Les deux hommes dans la camionnette patientaient depuis de longues heures déjà. La nuit tombait peu à peu sur Colorado Springs et l’attente commençait à les peser. Les yeux fixés sur leurs écrans de vidéo-surveillance, ils discutaient pour tuer le temps.
- Regarde-moi ce type, un vrai zombie !
- Il a passé toute l'après-midi sur son fauteuil sans bouger, les yeux fixés sur cette photo.
- Pitoyable ! Ricana son collègue.
- Ca fait des semaines, maintenant, on n'aura jamais rien sur lui, c'est désespérant.
- Il passe tout son temps dans sa base et les rares fois où il est chez lui, on n'en tire rien de bon.
- Attends, vise un peu ce qui arrive, déclara-t-il l’air victorieux.
- Un joli p'tit lot, hum, finalement la soirée risque d'être intéressante !
En effet, à cet instant, une jolie blonde élancée descendait de sa voiture, garée dans l'allée du général O'Neill. Elle marchait d'un pas lent et hésitant en direction de la maison. Elle s'apprêtait à sonner lorsque la porte s'ouvrit doucement sur le propriétaire des lieux.
- Bonsoir Sara, dit-il doucement.
- Bonsoir Jack.
- Je t'attendais, entre !
Joignant le geste à la parole il s'écarta pour laisser entrer son ex-femme dans sa demeure. D'un geste de la main il lui indiqua le canapé et lui servit d'office une bière quelques instants après. Il repartit ensuite vers la cuisine et commença à préparer le dîner. Ils n'échangèrent pas un mot, ils savaient tous les deux que les quelques paroles échangées sur le pas de la porte seraient les seules de la soirée. C'était devenu une habitude entre eux, une vieille habitude, ce silence douloureux qui revenait inlassablement 2 fois par an. Peu importait où, chez lui, chez elle, tout dépendait de qui craquait en premier. Généralement c'était elle qui arrivait à la tombée de la nuit. Mais cela lui était parfois arrivé de rechercher son soutien, et de débarquer chez elle, rarement, mais c'était arrivé. Le lieu importait peu ces jours là, qui cherchait l'autre leur était égal. Du moment qu'ils étaient ensemble, pour pleurer leur enfant disparu, à ses anniversaires, ceux de sa naissance et ceux de sa mort. Ils dînèrent en paix, se souriant faiblement parfois, croisant leurs regards, voyant tel dans un miroir, la peine de l'autre refléter sa propre douleur.
Lorsqu'ils eurent fini de débarrasser la table, ils s'installèrent sur le canapé. Jack prit la mère de son fils dans ses bras, ils savouraient ce moment à deux. Chacun repensait à son bonheur perdu, à ces après-midi en famille, à ce petit bonhomme si plein de vie qui était mort si brutalement. Au fil des minutes qui s’égrainaient, des larmes commencèrent à couler le long des joues de la femme. Il la resserra alors un peu plus contre lui. Ils s'accrochaient l'un à l'autre, partageant la même meurtrissure, le même désarroi, la même détresse de deux êtres éperdument malheureux du drame qui les avait frappé quelques années auparavant. Enlacés ainsi dans le salon, le temps défilait, indomptable. Elle ne savait pas depuis combien de temps ils étaient là tous les deux, perdus dans leur étreinte, à se soutenir à leur façon, à se rappeler douloureusement leur petit garçon.
Un long moment après, alors qu’elle commençait à se calmer, Sara sentit quelque chose de chaud rouler dans son cou, puis le corps de son compagnon se soulever d'un unique sanglot silencieux. Elle l'écarta alors légèrement d'elle et du pouce fit disparaître les quelques rebelles larmes qui lui avaient échappées. Avant la mort de Charly elle ne l’avait jamais vu pleurer, Jack et son éternelle carapace ! Mais ce drame, ce deuil, la perte de son petit bonhomme comme il aimait à l’appeler et toute la culpabilité qu’il ressentait face à cet accident l’avaient transpercé. Rarement, mais parfois, lors de leurs rencontres funestes, il laissait échapper comme ce soir quelques larmes. Elle savait que cet homme ne se laissait jamais aller ainsi et quelle douleur immense il ressentait pour se laisser dépasser par ses émotions. Elle espérait que cela le soulageait un tant soit peu de son fardeau.
Imitant le geste de son ex-compagne, il essuya délicatement ses larmes. Elle vint alors déposer un chaste baiser sur les lèvres de Jack. Le temps des pleurs était terminé, il prit Sara par la main et l'entraîna dehors. Ils s’installèrent l’un à coté de l’autre, et il passa un bras autour de ses épaules. Elle se blottit tout contre lui, comme protégée du reste du monde. Ils observèrent longuement les étoiles, puis peu à peu elle se laissa gagner par le sommeil. Jack la prit alors délicatement dans ses bras, monta les escaliers et la déposa doucement dans son lit avant de la recouvrir. Il effleura son front d’un baiser léger et sortit sans bruit. Au moment ou il rejoignait le salon pour s’installer à dormir sur le canapé, le téléphone sonna. Il savait qu'à cette heure-ci cela ne pouvait être que la base, attrapant vivement le combiné, il lâcha sous la colère.
- J'avais dit pas ce soir Walter !
- Mon général, c'est Carter, désolée de ...
- C'est pas le moment Carter, répliqua-t-il sèchement.
- Pardon de vous réveiller, Monsieur mais j’ai … nous avons vraiment besoin de vous ici.
- Très bien, grogna-t-il, j'arrive !
Furieux d'être dérangé ce soir en particulier, il raccrocha aussitôt, prit sa veste et partit en direction de sa voiture. La jeune colonel, à la base, était perturbée par ce bref appel. Appeler son supérieur chez lui à 2h du matin n'avait jamais été une partie de plaisir, mais là, elle sentait qu'il était réellement en colère. "C'est pas le moment Carter", oh mon dieu pensa-t-elle, chez lui à 2h du matin, et ce n'était pas le moment. Il avait quelqu'un dans sa vie, dans son lit. Mais bien sûr pauvre idiote, il n'est pas fait de bois, se fustigea-t-elle intérieurement. Allez concentre-toi sur ton travail si tu ne veux pas te faire incendier encore plus à son arrivée.
Elle effectua les dernières manipulations sur les ordinateurs de la salle de commandes et quelques minutes plus tard, son supérieur arriva en trombe. Il était si sexy quand il était en colère, d'autant plus qu'il n'avait pas pris la peine de troquer ses vêtements civils contre la tenue militaire. Mais Sam n'eût pas le temps de savourer plus de quelques secondes cette vision, la tornade O'Neill déferlant sur elle.
- J'espère que c'est important Carter, aboya-t-il.
- Oui mon général, il s'agit du système de contrôle de la porte, il y a eu une surcharge et tout le système a grillé. J'ai dû tout réparer dans la soirée et ....
- Vous ne pouviez pas m'appeler plus tôt non ? Coupa Jack vivement.
- C'est à dire … vous aviez signalé à Walter de n'être dérangé qu'en cas d'invasion alien et je pensais m'en sortir sans avoir besoin de vos codes pour relancer le système mais ...
- Stop Carter, j'ai compris !
- Je suis désolée de vous avoir dérangé ce soir, mon général, s’excusa-t-elle en baissant les yeux.
Pourquoi avait-elle dit ce soir, CE soir. Savait-elle quel jour on était ? Non c'était impossible, oubliant un peu sa colère face à l'embarras de son second il se radoucit quelque peu.
- C'est bon Carter, ce n'est pas votre faute.
- Mettons-nous au travail, vous serez libéré plus vite, déclara-t-elle plus sereinement en se remettant au travail.
Rapidement ils finirent ensemble de relancer le système, enfin surtout Sam, son supérieur quant à lui se contenta de taper ses codes au moment opportun. Patientant quelques minutes pour s'assurer que tout redémarrait correctement, O'Neill replongea dans ses pensées pour son fils. Elle remarqua de suite son air absent et ses yeux vides et elle s'interrogea mentalement sur ce qui le tracassait tout en continuant sa besogne. Au bout de quelques instants, elle le sortit de sa torpeur.
- J'en ai encore pour quelques minutes, mais je n'ai plus besoin de vous Monsieur, vous pouvez rentrer chez vous.
- C'est pas de refus ça, bonne nuit Carter, à demain !
- Bonne nuit, s'empressa-t-elle de rajouter, soulagée de le voir de meilleure humeur, mais s'inquiétant tout de même de le voir si las.
