a passé la Porte ?!

-         Oui, Madame.

-         Mais il ne… D’où tenez-vous ça ?? balbutia-t-elle.

-         Toute la Base est au courant, Mon Colonel… répondit Mayers, embarrassé.

 

Tentant de calmer le léger tremblement de ses mains rendues nerveuses par l’inquiétude qui grandissait, Sam essuya son front moite en respirant doucement. Elle se tourna vers la porte et frappa à nouveau, sans résultat, ce qui acheva de l’irriter. Diable, était-il devenu sourd ?!

 

-         Que savez-vous d’autre ? demanda-t-elle en se tournant vers le soldat.

 

Mais celui-ci semblait davantage intéressé par le contenu du décolleté de son supérieur que par sa question. Le Lieutenant Colonel bombant le torse, elle lui lança un regard si menaçant que le soldat déglutit. Embarrassé, il se remit machinalement au garde à vous.

 

-         … À quel propos, Madame ? balbutia-t-il en regardant droit devant lui.

-         Ce n’est pas le moment de jouer à ça, Mayers ! s’écria-t-elle.

 

Carter regretta aussitôt de s’être emportée en croisant le regard confus du soldat. Sa poitrine se soulevant à un rythme de moins en moins régulier, elle ferma les yeux, désireuse de cacher son trouble. Elle n’arrivait même plus à garder son sang-froid… elle était vraiment pathétique.

 

-         Je suis désolée, dit-elle doucement.

 

À ces mots, Mayers secoua la tête, compréhensif.

 

-         C’est moi, Mon Colonel. Mais je n’en sais malheureusement que très peu. J’ai été appelé à l’escorter jusqu’à ses cartiers après sa sortie de l’infirmerie. SG-3 et 5 étaient avec lui.

 

Au mot escorter, Carter tiqua intérieurement. Il n’était pourtant pas du genre à accepter une "nounou" comme il se plaisait à les appeler. À moins que…

 

-         A-t-il été blessé ? demanda-t-elle, la peur au ventre.

-         À première vue, non, Madame, répondit aussitôt le soldat.

 

Soulagée, Sam soupira imperceptiblement mais resta sceptique. Quelque chose clochait.

 

-         Et… il n’a pas protesté quant à votre affectation ?

 

Comme lisant dans ses pensées, le soldat Mayers esquissa un sourire ironique.

 

-         Si, Mon Colonel, mais les ordres étaient formels.

-         Et de qui venaient-ils ? répliqua-t-elle, perplexe.

-         … Du Docteur Brightman, Madame.

 

Comme piquée à vif, Sam redressa vivement la tête. Encore elle…

 

-         Qu’a-t-elle dit au juste ?

-         Sauf votre respect, Mon Colonel, je ne peux pas vous répondre.

 

Sentant que ses poings commençaient sérieusement à la démanger, Sam se força à se calmer en se répétant que Mayers était un bon élément qui croyait bien faire.

 

-         … Qui vous a relayé ? demanda-t-elle en fixant de nouveau son regard sur la porte.

-         Jones, Madame.

-         Et aucun de vous n’a rien noté de particulier ?… Aucun bruit ou autre indice de présence à l’intérieur ?

 

Appréhendant la réponse, Sam sentait son estomac se tordre à chaque mot prononcé.

 

-         Négatif, Mon Colonel.

 

Elle étouffa un juron et se passa une main lasse sur le visage en pestant intérieurement contre le Ciel… quand une idée pour le moins "élémentaire" brilla dans son esprit brumeux. Pleine d’espoir, sa voix trembla.

 

-         Mayers, vous avez bien un passe pour accéder à ses quartiers en cas de problème, non ?

-         Euh… oui, Mon Colonel, mais…

 

Alléluia…! Pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt ?

 

-         Ouvrez-moi.

-         Mais, Mon Colonel… J’ai reçu des ordr…

 

Prenant son air le plus autoritaire, Carter l’arrêta d’un geste de la main.

 

-         Ecoutez Mayers, si je n’ai même pas pris le temps de me changer c’est que la situation doit être critique. Ouvrez-moi. Je vous assure que vous n’aurez aucun problème avec le Général, si c’est cela qui vous inquiète.

 

Le soldat hésita un instant puis sortit la dite carte de la poche de sa veste et la lui tendit. Après l’avoir remercié d’un semblant de sourire, Carter la passa rapidement et poussa la porte en prenant soin de refermer rapidement. Tendue à l’extrême, elle parcourut la pièce du regard puis soupira de soulagement : le Général était étendu sur son lit, le visage serein, un drap léger remontant sur ses reins, dénudant son torse. Torse puissant qui s’élevait dans un rythme bien régulier.

 

Laissant son regard glisser sur ce visage qu’elle avait rarement eu l’occasion d’observer aussi librement, Sam fut surprise et troublée de se sentir autant rassurée. Elle savait pourtant que le Général n’était pas du genre à faire des bêtises irréfléchies ; mais la raison de la jeune femme avait tendance à légèrement s’embrouiller lorsqu’il était question de lui… ou de son bien être, en l’occurrence.

Soudain gênée de s’être ainsi immiscée dans l’intimité de son supérieur alors qu’à première vue, rien ne justifiait son geste, Sam recula. Ses yeux embarrassés glissant inéluctablement sur le torse nu du Général, elle se somma intérieurement de sortir sur le champ… quand la vision d’une boite de médicament posée sur la table de chevet étouffa brusquement sa gêne, laissant de nouveau place à l’inquiétude. D’abord hésitante, une idée saugrenue n’avait pourtant pas achevé de traverser son esprit qu’elle s’approchait vivement, le ventre noué. Quelle ne fut pas sa surprise en reconnaissant le somnifère…

 

… Et il manquait trois capsules.

 

Se pourrait-il qu’il ait pris les trois capsules d’un coup ? Sam se troubla et son cœur s’emballa. Daniel n’avait pas exagéré, quelque chose ne tournait pas rond avec le Général. Lui qui avait horreur de "ce genre de saletés", n’en aurait jamais pris sciemment, et cela quelles qu’aient été les circonstances. Enfin…

Ne réalisant qu’à moitié l’incongruité de son geste, Sam posa une main fébrile sur l’épaule nue du Général et commença à le secouer, le ventre noué d’angoisse.

 

Mais alors qu’elle ruminait des pensées plus lugubres les unes que les autres, elle fut soudain vivement tirée par le bras et brutalement renversée sur le lit. Prise par surprise, Sam ne pût émettre le moindre son alors qu’elle sentait un corps chaud et puissant se positionner à califourchon sur elle, bloquant ses deux poignets. Une main de fer vint aussitôt emprisonner son cou tandis qu’une autre tenait l’arme dont le canon froid épousait dangereusement la courbe de sa tempe.

 

-         Mais que…

 

Sa voix exprimant un mélange de surprise et de honte mêlées, la poigne d’O’Neill se desserra aussitôt mais il ne bougea pas le canon de son arme, comme sonné. La gorge sèche, Sam parvint enfin à accrocher son regard dans la pénombre.

 

-         C’est moi… Carter… murmura-t-elle.

 

Mais Sam eut la désagréable impression qu’il doutait, ou ne la reconnaissait pas ; c’était assez étrange. D’un geste habituel, elle le vit se pencher légèrement et tendre la main vers sa droite. Comprenant ce qu’il comptait faire, elle s’empourpra violemment en prenant conscience d’un détail embarrassant. Le corps traversé de frissons à cette pensée, elle remua brutalement, tentant de dégager ses poignets fermement tenus par le Général. Cependant, par un caprice du sort, son geste l’amena exactement à la situation qu’elle souhaitait tant éviter.

