Citations du moment :
Were you this annoying when you were ascended? [Carter]
I don?t know. Depends on who you ask. I thought I had a certain je ne sais quoi. Timing was so-so. [Daniel]
Grace
Imagine

Une vie inachevée : Chapitre 1

Auteur : lolo

Titre :Une vie inachevée.

Résumé : La vie peut très vite basculer…

Genre: Drame psychologique (même pas peur !), Romance S/J.

Spoiler : Après Threads.

Disclamer : Tout est à la MGM…sauf moi.

Note : 4eme essais. Je veux essayer un peu tous les genres mais je ne crois pas que celui-ci me convienne le mieux... enfin... je suis encore en période d'essai... alors j'essaye ! On verra bien !

 

Merci à Truk pour sa PATIENCE et son avis pertinent… et à Valhalle pour ses corrections malgré son aversion pour Stargate ! (Vilain, va !)

 

 

 

Aucune réfection n'avait été faite depuis plus de vingt ans dans ce motel miteux du Nevada. Les touristes désertaient le coin depuis bien longtemps. Seuls, les laissés pour compte, les déshérités et autres parias de la société trouvaient refuge dans cet endroit désert et hostile.

Le locataire de la chambre vingt six ne dérogeait pas à cette règle. Débarquant de nulle part, un an plus tôt, cet homme austère, peu enclin à la conversation, restait le plus mystérieux des résidents. Par l'intermédiaire du propriétaire, il s'était déniché un travail de garagiste dans la station essence juste en face du motel. Ne connaissant pas grand chose aux réparations automobiles, le gérant l'avait formé pendant six mois aux rudiments de la mécanique. Désormais sa vie se résumait à traverser la highway en se séparant de sa chambre pour rejoindre son travail et attendre patiemment le client. Peu importe le métier qu'il exerçait, du moment que ses pensées se focalisaient sur autre chose que son passé. Il s'en sortait plutôt bien la journée mais c'est la nuit que ses démons frappaient à sa porte. Alors traînant de bar en bar, il plongeait dans l'alcool pour les noyer avec lui. Déambulant sur la route, il rejoignait sa chambre en baragouinant des histoires que même une personne à jeun manquerait d'imagination pour les inventer. Proche du coma, il s'écroulait sur son lit et son esprit embrumé par l'alcool le laissait dormir tranquillement quelques heures. C'est au réveil que la réalité prenait toute son ampleur, la certitude de s'être trompé de route sans pour autant faire demi-tour, l'acceptation d'une décadence proche de la fin telle une gangrène le dévorant lentement. Généralement il s'activait à sortir de son lit pour éviter que ce genre de réflexions ne lui gâche sa journée, et si un matin elles étaient trop dures à supporter, alors il se jetait sous une douche glacée bloquant ainsi tout raisonnement. Voilà plus d'un an que ses journées se répétaient inlassablement, routinières et sans surprise, elles l'amenaient doucement vers le fond.

Ce matin là fut le même que les autres à une différence près, son passé avait décidé de revenir le voir.

 

Alors qu’il avait la tête plongée sous le capot d'une vielle Mustang que le patron lui laissait réparer pendant son heure de déjeuner, une voiture stationna à la pompe. Trop occupé à démanteler son moteur, il laissa le responsable du garage s'en charger. Attrapant sa clé à pipe, il plongea son bras dans les entrailles du V6.

- Bonjour Jack.

Se redressant précipitamment au son de cette voix, sa tête heurta violemment la tôle. Un cri de colère accompagna sa réaction. En se frottant énergiquement le haut du crâne pour effacer la douleur naissante, il dévisagea le fautif. Vêtu d'un costume gris, cravate bleu et chemise blanche, le tout élégamment porté, l’homme dénotait étrangement avec l'endroit. Décontenancé par ce qu'il voyait, Jack resta sans voix.

- Bonjour, répéta l’homme.

Au lieu d'une chaleur caniculaire comme aujourd'hui, Jack se souvenait d'une pluie diluvienne s'abattant sur son ancienne ville. Il se revoyait sortir précipitamment de sa maison avec cet homme à ses trousses. Sous cette pluie battante qui fendait le ciel, ils s'injuriaient dans la rue. Leurs colères décuplaient pour couvrir le bruit assourdissant de la pluie frappant l'asphalte. Les mots avaient depuis longtemps dépassé leurs pensées. L'homme avait posé brutalement la main sur son épaule pour le retenir dans sa décision. Puis, ce geste, lâche et irréfléchi. Son poing avait percuté la mâchoire de l'individu. La réaction imparable et la violence de l'impact le firent s’écrouler au sol. Sans un regard pour sa victime, il s'était glissé dans son véhicule pour démarrer en trombe et quitter définitivement Colorado Spring.

De là, il avait roulé des jours durant pour creuser une distance qu’il jugerait suffisamment grande pour tirer un trait définitif sur son passé. Sa voiture l'avait conduit au beau milieu de nulle part, dans ce patelin perdu en plein désert où, malgré eux, quelques hommes désoeuvrés s’étaient regroupés. Le coin idéal qu'il lui fallait.

Il avait vendu sa Jeep, à bas prix, jeté les quelques cartes de crédit en sa possession et s'était installé dans l'unique motel de ce lieu. Toute son identité matérielle disparaissait. Seul, un costume militaire accroché dans la penderie et une photo d'un enfant posé sur la table de chevet témoignaient de son ancienne vie. A la vue de l'un, son humeur s'assombrissait à chaque fois, sur des pensées d'un amour perdu, d'amitiés brisées, d'une guerre sans fin. A la vue de l'autre, la peine et la culpabilité ressurgissaient devant cet enfant, fauché trop tôt par la mort.