A peine atteignit-il la porte de sa maison qu'il vit de suite que quelque chose n'allait pas. Il n'aurait su dire quoi, mais il avait un mauvais pressentiment. Il sortit son arme et se dirigea à pas de loup vers sa chambre. Il la trouva vide et surtout, chamboulée de toute part. Les draps défaits, la lampe de chevet et le cadre de Charly au sol, brisés en mille morceaux. Une odeur de chloroforme persistait dans la pièce. Sachant que c'était vain, il fit tout de même prudemment le tour de la maison, à la recherche de Sara, ou à défaut de ses agresseurs. Rien. Il agrippa alors le téléphone et appela la base.
- Carter, se fit entendre une voix douce à l'autre bout du combiné.
- On a enlevé Sara, se précipita-t-il, prenez tout le matériel nécessaire pour passer ma maison au peigne fin et réveillez Brightman, je vous attends.
- On arrive le plus vite possible, répondit la scientifique sous le choc.
Quelques instants après, encore secouée par la nouvelle, elle monta en voiture avec le Dr Brightman et démarra en trombe. Dans sa tête mille idées se bousculaient. Quelqu'un avait enlevé Sara, son ex-femme. Qui ? Pourquoi ? Que faisait-elle chez lui ? Elle croyait pourtant qu'ils n'avaient plus de contacts. Elle n'avait pas tort. Ils ne se voyaient plus que pour partager leur lourde peine et se soulager un peu, à part ces 2 rencontres annuelles à dates fixes, ils ne se côtoyaient plus, c'était trop dur pour l'un et l'autre. Mais ça, elle l'ignorait. Son esprit allait aussi vite que la voiture, et les questions se succédaient les unes après les autres. Arrivant enfin dans le quartier de son supérieur, elle se calma le plus possible et entra dans sa rue. Elle se gara devant chez lui, il les attendait devant la maison.
- Que s'est-il passé ? demanda Sam.
- Je ne sais pas Carter, sinon je ne vous aurais pas appelées, maugréa-t-il. Elle dormait quand je suis parti à la base et quand je suis revenu, elle avait disparu. Il y a des traces de lutte dans ma chambre et une odeur de chloroforme traînait quand je suis arrivé.
Le professionnalisme aidant, Sam se laissa traverser par les données Sara-dormir-chambre sans vraiment les assimiler. Puis les deux docteurs se mirent au travail, relevant les empreintes, inspectant minutieusement chaque recoin de la maison pendant de longues minutes. Elles firent leur rapport à leur supérieur. Elles avaient relevé toutes sortes d'empreintes mais n'espéraient rien en tirer et avaient trouvé de nombreuses micro-caméras dissimulées dans toute la maison. Du matériel de surveillance perfectionné. Le Docteur Brightman suggéra alors de prévenir la police de l'enlèvement.
- Certainement pas, aboya O'Neill, s'ils l'ont enlevée c'est pour m'atteindre moi, c'est évident. De près ou de loin ça ne peut que concerner le programme porte des étoiles, hors de question de mêler des civils à cela. Rentrons à la base !
Sans piper mot, les deux femmes reprirent la route, suivies par le général hors de lui. Il bouillait littéralement, Sara, ils avaient enlevé Sara, quels qu'ils soient, ils allaient le payer très cher. Que lui faisaient-ils ? Qu'allaient-ils lui faire ? Pourquoi ? C'était quasiment une certitude, c'était un moyen de pression sur lui. Qui étaient-ils ? Depuis combien de temps était-il sous surveillance ? Sûrement depuis qu'il était passé général quelques mois plus tôt, lui cherchant un point faible. Les salauds, ils le paieront !
Perdu dans ses élucubrations mentales, ils se rendit soudain compte qu'ils étaient arrivés. Ils descendirent de leurs voitures puis s'enfoncèrent dans les profondeurs de la base militaire. Le Docteur Brightman se mit aussitôt à travailler sur les empreintes, Carter sur les micro-caméras, tandis que O'Neill alla s'enfermer dans son bureau. Il regarda sa montre, 7h13, décrocha son téléphone et appela le président. Il lui fit part de l'enlèvement. S'agissant certainement d'une tentative de pression sur le commandant de la base, ils furent rapidement d'accord pour lui retirer provisoirement la direction du SGC afin d'éviter toute tentative de manipulation. Le général Hammond arriverait dans l'après-midi pour reprendre les rênes de la base au pied levé. SG-1 fut désignée pour mener l'enquête en toute discrétion et relevée de toutes autres missions, le temps de lever le voile sur cette affaire.
Daniel et Teal'c étaient sur P3X249 pour encore quelques jours, étudiant des ruines parsemées de gravures écrites en un ancien dialecte goa'uld, SG-1 se résumait donc pour l'instant à Carter et lui. De toute façon dans l'immédiat, ses deux amis ne lui seraient pas d'un grand secours, seule son second pouvait tirer quelque chose de ces caméras, et le Dr Brightman s'occupait des empreintes, uniques pistes qu'ils avaient pour le moment. Et si l'enquête avançait, il pourrait les faire rappeler aussitôt, mais pour l'instant, cela ne servait à rien.
Attendant impatiemment la relève d'Hammond, Jack continua de gérer les affaires courantes, plus par souci de s'occuper l'esprit qu'autre chose. En début d'après midi, le Docteur Brightman vint lui faire son rapport sur les empreintes trouvées chez lui, aucunes ne paraissaient suspectes, appartenant toutes à Sara ou lui-même. Un peu plus tard, après quelques heures de travail acharné, l'astrophysicienne lui certifia qu'elle pourrait, grâce à un programme de sa conception, récupérer les données et ainsi avoir peut être une piste sur les ravisseurs. C'est à ce moment précis que le général Hammond entra dans le bureau d'O'Neill.
- Bonjour Jack, Colonel !
- Bonjour mon général, répondit-elle, heureuse de vous revoir !
- Georges, salua le militaire, ravi également, j'aurai préféré dans d'autres circonstances mais...
- J'ai été briefé, Jack ! Je reprends les commandes immédiatement, j'imagine que vous devez être impatient de démarrer l'enquête. Vous avez le champ libre pour élucider cette affaire, en toute discrétion, bien entendu.
Ils remercièrent le général, échangèrent encore quelques mots puis établirent leur quartier général dans le labo de Sam. Elle lui expliqua rapidement ses démarches pour pouvoir décrypter les données encodées et récupérer les images de l'enlèvement de Sara. Puis, Jack commença à prendre contact avec certains de ses "amis" pour glaner quelques informations.
Trois jours plus tard, Jack avait fait le tour de ses relations qui auraient pu lui trouver une piste à suivre mais rien n'avait abouti, tous les espoirs reposaient sur Carter et sur sa tentative de récupérer les images. Il s’était même rendu à Washington pour rencontrer l’agent Barret, l'ami de son second au NID, lui non plus n'avait rien pu lui donner à se mettre sous la dent. Le général Hammond avait repris la base d'une main de maître et Daniel et Teal'c devaient revenir le lendemain de leur mission off-world.
Sam quant à elle travaillait d’arrache-pied et dormait encore moins que d’habitude . Elle avançait bien dans son travail, mais cela lui prenait beaucoup de temps et d’énergie. Elle en oubliait même de prendre ses pauses déjeuner, mais jack veillait, comme à l’accoutumée, à la faire sortir de son labo pour se restaurer.
Dès qu'il avait un moment de libre et que son esprit n’était pas occupé, Jack se morfondait d'inquiétude pour son ex-femme, elle n'était pas du tout préparée à ce genre de situations. C'eut été Carter, il se serait moins inquiété, il aurait eu peur tout de même bien sûr, mais elle, elle était totalement sans défenses face à ses ravisseurs. Carter l’avait déjà vécu, à plusieurs reprises, elle avait été entraînée à subir ce genre de choses de par son statut de militaire, Sara, non ! La retrouveraient-ils trop tard ? Serait-elle traumatisée ? L'avaient-ils torturée ? Violentée ? Sa tête allait exploser s'il continuait comme ça. Il fallait qu'il s'occupe, rester là, ce soir, dans ses quartiers à essayer de se reposer ne faisait que le mettre un peu plus au supplice. Se sentant totalement inutile maintenant qu'il avait usé toutes les cartes de sa manche, il décida d'aller soutenir son second en lui apportant un café bien serré.