 

En effet, lorsque déstabilisé par son mouvement, le Général voulut prendre appui sur le matelas, sa main s’échoua –malencontreusement– sur la cuisse de Sam. Aussitôt, ils sursautèrent de concert au contact de leurs peaux "nues". Emerveillée par la douceur de cette paume chaude sur sa peau, le jeune Colonel ne put esquisser un geste que ses pupilles se contractaient déjà, agressées par la lumière. De gêne et de honte, elle ferma aussitôt les yeux, souhaitant retrouver un brin de contenance.

 

Lorsqu’elle les rouvrit et distingua enfin le visage de Jack, elle se sentit défaillir, noyée dans ce regard si pénétrant en cette seconde… si expressif. Son regard se faisait caressant, chaud et enflammé… Et le sien ne devait pas valoir beaucoup mieux, se dit-elle avec fièvre. Puis doucement, comme si le temps avait arrêté sa course, les yeux de braise du Général se détachèrent des siens pour glisser sur son corps. Et pour la première fois depuis longtemps, Sam vit son visage s’empourprer. Mais il ne détourna pourtant pas les yeux… comme hypnotisé.

 

Se sentant passer de rouge à écarlate, le sang de la jeune femme ne fit qu’un tour et son cœur redoubla de coups : lorsque O’Neill l’avait bousculé sur le lit, sa robe courte s’était relevée sur son ventre, dénudant entièrement ses jambes et dévoilant impudiquement le rouge de ses dessous en satin.

 

À moitié nue sous le regard dévorant de son supérieur, Sam fut gagnée d’une fièvre ensorcelante et ne put retenir son propre regard qui s’attacha à ce torse si proche et qu’elle avait tant de fois rêvé de toucher ; à ces épaules larges et puissantes, ces muscles secs se dessinant sous sa peau si tentante, ce ventre si délicieusement plat…

 

Et son boxer… Dieu, son boxer noir…

 

Celui-là même sur lequel elle n’avait jamais manqué de lorgner en mission, dès qu’il venait à se pencher ; sur lequel elle avait fantasmé des nuits entières. Et là, plus viril que jamais, il se tenait légèrement appuyé sur ses genoux, une jambe de chaque coté de son corps, vêtu en tout et pour tout d’un boxer noir. Sexy jusqu’au bout des ongles…

 

Sam retint un gémissement en mordant dans sa lèvre. Dieu ! Il était beaucoup trop proche, trop attirant… désespérément trop son supérieur hiérarchique, aussi.   

 

Lorsque par un effort suprême de volonté, elle parvint à redresser la tête, Jack la regardait toujours avec la même fièvre ; et elle crut un instant qu’elle allait définitivement perdre le contrôle. Son regard brûlait littéralement sa peau.

Prenant soudain conscience qu’elle levait une main à la rencontre de son torse, Sam se mordit violement l’intérieur de la joue et fit mine de vouloir dégager une mèche qui collait son front moite… mais celle-ci n’atteignit pas sa destination.

 

Le Général qui venait de se saisir doucement de son bras, l’amena à lui. Restée bouche bée, Sam frémit de sentir ses doigts fins glisser doucement sur sa peau en une caresse flottante. Incapable du moindre geste, elle tressaillit lorsqu’il serra sa main avec une douceur qui la bouleversa. Mais à peine ses doigts s’entrelacèrent-ils aux siens que déjà sa main se retirait. La bague de Pete… non, Sa bague. Dorénavant, il caressait son annulaire en regardant fixement sa bague.

 

Totalement décontenancée, Sam tenta d’accrocher son regard mais il gardait la tête obstinément baissée, les yeux soudés à son bras.

 

-          Elle aussi portait une bague de fiançailles…

 

Profondément ébranlée par le ton de sa voix, Sam en négligea totalement le sens de ses paroles. C’était une voix qu’elle ne lui connaissait pas. Mêlant douleur et amertume mais si douce, infiniment triste. Cette voix, c’était celle d’un homme qui se parlait à lui-même. C’était celle de la conscience… 

 

-         … J’ai appris par l’une de ses amies qu’elle comptait quitter le SGC après son mariage, l’année prochaine. Elle voulait fonder une famille avec l’homme qu’elle aimait et profiter de la vie, comme…

-         Monsieur, de quoi parlez-vous ? le coupa-t-elle, franchement inquiète.

 

Mais lorsque le brun de ses yeux vint enfin se poser sur elle, l’intensité de son regard la secoua au plus profond de son âme. Ce n’était plus ce désir envoûtant qui animait ses yeux mais une émotion encore plus poignante, étourdissante. L’avait-il jamais regardé ainsi ?… Peut-être à la mort de Janet.

 

-         Ça aurait pu être le vôtre, Carter… Ça aurait pu être votre bras, votre main, votre bague… votre vie…

 

Sa voix se fit tremblante, amère, fébrile ; Sam en frissonna. Serrant les dents, elle eut l'aberrante impression qu’il bataillait pour ne pas l’attirer à lui afin de la prendre dans ses bras… Son regard dut la trahir car elle le vit froncer les sourcils, ciller, avant de détourner vivement les yeux. D’un élan souple, il se déporta ensuite sur la gauche, la libérant de son poids, rompant le charme.

Sans le quitter des yeux, Sam s’assit sur ses genoux, arrangeant distraitement sa robe. Instinctivement, elle posa une main flageolante sur l’épaule du Général, infiniment troublée par son regard devenu soudain si sombre.

 

-         Est-ce que ça va, Mon Général…? demanda-t-elle doucement.

 

Son geste parut avoir l’effet d’un électrochoc sur ce dernier. Il redressa vivement la tête et la regarda comme s’il venait juste de réaliser sa présence. Et aussitôt, Sam vit avec stupéfaction son visage se fermer tandis que toute douceur en désertait les traits.

 

Ce regard. Dieu qu’elle détestait ce regard…

 

2. Vous ne devriez pas être là…

 

-         Carter… commença-t-il d’une voix si froide qu’elle lui glaça le sang. Pourrais-je savoir ce que vous faites dans mon lit en robe du soir ?!

 

A ces mots et, plus encore, face à l’éclat nouveau de ces yeux bruns, Sam sentit son cœur cesser littéralement de battre avant de repartir à coups redoublés. Elle préféra cependant mettre cette soudaine émotion sur le compte de la surprise, et respira doucement…

 

-         Euh… j’étais chez moi… Je dînais avec Pete quand Daniel m’a appelée et…

-         Oh, il va m’entendre lui ! s’écria-t-il d’une voix furibonde.

 

Telle une enfant face à la colère paternelle, Sam déglutit péniblement, pétrifiée.

 

-         Mon Général, Daniel n’y est pour rien… balbutia-t-elle. D’ailleurs, il ne sait même pas que je suis ici, je me suis dirigée directement vers vos quartiers. J’ai… ordonné à Mayers de m’ouvrir la porte. Je voulais juste vérifier que vous alliez bien… Puis j’ai vu la boite de somnifères, alors je… je…

-         Eh bien ??…Vous, quoi ?! s’écria O’Neill d’une voix sourde.

 

Le coeur de Sam fit une embardée. Elle avait toujours éprouvé de la fascination pour la force et l’autorité qui émanaient de lui, mais à l’instant, cela l’effrayait plus surtout ; elle faisait face à un mur. 