Malgré la séparation de tous ses biens, il n'en restait pas moins que sa mémoire demeurait ineffaçable. Et l'homme qui se tenait à présent devant lui faisait partie intégrante de sa vie antérieure.

- Daniel… put-il articuler.

- Vous travaillez dans ce garage ? dit-il en parcourant du regard les lieux, jamais je ne vous aurai imaginé mécanicien, ça doit vous changer ?

- Si peu, répondit-il en replongeant la tête sous le capot pour masquer ses émotions.

Daniel haussa les sourcils devant la réaction de Jack.

- Il est impressionnant de voir que le temps est immuable sur certaines personnes, murmura-t-il en croisant les bras.

Il s'approcha de la voiture puis ajouta :

- Je ne suis pas là pour vous pardonner vos actes, Jack, et jusqu'à hier au soir j'ignorais ou vous étiez, dit-il en se penchant pour attirer son attention. Cette nuit, j'ai reçu la visite d'un ami pour m'informer d'une situation des plus catastrophiques et vous seul pouvez y remédier. Alors mettons nos griefs de côtés. Et si c'est possible, j'aimerai m'entretenir avec vous, autre part que sous le capot d'une voiture...

Jack accusa à nouveau le coup. Il faut admettre qu'il ne s'attendait pas à de chaleureuses retrouvailles ni de franches accolades, mais quelque chose clochait.

La nature de cet homme avait foncièrement changé. Il avait connu un ami au coeur sensible, conciliant en toutes circonstances, fervent partisan de l’humanisme, et par sa faute il découvrait un homme plein d'amertume et de rancoeur. Mais il n'était pas sûr que ce changement soit lié uniquement à ses actes.

- Je ne fais plus partie de l'armée, Daniel, dit-il en se redressant.

- Je ne vous parle pas de l'armée, Jack, mais du devenir de l’humanité, répondit-il sèchement.

 

 

 

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L'arrière boutique de la station ressemblait plus à un atelier de réparation qu'à une cuisine. Des pièces détachées couvraient en partie le plan de travail ; attendant patiemment que l'on vienne les chercher pour retrouver leur fonction d'origine, la plupart d'entre elles servait de décoration intérieure. Jack nettoya la table en envoyant un fatras de pièces métalliques rejoindre leurs congénères sur l'établi, et invita Daniel à s'asseoir.

- Vous désirez boire quelque chose ? S’enquit Jack en soufflant à l'intérieur d'un verre pour en faire sortir la poussière.

- Non, j'aimerai en finir rapidement.

- Très bien, alors je vous écoute, Daniel, mais je ne suis pas sûr que tout cela me concerne, répondit-il s'asseyant face à lui.

- Croyez-moi, je ne serais pas là si cela ne vous concernait pas.

Daniel s'accouda à la table et prit une grande inspiration.

- Depuis le jour où vous avez démissionné, le SGC a connu de nombreux bouleversements. Après votre départ, ils ont nommé un nouveau général, un dénommé Kauffman, vous le connaissez ?

- Non, ce nom là ne me dit rien.

- C'est bien dommage, répondit Daniel d'un air songeur, quoiqu'il en soit, la première action de cet homme et de ses sbires fut de démanteler toutes les équipes SG et de licencier la plupart des généraux. SG1 n'a pas échappé à la sanction. Teal'c fut le premier à en subir les conséquences. Ils l'ont renvoyé sur Chulak sans un remerciement, Jack, sans aucune cérémonie pour sa loyauté et son courage mis à contribution au service de la Terre durant dix ans. Ils l'ont escorté jusqu'à la porte des étoiles, de peur qu'il ne s'échappe, et l'on jeté comme un pestiféré. Je ne l'ai pas revu depuis ce jour.

Daniel ôta ses lunettes et se massa le haut du nez pour apaiser la douleur qui envahissait ses yeux.

- Huit mois plus tard ce fut mon tour d'être congédié du SGC, poursuivit-il. De la même façon que Teal'c ils m'ont expliqué qu'un civil n'avait pas sa place dans un complexe militaire et que leurs prérogatives avaient changé. L'exploration de nouvelles planètes et les alliances avec d'autres peuples ne les intéressaient plus. Désormais la conquête à l'armement deviendrait l'action principale du SGC et un archéologue n'avait aucune utilité dans ce projet. Tout comme Teal'c, j'ai consacré dix années de mon existence à combattre l'envahisseur et l'oppresseur dans l'univers. Finalement, je me rend compte que ces deux protagonistes sont avant tout sur Terre et plus précisément dans notre pays, Jack.

Jack posa fébrilement sa main sur le bas de sa nuque. Il se souvenait du jour où le général Hammond lui avait confié que le SGC devrait toujours rester entre de bonnes mains pour éviter que le pays ne court à sa perte. Durant son commandement, il s'était évertué à suivre les consignes de son prédécesseur et d'éloigner les vautours qui tournoyaient au dessus du SGC, prêt à fondre sur leur proie à la moindre faiblesse. Par sa démission, il avait cédé la place à des individus sans vergogne, prêt à tout pour satisfaire les besoins de l’armée et de certains politiciens. Et la conséquence de ses actes s'était répercutée également sur ses anciens amis. Mais depuis un an, tout ceci n'avait plus la moindre importance pour lui.

- Je ne peux rien pour vous, Daniel.

- Si vous y pouvez quelque chose, Jack ! s'exclama-t-il en se levant de son siège. Thor est venu me rendre visite cette nuit. Il m'a annoncé que le gouvernement américain avait signé un traité avec les Grands Maîtres Goa'ulds.

- C'est une bonne chose... Avec moi, aucun des Grands Maîtres n'a jamais voulu m'écouter.