C'est donc après un léger détour par le mess qu'il arriva à l'entrée du labo. Encore ! Pensa-t-il, elle s'était encore endormie sur son bureau. Décidément, rien n'arrêtait cette femme, dès qu'elle entamait quelque chose il fallait qu'elle aille au bout d'elle-même. Il savait bien que c'était pour Sara et donc pour lui, si cette fois ci elle se donnait tant de mal. Cela lui allait droit au cœur, son dévouement, son abnégation pour son équipe, pour lui, pour tous les êtres qui l’approchaient. Cette femme était vraiment exceptionnelle, sur tous les plans. Il s'approcha sans un bruit, déposa les cafés chauds sur le bureau et posa sa main sur l'épaule de Sam.
- Carter, dit-il en la secouant doucement, Carter ... hey, Sam, on se réveille !
Elle devait vraiment être épuisée pour ne pas se réveiller à la première semonce.
- Mon général ? Gémit-elle encore endormie.
- Carter, vous vous êtes encore endormie sur votre ordinateur, vous allez finir par avoir les touches du clavier gravées sur les joues, se moqua –t il.
-Désolée, mon ...
-Vous n'avez pas à vous excuser, l’interrompit-il, vous êtes épuisée, allez donc dormir dans un vrai lit, on reprendra demain matin.
- Non, je ... j'attendais que mon programme finisse son analyse et euh ...
S'intéressant de nouveau à son ordinateur malgré ses yeux encore alourdis, un sourire éclatant apparu sur son visage.
- Dans quelques minutes, on aura les vidéos, s'exclama-t-elle.
- Enfin une bonne nouvelle, répondit l’homme un sourire sur les lèvres. Tenez, je vous avais apporté un café, je crois nous ne sommes pas prêts de dormir finalement !
- Non, ça c'est sur.
Le général s'assit en face d'elle de l'autre côté du bureau et tous les deux dégustèrent leurs boissons réconfortantes, l’une tentant de se réveiller, et l’autre laissant divaguer ses pensées. Jack réfléchissait à ce qui se trouvait sur la cassette. Sam allait le voir pleurer son enfant, elle allait le voir nu, sans sa carapace, était-il prêt à lui montrer ça ? Il n'avait pas vraiment le choix, après tout ce qu'elle avait fait pour Sara, il ne pouvait pas l'exclure du visionnage. Mais surtout il ne le voulait pas, il avait besoin d'elle pour voir la suite. Les masques allaient tomber mais peu importe, c’était Sam, il n’avait pas peur, il n’avait plus peur. Il se sentit presque soulagé de lui montrer cette part de lui que seule celle qu'il avait aimée connaissait. Celle qu'il aimait aujourd'hui allait savoir, elle aussi. Savoir que le grand O'Neill n'était pas un cœur de pierre. Il voulut lui en parler avant, mais ne trouvait pas ses mots, il n'était pas doué avec les mots quand cela devenait trop personnel.
- Euh ... Carter, dit-il doucement.
- Oui, répondit-elle sortant de sa rêverie.
- Il y a des choses assez ... intimes sur cette cassette.
- Oh ...
Ce fut tout ce qu'elle pût dire, ainsi elle ne s'était pas trompée, il était de nouveau avec elle. Cela lui transperça le cœur. Elle encaissa comme elle pût, mais son teint se fit soudain plus pâle. Elle ajouta néanmoins.
- Je vais vous laisser seul.
- Non, s'il vous plaît, je voudrais que vous restiez, c'est important pour moi.
- Je ne crois vraiment pas que ce soit une bonne idée, Général, lui assena-t-elle en se levant pour quitter le labo.
L'oubli du "mon" devant Général et son ton décidé lui firent comprendre subitement le cheminement de son esprit, il la détrompa rapidement.
- Non, attendez, ce n'est pas ce que vous croyez !
- Mais je ne crois rien du tout, Monsieur !
Cherchant de plus en plus ses mots, il parvint malgré tout à articuler.
- Ce jour là ... c'est un jour spécial pour nous ... c'est le jour où Charly ...
Ne pouvant terminer sa phrase, il détourna les yeux, soudain mal à l'aise d'avoir décidé de lui en parler. Il aurait du la laisser regarder la vidéo sans rien lui dire, elle aurait bien compris, c'est une fille intelligente après tout. Sam, achevant mentalement la phrase de son supérieur, se figea. Un silence pesant s'installa dans la pièce. Heureusement, un petit bip les fit revenir à la réalité rapidement.
- Ca y est, la vidéo est prête, lui indiqua-t-elle, je vais vous laisser, c'est préférable.
- S'il vous plait … Sam …
Puis la fixant dans les yeux intensément il ajouta simplement.
- Restez !
Touchée de le voir si ... elle ne trouvait pas le mot, elle s'installa à ses côtés et tourna l'écran de l'ordinateur vers eux. Pourquoi avait tant insisté pour qu'elle reste ? Qu'allait-elle voir ? Voulait-il d'elle à ses côtés ou simplement de quelqu'un ? Etait-ce pour la partie "intime" qu'il lui demandait de rester ? Ou pour l'enlèvement de son ex-femme ? Une fois encore, la machine à penser Samantha Carter s'était mise en route. Elle mit la vidéo en marche, l'écran divisé en plusieurs fenêtres montrait chaque pièce de la maison, mais également le jardin et l'allée devant le domicile du Général. Dans le salon, on pouvait apercevoir le militaire assis dans un fauteuil, un cadre à la main. Jack s'empara de la souris, et cliqua sur l'image du salon afin de la faire apparaître en grand.
- C'est une photo de Charly, murmura-t-il
Puis il accéléra le défilement de la bande, il savait que ce serait long, très long et sans intérêt. Sam jeta un oeil au timer, la vidéo avait commencé aux alentours de 15h00.
- Y'en a pour un bon moment, ajouta-t-il doucement
En effet, il y'en avait pour un bon moment, pensa-t-elle en voyant défiler les minutes à vitesse rapide. Il resta des heures sans sembler esquisser le moindre mouvement, les yeux rivés sur l'enfant ainsi immortalisé sur papier glacé. Puis quand arriva 19h30, il ralentit le rythme des images et repassa sur la mosaïque d'écrans. Après quelques instants on le vit se lever et se diriger dans le couloir de l'entrée et attendre. Il patienta quelques minutes, le dos appuyé contre la porte d'entrée.
- Je l'attendais, commenta-t-il, je savais qu'elle allait venir ... elle vient toujours ... ou alors c'est moi qui vais la voir, ça dépend, ajouta-t-il plus douloureusement.
Sam commençait à comprendre pourquoi il voulait tant qu'elle reste, non seulement il partageait de plein gré avec elle une journée particulièrement éprouvante, mais en plus il lui expliquait ce qu'elle ne pouvait pas comprendre par des images. Jack O'Neill lui ouvrait son cœur. Elle n'aurait jamais cru cela possible, pas comme ça, pas si soudainement, elle l'avait espéré, bien sûr, mais doutait un jour d'y parvenir. Cela la bouleversa. Puis l'homme à l'image bougea, ouvrit la porte lentement et des voix s'élevèrent légèrement. "Bonsoir Sara" "Bonsoir Jack" "Je t'attendais, entre !". La suite défila sous leurs yeux, Sara le regard perdu dans le salon avec sa bière, Jack préparant le repas, le dîner, puis ils desservirent la table. Ils n'avaient pas échangé un mot. Sam se tourna alors vers son supérieur, une interrogation muette dans le regard. Cela faisait près de 2 heures qu'elle était arrivée et ils n'avaient fait que se saluer. Ils ne se parlaient pas. Sentant sa voisine se questionner, jack dit calmement.
- On n'a pas besoin de parler, on sait, on est les deux seuls à savoir.
Ca, elle pouvait l'imaginer aisément, seuls les parents pouvaient savoir ce qu'ils avaient perdu, comment ils l'avaient perdu, toute la peine et la culpabilité qui devaient en découler. Elle ne lui répondit rien, elle ne voulait pas le brusquer, l'offenser par une parole maladroite. Elle partageait, elle aussi, en silence, toute la douleur qu'elle imaginait enfouie au plus profond de son être.
La scène continua, les deux protagonistes se retrouvèrent sur le canapé, enlacés l'un à l'autre, elle pleurait dans ses bras. Cette vision était tellement forte, tellement poignante, que Sam se sentit elle aussi au bord des larmes. Elle restait les yeux fixés sur cette douleur exprimée en toute pudeur, sur cet abysse de souffrance.