 

Passant une main tremblante sur son front devenu moite, elle la glissa ensuite dernière son oreille et soupira de ne rencontrer que le vide, ses cheveux étant retenus en chignon. Elle regarda la mine abrupte du Général. Elle ne pouvait lire sur son visage le fond de son âme, sachant pertinemment que cette dernière ne s’y reflétait que lorsqu’il le voulait bien – et il le voulait rarement. Aussi s’efforça-t-elle de paraître le moins troublée possible en murmurant :

 

-         Je me suis inquiétée…

 

Se faisant violence pour ne pas sortir en courant, Sam redressa la tête juste à temps pour capter une lueur fugace dans le regard du Général ; et son premier pressentiment se renforça aussitôt. Ce regard si douloureusement contrasté, c’était exactement le même qu’il avait posé sur elle lors de leur dernière entrevue, ou devait-elle dire "dispute". À ce souvenir peu réjouissant, Sam sentit une angoisse sourde lui nouer le ventre. Elle le regarda, suspendue à ses lèvres, comme si sa vie allait en dépendre.

 

-         Je vais bien, alors partez, trancha-t-il d’une voix diaboliquement neutre. Rentrez chez vous, Colonel.

 

Stupéfaite, Sam secoua négativement la tête.

 

-         Mais, Monsieur, je ne vais pas…

-         Sortez d’ici, Carter, c’est un ordre !

 

Il avait quasiment crié ces mots si bien que, statufiée, Sam perdit définitivement le peu de calme qui lui restait… Pourquoi diable réagissait-il comme ça ?

 

-         Non ! Hors de question !

-         Comment ?! gronda-t-il, l’œil menaçant.

-         Je ne bougerai pas d’ici avant de savoir ce qui vous arrive, Monsieur !

-         Carter, je vous ai donné un ordre !

-         À moins que vous ne me mettiez dehors par la force, ce dont je doute, je vous répète que je ne partirai pas ! 

 

Haussant les sourcils, il la regarda alors comme si elle avait perdu l’esprit, ce qui l'irrita davantage. Pensait-il vraiment qu’elle allait lui obéir comme un bon petit soldat ? Non. Elle ne sortirait pas de cette pièce avant d’avoir compris ce qui tourmentait tant Jack O’Neill.

Elle ne savait pas quoi, mais elle avait l’affreuse impression que quelque chose de grave était arrivé. Et que c’était d’une manière ou d’une autre lié à cette lueur dans ses yeux, à cette chose qu’il semblait lui cacher, à elle.

 

-         Carter ! rugit-il… Quand apprendrez-vous à obéir aux ordres ?! Je croyais pourtant que vous aviez compris, la dernière fois !

-         Il faut croire que non ! Mais vous me connaissez assez pour savoir que je n’abandonne jamais ce qui me tient à cœur !

 

Prenant conscience du double sens de ses paroles, Sam rougit puis pâlit dans un laps de temps inquiétant. Elle posa un regard troublé sur Jack.

 

-         Mais enfin, pourquoi me repoussez-vous…?

 

Ce silence. Tout mais pas ce silence.

 

-         Je ne comprends pas… bredouilla-t-elle, confuse. Parlez-moi…

 

Sam mit toute l’émotion possible dans sa voix même si cela lui semblait perdu d’avance. Jamais elle n’avait vu son visage aussi fermé. Jamais avec elle.

 

-         Vous ne devriez pas être là… lança-t-il finalement, impassible.

 

Mais sa voix radoucie vibra d’une émotion troublante. Cela résonnait comme un reproche. Elle eut juste le temps de percevoir l’éclat étrange de ses yeux avant qu’il ne se détourne, le regard dans le vague.

Sam le fixa intensément. Elle était perdue. Son cœur battait à se rompre dans sa poitrine, ses mains étaient moites, son front brûlant, elle étouffait. Il l’étouffait.

Elle n’arrivait pas à cerner son état d’esprit. Ce contraste dans son attitude demeurait injustifiable. Il lui criait dessus de sa voix la plus glaciale puis l’instant d’après son regard se radoucissait, et ainsi de suite. Comme si lui-même ne savait plus ce qu’il voulait réellement. Ou ce qu’il ne voulait pas…

 

-         Vous ne pouvez pas m’interdire d’être inquiète… s’entendit-elle murmurer.

 

Le Général redressa alors brusquement la tête et le regard qu’il lui lança la transperça. Elle eut l’impression que sa phrase inspirait à la fois à l’homme, son salut et sa perte. Sa victoire et sa défaite. Comme si deux émotions complètement contradictoires le tiraillaient, se livrant une guerre sans merci. Mais elle n’eut cependant pas à se demander laquelle des deux venait de remporter cette bataille devant l’expression rembrunie qui vint marquer son visage.

 

-         Oh, mais vous pouvez vous inquiéter ! s’exclama-t-il avec cynisme. Mais pas comme ça, Carter… pas comme ça.

 

À ces derniers mots, prononcés avec une désinvolture qu’elle jugea déchirante, la jeune femme sentit son cœur s’emballer. Il avait toujours eu ce don… de faire comprendre les choses sans réellement les exprimer, de toujours se donner le pouvoir de contester… Mais c’était également une arme... la plus cruelle à ses yeux, la plus douloureuse. Comment pouvait-il évoquer "ça" aussi calmement alors qu’elle, menaçait de s’évanouir d’un instant à l’autre…?

Rouge de honte, Sam détourna les yeux, cherchant à dissimuler sa douleur. L’esprit confus, elle resongea à ce qui s’était passé la dernière fois et son cœur se serra douloureusement. Ainsi, elle avait bien compris, songea-t-elle avec désespoir. Pour une fois, elle aurait préféré avoir tort…

 

-         … Que vous a dit Daniel, au juste ? entendit-elle, contre toute attente.

 

Sam inspira profondément. Bien que calme, le ton de la voix de Jack ne présageait rien de bon. Peut-être ferait-elle mieux de partir, après tout ? Son regard se fixa sur ses mains nerveusement serrées. Non. S’enfuir serait lâche. Elle n’allait pas lui tourner le dos alors qu’elle pressentait qu’il avait besoin d’elle.

 

-         Carter ??

-         … Il m’a appris que vous vous étiez enfermé dans vos quartiers depuis le retour en catastrophe d’une équipe SG, et ce en cédant le commandement au Colonel Williams, et que cela commençait à l’inquiéter…

 

Silence.

 

-         Juste ça ?

 

Sam releva vivement la tête. Mais une fois de plus, ce qu’elle avait cru distinguer s’évapora, laissant de nouveau paraître la colère sur le visage d’O’Neill. Cette colère que rien ne semblait justifier. Il lui cachait quelque chose… c’était flagrant.

 

-         Je ne lui ai pas laissé le temps de m’en dire plus, j’avais déjà raccroché… lui répondit-elle calmement.

 

À cet aveu, le regard du Général devint si glacial que Sam frissonna d’appréhension.

 

-         Et cela vous a paru être une raison suffisante pour planter votre fiancé et revenir à la Base au beau milieu de la nuit ?!

 

Parfaitement consciente du manque de cohérence de sa réaction, Sam baissa les yeux en se mordant la lèvre inférieure. Les joues brûlantes, elle tenta de rassembler ses idées. Mais comme elle ne répondait pas, O’Neill s’impatienta…

 

-         … Carter !! gronda-t-il. Vous vous rendez compte que c’est complètement ridicule comme réaction ?!

 

Virant à l’écarlate devant la brutalité quelque peu déplacée des remontrances de son supérieur et le soin qu’il mettait à souligner sa "faiblesse", Sam sentit le peu de calme qui lui restait s’évaporer en un clin d’œil et le foudroya du regard.

 

-         Mais enfin, à quoi pensiez-vous ?! renchérit-il, furieux.

-         À vous, quelle question ! rétorqua-t-elle en redressant la tête. Et si c’était à refaire, je réagirais de la même manière !