- Sauf que le traité porte sur une alliance avec les Goa'ulds pour entrer en guerre contre les Asgards. En échange ils fourniront les plans de leur vaisseau mère et de différents types d'armes. Et ils partageront les éventuelles découvertes après la défaite des Asgards.

- Là, ce n'est pas la meilleure idée qu'ils aient eu, dit-il sans éprouver la moindre compassion.

- Notre gouvernement leur a proposé de venir s'installer sur Terre afin de créer conjointement de nouveaux complexes militaires. Dédiés uniquement à l'armement expérimental, Jack.

- De mieux en mieux.

- A terme, ils veulent explorer chaque planète pour récolter de nouvelles technologies et alimenter leurs nouveaux centres expérimentaux.

- Jolis projets en perspective, répondit-il d'un ton absent.

Déçu par ce comportement, Daniel balaya de la main la remarque de Jack.

- Il faut savoir que les Asgards sont très affaiblis par la guerre qu'ils mènent contre les Réplicateurs. Vous savez aussi bien que moi que si les Asgards venaient à disparaître, il n'y aurait plus de médiateurs dans l'espace et que les Goa'ulds pourraient imposer leur despotisme. Et nous serions les premiers dans leur ligne de mire.

- Ils s'en sortiront, Daniel. Ils s'en sont toujours sortis, répondit-il d'une voix évasive.

Daniel explosa de colère sur ces paroles.

 

- Vous allez cesser vos sarcasmes ! S’écria-t-il en prenant appui sur la table. Je vous annonce que nous venons de pactiser avec le Diable pour attaquer nos alliés de toujours et qu'une guerre sans précédent va éclater, et vous, vous restez impassible ! Réveillez-vous, Jack... Elle... Elle n'aurait jamais permis cela...

A l'annonce de ces mots, le coup de poignard s'enfonça doucement dans son coeur, déjà meurtri depuis bien longtemps. Un flash aveuglant le priva de la vue momentanément. Juste le temps pour que le film se remette encore en marche dans sa tête. Le film qu'il avait déjà visionné des centaines de fois, des milliers de fois, sans jamais pouvoir en changer la fin.

La scène se déroulait toujours au même endroit. Dans une clairière. Ils marchaient tous les deux dans les herbes hautes et humides de cette planète qui n’aurait dû être qu'une banale reconnaissance des lieux. Teal'c et Daniel étaient restés en retrait à moins d'un kilomètre d'eux. S'offrant un répit, il était sortit de la base avec son ancienne équipe pour se dégourdir les jambes et se changer les idées avant de retrouver son bureau et ses dossiers. Tout deux alignés et espacés d'une quarantaine de mètres, ils avançaient sereinement puisque la sonde n'avait détecté aucune forme de vie. Et la sonde avait bien fait son boulot. Effectivement, la vie avait déserté ce monde mais avant de partir, elle avait laissé un souvenir impérissable de son passage. Un souvenir meurtrier.

C'est à ce moment là que le film ralentissait dans sa tête. Toujours au même endroit. Dans un lent bruissement, l'herbe dense se pliait sous ses pas. Il ne saurait dire pourquoi, à cet instant précis, il tourna la tête vers elle. La silhouette de la jeune femme évoluait gracieusement dans ce champ peu propice pour la marche. Il s'arrêta et se surprit à sourire devant cette image si insolite. Puis ce son. Il entendit un son métallique. Un son reconnaissable que par les militaires. Son sourire s'effaça à jamais. La mine anti-personnelle explosa sous la pression du poids de Carter.

- Sam n'aurait jamais permis cela, répéta Daniel en se radoucissant.

Tout s'accéléra. La déflagration fut violente et le projeta au sol. Un nuage de poussière, d'herbe et de terre se forma au dessus de l'explosion. Malgré la distance qui le séparait d'elle, des morceaux de shrapnells fusèrent dans sa direction et vinrent se loger dans diverses parties de son corps. Ignorant la douleur et inconscient du fait que d'autres mines pouvaient sauter à tout moment, il se releva pour se précipiter vers le cratère formé au milieu du champ. Dans sa course, il trébucha plusieurs fois. Une gêne provenant de sa jambe l'empêchait de courir. Mais pas de crier. Il hurlait son nom.

- Elle me manque tellement, murmura Daniel d'une voix éraillée.

A son approche, le nuage de poussière se dissipa pour lui offrir une vue d'ensemble. La puissance de l'explosion avait décuplé par le propre matériel explosif qu'ils avaient l'habitude de transporter. La couleur du sol avait changé. L'odeur de l'herbe humide avait changé.

- Jack ? interrogea Daniel en lui secouant légèrement l'épaule, inquiet par la pâleur de son visage.

La secousse et le haut-le-coeur provoqué par ses pensées sordides le ramenèrent à la réalité. Il riva son regard vitreux dans celui de son ancien ami.

- Pourquoi êtes-vous ici, Daniel ?

- Il ne manquait que vous à son enterrement. Tout le monde était là, sauf vous, murmura Daniel en ignorant sa question. Je pensais, malgré l'altercation que nous avions eu la vielle au sujet de votre démission irréfléchie, que vous seriez tout de même venu. Vous étiez plus qu'un militaire pour elle. Plus qu'un ami. Aujourd'hui encore, je ne comprends toujours pas votre réaction. Sam était quoi pour vous, Jack ? Une simple subalterne ? Un bon soldat au service de l'armée ?

Sous la table, les jointures de ses poings fermés blanchirent sous la pression des muscles de ses avant bras. De nouveau, il se laissa envahir par les affres de la douleur.

Il ne s'était pas rendu à l'enterrement parce qu'il ne l'acceptait pas. Il n'acceptait pas de ne plus la revoir. C'était trop brutal. Trop soudain. Il allait se réveiller de cet affreux cauchemar et elle se tiendrait là ; dans son laboratoire où peut être dans la salle de briefing ou bien, prête à franchir la porte des étoiles. Il l'avait cherchée partout mais elle n'était nulle part. Autre que dans son souvenir.