Son cœur sembla se glacer d'un coup lorsqu'elle vit le soulèvement d'épaules de l'homme dans un sanglot. Instinctivement Sam pris la main de Jack dans la sienne et ils entrelacèrent leurs doigts naturellement. Puis les parents éplorés s'écartèrent légèrement l'un de l'autre et s'essuyèrent mutuellement leurs larmes. Jack serra davantage la main de sa voisine. Ca y est, elle le voit, il se voit. Il réalise en regardant son image à quel point il avait eu besoin à ce moment là d'évacuer un peu de son chagrin. Il réalise qu'elle est là près de lui et qu'elle partage autant qu'elle le peut sa douleur. Du pouce, elle se mit à caresser le dos de sa main. Il se tourne alors vers elle et aperçoit furtivement une larme solitaire rouler le long de sa joue pâle. Dieu qu'il l'aimait. Elle ne pouvait pas ressentir ce qu'il ressentait mais semblait vouloir absorber le plus possible de cette peine indicible afin de soulager un peu son cœur à lui.
Elle continuait de voir les images défiler, observa le léger baiser que Sara déposa sur les lèvres de son compagnon sans ciller. Ce geste était tellement doux, tellement beau, tellement lourd de signification. Cela la toucha en plein cœur de voir deux ex-mari et femme tout mettre de côté pour partager leur peine et pleurer leur enfant. Cette réminiscence de leur passé commun l'émut encore un peu plus.
Puis le couple se dirigea dehors, Jack bascula l'image afin d'observer la suite, puis posa à nouveau son regard sur la jeune femme blonde. Elle semblait envoûtée par les images, par leur lien, par cette soirée si intense. Peu à peu elle vit la femme s'enfoncer dans son sommeil et suivit le parcours de l'homme, qui, son fardeau dans les bras, la porta jusqu'à son lit. Le baiser qu'il déposa sur son front fit tressaillir Sam. Leurs mains toujours enlacées, se caressant, le militaire s'en aperçut mais continua docilement ses caresses du pouce. C'est tout ce qu'ils échangeaient ce soir, des caresses délicates, mais c'était tellement précieux, cela signifiait tellement plus qu'un simple frôlement répété.
L'homme redescendit les escaliers, arriva au salon, et c'est à cet instant que le téléphone sonna. O'Neill sentit son second se crisper et l'entendit murmurer.
- Oh, non ...
- Ce n'est rien, Sam, ce n'est rien, répéta-t-il faiblement, comme pour ne pas la brusquer.
Elle se retourna vers lui, accrochant son regard.
- Pardon, dit-elle d'une voix étranglée, tandis qu'une seconde larme silencieuse lui échappait.
Il fit alors, ce qu'il avait fait quelques jours plus tôt avec son premier amour. Il effaça d'un geste délicat cette douloureuse perle salée en lui chuchotant.
- Il n'y a rien à pardonner, vous ne saviez pas, personne ne savait.
Le regard toujours ancré au bleu perçant de ses yeux, il lui fit un maigre sourire. Elle tenta d'y répondre mais le cœur n'y était pas. Comment avait-elle put l'appeler à ce moment là ? Comment avait-elle put le déranger ce jour là ? Toutes les invasions aliens de la galaxie ne valaient pas d'interrompre un tel moment de deuil. Comment avait-elle put le sortir de ça pour des codes informatiques ?
- Stop ! Arrêtez de vous torturer, je vous dis que ça va, déclara-t-il simplement d’une voix douce, comme s'il pouvait lire en elle.
- Mais ...
- Le film n'est pas fini, ce n'est que l'entracte, coupa Jack se tournant de nouveau vers l'écran.
Elle en fit de même et la mosaïque défila à nouveau à vitesse rapide. Puis lorsqu'une ombre se dessina dans l'entrée le général remit la vidéo à vitesse normale. Il suivirent la progression de trois hommes entièrement vêtus de noir, gantés, cagoulés. Ils montèrent directement les escaliers sans bruit et se dirigèrent droit vers la chambre. Le premier homme se précipita sur le lit, se mit à califourchon sur Sara afin de l'immobiliser. Mais, réveillée brusquement par l'assaut, elle se débattit et cogna dans le chevet, renversant du même coup la lampe et le cadre posés là, elle se mit à crier et un poing la frappa en pleine figure, l'assommant d'un coup.
- Les salauds, lâcha Jack, serrant un peu plus la main de Sam dans la sienne.
Un deuxième homme chloroforma le corps inerte, et tout s'enchaîna rapidement ils l'attrapèrent, descendirent les escaliers sortirent de la maison et grimpèrent dans une camionnette noire des plus banales, sans plaques. Le véhicule démarra en trombe. Il était 2h47 du matin.
L’esprit militaire de Sam revenant aussitôt au galop, elle récapitula.
- Trois hommes, pas d'empreintes, impossibles à identifier par la vidéo, professionnalisme évident, sans parler des caméras installées certainement depuis longtemps chez vous. Il n'y a aucun doute qu'ils font partis d'une bande organisée cherchant à vous nuire à vous ou, plus probablement au SGC.
- C'est pas vrai, dites-moi que je rêve, s'emporta-t-il en se levant pour faire les cent pas, c'était notre seule piste et rien. Je ne vais pas la laisser crever entre leurs mains !
- Tout n'est pas perdu mon général ! Avec l'heure et le signalement du véhicule je peux pirater le système de vidéo-surveillance de la ville et les suivre à la trace. Ca va encore prendre un peu de temps, mais on va y arriver, je vous le promets.
- Je sais Carter, excusez-moi de m'emporter ainsi mais ...
- C'est à moi de m'excuser, Monsieur, c'est de ma faute si je ne vous avais pas appelé, ils ne l'auraient pas enlevée et ...
- Ne dites pas n'importe quoi, trancha-t-il d’un ton sans appel, la faute en revient uniquement à ces espèces de ... de ...
Il ne put finir sa phrase et se rassit en s'enfonçant le plus profondément possible dans son siège, il semblait porter le poids du monde sur ses épaules. Il remit les images en vitesse rapide et s'arrêta de nouveau quand il se vit rentrer chez lui à la recherche de Sara.
- Allez vous coucher, Monsieur, vous êtes épuisé, on n'apprendra rien de plus en regardant la suite. Cela ne sert à rien de vous tourmenter ainsi.
- Je sais Carter. Et vous aussi, vous devriez aller dormir.
- Je vais lancer mon programme de piratage, je n'en ai pour quelques minutes.
- Non Carter, maintenant ! Vous êtes sur le point de tomber, on a besoin de vous en pleine forme demain. Et je vous connais si je vous laisse faire avec vos quelques minutes, demain matin, je vous trouverai encore affalée sur votre bureau ! Venez ! Répliqua-t-il en se dirigeant vers la porte
- Accordez-moi 10 minutes, mon programme travaillera tout seul toute la nuit mais il faut que je le lance.
- Carter !!! Gronda le général.
- Restez pour me surveiller si vous voulez, je n’en ai que pour 10 minutes, juré !
Le sourire éclatant qu’elle lui servit fini de le convaincre de, effectivement la surveiller. Il lui concéda en revenant s’asseoir près de son second.
- OK, mais 10 minutes, pas 11 ! concéda O’Neill en revenant s’asseoir près de son second.
25 minutes plus tard, ils sortirent ensemble du labo, le général râlait pour la forme en se disant qu’une fois encore il s’était fait avoir. Puis ils se dirigèrent vers leurs quartiers en silence. Ils arrivèrent devant ceux de la jeune femme. Jack lui attrapa délicatement le bras pour la faire se tourner vers lui.
- Je voulais vous dire ... que ... j'ai beaucoup apprécié votre soutien ce soir, Sam, prononça-t-il butant un peu sur ses mots.
- Et moi que je suis heureuse que vous m'ayez à ce point fait confiance, sur le plan personnel j'entends, lui confessa-t-elle.
Il se pencha délicatement vers elle et déposa un tendre bisou sur sa joue et murmura.
- Bonne nuit, Sam.
Il se recula, mais elle ne lui laissa pas le temps de s'échapper et lui rendit sa délicatesse, en déposant elle aussi un baiser sur sa joue râpeuse, chuchotant à son tour.
- Bonne nuit, Jack.
