Elle était dans son labo, à étudier quelques échantillons de Naqquadria. Elle se sentait triste, sans savoir pourquoi. Soudain, une silhouette familière apparaissait dans l’encadrement de la porte. Elle levait les yeux, et ça ne pouvait pas être lui, mais pourtant...
Samantha Carter se réveilla en sursaut. D’une main tremblante, elle essuya la sueur qui perlait à son front et écouta attentivement. Aucun bruit. Elle était bien seule dans sa maison de Colorado Springs. Elle avait pourtant une telle impression de réalité...L’impression qu’il était là. N’y tenant plus, elle sortit de son lit, enfila le peignoir de soie blanche assorti à sa longue chemise de nuit à bretelles, puis la première paire de chaussures qui lui tomba sous la main – des escarpins, peu adaptés – avant de sortir de la maison. Elle prit sa voiture et démarra dans la rue déserte.
But every dreamAfter all...
Les chiffres lumineux du radio réveil indiquaient 00 :32, comme pour lui rappeler qu’elle était folle d’aller là-bas à une heure pareille. Mais Sam s’en souciait comme de sa première chaussette. Elle ne croisa aucune autre voiture et, environ dix minutes plus tard, gara la sienne sur le trottoir. Elle resserra les pans de son peignoir autour d’elle, puis traversa la rue et poussa les grilles rouillées. Pour pénétrer, le cœur serré, dans le cimetière de Colorado Springs. Sachant parfaitement où elle allait, elle parcourut quelques allées avant de s’arrêter définitivement devant ce qu’elle cherchait.
Alors, Sam tomba à genoux et ses yeux s’emplirent de larmes. Ils restèrent malgré tout fixés sur la tombe où l’on pouvait lire :
Jonathan ‘Jack’ O’Neill
12 mars 1952 – 24 avril 2004
Il est mort comme il a vécu, en héros.
En dessous, il y avait des plaques commémoratives posées sur le marbre. Elle savait par qui chacune d’entre elles avait été posée : Teal’c, évidemment, pour ‘Tu seras toujours mon frère’; Daniel pour ‘A mon meilleur ami’ ; ‘Plus qu’un soldat, un ami’ par George Hammond ; et enfin Sarah pour ‘Tu garderas une place dans mon cœur’. Son regard s’attarda sur la dernière.
‘Pendant de trop brèves années, tu as illuminé ma vie. Je ne t’oublierai pas et je ne cesserai jamais de t’aimer.’Un petit sourire crispé étira ses lèvres. Quelle ironie...Faire graver sur une plaque mortuaire ce qu’on a jamais eu le courage de dire à voix haute. Eternel regret...
Elle s’écroula doucement sur la tombe et, la tête dans les mains, se mit à sangloter désespérément. Elle, la scientifique hors pair, la militaire efficace et sûre, commençait à se demander comment l’on pouvait vivre avec le cœur brisé. Sam était de moins en moins sûre d’y parvenir un jour. Il lui fallut un long moment avant de parvenir à se calmer. Elle essuya du mieux qu’elle put les larmes qui ruisselaient encore sur ses joues. Soudain, elle eut l’impression qu’on l’observait, et tourna la tête vers la droite.
Là, debout à un ou deux mètres d’elle, se tenait le colonel Jack O’Neill. Son colonel. Ou du moins, l’image qu’elle en gardait, se força-t-elle à penser. Car il ne pouvait être autre chose qu’un fruit de son imagination, une illusion créée par son esprit qui trouvait sa mort trop difficile à supporter. En attendant, ‘l’apparition’ la regardait d’un air triste et tendit la main vers elle en s’apercevant qu’elle l’avait vu.
« - Ne pleurez pas, Sam. »
C’était également sa voix. Elle esquissa un sourire tremblant. Il semblait si réel. Si terriblement réel. Et elle devait bien reconnaître qu’elle n’avait aucune envie de le voir disparaître.
« - Vous êtes mort. »
Le reproche était aussi présent dans son ton que dans ses yeux bleus, à présent fixés sur lui. Il soupira.
« - C’est vrai... Pour vous sauver, et vous permettre de sauver la Terre. Ce n’était pas une bonne raison ?
- Non. C’est loin d’être ‘héroïque’, comme le dit l’épitaphe !...C’est bien la chose la plus stupide que vous ayez jamais faite...C’est vous qui auriez dû revenir, c’est vous... »
Ces idiotes de larmes menaçaient à nouveau et elle s’interrompit une seconde. Il secoua la tête en signe de dénégation.
« - J’ai pris la bonne décision. Vous le savez, au fond de vous, Sam. Vous avez encore tellement à vivre, et moi, je n’étais plus qu’un vieux soldat amer et fatigué...
- Mais...
- Je vous ai fait de la peine et j’en suis désolé. Il faut que vous soyez forte, et que vous surmontiez cela...Je sais que vous pouvez le faire. La Porte des Etoiles a encore trop besoin de vous.
- Vous en savez, des choses, tout à coup » fit-elle, ironique et désabusée. « Mais je ne suis pas aussi forte que je voudrais le faire croire » ajouta-t-elle dans un murmure, soudain très lasse. Il s’approcha, s’agenouilla à côté d’elle et l’attira contre lui. Elle se laissa faire, respira avec bonheur son odeur familière – mais pas assez familière au goût de la jeune femme – et se laissa aller dans ces bras, sentant encore monter au fond d’elle de profonds sanglots.
Y’a ce cri qu’on étouffe, dans le silence de nos nuits, où nos sanglots s’engouffrent...Au bout d’un moment, il s’écarta d’elle et l’observa un instant, un petit sourire énigmatique aux lèvres. Puis, il lui tendit la main :
« - Vous dansez ? »
Elle sourit, rit même légèrement, incrédule, en mettant sa main dans celle de Jack, chaude et tendre. Il l’aida à se relever : elle se retrouva brusquement dans ses bras. Alors, elle posa sa tête au creux de son épaule, et se laissa guider au rythme d’un slow dont il lui semblait entendre résonner la musique dans le lointain.
Le petit garçon regarde par la fenêtre. Ce soir, il n’arrive pas à s’endormir ; alors il s’est levé et regarde par la fenêtre de sa chambre le cimetière, qui se trouve à côté de sa maison.
Sa maman lui a dit que les fantômes n’existaient pas, ni les fées, ni les monstres qui se cachent sous le lit. Mais alors, qu’est-ce donc que cette silhouette blanche, qui ressemble à une apparition, qui bouge lentement au milieu des tombes, semblant danser une danse étrange et solitaire ?... Il joint ses petites mains potelées et adresse à Dieu, qui est tout là-haut, d’après maman, une petite prière pour cette pauvre apparition, qui a l’air d’avoir l’âme en peine, comme ça, toute seule. Et puis il retourne se blottir sous sa couette, parce que le sommeil lui pique les yeux.
Mais le petit garçon se trompe. La jeune femme aperçue un soir de mai, au milieu des tombes, n’est pas une apparition. Elle est bien réelle et, ce soir, son âme est enfin apaisée – ce soir, elle peut recommencer à vivre.
Sandiane, mardi 17 février 2004