-         Vraiment ?! Sériez-vous finalement stupide ? railla-t-il, sarcastique.

-         Non, juste folle !… Folle de me préoccuper encore du sort de quelqu’un d’aussi arrogant que vous !

 

Croisant l’éclair dans le regard de son supérieur, la jeune femme prit conscience qu’elle était allée trop loin. Mais il ne lui laissa pas le temps de s’excuser.

 

-         Que faites-vous là dans ce cas, Carter ?! explosa-t-il, fulminant… Partez ! Allez rejoindre votre moitié et qu’on en parle plus !

-         À quoi bon si je laisse mon cœur derrière moi ?!

 

À peine avait-elle fini sa phrase que Sam réalisait l'incongruité de ses propos. Un silence tendu se fit soudain. La scène paraissait surréaliste. Eclairés par une lumière tamisée, se faisant face sur ce lit ; elle, de cette pâleur de l'homme de guerre causée uniquement par la rage de vaincre ; lui, agité du trouble de l'animal pris dans un piège dont il devait absolument sortir.

 

Sam trembla, sentant un frisson remonter du plus profond de son être pour gagner tout son corps. Elle ferma ses yeux, tout d’un coup humides, de peur qu’ils ne la trahissent. Non, se répéta-t-elle en répriment un second frisson, elle ne devait pas craquer… Un son furtif emplit alors la pièce et Sam manqua d’éclater d’un rire nerveux. Elle était tellement chamboulée qu’elle ne parvenait même plus à différencier un simple éternuement d’un sanglot. Ridicule, misérable, pathétique, Carter…

 

Toute à ses pensées, Sam sursauta au contact d’un tissu fin que l’on déposait délicatement sur ses épaules. Le cœur cognant, elle ramena le drap sur sa poitrine et regarda le Général se reculer, hébétée. En temps normal, une telle attention l’aurait comblée ; c’était l’une de ces rares mais si précieux petits gestes qu’il se permettait envers elle. Mais ce soir, cela la bouleversait. Elle ne savait plus sur quel pied danser et, devait-elle préciser qu’elle détestait cela ?

 

-         Pourquoi…? bredouilla-t-elle.

 

Pourquoi ne me laissez-vous pas vous détester ? Fut tentée de rajouter Sam en voyant le Général froncer les sourcils, faisant mine de ne pas comprendre son interrogation. Faisant mine, oui, car au léger frémissement de ses lèvres, elle sut immédiatement qu’il avait saisi ; mais Jack O’Neill aimait à jouer de son masque de désinvolture.

 

-         Vous aviez froid… répondit-il en haussant les épaules. Quelle idée aussi d’être sortie dans cette tenue par ce temps ! Je vais sérieusement commencer à croire que vous êtes bel et bien folle, Carter…

 

Adoucie de retrouver en ces paroles, l’ombre du Jack O’Neill qu’elle connaissait, Sam n’en oublia pourtant pas son malaise. Elle planta un regard décidé dans celui de son supérieur… S’il se figurait qu’elle allait marcher…

 

-         Je ne vous parlais pas de ça et vous le savez très bien…

-         Et moi je ne veux pas en parler, et encore moins avec vous, répondit-il froidement… Je veux juste que vous partiez.

-         Aucune chance. Je ne sortirai pas avant d’avoir compris. Votre attitude n’a fait qu’achever de me convaincre que cela me regarde…

 

Jack posa son regard le plus glacial sur elle, la scrutant sans vergogne. Comme il n’y trouvait qu’assurance et défi, il se rembrunit et détourna la tête, la mâchoire crispée.

 

Derrière son masque d’assurance, Sam était perdue. La brûlure dans sa poitrine ne la quittait plus. Il devait sûrement exister un lien logique entre tous les évènements de ces derniers temps qui expliquerait l’attitude d’O’Neill. Un lien qu’elle n’arrivait pas à trouver. Un lien que lui seul semblait connaître. Pourquoi cette sorte d’inquiétude, de culpabilité, dans son regard se transformait-elle aussi brusquement en colère ? Qu’avait-il à se reprocher ? Elle essaya de suivre un cheminement de pensée logique.

 

Pourquoi était-elle là ?… Parce que d’après Daniel, Jack ne donnait plus signe de vie. Pourquoi s’était-il enfermé ? Sam cilla. Pourquoi s’était-il enfermé ?… Le retour de l’équipe SG ? Elle se sentit soudain honteuse de n’avoir pas demandé de quelle équipe il s’agissait, ni les circonstances de leur retour. Après le coup de fil de Daniel, elle avait bondi dans sa voiture et rejoint la Base illico, adressant à peine un regard à son fiancé. Et elle remerciait encore le Ciel que l’archéologue ait eu la présence d’esprit de passer outre le fait que le Général et elle soient "fâchés". C’était bien Daniel, ça…

 

Agacée de voir ses pensées tourner en rond sans jamais aboutir à une théorie plus ou moins tangible, Sam releva enfin la tête, décidée à avoir le fin mot de l’histoire. 

 

-         Mon Général… commença-t-elle, sa résolution figée par son regard. J’aimerais savoir dans quel état sont les membres de…

-         Tous morts, un seul survivant, la coupa-t-il crûment.

 

La froide concision de sa réponse laissa Sam interdite, les yeux écarquillés. Tous morts, un seul survivant… C’était affreux et d’autant plus amer que c’était ce qu’ils risquaient à chaque fois qu’il traversait la Porte. Ne plus jamais revenir. Mourir. L’estomac atrocement noué, elle déglutit péniblement en dévisageant l’homme au regard fuyant.

 

Et si… Cela expliquerait en partie son attitude envers elle…

 

-         Quelle équipe était-ce ? demanda-t-elle fébrilement.

 

Son silence. Son visage fermé. Son regard fuyant. Ses poings crispés…

 

Non. Non, pas ça… Pitié, pas ça…

 

Bouleversée à l’idée que son intuition soit la bonne, Sam ne réalisa même pas qu’elle agrippait le Général par les épaules et le secouait brutalement.

 

Non, il ne pouvait pas avoir vécu cela…

 

-         Quelle équipe, Mon Général ?! s’écria-t-elle, le regard trouble. Quelle équipe ?? Dites-moi !

 

Mais ce dernier ne releva même pas les yeux vers elle, la mâchoire serrée.

 

-         Mon Général… gémit-elle, suffoquant. Dites-le moi, je vous en prie…

 

Le silence. Son regard. Son regard… Son regard…

 

Non. Non…

 

-         … SG-13 et 15.

 

Un voile sombre passa devant les yeux de Sam. Dans une lenteur indescriptible, elle relâcha sa poigne sur O’Neill et se laissa retomber sur le lit, assommée. La tête lui tourna et elle n’eut pas la force de résister au vertige caractéristique qui la gagna.

Elle sentit une voix l’appeler, deux bras la retenir. Des images, des sons, se bousculèrent dans sa tête et tout d’un coup, tout devint noir…

 

 

3. Mon amie Kerry Johnson…

 

Flash-back:

 

Sa colère grandissant à chaque pas, Sam monta les dernières marches quatre à quatre et atteignit enfin la salle de briefing. En la voyant débarquer ainsi, le Sergent Harriman, debout, un dossier entre les mains la salua, paraissant plutôt embarrassé.

 

-         Ah… Colonel Carter ! dit-il d’une voix étrangement haute. Le Général O’Neill est… occupé pour l’instant. Il a demandé à ne pas être dérangé…

-         Vous m’excuserez, Sergent, mais je n’ai pas vraiment le temps d’attendre !