La colère du début face à l'injustice avait fait place à une profonde tristesse. Il avait refusé toutes aides psychologiques et s'enfermait, petit à petit, dans un mutisme peu équivoque. Sa présence lui manquait cruellement et le SGC accentuait son mal. Trop de souvenirs de la jeune femme peuplaient les lieux. Il fallait qu'il démissionne et qu'il s'éloigne pour apaiser sa souffrance.

Puis la culpabilité s'était installée. Il se sentait coupable d'avoir donné son approbation pour visiter cette planète. Il était son supérieur et en conséquence, il était responsable de chacun de ses hommes et ces images d'horreurs qui tournaient en boucle dans sa tête le lui rappelaient en permanence. Elle était morte par sa faute.

- Non..., souffla-t-il en détournant son regard voilé vers la fenêtre, mais aujourd'hui, elle est au même titre que Charlie, Daniel. Un éternel regret.

Il avait cessé tout combat avec lui-même ; il se résignait à accepter de vivre ainsi jusqu'au jour où la douleur deviendra insurmontable. La vie lui avait supprimé les deux êtres qu'il affectionnait le plus alors il n'espérait plus qu'une chose : c'était de les rejoindre. Au plus vite.

 

- Il existe un moyen de tout changer, Jack, dit-il en sortant une enveloppe de sa poche. Un moyen de changer le passé...

 

 

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Le taxi le déposa en plein désert. Il se retourna machinalement pour le voir partir dans un tourbillon de poussière. Il tira sur les deux pans de sa veste pour effacer les plis occasionnés par le long trajet, s'épousseta, vissa sa casquette de général et se dirigea d'un pas décidé vers le poste de garde. Il plongea la main dans sa poche pour vérifier encore si l'enveloppe était toujours là. Il se détendit à son contact. Il monta les quelques marches qui le séparaient de la vitre du militaire.

La partie se jouait maintenant. Toute l'opération dépendait de sa prestation à convaincre ce soldat de le laisser rentrer.

Fort de lui dans cet uniforme qu'il n'avait pas revêtu depuis un an, les automatismes militaires lui revinrent instinctivement. C'est d'une voix assurée qu'il s'adressa au planton de garde.

- Bonjour, sergent.

Plongé dans sa lecture, le sergent se redressa vivement à la vue du général bardé de médailles.

- Général, répondit-il dans un garde à vous parfait.

- Sergent, je viens pour l'inspection, dit-il sèchement en lui montrant une fausse accrédition que lui avait remis Daniel.

Le visage du militaire se troubla à la vue du document. Personne ne l'avait averti d'une telle visite dans l'enceinte de la base. Cachant maladroitement son magazine Playboy, il empoigna sa tablette où figuraient les diverses informations de la journée.

- Je n'ai pas été informé d'une inspection, dit-il en vérifiant chaque feuille.

- Normal, c'est une inspection surprise, rétorqua-t-il froidement en baissant les yeux sur le badge du militaire, sergent Garrett.

La panique l'envahit devant l'autorité et le visage sévère de ce supérieur. Ne sachant quoi faire, il décida d'en référer à sa voie hiérarchique.

- Je vais en informer mon supérieur, dit-il en décrochant son combiné.

Jack ne cilla pas et continua de dévisager son interlocuteur avant d'ajouter d'un ton glacial :

- Ecoutez-moi bien, sergent Garrett, si vous me refusez l'accès ou si vous avertissez qui que ce soit, la première page de mon rapport vous sera entièrement dédiée sur la manière dont vous faites votre garde, dit-il en désignant de la tête le magazine. Donnez-moi un papier et un stylo pour que je puisse noter votre matricule.

A ces paroles, le visage du sergent se décomposa. Il raccrocha son téléphone. Un blâme figurait déjà sur son dossier militaire. Il ne pouvait pas se permette d'être en première page d'un rapport ; surtout provenant d'un général. Alors il fit ce que tout bon militaire censé aurait fait à sa place ; il obtempéra.

- Allez-y, mon général, dit-il en lui tendant une carte d'accès.

- Bien, sergent, je passe l'éponge pour cette fois-ci.

- Merci, monsieur, dit-il dans un salut militaire.

- Une dernière chose, ou entreposez-vous les découvertes extra-terrestres ?

- Au niveau vingt quatre, répondit-il en gardant la posture.

- Merci et repos soldat, ajouta Jack en s'éloignant du poste de garde de la base 51.

 

L'ascenseur s'ouvrit au niveau vingt quatre. L'agressivité des néons lui fit plisser les yeux. Jack en sortit et parcourut les lieux du regard. L'entrepôt souterrain s’étendait à perte de vue. Il pouvait apercevoir des vaisseaux spatiaux, des appareillages de toutes sortes qu'il ne connaissait pas, des colonnes de caisses en bois, avec la mention « secret défense » apposée dessus, touchant presque le plafond haut d'une vingtaine de mètres. Des robots désossés trônaient sur différents établis, ainsi que des réacteurs et de multiples objets ressemblant à des armes. Daniel n'avait pas menti. L'invasion commençait. Parmi tous ces instruments, grouillait un nombre incalculable de scientifiques et de militaires s'afférant à leurs tâches respectives comme de véritables fourmis. Seuls, les Goa'ulds ne bougeaient pas et observaient plutôt le bon déroulement des opérations. Tels des gardiens surveillant leurs prisonniers.