Ils se sourirent largement et elle rentra dans ses appartements. Elle s'effondra sur son lit repensant à tout le lot d'émotions qu'elle avait ressenti ce soir. Drame, deuil, peine, douleur, horreur, rapprochement, bien être, amour, futur ? La fatigue physique accumulée ces derniers jours à travailler comme une forcenée et la fatigue mentale liée à toutes ces émotions condensées en un seul soir, eurent raison de son éveil et lentement elle sombra dans un sommeil sans rêve.
Le général tournait, retournait, ressassait lui aussi tout ce trop plein d'émotion, et n'arrivait plus à réfléchir. Il laissa dériver ses pensées à leurs grés et après un long moment, finit lui aussi par tomber dans les bras de Morphée.
Lorsqu'il s'éveilla le lendemain, la première chose qu'il fit après s'être préparé, fut de se rendre au laboratoire. Il y trouva son second déjà au travail et l'air radieux bien que fatigué.
- Carter, gronda-t-il.
- Bonjour Mon Général, répliqua-t-elle, un sourire lumineux aux lèvres.
- Vous avez dormi combien de temps ?
- 3 heures, pourquoi ?
- Vous êtes infatigable ma parole !
- Mais efficace, répondit-elle taquine, j'ai pu commencer à retracer le parcours de la camionnette.
- C'est une très bonne nouvelle ça ! Changeant de conversation, il ajouta d’un air accusateur, vous avez mangé ce matin ?
- C'est à dire, avoua-t-elle coupable, je n'ai pas eu vraiment le temps.
- Venez, on va au mess, et c'est un ordre Colonel !
Sachant que quand son grade était cité, il ne pouvait y avoir de discussion, elle s'exécuta aussitôt. Ils s'attablèrent auprès de Daniel et Teal'c qui venaient de rentrer de leur calme mission. Jack et Sam se relayèrent pour les tenir informer de la situation, ils compatirent au sort de Sara et râlèrent de ne pas avoir été prévenu plus tôt, surtout Daniel. Après s'être informés dans les moindres détails des circonstances de l'enlèvement, ils s'inquiétèrent de la progression de l'enquête. Une fois briefés et le copieux petit déjeuner avalé, ils se rendirent tous au labo pour continuer les recherches.
L'efficacité des quatre membre de l'équipe aidant, ils avancèrent rapidement dans leurs recherches, suivant peu à peu le parcours de la camionnette à travers les rues de la ville. Ainsi, en fin de matinée, ils virent le véhicule des ravisseurs de Sara entrer dans une zone industrielle, au Nord de la ville. Après un rapide déjeuner, ils se remirent au travail et Sam dut contourner le système de sécurité indépendant de la zone. C'est en milieu d'après midi qu'ils repérèrent l'entrepôt dans lequel la camionnette avait pénétré.
Un briefing fut immédiatement organisé, et l'ancienne SG-1 sous la coupe du général Hammond, monta une opération de sauvetage. Il fût décidé qu'ils agiraient à la tombée de la nuit par souci de discrétion, et tous furent consignés dans leurs quartier jusqu'en fin d'après-midi. Chacun se reposa, reprenant des forces afin d'assurer au maximum lors de l'assaut qui allait suivre.
L'attaque fut brève, et le dénouement rapide. SG-1, accompagnée de 6 volontaires du SGC, encercla le bâtiment après une brève reconnaissance des lieux. Divisés en 3 équipes, SG-1 s'occuperait de l'entrée principale et SG-3 de la porte de derrière, ils agirent simultanément sous les ordres du Général O'Neill. La troisième équipe étant composée du docteur Brightman et d'une infirmière militaire, elles attendraient un signal pour entrer. L'un des mots d'ordre, était bien sûr de ne tirer qu'en cas d'absolue nécessité, ceci pour éviter de blesser Sara, mais aussi pour faire parler plus tard le ou les prisonniers. Armes aux poings, SG-1 pénétra dans l'entrepôt, se déployant à couvert derrières des caisses et bidons occupant l'espace, puis un coup de feu retentit. L'un des trois hommes présent les avait repérés. La détonation alertant ses complices, ils commencèrent tous à faire feu en direction de l'équipe du général. Sara se positionnant derrière ses agresseurs, SG-1 ne put répliquer aux tirs essuyés.
O'Neill commençait à donner des ordres silencieux dans ses gestes militaires quand tous entendirent la voix de Reynolds résonner.
- Situation sous contrôle, Général !
SG-3, arrivant par l'arrière du bâtiment, profita de la diversion malencontreusement fournie par SG-1 pour surprendre les ravisseurs et les abattre avant qu'ils ne puissent esquisser un mouvement en leur direction. L'équipe se releva alors et se dirigea vers les lieux de l'action. O'Neill qui s'était mis à courir, ordonna.
-Carter, occupez-vous d'eux ! Prenant son talkie en main il ajouta, Brightman, entrez, il y a des blessés !
Puis continuant sa course jusqu'à son ex femme, il la libéra de ses entraves et du bâillon qui lui meurtrissait la bouche. Elle était dans un sale état, des hématomes sur le visage, un oeil enflé et violacé, des coupures aux lèvres et à la joue, les poignets abîmés par ses liens. Elle était inconsciente. Doucement il l'allongea au sol et commença à inspecter ses blessures lorsque l'infirmière vint le relayer.
- A première vue rien de trop grave, lui certifia-t-elle quelques instants plus tard, elle devrait se remettre, avec le temps.
Brightman s'affairait sur l'un des hommes à terre, tandis que le reste du personnel était sur le qui-vive, déployé dans le bâtiment. Carter, qui assurait la sécurité du Docteur lui résuma la situation.
- 2 morts et un blessé grave, mon général, la zone est sécurisée.
- Mieux vaut ne pas traîner, répondit-il. Faites appeler l'ambulance, on rapatrie tout le monde à la base.
- Tout de suite mon Général !
Jack passa la nuit au chevet de Sara et ne se préoccupa pas une seule seconde du monde extérieur à cette chambre. Elle se réveilla douloureusement le lendemain matin sous le regard soulagé de son ancien mari. Elle ouvrit péniblement les yeux et quand elle le vit, fondit en larmes. Il prit sa main dans la sienne et la porta à sa bouche pour y déposer un baiser rassurant.
- C'est fini Sara, ce cauchemar est terminé.
Elle le regarda à travers ses larmes et réalisa enfin que, oui, tout était fini, il l'avait sauvée.
- Je savais ... murmura-t-elle se calmant un peu ... je savais que tu viendrais.
- Evidemment que je viendrais, répondit-il doucement, je n'allais pas te laisser là-bas.
- Merci.
- Repose-toi, essaye de dormir, je repasserai tout à l'heure, dit-il en se levant.
- Non Jack ! S'il te plaît, reste encore un peu, supplia-t-elle.
Il se rassit, et chose qu'ils n'avaient pas faite depuis des années, ils parlèrent. Sara fit rapidement dévier la conversation sur sa captivité et Jack l'écouta longuement parler de ces 4 jours d'horreur. Rien ni personne ne semblait pouvoir l'arrêter, elle se libérait de toute cette expérience dans un flot de paroles et de détails. Réveillée brutalement par l'attaque, elle ne se rappelait ensuite que de l'entrepôt, des questions qu'ils lui posaient, du froid, de la peur qui l'envahissait. Elle était terrifiée, perdue, elle ne savait pas ce qu'elle faisait là, mais elle savait instinctivement que tout pouvait basculer très rapidement.
Tout avait changé quand elle leur avait avoué qu'elle ne le voyait que très rarement et que leurs contacts n'étaient qu'un souvenir de leur mariage. Ils avaient alors commencé à la frapper pour la faire parler de lui, de ses points faibles, ses habitudes, ses relations, son travail ... Elle ne savait pas et les coups pleuvaient. Les questions continuaient, le manque de réponses les agaçait. Ils la laissaient se reposer une ou deux heures puis recommençaient avec les mêmes questions et elle donnait les mêmes réponses. Elle avait perdu toute notion de temps et fut surprise d'avoir seulement passé 4 jours là-bas, il lui avait semblé au moins une semaine voire deux.
Elle était déshydratée, choquée et avait trois côtes cassées mais son état général était bon, elle devrait rester dans sa chambre isolée jusqu'au lendemain soir. Elle posa des questions sur ses ravisseurs et Jack ne put y répondre. Il lui avoua seulement que c'était pour faire pression sur lui en temps que commandant de la base. Il lui indiqua également que deux de ses agresseurs étaient morts et que le troisième était dans le coma pour l'instant.