 

D’un pas ferme et déterminé, Sam le contourna et se dirigea vers le bureau du Général, bien décidée à obtenir des explications, et vite. Mais lorsqu’elle ouvrit la porte, prête à "aboyer" contre son supérieur, elle ne rencontra qu’un fauteuil vide. Percevant en bonne militaire, une présence à sa gauche, elle eut juste le temps de tourner la tête tandis qu’une voix féminine achevait de murmurer :

 

-         … et on se fera un bon barbecue au chalet !

 

Devant la scène surréaliste qui se jouait devant elle, Sam vacilla légèrement et fit un pas en arrière pour assurer son équilibre. Une douleur fulgurante transperça sa poitrine. Elle ouvrit la bouche, manquant d’air mais revint bien vite à la réalité en rencontrant le regard brun de la jeune femme au tailleur élégant adossée à l’autre porte du bureau.

Embarrassée, celle-ci repoussa maladroitement le Général O’Neill, à moitié penché sur elle dans une posture qui ne laissait aucun doute quant à l’intimité de leur entrevue –surtout si l’on considérait qu’il s’apprêtait à l’embrasser.

 

-         Colonel Carter ! s’écria-t-elle d’une voix gênée.

 

Le cœur cognant, Sam faillit défaillir lorsque, se tournant vers elle, le Général troqua instantanément le sourire séducteur qu’il arborait contre son expression la plus sévère. Baissant vivement les yeux devant le sentiment profond de trahison qui la submergea, elle serra les poings, cherchant à refouler au plus vite cette émotion très mal venue. Mais rien n’y faisait. Aussi, elle ne put que tourner les talons, le feu aux joues. Mais elle ne réussit pas à faire un pas que la voix froide et autoritaire du Général O’Neill l’immobilisait déjà.

 

-         Revenez ici, Colonel ! avait-il hurlé.

 

Aïe, grimaça Carter en croisant le regard confus de Walter. Elle était dans la pire situation qu’elle n’ait jamais connue. Bon sang, si on lui avait dit qu’un jour elle surprendrait le Général avec une autre femme dans une situation compromettante au sein même du SGC, elle aurait volontiers ri. Une "autre" femme ? Sam secoua mentalement la tête. Pourquoi fallait-il qu’elle raisonnât encore et toujours de la sorte alors même qu’elle-même allait bientôt se marier ?

 

Rassemblant son courage à deux mains, Sam se retourna lentement et croisa honteusement le regard de son supérieur.

 

-         Fermez la porte !

 

S’étant exécutée, Sam se tint aussi raide qu’un piquet, ses yeux fixant un point imaginaire droit devant elle. La posture d’un militaire attendant de se faire réprimander, se dit-elle.

 

-         Jack, je devrais peut-être… commença l’inconnue.

-         Oui, mais je vais te présenter, d’abord… la coupa-t-il d’une voix radoucie.

 

Sam serra les dents. Cette fois-ci, plus de doute possible : ils étaient bel et bien intimes. Et il fallait que cette… femme, soit superbe. Quel bon jour pour entrer sans prévenir, Sam… se félicita-t-elle amèrement.

 

-         Colonel…

 

Où était passé le "Carter" ?!

 

-         Mon Général, répliqua-t-elle en prenant soin de ne pas dévier le regard.

-         Voici mon amie Kerry Johnson. Elle fait partie de la CIA et travaille actuellement au SGC… Kerry, tu connais déjà le Colonel Samantha Carter. 

-         Oui, bien sûr. Elle est une légende… Enchantée, Colonel.

 

Elle s’était exprimée d’une voix sincère et avenante qui acheva de nouer l’estomac de Sam, mais elle n’avait écouté qu’à moitié son discours –très original, avait-elle retenu…– ; son esprit résonnant encore au son des paroles de son supérieur. Son amie, avait-il dit. Elle avait à quelques centimètres d’elle, l’amie du Général Jack O’Neill. Dieu, cette douleur dans son cœur ! Elle avait mal. Affreusement mal. Comme s’il l’écorchait vivante…

 

Prenant conscience que sa réponse tardait à venir, Sam s’efforça à sortir de ses pensées.

 

-         Moi de même, rétorqua-t-elle… Je vous présente mes excuses, Madame.

 

Le corps droit et la voix volontairement monocorde, elle avait parlé sans poser les yeux sur "Kerry". Oh ! Elle savait bien qu’en agissant ainsi, elle ne faisait que nourrir davantage la tension devenue palpable dans la pièce ; mais cette attitude s’était naturellement imposée à elle, comme si c’était la seule que tolérait son esprit.

 

-         Ce n’est rien, Colonel, finit par répondre Kerry… J’espère seulement que nous aurons l’occasion de nous reparler dans une ambiance moins… formelle. Mais je fais confiance à Jack pour ça !

-         Je vous remercie, Madame.

 

Cette fois-ci, Sam avait délibérément insisté sur le coté "formel" qui semblait tant gêner son interlocutrice. Quelque chose lui disait que si elle avait eu un P-90 entre les mains en cette seconde, elle l’aurait bien volontiers déchargé sur elle. Peut-être était-ce parce qu’elle avait l’intolérable impression que cette femme, cette étrangère, tentait d’intervenir en sa faveur auprès du Général ; alors que, depuis leur première rencontre, personne n’avait jamais eu à le faire ?… Ou alors refusait-elle simplement l’idée qu’une autre femme puisse avoir plus d’influence ou d’importance qu’elle aux yeux de Jack ?… Jack et non le Général O’Neill.

 

Sam dut vite abandonner l’idée d’une analyse plus approfondie car un sentiment qu’elle reconnut sans mal obscurcissait ses pensées, étouffant toute douceur dans sa voix et l'accablant de ressentir ne serait-ce qu’une once de sympathie pour cette…

 

-         Et bien, je vous laisse !… Jack ?

 

Revenant brusquement à la réalité, Sam cilla et déglutit péniblement. Le silence de son Général la mettait mal-à-l’aise, surtout qu’elle savait bien qu’il n’avait pas détaché ses yeux d’elle depuis sa dernière phrase. Et elle imaginait Kerry le fixant, lui, la mine perplexe et le regard soupçonneux…

 

-         On s’appelle, Kerry… finit-il par lâcher.

 

Une fois la porte refermée, le son du claquement des chaussures de Kerry s’affaiblit à mesure qu’elle s’éloignait, jusqu’à disparaître complètement, laissant place à un silence lourd de pensées. Un silence qui parut durer une éternité à Sam. Puis, comme si le temps venait brusquement de reprendre sa course, la tête de la jeune femme se baissa lentement. Elle entendit alors le Général faire quelques pas mais ne parvint qu’à distinguer ses jambes tandis qu’il s’appuyait sur son bureau, une main de chaque coté de son buste.

 

Pourvu qu’il n’en parle pas… Pourvu qu’il n’en parle pas…

 

 

4. Clarens est très brillante, aussi…

 

-         Même Teal'c aurait été plus loquace. Vous auriez pu éviter d’être aussi froide avec elle, Carter… 

 

Argh ! Malgré le ton calme du Général et le retour du "Carter", l’attention que ce dernier témoignait à cette Kerry fit bourdonner le sang de Sam dans ses oreilles.

 

-         Je m’excuserai auprès d’elle si vous le désirez, Monsieur. 

 

Faire profil bas restait encore le meilleur moyen de se faire pardonner son intrusion… et lui faire oublier sa réaction envers Kerry. Les "bourdes" allaient bon train mais elle était au moins persuadée qu’il n’oserait jamais la relancer sur la deuxième, ce sujet étant classé dans l’ordre de "ça" ; ça, étant leur… non-relation.

