Douce enfance…
L’adolescent était assis dans le jardin devant sa maison quand il aperçut une voiture mal en point s’arrêter sur le trottoir d’en face. Le conducteur, un homme, sortit de la voiture en jurant tandis qu’une femme le suivait en trottinant derrière lui. Il vociférait tout seul pendant qu’elle acquiesçait de la tête. Le garçon regarda ce drôle de couple. Il les surveillait du coin de l’œil quand une fille apparut à la fenêtre de la voiture.
Elle semblait contempler la scène devant elle comme si elle était banale. Elle sortit de la voiture suivie de près d’un garçon plus jeune qu’elle. John croisa alors le regard vert de l’adolescente qui lui sourit. Il lui répondit et se décida à avancer vers eux. Il n’avait que 15 ans mais il sentait qu’il était capable d’aider cette famille. Il traversa la route et les interpella.
J : Monsieur ?
Homme (agressif) : Quoi ?
J : Puis-je vous aider ?
H : Non.
Se désintéressant totalement du jeune homme, il ouvrit le capot de sa voiture en maugréant quand l’adolescente s’approcha de John et, sans dire une parole, l’éloigna du conducteur. Il faillit protester mais le regard qu’elle lui envoya était presque suppliant. Il la suivit donc sans un mot. John regarda mieux la fille qui avait à peu près son âge.
J : Je m’appelle John et toi ?
Elle ne répondit pas, se contentant de le regarder d’un air méfiant. Puis croyant qu’elle était étrangère.
J (en se montrant du doigt) : Moi John. Toi comment ?
? (en souriant) : Moi, c’est Elisabeth et voici mon frère, Tom.
J : Tu parles notre langue ?
E : Bien sûr. On a même sûrement même la nationalité.
J (baissant la tête) : Je viens de me ridiculiser en beauté.
E (souriant gentiment) : Non je ne pense pas.
J : Et vous faites quoi dans le coin ?
T : Nous sommes en vacances avec ma mère et son beau-père. (se tournant vers John) Son beau père, c’est mon père.
J : Ok. Vous avez un problème ?
T : Oui. On est tombé en panne.
E : Quel âge as-tu ?
J : J’ai 15 ans et vous ?
T : Moi j’ai 10 ans. Elle en a 15.
E : Je suis une grande fille. Je n’ai pas besoin de quelqu’un pour répondre à ma place.
T (lançant un regard noir à sa sœur) : Si, de temps en temps.
Elisabeth, les lèvres pincées, ne répondit pas à la provocation de celui qu’elle considérait comme son frère. C’est là que le père de Tom intervint.
H : Tom ! J’ai besoin de toi. Ramène tes fesses sur le champ.
T : Oui, papa.
H (se tournant vers John) : Petit, connais-tu des chambres d’hôtes ou un hôtel dans le coin ?
J : Chez moi et elles sont libres.
H : Combien ?
J : Deux chambres pour 10$ chacune pour une nuit.
H (hochant la tête) : Parfait. Où est-ce ?
John lui indiqua la maison du bras. L’homme alla directement vers sa mère qui était sortit pour voir ce qu’il se passait. Ils discutèrent quelques minutes et la mère de John l’appela. Celui-ci regarda une dernière fois l’adolescente seule dans son coin et alla voir sa mère.
Mère : Enfin !
J : Désolé maman. Je parlais avec les enfants.
Mère : Ils dorment ce soir ici.
J : D’accord, je vais préparer les chambres.
Sans attendre la réponse de sa mère, il entra dans la maison et monta à l’étage. Arrivant devant la première chambre, il fit le lit, nettoya la table de nuit et mit une ampoule neuve à la lampe. Ce serait la chambre du couple. Un lit deux places trônait en plein centre de la pièce. Elle était agréable et chaude.
Puis il s’occupa de la chambre qu’occuperont les deux enfants. Avec un lit superposé et quelques décorations de bon goût, c’était la chambre la plus propre et la plus soignée de la maison. Cela lui donna un coup au cœur car c’était la chambre de son frère. Il soupira puis sortit en fermant doucement la porte.
Ils ne mangèrent qu’à six ce soir-là. Le père et le frère de John avaient embarqués sur un navire de l’armée la semaine d’avant si bien que John était toujours seul avec sa mère en ce moment. Il accueillit donc ces quatre présences avec un grand soulagement. Mais la mère d’Elisabeth et de Tom n’était guère bavarde si bien que le dîner se passa dans le silence, coupé de temps en temps par l’homme de l’autre famille qui parlait à sa mère.