Jack passa toute la journée à ses côtés, ne s'éloignant que pour aller lui chercher à manger et tandis que le docteur Brightman veillait à son prompt rétablissement. Le général lui expliqua comment ils l'avaient retrouvée, à quel point son équipe s'était investie pour la retrouver le plus rapidement possible, surtout Carter. Ces discussions leur fit beaucoup de bien, ils avaient l'impression de se retrouver, depuis le temps qu'ils s'étaient perdus.
En fin de soirée, elle demanda si elle pouvait voir le dénommé Carter afin de le remercier. Jack souriant lui déclara.
- Je lui dirai de passer te voir demain, IL sera ravi de faire ta connaissance, mais pour le moment, il faut que tu te reposes.
- Merci Jack !
- Ferme les yeux, je reste jusqu'à ce que tu t'endormes.
Le lendemain, au début de l'après-midi, une belle jeune femme blonde aux yeux couleur océan entra dans l’infirmerie. Jack croisa son regard quelques secondes, lui sourit puis déclara joyeusement.
- Bien Mesdames, je vous laisse papoter, à tout à l'heure !
Jack se leva et sortit de la pièce. La militaire s'approcha du lit et se présenta.
- Bonjour, Samantha Carter, le général m'a dit que vous vouliez me voir.
- Carter ? S'étonna-t-elle.
- Appelez-moi Sam, je vous en prie.
- Sacré Jack, il ne changera jamais, sourit-elle doucement
- Pardon, répondit la colonel, surprise.
- Quand j'ai demandé à vous voir, je pensais que vous étiez un homme, et il ne m'a pas détrompée.
- Ah, cela ne m'étonne pas de lui ça ! déclara-t-elle en souriant.
- C'est sur que ça lui ressemble assez. Au fait, moi c'est Sara, enchantée.
Cette petite plaisanterie de Jack avait instauré un climat chaleureux. Elles se sourirent quelques instant puis Sam lui demanda comment elle allait.
- Je vais bien ... mieux, en fait serait plus approprié, mais ça va aller, ajouta-t-elle.
- Je comprends, ne vous inquiétez pas, d'ici quelques temps, ce ne sera qu'un mauvais souvenir et vous finirez par oublier, répondit Sam avec douceur.
- Je l'espère, confessa-t-elle, le plus dur, ce sont les cauchemars, ils semblent si réels.
- Ils s'estomperont eux aussi avec le temps, il faut prendre le temps et tout rentrera dans l'ordre.
- Ce ne sont pas que des conseils, n'est ce pas ? Vous savez de quoi vous parlez, demanda Sara perspicace.
- Eh bien … ce sont des choses qui peuvent arriver, en effet, ça fait partie du job, plaisanta la scientifique.
- Je suis désolée de vous embarrasser avec ça.
- Non, non, je vous en prie, nous sommes entraînés pour ça, pas vous, c'est normal de se poser des questions. Et nous sommes bien placés pour donner des réponses, alors ...
Elles continuèrent sur le sujet de longues minutes, Sam la rassura au mieux sur l'après-captivité, puis Sara retraça les grandes lignes de sa détention. La conversation dériva sur la vie de femme-militaire de Sam, puis peu à peu, elle prit un tournant plus personnel. Elles parlèrent de leur vie en général, de tout et de rien, puis finalement elles en arrivèrent à Jack.
- Il était très inquiet, il tient beaucoup à vous, vous savez !
- J'imagine oui, vous savez, ce qu'il y a entre nous c'est éternel, ce n'est plus de l'amour mais c'est là, et ça le restera toujours, quoiqu’il se passe, on est liés par Charly, dit gravement Sara. Puis tentant de détendre à nouveau l'atmosphère, elle ajouta.
- Comment tu ... vous le décririez ?
- Le "tu" sera parfait, cela ne me dérange pas, au contraire. Mais comment je décrirai qui ? Le Général ?
- Oui, Jack, comment est-il ?
- Oh, c'est une bonne question, répondit Sam un peu gênée de la question. Vous ... tu en sais beaucoup plus que moi sur le mystère Jack O'Neill.
- Oui, je savais beaucoup de choses, mais maintenant je ne sais presque plus rien. Il a du beaucoup changé ces dernière années ! Depuis … Charly …
- Disons qu'il est ... digne de confiance, droit, loyal, fidèle en amitié, sait garder son sang froid, se fait passer pour moins intelligent qu'il ne l'est, indéchiffrable, drôle, professionnel, le meilleur chef que j'ai jamais eu, rassurant, exigeant envers lui-même et envers les autres ... borné, sarcastique et froid parfois, ajouta-t-elle mi-sérieuse.
- Pas mal comme description, commenta Sara.
- Et toi alors, comment le décrirais-tu ?
- Hum, laisse moi réfléchir un peu ... généreux, attentionné, inventif, romantique, dévoué, secret, modeste, aimant, démonstratif ... borné, sarcastique et froid parfois.
Elles sourirent toutes deux à ces dernières paroles. Mais Sam n'en revenait pas de la description de Sara, bien sûr elle se doutait qu'elle ne connaissait qu'une toute petite partie du complexe Jack O'Neill, mais elle ne s'attendait pas à des « attentionné, romantique, aimant et démonstratif ». La civile observant son interlocutrice, devina qu'elle était surprise.
- Mon petit discours te perturbe, on dirait.
- Non, ce n'est pas ça ... enfin oui un peu, concéda-t-elle. C’est que c'est si ... inattendu.
- C'est tout Jack ça, mais c'est ce qu'il était … avant … et pour moi, maintenant, les choses ont changé. Il a du s'endurcir avec les années, mais au fond, c'est vraiment ce qu'il est, j'en suis persuadée.
- Je ne sais pas, c'est difficile à dire.
- J'ai vu cette petite flamme dans ses yeux, quand il s'inquiète pour moi ou quand il parle de toi, je ne comprenais pas, croyant que tu étais un homme, mais maintenant je sais. Je sais que son cœur bat pour moi, en souvenir de nous, de notre Charly, mais je sais qu'il bat aujourd'hui avant tout pour toi.
- Tu te trompes, il n'y a rien entre nous, répliqua-t-elle rapidement en rougissant, soudainement très mal à l'aise.
- Peut être, mais pourquoi, est ce que je peux voir la même chose dans tes yeux alors ?
Au pied du mur, Sam ne put que rougir un peu plus. Etait-ce si évident que ça pour qu'une inconnue la démasque en quelques heures ? Enfin une inconnue, pas vraiment car même si elle ne la connaissait pas, elle connaissait Jack et autrefois elle avait été son autre moitié, un peu comme elle pouvait l'être aujourd'hui. Ne sachant que répondre, elle balbutia.
- C'est compliqué.
- J'imagine, écoute, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise mais Jack a des sentiments pour toi, je le sais. J'ai vu la façon dont il t'a regardé tout à l'heure et j'ai reconnu ce regard, il avait le même pour moi à une époque, et encore … Réfléchis-y, c'est tout, parce que toi aussi tu l'as regardé d'une façon bien particulière, et je te jure, que passer à côté d'un Jack O'Neill, ce serait vraiment dommage.
- Je ... merci du conseil, concéda-t-elle nerveusement.
Souhaitant changer de conversation pour retrouver la complicité qu'elles avaient pu partager ensemble, Sara demanda alors.
- Tu sais à quelle heure je pourrais sortir ?
- Dès que le Docteur Brightman t'aura examinée une dernière fois, dans la soirée probablement, répondit Sam, soulagée de passer à autre chose.
- Il est coriace ce médecin, je ne sais pas combien de tests elle a pu me faire, mais elle doit adorer ça pour en faire autant.
- Ca je le sais, à chaque fois que nous rentrons de mission on y a droit, tu aurais dû voir le colonel, à l'époque, il râlait tout le temps, dit-elle en riant.
- J'imagine, il a toujours eu horreur des piqûres et des médecins.
C'est le moment que choisit le général O'Neill pour faire son entrée dans la pièce après avoir frappé. Il trouva les deux femmes assises sur le lit, l'une en face de l'autre, en train de se sourire doucement, elles avaient l’air de passer un bon moment. La scène semblait communicative, puisque aussitôt il abhorra un sourire et déclara.
- Sara, tu es très forte, je n'ai jamais vu quelqu'un tenir Carter éloignée de son labo aussi longtemps.
- Merci Jack, dit-elle un sourire aux lèvres.
- Dites, on ne rigole pas de moi au moins ? S'inquiéta-t-il.