 

-         Ce ne sera pas la peine, Carter, répondit-il. Je vous demande juste de m'éclairer sur votre attitude… et ce n’est en aucun cas un ordre.

 

Sam qui faillit s’étouffer, toussa nerveusement, ses joues se colorant brusquement à cette attaque surprise. Persuadée, hein ? C’était sans compter sur le coté "imprévisible" du caractère de son supérieur  qui aujourd’hui, se sentait vraisemblablement d’humeur à affronter "çà". Mais pourquoi ? Elle avait été aussi discrète que si elle aurait eu autour du cou un écriteau avec marqué dessus : "Je hais votre amie, Mon Général : OUI, je suis jalouse !!". Alors pourquoi ?… Cherchait-il à l’embarrasser davantage ?

 

-         C’était un réflexe, Monsieur… répondit-elle cependant, prenant conscience que son mutisme s’éternisait.

-         Un réflexe… répéta-t-il. Je ne comprends toujours pas. 

 

Il n’y avait plus de doutes possibles, il se moquait ouvertement d’elle ! réalisa Sam, soudain furieuse, en relevant vivement la tête. Mais se faisant, elle faillit sursauter en constatant qu’il la regardait fixement, les yeux si perçants qu’elle sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Alors, rompant le ton monocorde qu’elle s’était tant appliquée à garder depuis son entrée fulgurante, sa voix s’adoucit malgré elle lorsqu’elle s’adressa à lui. 

 

-         Ne m’en demandez pas plus, Mon Général… Je vous en prie.

 

Sa voix s’était faite moins assurée vers la fin de sa phrase, mais à sa grande surprise, Sam vit le Général plisser les yeux avant d’acquiescer lentement d’un hochement de tête. Elle allait s’accorder un soupir de soulagement quand les yeux bruns se firent tout d’un coup durs. Et tandis qu’il croisait doucement les bras sur son torse, Sam sut aussitôt que l’heure était venue d’assumer la première de ses bourdes. Courage, soldat !

 

-         Si l’on était au lycée, Carter, je vous aurais demandé d’écrire un paragraphe de trois milles mots où vous expliqueriez la relation entre le mot "porte" et le mot "intimité"…

 

Acceptant les remontrances de son supérieur sans broncher, Sam se sentit pourtant rougir, son sentiment premier de colère se rappelant brusquement à elle. Avec l’entrée insolite qu’elle avait faite, elle avait presque oublié pourquoi elle se retrouvait dans cette situation plus qu’embarrassante…

 

-         Mon Général, croyez bien que je suis la première à regretter mon intrusion.

 

Sa voix froide rendait le sous-entendu à peine voilé mais Sam ne s’en préoccupait plus. Oui, elle aurait voulu ne jamais les avoir vus. Ni elle et son regard aguichant, ni lui et son sourire enjôleur. Mais cela était définitivement trop tard. La scène flottait encore devant ses yeux, lacérant son cœur, bousculant ses pensées.

 

-         Je suppose que vous aviez une bonne raison ? demanda-t-il en soupirant.

-         Je ne sais pas si elle était bonne mais j’en avais une, Monsieur, répondit-elle en reprenant involontairement l’un de ses sarcasmes.

-         Et c’est…?

 

Un instant ébranlée par le sourire en coin qui étira les lèvres de son supérieur, le regard de Sam demeura pourtant abrupt.

 

-         J’étais trop pressée pour attendre que vous soyez libre et trop en colère pour mesurer mon geste.

 

Le Général haussa les sourcils dans une mimique à faire fondre un cœur de glace.

 

-         … En colère après moi, Carter ?

-         Oui, Monsieur, répondit-elle aussitôt.

-         Allez, dites-moi tout, je me suis préparé au pire… 

 

Piquée par son ton ironique, Sam lui adressa un regard noir.

 

-         N’auriez-vous pas omis de me faire part d’une requête importante, Monsieur ?!

 

Le regard de ce dernier se transforma. Seulement, il ne parut nullement concerné par la colère de Sam… juste lassé. Carter pesta intérieurement contre son assurance.

 

-         Mattews n’aurait pas dû vous parler de ça…

 

Alors qu’elle était restée presque collée à la porte jusque là, Sam fit quelques pas vers lui, franchement ahurie par sa réponse.

 

-         Mais enfin, Mon Général, que pensiez-vous ?! s’emporta-t-elle… Je suis tenue de consulter tous les rapports des missions se rattachant à mes recherches, et j’attendais celui-là depuis des jours ! Imaginez mon ahurissement lorsqu’en réprimandant le Lieutenant Mattews de ne pas m’avoir fait de compte-rendu, j’appris qu’il avait vivement sollicité ma participation à la seconde expédition auprès de vous et que vous aviez catégoriquement refusé en préférant leur affecter le Capitaine Clarens ! 

 

Essoufflée, le menton relevé et les sourcils froncés, Sam resta suspendue, attendant une explication. Après quelques secondes durant lesquelles il l’observa sans ciller, le Général O’Neill répondit d’un ton désinvolte :

 

-         Clarens est très brillante, aussi…

-         Mon Général ! s’outragea Carter, croyant rêver… Mais enfin, pourquoi avez-vous fait ça ?! Je n’avais aucune mission de prévue, et P3X678 ne présente aucun danger ; l’idéal pour un camp de recher…

 

L’arrêtant d’un geste de la main, O’Neill fit une moue agacée en balayant son argumentation d’un mouvement de tête. Sam, les bras le long du corps, serra un peu plus ses poings afin de les retenir.

 

-         Ok, Carter. Ça, c’était pour l’excuse "en colère". Vous aviez dit être pressée aussi ?

 

Elle le foudroya du regard. La mâchoire serrée, elle s’exprima d’une voix hautaine :

 

-         SG-13 et 15 vont retourner sur la planète dans vingt minutes pour continuer leurs recherches sur le générateur. Je demande la permission de les accompagner.

-         Permission refusée, répondit le Général sans aucune hésitation… C’est tout ?

 

Sam écarquilla les yeux, fulminant littéralement. Ce générateur était le projet sur lequel elle rêvait de travailler depuis des jours ! Pourquoi refusait-il de la laisser partir ?… Ce pouvait-il qu’il doute de ses compétences ? Non, c’était impossible. Mais alors pourquoi…?

                                                                                                            

-         Je demande une explication, Mon Général ! Pensez-vous que le Capitaine Clarens soit plus qualifiée que moi pour…

-         Ne dites donc pas de bêtises, Carter ! Personne n’est plus qualifié que vous dans votre domaine et vous le savez très bien.

 

Sam apprécia ces paroles mais elles ne la calmèrent pas. Elle avait l’impression que plus elle essayait de comprendre, moins elle y arrivait. Et elle détestait ne pas comprendre. Ne pas Le comprendre.

Elle le regarda. Sa haute stature, ce visage fin, cet air posé, ces cheveux grisonnants, cette lueur au fond de ces yeux bruns… Que lui cachait-il ?

 

-         Alors pourquoi, Monsieur ? Vous savez que ce travail me tient à cœur !

 

Au grand étonnement de Sam, le Général parut ne plus pouvoir soutenir son regard et baissa la tête. Et lorsqu’il la redressa, elle cessa de respirer en croisant de nouveau son regard. Un regard d’où émanait encore une once de ce je-ne-sais-quoi qu’il avait essayé de lui dissimuler. Elle sentit aussitôt son ventre se nouer, l’air lui manquer.

 

-         Le rapport du Docteur Brightman est formel : vous n’êtes pas assez en forme pour repartir plusieurs jours en mission, Carter, lança-t-il avec légèreté. Mais enfin, regardez-vous ! C’est à peine si vous tenez debout…

-         Je vous demande pardon ?!