La situation lui paraissait irréelle. A présent, il comprenait mieux la réaction de Daniel. Lui aussi, avait passé neuf années de sa vie à combattre ces bourreaux, fiers d'acclamer leurs idéaux à caractère eugéniques et d'asservir des peuples tout entiers pour accueillir de force leurs progénitures. Et voilà qu'aujourd'hui, ils étaient des frères d'armes ! Comment son gouvernement avait-il pu signer une alliance avec ces reptiles gorgés de venin ? Des preuves irréfutables existaient. La longue liste des morts du SGC en témoignait. Alors pourquoi ? Il ne connaissait pas la réponse à sa question mais le sentiment de révolte ne fit qu'augmenter sa détermination.

Il avait besoin d'aide pour s'orienter dans toute cette effervescence. Il se dirigea vers le seul local en préfabriqué situé à quelques mètres de l'ascenseur qui semblait faire office de bureau de renseignements.

 

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Le caporal Flechter lui avait fait un plan pour s'orienter dans ce dédale de couloirs. Lui signalant que plus d'un militaire s'était déjà perdu. Ce qu'il cherchait ne se situait pas dans l'entrepôt mais dans le hangar de haute sécurité, deux étages plus bas, où les objets d’une grande importance étaient entreposés. Il s'arrêta et regarda à nouveau son papier pour essayer de se situer. Ca ne pouvait être que là. D'après les dires du caporal, une grande porte métallique à double battant correspondait à l'entrée du hangar. Jack releva la tête pour apercevoir devant lui une porte grise ; traditionnelle. Il l'ouvrit, tout de même, pour vérifier si la porte ne donnait pas sur d'autres couloirs. Découvrant un placard renfermant différents balais et autres produits sanitaires, il émit un soupir d'agacement avant de refermer la porte.

 

- Ce n'est pas possible, j'ai dû manquer un embranchement, dit-il en détaillant son plan.

Une alarme stridente retentit dans tout le couloir, l'interrompant dans ses recherches. Une voix déformée par les hauts parleurs informait le personnel de l'intrusion d'un général dans l'enceinte de la base possédant une fausse accréditation. La voix donnait la description de ce dit général ainsi que son nom.

Son coeur fit une embardée. La seule personne qui avait vu ce document était le garde à l'entrée. Jack se mit à courir en maudissant le sergent Garrett de son initiative. Dans son action, il enleva sa veste et sa casquette afin d'éviter que l'on remarque son grade. Il regarda une dernière fois son plan. La sirène et l'annonce qui passait en boucle lui vrillaient les tympans et l'empêchaient de ce concentrer. A l'approche d'une intersection, il se remit à marcher. Rien ne servait d'alerter qui que ce soit par un comportement suspect. Au fond d'un des couloirs, il aperçut enfin la grande porte métallique ornée de deux robustes Goa'ulds, armés de lances, qui se tenaient fièrement de chaque côtés. Et la voix continuait inlassablement à donner sa description.

Il n'avait plus le temps de réfléchir à un moyen de diversion. Alors il fit ce que son instinct lui dicta.

Le visage souriant, il s'avança tranquillement vers eux malgré la peur et le sentiment d'impuissance qui l'habitaient. Les gardes observèrent son avancée. L'un des deux semblait intrigué et faire la corrélation entre l'annonce et la personne qui s'avançait mais la nonchalance de ce militaire l’en fit douter.

- Vous savez quoi ? dit-il gaiement en arrivant à leur hauteur, je trouve vraiment que vous avez de sales têtes.

Sur ses mots, Jack asséna un violent uppercut dans la mâchoire du premier garde le suspectant. Délaissant celui-ci paralysé par la douleur d'une dent cassée, il se tourna rapidement vers le deuxième qui déjà armait maladroitement sa lance, prit de surprise. Cette maladresse lui permit de neutraliser son adversaire d’un brutal coup de poing dans le sternum. L’oxygène désertant ses poumons, le garde émit un râle de douleur. Un bras musclé lui enserra violement le cou, le privant à son tour d'oxygène. Le garde à la dent cassée s'était relevé rapidement et continuait d'accentuer sa pression sur le cou de jack qui paraissait ne plus résister à sa force.

Il suffoquait par la puissance de la strangulation malgré la lutte acharnée qu'il menait pour se libérer. La pression de son sang cognait douloureusement contre les parois internes de son crâne. Des points lumineux virevoltaient devant ses yeux laissant la place à un voile blanchâtre. Il se sentait partir. Dans un éclair de lucidité, il se refusa à mourir ainsi. Regroupant ses dernières forces, sa main laissant progressivement l'avant bras de son agresseur, et guider par les ahanements, il frappa. Dent Cassée hurla de douleur en maintenant à deux mains son nez ensanglanté.

Jack s'effondra sur le sol. Pris par de violentes convulsions pour récupérer de l'air, son corps se souleva anormalement aux rythmes saccadés de sa respiration. Il toussa et cracha violement pour éviter de s'étouffer par l'abondance de sa salive avant de déglutir difficilement. Tout en se massant le cou comme pour effacer la douleur, il aperçut à quelques mètres de lui le zat que Dent Cassée avait perdu dans la lutte. Il se releva fébrilement et se précipita dessus à la vue du deuxième garde qui recouvrait ses esprits. Avant même qu'il ne puisse réagir, Jack récupéra l'arme et tira sur ses agresseurs qui s'écroulèrent lourdement sur le sol. Sans un regret, il tira une seconde fois.

 

Le visage crispé, un long soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres. Son corps endolori lui réclamait un répit pour récupérer un instant, mais son esprit lui intimait de se dépêcher. Alors c'est dans une démarche chancelante qu'il ramassa sa veste et franchit l'entrée du hangar sous l'oeil des caméras de surveillances qui suivaient chacun de ses déplacements.