- Non mon Général, on n'oserait pas, déclara Sam le plus sérieusement possible.
- Je vois ... Et qu'est ce qui vous fait rire Mesdames ?
- Toi et ton amour des piqûres, Jack. Répondit malicieusement Sara.
- Je commence à regretter de vous avoir laissées toutes les deux, moi !
Ils discutèrent encore quelques minutes puis Sam décida qu'il était temps pour elle de retourner au travail.
- Bien, je vais vous laisser.
- Attends Sam, je ne t'ai même pas dis la raison pour laquelle je voulais te voir.
- Tu plaisantes Sara, ça fait plus de trois heures que vous êtes là ! S’indigna O’Neill.
- Je sais, mais que veux-tu ? Deux femmes ensemble, ça papote, lâcha-t-elle taquine. Non plus sérieusement, si j'ai demandé à te voir Sam, c'était pour te remercier de tout ce que tu as fait pour me retrouver, c'est grâce à toi si je suis encore en vie aujourd'hui. Jack m'a dit à quel point tu t'étais investie et ça me touche beaucoup.
- Ce que le général ne t'a certainement pas dit, c'est que c'est de ma faute si tu t'es fait enlever, alors vraiment, y'a pas de quoi me remercier, répliqua Sam.
- Carter, tonna O'Neill perdant patience, vous êtes sensée être la personne la plus intelligente de cette planète, mais à entendre de telles inepties sortir de votre bouche, je me demande si vous méritez votre salaire ! Arrêtez avec ça, je vous l’ai déjà dit !
L’air menaçant qu’il affichait, et les paroles si dures qu’elle venait d’entendre et le ton impitoyable qu’il avait pris lui glacèrent le cœur. Une lueur de défi dans le regard, elle répliqua.
- A vos ordres, en se mettant ironiquement au garde à vous.
- Carter ! Menaça-t-il d’un ton très dur, on reparlera de ça plus tard !
- Au revoir Sara, rentre bien, prend le temps surtout ... et merci pour tout, ajouta-t-elle.
- Merci à toi Sam ! Répondit Sara mal à l’aise.
Sur ce, Carter sortit de la pièce vivement et laissa les ex-époux seuls. Sara se retourna vers Jack l’air fâchée et l’accusa.
- C'était quoi ça ?
- Ca quoi ?
- Cette façon dont tu l'as engueulée.
- Mais je ne l'ai pas engueulée, nia-t-il.
- Tu plaisantes, tu m'aurais parlé comme ça, je t'aurais giflé, supérieur ou pas !
- Peut être, mais ce n'était pas à toi que je parlais et tu n'es pas militaire sous mes ordres, ça ne te regarde pas.
- Je crois que si au contraire, pourquoi est ce qu'elle se sent coupable ?
- Rah, les femmes ! Il ajouta levant les mains au ciel, pourquoi toujours tout vouloir savoir sur tout ?
- …
- Parce que c'est elle qui m'a rappelé à la base cette nuit là, voilà, satisfaite ?
- Non, pas vraiment. Tu es vraiment odieux, elle se sent coupable de mon enlèvement et toi tu en rajoutes en lui passant un savon ! Tu crois vraiment que c'est comme ça que ça va s'arranger ?
- Mais que veux-tu que j'y fasse, moi ?
- Va la voir, excuses-toi et expliques-lui les choses, elle finira bien par entendre raison, c'est une fille intelligente, tu l'as dit toi même.
- Mais bornée !
- Ca me rappelle vaguement quelqu'un, dit-elle malicieusement. Puis, préférant passer à autre chose avant qu'il ne s'en prenne à elle, elle ajouta, dis-moi il va venir quand ton docteur de malheur que je puisse sortir !
- Dans une heure et si tout va bien je te ramène après.
- Je vais enfin pouvoir rentrer chez moi ! S'exclama-t-elle soulagée.
- Euh oui, à propos de ça, je voulais te dire, je t'ai fait placer sous système de protection des témoins, le temps que l'affaire s'éclaircisse. Tu devras quitter la ville quelques temps.
- Tu plaisantes ? C'est hors de question.
Le Général O'Neill débattit avec elle, jusqu'à l'arrivée du médecin, lui expliquant la suite et qu'elle n'avait pas le choix, que c'était pour sa propre sécurité. Puis le médecin donna son accord et O'Neill raccompagna Sara jusqu'à l'héliport de la base ou elle fut prise en charge par un autre militaire. Ils se dirent au revoir puis elle lui rappela.
- Va la voir, elle n'a pas besoin que tu lui hurles dessus, mais de ton soutien. Il me semble avoir compris qu'elle t'a soutenue il n'y a pas si longtemps !
Sur ces dernières paroles, elle grimpa dans l'hélicoptère et s'envola pour une destination inconnue, même pour le Général. Retournant à la base, il réfléchissait à ce que Sara lui avait dit. Il concéda mentalement le rôle de son second ces derniers jours et se sentit tout à coup légèrement stupide. Elle s’était donné beaucoup de mal pour retrouver Sara et avait été extraordinaire lors du visionnage de la vidéo, tellement humaine et dénuée de jugement. Il décida d'aller la voir aussi sec pour éclaircir les choses. Passa à son labo, au mess, puis à ses quartiers. Personne. Il alla voir Daniel dans son bureau.
- Daniel ?
- Bonsoir Jack ! Répliqua l’archéologue en levant le nez de ses papiers.
- Vous n'auriez pas vu Carter par hasard ?
- Bonsoir Jack !
- Bonsoir Daniel, lui accorda-t-il enfin agacé, vous n'auriez pas vu Carter par hasard ?
- Qu'est ce que vous lui avez encore fait ?
- Daniel ! Gronda-t-il, je ne suis pas d'humeur.
Il ne répondit rien, se contentant de fixer son ami tout en remontant ses lunettes sur son nez.
- Je n'ai pas le temps pour ces petits jeux Daniel! Et d'abord, qu'est ce qui vous dit que je lui ai fait quelque chose ?
- Vous faites toujours cette tête là quand vous avez fait une connerie ! Répondit-il le plus simplement du monde s’intéressant de nouveau à ses documents.
Voyant l’air déterminé de son jeune ami, il lâcha finalement.
- Je l'ai engueulée pour rien, satisfait ?
- Hum, non, elle est rentrée chez elle, elle n'avait pas l'air en grande forme.
Sans attendre d'en savoir plus, il fila vers ses quartiers, se doucha rapidement, revêtit des habits civils et sortit de la base en moins de temps qu'il n’en faut pour le dire. Il se mit au volant de sa voiture et fila vers le domicile de son second. Arrivé devant sa porte, il se demanda enfin si c'était une bonne idée de débarquer chez elle à l'improviste, juste après l'avoir enguirlandée devant son ex. Bon, c'est pas maintenant que tu es là qu'il faut te poser la question, idiot, tu es là, fonces, se persuada-t-il. Il sonna et quelques instants après, une jeune femme pieds nus, vêtue d'un petit short noir et d'une chemise d'homme lui ouvrit. L'air surpris qu'elle afficha fini de le convaincre que c'était une mauvaise idée d'être venu chez elle. Elle le fixait durement et n’avait à priori pas l’intention de le laisser entrer.
- Bonsoir Carter, dit-il simplement
Elle ne bougea pas d’un iota, continuant de le regarder impitoyablement. Que faisait-il là ? Quel culot d’oser venir ainsi chez elle la bouche en cœur après ce qu’il lui avait craché au visage. N’obtenant pas de réponse à son salut, il sut que la partie n’était pas gagnée d’avance.
- Je voudrais vous parler … je pourrais entrer quelque instants, s’il vous plait ? Quémanda Jack.
Elle le dévisageait toujours le regard froid et mit quelques secondes à se décider. Elle s'écarta finalement pour le laisser entrer et le guida d'un geste de la main vers le salon après avoir refermé la porte. Il s'installa sur le canapé et, après avoir fait un détour par la cuisine, elle le rejoignit au salon avec deux bières à la main et lui en donna une, toujours sans un mot. En décapsulant sa bouteille, Sam s'installa à côté de lui à l'autre bout du canapé, puis se positionna face à lui, les jambes croisées en tailleur. Elle attendit. Il avala une lampée de bière puis se tourna vers elle, la fixant des yeux et dit tout d'un trait.
- Ecoutez Carter, je suis désolé pour tout à l'heure, je n'aurais pas du vous crier dessus.