 

S’esclaffant, Sam se passa une main sur le visage, incrédule. D’habitude, ce genre d’attentions venant de sa part lui apportait un instant de bonheur mais aujourd’hui, cela l’énervait prodigieusement.

 

-         Vous m’avez très bien compris, Carter. D’ailleurs, je vous apprends que vous êtes en congé jusqu’à la fin de la semaine. 

-         Mais cela fait cinq jours ! s’indigna-t-elle.

-         Merci, Carter, moi aussi je sais compter… répliqua-t-il sarcastiquement.

-         Sauf votre respect, Mon Général, on ne m’a jamais empêchée de faire mon travail parce que j’avais une petite mine !

-         … Et vous êtes interdite de Base.

 

Elle écarquilla les yeux puis son visage s’empourpra de colère.

 

-         Quoi ?!… Vous me mettez dehors ?!

-         Baissez le ton et ne m’obligez pas à me répéter, Colonel…

 

Atterrée par les mesures risibles prises à son égard, Sam baissa la tête, la gorge trop nouée pour pouvoir parler de suite. Où était passé l’homme qui ne manquait jamais de la solliciter ?… Ne lui restait-il donc que si peu d’influence sur lui ?

 

-         Ecoutez, Carter… Revenez en forme et on verra.

-         Trop aimable, articula-t-elle sèchement.

-         Carter…

 

Elle se tut et se dressa face à lui, la rancune se lisant sur chaque trait de son visage. Mais même son regard glacial n’arrivait pas à ébranler le Général. Après quelques secondes où ils se dévisagèrent mutuellement, elle finit pas abandonner en se disant que c’était tout de même à Jack O’Neill qu’elle avait affaire…

 

-         Si c’est tout, j’aimerais disposer, Monsieur…

-         Allez-y…

 

Elle avait déjà la main sur la poignée quand elle l’entendit l’appeler. Désireuse de lui cacher son trouble au risque d’être insubordonnée, Sam ne se retourna pourtant pas.

 

-         Quoi ?

 

Il resta un instant silencieux comme s’il prenait le temps de peser ce qu’il allait lui dire. Pourquoi pas : "C’était une blague, allez vite préparer vos affaires, Carter" !?

 

-         … Profitez de ces quelques jours pour prendre le temps d’organiser votre mariage avec Shannahan…

 

La jeune femme se retourna vivement, choquée. Pourquoi, mais pourquoi Jack lui disait-il une chose pareille, et aussi nonchalamment qui plus était ? Pourquoi une telle insouciance, pourquoi faire comme si elle ne représentait rien pour lui, alors que toutes les années passées à ses cotés lui avaient patiemment prouvé le contraire ? Après l’épisode Kerry Johnson, était-ce là sa manière de couper les ponts une bonne fois pour toutes ?… De mettre enfin un terme au chapitre Sam Carter ?

 

Fermant les yeux face à cette réalité déchirante, Sam sentit confusément ses mains trembler et son cœur se serrer. Tout à coup, plus rien n’avait de sens. Seule restait cette petite voix dans sa tête qui ne cessait de lui murmurer que cette fois-ci, elle l’avait définitivement perdu. Et en l’espace de quelques secondes, il l’avait détruite.

 

Pourtant, se surprenant elle-même d’avoir encore la force de feindre, un sourire facétieux vint étirer les lèvres du Colonel tandis que, redressant vaillamment la tête, elle lui répondait de sa voix la plus cynique :

 

-         À vos ordres, Mon Général. Comptez sur moi pour bien profiter de Pete…

 

Fin du flash-back.

 

 

 

5. Shannahan, j’écoute…

 

Jack coupa le contact et se tourna vers la maison, surpris d’y voir de la lumière à cette heure avancée de la nuit. Il plissa les yeux, tentant de se souvenir. Carter avait dit qu’elle dînait chez elle… avec Shannahan. À cette pensée, une émotion sournoise envahit Jack et il tourna la tête vers la droite. Shannahan. Il n’y avait pas pensé.

Très peu désireux de croiser le fiancé de Carter, Jack fut l’espace d’une seconde tenté de la secouer sans ménagement afin de la réveiller. Mais la réveiller, c’était risquer une nouvelle confrontation… Et maintenant qu’elle savait, il ne s’en sentait pas le courage, quitte à serrer les poings devant Shannahan.

 

Et puis… elle était absolument superbe ainsi endormie… se dit-il en laissant son regard se perdre dans sa contemplation. Ses paupières closes légèrement maquillées, sa bouche délicieusement rose, entrouverte. Les quelques mèches blondes qui retombaient de son chignon. Sa poitrine qui se soulevait doucement au rythme régulier et profond de sa respiration. Du bout des doigts, Jack effleura l’étoile qui ornait le col de la veste de treillis beaucoup trop large qui enveloppait son corps, dévoilant ses longues jambes nues. Il avait eu peur qu’elle n’attrape froid dans sa petite robe…

 

S’interdisant intérieurement de la dévorer des yeux, Jack s’extirpa rapidement de la voiture, fit le tour du véhicule et ouvrit la portière côté passager. Il resta un instant figé, hésitant encore, puis se pencha afin de la prendre délicatement dans ses bras. Priant le Ciel pour qu’elle ne s’éveille pas, il referma doucement la portière en tentant d’ignorer le contact de la peau délicate sous ses paumes brûlantes.

 

Il grogna en secouant la tête puis entreprit de se diriger vers la maison. Son précieux fardeau ne gênait aucunement ses pas. Elle était très légère. Un peu trop, même, jugea-t-il. Il avait bien remarqué que Carter avait perdu du poids, depuis quelque temps. Il avait d’abord mis ça sur le compte de ses nouvelles responsabilités, mais avec le temps, cela ne fit qu’empirer. Même ses cernes se faisaient plus marquées. Et d’ailleurs, c’était pour cette raison qu’il avait…

 

S’immobilisant comme s’il venait de recevoir une gifle, Jack écarquilla les yeux tandis qu’une douleur sourde s’insinuait en lui. Voilà. Même après ce qui c’était passé, il le faisait encore. Il ne pouvait plus s’en empêcher. C’était devenu pour lui, aussi naturel que de respirer… Cela ne cesserait jamais, pensa-t-il en baissant les yeux vers elle.

 

Comme ses cils recourbés battaient imperceptiblement, chatouillés par une mèche rebelle qui retombait sur ses yeux, Jack souffla doucement dessus afin de l’apaiser.

 

-         Si seulement j’arrivais à ne plus m’inquiéter… à oublier… murmura-t-il.

 

Dans son sommeil, Carter marmonna quelques mots incompréhensibles puis se serra davantage à lui, comme répondant à ses paroles. Se figeant, le regard rivé sur ce visage d’ange à quelques centimètres du sien, Jack fut submergé par une bouffée de tendresse. Oh bien sûr, il tenta aussitôt de refouler ce sentiment qui dorénavant devait être relégué au rang de "l’intolérable". Intolérable et dangereux, rectifia-t-il mentalement.

 

Un bruit le tira de sa réflexion et Jack releva la tête. S’affairant à boutonner son blouson, Shannahan venait d’ouvrir la porte de la maison, s’apprêtant vraisemblablement à sortir. Comme il vit que l’homme allait refermer la porte, Jack resta interdit l’espace d’une seconde puis fit un pas en avant…

 

-         Ne refermez pas !

 

En le voyant sursauter violement puis porter la main à son holster, Jack haussa les sourcils, stupéfait. Et ce type se prétendait flic ?!