Bientôt, l'endroit désert, serait investi par une escouade de militaires et de Goa'ulds. Il n'avait plus le temps de s'étonner sur la présence des cinquante soldats de la mort, inactifs, alignés contre le mur. Des centaines de Réplicateurs, immobiles eux aussi, parqués en face. Ni des machines à transformation d'A.D.N humain. Il avait dépassé le stade de l'étonnement depuis qu'il avait vu la présence des Goa'ulds dans l'entrepôt de la base 51 ; la plus secrète des Etats Unis. Tout ceci n'était que la résultante de cette alliance.

Dans un coin du hangar, il l'aperçut enfin. L’appareil des Anciens. Le souffle court, il s'avança pour déverrouiller le sas d'entrée. A l'intérieur du vaisseau, il sortit son enveloppe et fit glisser dans sa main le minuscule circuit imprimé, guère plus grand qu'une carte sim de téléphone portable.

Daniel lui avait expliqué que les Asgards n'appréciaient pas l'évolution que prenait la Terre sans son représentant Jack O'Neill. Alors Thor avait travaillé à l’aide des plans, sur la possibilité de modifier l’appareil des Anciens. En ajoutant ce circuit, l’engin pouvait ainsi remonter le temps sur une très courte période. Thor l'avait programmé pour que le vaisseau revienne au SGC un an en arrière et plus exactement une heure avant le départ de cette tragique mission. Petit désagrément que Thor n’avait pas résolu, il était possible que le Jack du passé disparaisse quelques heures avant que lui même n’apparaisse. Daniel lui avait fait grâce des détails scientifiques pour les explications de cette éventuelle perte de temps et lui avait simplement dit qu’il s’agissait d’un problème de syntonisation des deux vies. Il avait vaguement comprit. Ne possédant pas le gène des Anciens pour le mettre en marche, lui seul pouvait faire ce test. Le seul inconvénient, c'est qu'il n'était pas sûr du bon fonctionnement de sa découverte et que l’appareil pouvait se perdre dans l’espace temps en cas de disfonctionnement.

Pensant qu'il n'éprouverait jamais plus ce sentiment, l'espoir avait surgi devant les paroles de Daniel. L'espoir de mettre un terme définitif à sa souffrance. D'une manière ou d'une autre.

Le tir lui érafla l’avant bras. Dans un cri de douleur, il actionna le levier pour refermer le sas arrière de l’engin devant une cohorte de soldats qui commençaient à assiéger le hangar. La carte sim toujours à la main, il s'installa rapidement aux commandes sous les tirs répétitifs des militaires. Il mit en route l'appareil qui, dans un rugissement sourd, se souleva à deux mètres du sol.

Daniel lui avait expliqué qu'une encoche se situait à côté de la commande de pilotage. Devant lui, il avait deux commandes de direction et chacune d'elle possédait une fente pour insérer son circuit imprimé. Son visage blêmit en posant successivement son regard de l'une à l'autre. Avait-il parlé de deux encoches ? Il ne savait plus. Tout ce mélangeait dans sa tête : les staccatos des fusils d'assaut, la sirène assourdissante, les cris des soldats, les paroles de Daniel. L'appareil, qui ne résisterait pas très longtemps, gronda anormalement sous les coups de feux incessants de ces assaillants. Un frisson d’effroi lui parcourut tout le corps devant la décision à prendre. Des étincelles jaillirent à l'arrière du vaisseau. C'est d'une main hésitante qu'il dirigea sa carte vers la minuscule ouverture. Devant la baie vitrée de l’appareil qui vacillait, un soldat lui somma de sortir. Pour finalement choisir l'autre.

Il ferma les yeux et tout s'assombrit devant lui.

Sa dernière pensée fut pour elle.

 

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Marcher lui ferait le plus grand bien. Et puis regarder Daniel et Teal'c déchiffrer les écritures étranges de cette stèle posée sur ce chemin à flanc de montagne, ne la réjouissait pas plus que cela. Teal'c lui avait proposé de l'accompagner mais elle avait refusé son offre prétextant qu’elle ne s’aventurerait pas trop loin. Sam s’était éloignée d’eux en empruntant le seul chemin escarpé qui descendait vers la vallée. Elle avait besoin d'être seule. Pour réfléchir.

Dans sa descente, ses pensées la guidèrent une fois de plus vers lui. Vers Peter. Voilà plus d’un mois qu’il l’appelait tous les jours. Depuis le jour ou elle lui avait confusément expliqué qu’elle ne désirait plus se marier avec lui, il n’avait cessé de l’appeler. La plupart du temps, il tombait sur son répondeur et lui laissait des messages d’amoureux esseulé, prêt à tout pour elle. Une fois, il lui avait laissé un message disant qu’il était du haut d’un toit, prêt à se jeter dans le vide si elle ne revenait pas. Sur le coup, elle s’était inquiétée mais le lendemain un second message lui expliquait sur son répondeur qu’il s’était jeté du haut de son cabanon de jardin et qu’il avait des échardes un peu partout sur le corps. Elle s’était mise à rire en imaginant la scène. A présent, elle avait pris l’habitude lorsqu’elle revenait de son travail de se précipiter vers le répondeur et d’écouter ces messages emplis de tendresse. Plus d’une fois, elle l’avait eu au téléphone et lui faisait comprendre qu’elle avait besoin de temps pour faire le point avec elle-même avant de pouvoir s’engager définitivement. Il lui avait répondu qu’il était prêt à attendre le temps qu’il faudrait et qu’il n’abandonnerait pas. Se sentir désirée et aimée étaient des sentiments enivrant qu’elle n’avait pas ressenti depuis longtemps. Elle se sentait à nouveau femme. Alors la décision se profilait au loin. La décision de renouer avec Pete et d’accepter ce que personne d’autre ne lui avait proposé : le mariage et fonder une famille. Même si le fondateur de cette famille n’était pas le bon.