Elle ne répondit rien, continuant de le fixer, une lueur de défi dans les yeux. Ce mur de silence qui lui faisait face le mettait mal à l’aise, il se savait en tort et il se doutait bien qu’elle allait lui en faire baver. Elle ne lui pardonnerait pas si facilement son comportement. Sam elle, lui en voulait, elle lui en voulait même beaucoup, comment avait-il osé la traiter comme ça, devant témoin qui plus est, après ce qu'ils avaient partagé tous les deux ? Un instant elle croyait enfin avoir aperçu l'homme sous le militaire et l'instant d'après ce soldat froid et dur lui revenait en pleine face. Comment pouvait-elle ne serais-ce que ressentir quelque chose pour cet insensible ?
- Carter, écoutez-moi, je suis vraiment désolé, je ne voulais pas vous vexer. Je sais que vous vous en voulez pour toute cette histoire mais je sais aussi que ce n'est absolument pas de votre faute. Et je ne supporte pas de vous voir vous torturer avec ça, ajouta-t-il après quelques instants.
- Cela ne vous donne pas le droit de vous comporter comme vous l'avez fait ! Répondit-t-elle enfin froidement.
- Je … écoutez Carter, … Sam, je sais que je n’aurais pas dû vous parler ainsi, surtout devant Sara mais …
- Mais quoi ??? Vous avez été parfaitement clair il me semble ! S’emporta-t-elle le fusillant du regard.
- Justement non je n’ai pas été clair, je … mes mots ont dépassé mes pensées, Sam, vous savez bien que je tiens à vous et que je …
- Non, je n’en sais rien, vous ne dites jamais rien, et sous prétexte que vous daignez vous déplacer jusque chez moi, je devrais vous pardonner. Vous êtes vraiment … incroyablement prétentieux ! Supérieur ou pas, et entre parenthèses vous pouvez me coller un rapport si vous le voulez, je m’en moque, vous êtes vraiment culotté de venir me narguer jusqu’ici !
- Je vous l'accorde … écoutez, si je suis là c’est reconnaître mes torts, et vous me connaissez suffisamment pour savoir que ...
- Et bien non, JUSTEMENT, je ne vous connais pas ! Coupa-t-elle sèchement.
- Je ne vous comprends plus là, dit-il perplexe.
- Moi non plus je ne vous comprends plus, vous me montrez la plus belle partie de votre âme, volontairement, et peu après vous vous comportez comme un idiot insensible et froid ! Comment voulez-vous que j'y comprenne quelque chose ? S'énerva-t-elle un peu plus.
C'était donc ça, il l'avait vexée par son comportement, mais ce qui la dérangeait le plus, c'est qu'elle ne comprenait plus. Samantha Carter détestait ne pas comprendre. Elle était perdue entre l’homme de la vidéo et le crétin de l'infirmerie. La seule technique qui s'imposa alors à son esprit était celle utilisée d'habitude, l'humour.
- Mais c'est tout ce qui fait mon charme, un idiot insensible au cœur de chamallow ! Mais surtout n'ébruitez pas le cœur de chamallow, cela ruinerai tous mes efforts !
- Vous êtes vraiment impossible, lui lança-t-elle, légèrement calmée par la boutade, vous ne pouvez jamais être sérieux donc ?
- Mais je le suis, Sam, je suis très sérieux. Je vous l'ai dit, je suis vraiment, sincèrement navré de vous avoir mal parlé, c'est pour ça que je suis là, pour m'excuser. Après concernant ce que vous avez vu sur la vidéo, on peut en reparler si vous le voulez, je n'ai rien contre, sinon je ne vous aurais pas demandé de rester ce soir là. Enfin tout ce qui concerne l'idiot insensible, éh bien, vous le connaissez depuis longtemps maintenant, et il répète à l'idiote en face de lui qu'elle n'y est pour rien dans toute cette histoire. Oui, c'est vous qui avez appelé ce soir là, non je ne vous en veux pas de cette interruption, je vous l'ai déjà dit, pas plus que ce n'est votre faute si le serveur a grillé et qu'il fallait bien le remettre en marche. Après pour ce qui est de l'enlèvement, même si j'étais resté toute la nuit, ils l'auraient suivie et l'auraient enlevée le lendemain ou le jour d'après. Le véritable déclencheur dans cette histoire c'est le fait qu'elle me connaisse, peu importe où, quand ou comment, ils la voulaient, ils l'auraient eue. Ni vous, ni moi n'aurions pu empêcher cela. Si vous n'en êtes pas encore convaincue après tout ça, et bien, faites-moi confiance, et croyez-moi sur parole, mais arrêtez de vous tourmenter avec ça, s'il vous plaît !
La seule réponse qu'elle put lui offrir fut un hochement de tête. Ces paroles l'avaient énormément touchée. Pourquoi diable avait-il le don de la déstabiliser autant ? Jack O’Neill qui se confondait en excuses auprès d’elle pour obtenir son pardon, elle n’en revenait pas ! En même temps c’est vrai qu’il y avait été fort de café devant Sara. Ne pouvant plus résister à son air de chien battu qu’il arborait, elle lui fit un mince sourire.
- On fait la paix ? demanda-t-il
- On fait la paix ! Répondit-elle après quelques secondes.
On le disait têtu, mais alors là, elle battait tous les records, cette femme le menait par le bout du nez. Jamais Jack O’Neill ne s’était autant excusé et justifié pour qui que ce soit. Il fallait vraiment qu’il tienne à son « amitié » pour s’être autant aplati devant elle. Maintenant que les choses avaient été quelque peu arrangées, ils pouvaient repartir du bon pied, et quoi de mieux qu’un peu d’humour pour cela.
- Bien ! Vous êtes coriace, la taquina-t-il, il en faut de l'énergie pour vous convaincre, vous m'avez épuisé, lâcha-t-il en buvant une gorgée de bière.
- Pas plus coriace que vous, j'irai même jusqu'à dire que vous êtes borné, répliqua-t-elle d'un ton détaché.
- Moi borné, certainement pas, fit-il semblant de s'offusquer.
- Oh que oui, vous êtes borné !
- Pas autant que vous en tout cas ! Et vous êtes bien la seule personne sur cette terre à la penser, rajouta-t-il de mauvaise foi.
- Demandez donc à Sara ce qu'elle en pense la prochaine fois, laissa-t-elle échapper.
- HAHA ! Je savais que vous aviez parlé de moi, accusa le général un sourire de vainqueur sur les lèvres.
- Non, pas du tout ... enfin un peu, lâcha finalement Sam face à son regard suspicieux.
- Et qu'avez vous appris d'intéressant ?
- Des choses, dit-elle mystérieusement en se concentrant sur sa canette presque vide.
- Sam, gronda-t-il gentiment.
Il était plus que ravi que leur complicité revienne si vite. Cela faisait du bien de retrouver ses repères. Elle lui avait bel et bien pardonné, et ils repartaient du bon pied. Dieu que c’était agréable de lui parler, rien que lui parler était un réel bonheur.
- Eh bien entre autres que vous étiez ... ah c'est gênant ... romantique et démonstratif, dit Sam en se concentrant soudainement sur sa boisson.
- Oui et alors ? Déclara-t-il naturellement.
- Bin … rien, hésita-t-elle mal à l’aise, c'est juste ... inattendu.
- Je suis un homme comme un autre, Sam (non, ça je ne crois pas, pensa-t-elle), j'ai mes défauts, mais j'ai quand même quelques qualités !
- Je me doute bien, mais, vous vous cachez tellement que c'est difficile à imaginer, avoua-t-elle.
- Mais peut être que j'en ai marre de me cacher ! Lança-t-il du tac au tac en la regardant droit dans les yeux. Est-ce que je me cache aujourd'hui ? Est-ce que je me cachais l'autre soir sur la vidéo ? Est-ce que je me cachais quand je vous l'ai montrer ?
- Non bien sur, répondit-elle rapidement, j'apprécie à sa juste valeur quand vous dévoilez l'homme qui se trouve derrière le militaire, c'est ... rassurant.
- Bien … et vous, Sam ? Quelle femme se dissimule derrière la brillante scientifique et la colonel pleine d'assurance ? Demanda O’Neill avec un sourire charmeur.
Elle se leva, lui prit sa canette vide des mains et partit en chercher deux autres. Il patientait, sachant très bien qu'elle allait finir par lui donner une réponse. Elle le servit, se rassit sur le canapé, un peu plus près que précédemment et lui fit avec désinvolture.
- Vous avez combien de temps devant vous ?