Au dessert, John reçut la permission de se lever de table et voulut emmener ses deux invités dans sa chambre mais quand l’adolescente se leva, son beau-père l’en empêcha en l’attrapant par le bras.
H : Elisabeth ! Tu es plus vieille que ton frère, tu peux attendre la fin du repas.
Elle ne répondit pas mais tout son être était figé de dégoût face au geste de son beau-père. Mais elle se rassit et fit comprendre aux garçons que ce n’était pas grave. John acquiesça et emmena Tom à l’étage dans sa chambre. Une demie heure plus tard, elle entra dans la chambre après avoir frappée. John était assis sur son lit à côté de Tom
E (murmurant) : Je ne le supporte plus !
T (fataliste) : C’est pour aujourd’hui ?
E (le regardant d’un air triste) : …
J (fronçant les sourcils) : Désolé d’interférer dans vos affaires familiales, mais vous parlez de quoi ?
T (se tournant vers lui) : Elle va fuguer ce soir.
J (se levant d’un bond) : Quoi ?? Maintenant ?
E : Non cette nuit.
J : Mais où vas-tu vivre ?
E (ferme) : Je me débrouillerai.
Voyant qu’il ne pourrait jamais la convaincre de laisser tomber, il fit la seule chose sensée qu’il pouvait encore faire.
J : Je peux t’aider ?
***
C’est bon elle était prête. Ils étaient dehors dans le jardin. Elle regarda une dernière fois dans son sac à dos : bouteille d’eau, de la nourriture et même une adresse d’un foyer si elle avait besoin d’aide. Ils lui avaient raconté toute l’histoire : la mort prématurée de son père, la découverte d’un demi-frère et la méchanceté gratuite de son beau-père. Tout cela l’avait poussé à faire ses choix et ses actions. Elle leva enfin les yeux sur son frère et le serra dans ses bras de toutes ses forces.
E (la gorge serrée) : Bonne chance frérot. On s’écrira quand j’aurai une adresse fixe.
T (les larmes aux yeux) : Tu peux compter là-dessus.
Elle lui fit un baiser sur la joue et le front et le repoussa faiblement. Enfin, elle se retrouva face à John. John, un adolescent pleins de ressources, l’aidant même s’il ne la connaissait pas. Elle avait l’impression qu’un lien s’était tissé entre eux, incassable et éternel. Elle le serra dans ses bras et lui déposa un léger baiser sur les lèvres.
E : Je ne oublierai jamais ce que tu as fait pour moi.
J (un peu rouge) : Moi, je ne t’oublierai jamais. (fouillant dans sa poche) Tiens c’est pour toi !
E (curieuse) : C’est quoi ?
J : Un porte bonheur.
Elle sortit de la petite poche en toile une petite peluche, une vache noire et blanche tenant un trèfle à quatre feuilles entre ses pattes et un bracelet en argent avec écrit dessus : « I guess I love you ». Emue, elle défit ses colliers et leur tendit.
E : Tiens Tom. Celui-là, c’est mon père qui me l’a donné le jour de mes 11 ans. Il est à toi.
T : Merci. Je t’aime.
E : Moi aussi. (se tournant vers John) Celui-là est pour toi.
J : C’est quoi ?
E (souriant) : Un porte bonheur.
John regarda le collier et vit que c’était un peace and love avec marqué Elisabeth au dos.
J : Merci. Il est magnifique.
E (rire mouillé) : Au fait, je sais même pas comment tu t’appelles !
J (souriant à son tour) : John Sheppard et vous ?
E : Elisabeth et Tom Grey.
Elle leur tourna le dos et avança. Les deux garçons ne purent détachés leurs yeux d’elle. 50 mètres plus loin, elle s’arrêta et se retourna.
E : Si vous me cherchez, je vous préviens. J’aurai changé de nom.
J : Comment t’appellera-tu ?
Elle lui sourit énigmatiquement et se retourna. Au loin, on entendit le chant d’un coq annonçant un nouveau jour, une nouvelle vie.
***
John Sheppard… Ce nom fit battre le cœur d’Elisabeth Weir plus vite. Elle se sermonna : ce n’était qu’un nom. Mais quand elle le vit pour la première fois, elle sut que ce n’était pas qu’un nom. Elle serra un bracelet dans sa main. Un œil averti aurait pu voir écrit dessus « I guess I love you ».
FIN