C’est généralement sur ces pensées qu’elle s’énervait contre elle-même. Elle n’arriverait jamais à avancer sur le plan personnel si elle ne cessait de faire des comparaisons avec lui ! Personne n’était comparable à lui ! Pete ne serait jamais un homme prêt à se sacrifier pour les autres ; prêt à endurer les pires tortures et à les enfouir au plus profond de lui sans sombrer dans la folie ; prêt à prendre de graves décisions pour sauver la Terre. Non, il n’avait pas l’envergure de cet homme qu’elle désirait ardemment, mais Pete avait une qualité que Jack ne possédait pas. Il savait exprimer clairement ses sentiments. Bien des fois, elle avait essayé maladroitement d’engager la conversation sur leur possible relation, mais à chaque fois ses réponses restaient évasives ou réfractaires. Alors qu’un seul mot ou geste de sa part aurait suffit pour qu’elle s’abandonne à lui. Elle savait qu’elle n’éprouverait jamais une telle attirance pour un autre homme mais vivre continuellement dans la frustration devenait insupportable. Ce soir, elle appellerait Pete.

 

 

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Le silence. Les bruits assourdissants de la base 51 avaient fait place à un calme Olympien. Le visage crispé par la peur dans l’attente d’une explosion et d’une mort rapide, Jack ouvrit un œil puis l'autre. Tous les muscles de son corps se relâchèrent et il se mit à sourire nerveusement. Jamais il n'aurait pensé qu'un jour il éprouverait un tel plaisir à la vue d'une sonde. Effectivement, l’appareil des Anciens s’était miraculeusement retrouvé dans la salle où les sondes du SGC étaient entreposées. Il avait réussi. Son choix s'était avéré le bon. Il resta un moment sur son siège pour calmer les tremblements de son corps, plus habitué à supporter une telle cadence, et réaliser enfin qu’il se trouvait au SGC.

Sous des grincements métalliques, il s'extirpa lentement de l’habitacle dans des volutes de fumées provoquées par la surchauffe des moteurs. Une fois sortit, il caressa ce dernier, meurtri par les tirs, comme un jockey flattant l’encolure de son cheval après la victoire de la course.

- Juste à temps vieux, souffla-t-il.

L’appareil émit un bruit sourd avant que tout son système électrique ne s’éteigne définitivement. Jack le regarda s’éteindre en pensant que lui aussi allait bientôt s’effondrer à ce rythme là. Cependant, la volonté de changer le passé le maintenait encore en sursis. Le simple fait qu’il pouvait la revoir vivante était quasi-inimaginable mais il se raccrochait à l’infime espoir que tout ceci était vrai. Pourtant il avait réussi mais il ne réalisait pas encore. Il sortit de la salle et se dirigea vers le seul endroit et vers la seule personne qui justifierait que tout cela n'était pas un rêve.

Une sensation étrange le saisit à la vue des couloirs, des militaires, des scientifiques qu'il croisait. Tout lui était soudainement familier.

Arrivé devant le laboratoire de Sam, il se reprit à plusieurs fois avant de poser définitivement sa main sur la porte. Et si tout cela était vrai. Sous les battements désordonnés de son cœur, il ouvrit la porte d'une main indécise pour s’apercevoir qu'elle était absente. Un soupir de lassitude s’échappa de ses lèvres et il resta tout de même un moment à observer. La dernière fois qu'il était rentré dans son laboratoire c'était trois jours après sa mort. Il s'était assis sur le siège de son bureau, et des heures durant avait intériorisé sa peine en effleurant de la main tous les objets qu’elle avait l’habitude de toucher. Lorsqu'il en était ressorti, il avait pris la décision de tout plaquer et de s'éloigner définitivement du SGC. Rien ne servait à continuer sans elle.

- Ah ! Général je vous cherchais ! Bien dormi ?

Jack sortit de ses douloureux souvenirs pour se tourner vers cette voix familière. Enfin quelqu’un qu’il était heureux de revoir.

- Walter ! Je suis content de vous voir !

Walter le détailla de haut en bas et fut étonné par la tenue et le visage terne du général. Il donnait l'impression d'avoir vieilli prématurément.

- Ca va mon général ? dit-il une voix inquiète.

Devant le visage surpris de Walter, Jack se mit à son tour à détailler sa tenue. Il est vrai qu'il était dans son costume d'apparat, sale et déchiré par endroit. Ses mains étaient couvertes d’ecchymoses, du sang séché apparaissait sur son avant bras et son cou était parsemé de taches bleuâtres. Et sa tête devait être à l'image de son uniforme. Il releva le col de sa veste pour cacher les marques de son cou avant que Walter ne le remarque, et s'efforça sur un ton anodin de trouver une explication farfelue pour calmer son inquiétude. Il ne tenait pas à raconter son histoire. Pas avant de l'avoir vue.

- Non, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Et ce matin, je m’aperçois que je n’avais dans mon armoire plus que cela à me mettre, dit-il en fermant les deux pans de sa veste. Et là dessus, ma voiture a perdu une partie de son pot d'échappement et me voilà couché par terre dans mon bel uniforme à le rafistoler.

- La journée a mal débuté pour vous, compatit Walter en ouvrant le dossier qu’il tenait à la main, satisfait des explications du général.

Ignorant sa réponse, il n’avait qu’une seule question en tête à lui poser.

- Walter, où se trouve le colonel Carter ?

Sa voix se brisa à la fin de sa phrase. Cette simple interrogation le mettait mal à l’aise. Il redoutait que Walter ne lui réponde à Arlington, secteur C, allée vingt quatre, emplacement dix neuf. Juste à côté de son père.

- Le colonel est parti en mission, général, dit-il en cherchant dans son dossier la feuille qu’il devait lui faire signer de tout urgence.

Il se mit à tousser pour réajuster le timbre de sa voix.