 

-         Mais que… bafouilla-t-il, son regard passant de Carter à lui… Sam ! Mais enfin, qui êtes-vous ?! Qu’est-ce qu’elle…

 

De crainte qu’il ne réveille Carter, Jack lui envoya un regard menaçant, désireux de l’inciter à se taire. Aussi, lorsqu’il vit ce Pete déglutir puis hocher vivement la tête, il aurait bien volontiers ri de son expression.

 

-         Doucement, Carter est endormie… souffla-t-il finalement. Elle a fait un petit malaise…

 

Paraissant grotesquement intimidé, Shannahan resta interdit puis fronça les sourcils.

 

-         … Mais qui êtes-vous ? demanda-t-il en chuchotant.

 

O’Neill soupira mais ne dit rien, son regard fixé sur le flic. Mais rien à faire. Même en s’efforçant d’être le plus objectif possible, il ne trouvait vraiment rien de spécial à ce type. C’était même l’exemple type de monsieur-tout-le-monde. Carter, elle, c’était une toute autre histoire…

 

-         Général Jack O’Neill, finit-il par répondre. Je suis le supérieur de…

-         … Le Commandant du SGC ?! s’exclama Shannahan, l’air ahuri.

 

Baissant vivement les yeux vers Carter, Jack soupira de soulagement en remarquant que l’imbécile ne l’avait pas réveillée. Il allait lui aboyer dessus mais se radoucit devant son expression coupable. Aussi se contenta-t-il de soupirer d’agacement.

 

-         Vous êtes vraiment le Commandant du SGC ? répéta Pete en le dévisageant sans vergogne.

-         En effet, comme dirait un ami…

-         Teal’c, je sais, le coupa-t-il. Sam m’a raconté…

 

En prononçant ces mots, le regard de Shannahan était resté rivé sur la veste que portait sa fiancée, ou plus précisément sur les étoiles qui en paraient le col. Il finit cependant par se racler la gorge…

 

-         … Donc, vous disiez qu’elle avait fait un malaise…

-         Rien de grave, je vous rassure… le coupa O’Neill, se méprenant sur les raisons de l’inquiétude évidente de Pete.

-         Elle était bien à la Base, non ? Pourquoi n’est-elle pas restée à l’infirmerie ?

 

Parce qu’elle n’y est pas allée, répondit mentalement O’Neill. Dès qu’elle s’était évanouie, il avait rapidement revêtu son treillis et son tee-shirt, et lui avait passé sa propre veste. Et même si Mayers et les quelques gardes qui l’avaient vu trimbaler Carter dans ses bras, avaient eu droit à son "Pas un mot !" le plus menaçant, il savait que ça devait déjà pas mal jaser à la Base…

Conscient que sa réponse tardait à venir, Jack finit pas soupirer…

 

-         Comme je vous l’ai dit, elle n’a rien de grave, juste un peu de fatigue. Et de plus, je lui avais donné quartier libre jusqu’à lundi, alors…

-         … Alors vous avez décidé de la raccompagner vous-même chez elle… acheva Pete en lui lançant un regard en biais. Je suppose que vous manquiez d’effectifs, Général ?

 

Touché !

 

-         J’ai toute une Base à mes ordres, monsieur Shannahan… lui adressa Jack en regardant Carter. Mais il est de notoriété publique que j’adore me balader dans les rues désertes en pleine nuit… surtout en aussi bonne compagnie.

 

Ok, c’était complètement nul, mais qu’aurait-t-il pu répondre d’autre ? Lui-même ne savait pas trop à quoi il avait pensé en décidant de ramener Carter chez elle. Peut-être avait-il juste voulu l’éloigner…?

 

-         Je vois… lança Pete en posant sa veste sur le sac de voyage à ses pieds, la voix acerbe. Vous devez être fatigué de la porter… dit-il, tendant déjà les bras.

 

Mais, surpris lui-même par son geste, Jack fit un léger pas en arrière, ce qui n’échappa pas à Pete. Le Commandant du SGC ne savait même pas pourquoi il avait agi ainsi… Un réflexe, se dit-il en grimaçant intérieurement. Comme si cette pensée ramenait avec elle un souvenir, quelques images de la scène du bureau défilèrent devant ses yeux, et son cœur s’emballa.

« C’était un réflexe, Monsieur… Ne m’en demandez pas plus… je vous en prie. »

 

-         Un réflexe… répéta-t-il, comprenant avec trouble le sens de ce simple mot.

 

Son agitation dut se lire sur son visage car Shannahan fronça les sourcils en lui adressant une interrogation muette. Mais une sonnerie de portable retentit soudain et Jack profita du fait que ce dernier baissait la tête afin de sortir l’objet de sa poche pour se redonner contenance. Dans un état second, il vit Pete jeter un coup d’œil à l’afficheur puis soupirer en portant la main à son front.

 

-         Excusez-moi deux secondes… marmonna-t-il en se détournant légèrement. Shannahan, j’écoute… Euh… non, Chef, pas encore, j’ai eu un contretemps… Je comprends, Chef, mais ma fiancée est… Mais… Oui, c’est très clair, Chef, j’arrive. 

-         Des p’tits soucis avec la hiérarchie ? plaisanta le Général.

 

Mais lorsque Pete releva la tête, O’Neill sentit qu’il n’allait pas apprécier la suite.

 

-         Je suis embarrassé, Général… Je suis attendu au Commissariat donc je ne pourrai pas rester auprès de Sam…

-         Ne vous en faites pas, Shannahan… répliqua aussitôt, O’Neill. Carter est une grande fille et… 

 

Mais il fut coupé par une autre sonnerie. Shannahan serra la mâchoire.

 

-         Shannahan, j’écoute… Oui, Chef, je suis déjà en route… Bien, Chef, je ferai au plus vite…

 

La mine gênée, Shannahan n’avait pas refermé le clapet de son mobile qu’il s’adressait à O’Neill d’une voix désespérée…

 

-         Ecoutez, Général… commença-t-il en posant la main sur la joue de Carter. Je sais que je vous en demande trop mais pourriez-vous la monter dans sa chambre, s’il vous plait ?… Il faut absolument que je sois au Commissariat dans moins de dix minutes !

 

N’ayant même pas eut le temps d’ouvrir la bouche, Jack vit Pete se pencher, se saisir de son sac avant de le dépasser d’un pas vif et nerveux en le remerciant platement.

Réalisant les risques qu’une telle faveur comportait dans l’état actuel des choses, Jack se retourna dans la ferme intension de protester lorsqu’il sentit une main s’accrocher à sa nuque. Surpris, il baissa les yeux vers Carter, mais aucun son ne sortit de sa bouche, comme si les mots se refusaient à lui.

 

Elle finirait par le perdre un jour…

 

Hypnotisé par ce visage endormi appuyé contre son cœur, fasciné par ce corps fragile se blottissant dans ses bras, il sursauta presque en entendant une voix l’appeler. Relevant alors la tête par un effort suprême de volonté, il croisa le regard perçant de Shannahan qui visiblement n’avait rien raté de la scène. Ce dernier les fixa un moment, comme hésitant à partir, mais finit par lui adresser un signe de la tête.

 

-         J’espère vous revoir au mariage, Général…

 

Le message était plus que clair, jugea O’Neill. Pete regarda Carter une dernière fois puis afficha un petit sourire ironique en secouant la tête. Sa voiture disparut au premier tournant, plantant Jack sur le perron.

 

Pensant qu’il aurait l’air malin si la porte se refermait par un coup de vent inopiné, Jack se décida enfin à pénétrer dans la maison. La situation n’était pas complètement désespérée, s’encouragea-t-il. Enfin…

 

 

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