- De quelle mission parlez-vous, Walter ?

- Eh bien de la mission de reconnaissance qu’il y avait de prévue, répondit-il, contrarié par ce fichu document qu’il ne trouvait pas.

Il ne comprenait pas les réponses de Walter et la peur s’empara à nouveau de lui avant de poser sa question :

- Qu’elle heure est-il ? demanda-t-il brusquement.

- Il est, commença-t-il en fermant provisoirement son dossier pour regarder sa montre, neuf heures dix.

- Non ! s’écria Jack, vous vous trompez, il doit être sept heures dix.

Walter jeta un bref coup d’œil pour vérifier à nouveau et tendit son bras pour que le général constate par lui-même.

Un coup de poing l’aurait moins sonné. Il était arrivé une heure après le départ de la mission et non pas une heure avant. Quelque chose avait mal tourné ; peut être que les tirs avaient endommagé l’appareil ou bien Thor s’était trompé dans ses calculs, ou alors il avait inséré le circuit dans la mauvaise encoche. Il ne savait pas. Tout ce qu’il savait c’est que le destin s’acharnait encore contre lui.

- Alors pourquoi sont-ils partis sans moi ? vociféra-t-il en agrippant Walter par les épaules, je devais partir avec eux !

Surpris par ce geste brusque, il lâcha le dossier de ses mains et toutes ses feuilles s’éparpillèrent sur le sol.

- Ils vous ont attendu longtemps en salle de briefing, général ! dit-il pour sa défense. Mais lorsque je leur ai signalé que vous aviez quitté la base à trois heures du matin, le colonel Carter a pris la décision de partir sans vous. Elle a préféré vous laisser vous reposer.

Jack se souvenait que ce jour là il était parti très tard de la base mais il s’était réveillé à temps pour participer au briefing ! C’est alors que les paroles de Daniel ressurgirent dans son esprit. Le Jack du présent avait disparu de la surface de la Terre pendant quelques heures avant que lui-même n’apparaisse dans la salle des sondes. Et pendant ces quelques heures, un futur qu’il ne connaissait pas s’était déjà mis en place.

- Il y a combien de temps qu’il sont partis ? s’écria-t-il en le maintenant fermement par les épaules.

- Une demi heure… peut être trois quart d’heure, balbutia Walter, je peux aller vérifier si vous le voulez.

- Non, dit-il en s’élançant déjà dans les couloirs. Mais vous allez m’activer immédiatement la porte des étoiles sur les coordonnées de cette planète.

Walter laissa son dossier au sol et se précipita vers la salle des commandes pour obéir à son supérieur qui paraissait terrorisé du fait que SG1 soit parti sans lui. Dans ce métier, il avait appris à ne pas poser de questions. Les réponses venaient généralement d’elles mêmes. Mais plus tard.

 

 

 

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Sam arrivait à la fin de son chemin et devant elle s’offrait à sa vue un champ identique aux champs de bruyères que l’on trouvait sur Terre. Tout autour, une forêt s’étendait majestueusement. Elle se retourna et jaugea la distance qu’elle avait dû parcourir. Un kilomètre tout au plus. Le temps qu’elle avait mis pour parcourir cette distance n’était pas suffisamment grand pour étancher ses réflexions. Alors elle décida de pousser sa marche jusqu’à la forêt.

 

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Le paysage défilait rapidement de chaque côté de son chemin. Il était au maximum de sa puissance. Ses poumons le brûlaient littéralement pour alimenter en oxygène la cadence qu’il réclamait à son corps. Il n’avait pas de chaussures appropriées pour courir et chaque foulée sur ce chemin pierreux était douloureusement amortie par ses genoux. Et ce bruit sec se répercutait dans sa tête. Plus d’une fois, il faillit tomber mais il ne décéléra pas pour autant. C’est au détour d’un virage qu’il les aperçut de loin, agenouillés devant cette pierre. Il ne distinguait pas encore les personnes mais il n’en voyait que deux. Il tenta de crier pour attirer leur attention.

Sa voix se perdit en écho dans la montagne.

 

Penchés pour déchiffrer les pictogrammes gravés sur la stèle, Teal’c fut le premier à se retourner pour situer la provenance de ces bruits.

- Je crois que nous avons de la visite.

Délaissant ses découvertes, Daniel tourna la tête et suivit le regard de son ami.

- Mais c’est Jack ! S’étonna Daniel en plissant les yeux comme pour mieux détailler ce qu’il voyait. Il est tout de même venu nous rejoindre… Mais dites moi, il s’est réveillé en forme ce matin pour courir aussi vite !

- Ce n’est pas dans ses habitudes.

- Le fait qu’il soit en forme ou qu’il courre ! Se moqua Daniel dans un sourire.

Teal’c ne répondit pas et se releva en continuant d’observer Jack se rapprocher.

- Je crois qu’il se passe quelque chose, Daniel Jackson.

Daniel perdit son sourire et se releva à son tour à l’approche de Jack.

 

Jack ralentit sa course effrénée et s’arrêta devant Daniel et Teal’c. Le visage couvert de sueur et rougi par l’effort d’avoir sprinté sur trois kilomètres, il courba le haut du corps pour poser ses mains sur ses genoux et calmer son souffle chaotique.

- Jack ! Pourquoi courez-vous ? Interrogea Daniel. Que vous arrive-t-il ? Il s’est passé quelque chose au SGC ? Et pourquoi êtes-vous dans votre costume de cérémonie ?

- Où…

Sa voix hoquetait et parler était un véritable supplice. Il ne parvenait pas à reprendre sa respiration.

- O’Neill, vous devriez vous asseoir et boire un peu, affirma Teal’c en lui tendant sa gourde.

- Teal’c a raison, confirma Daniel, de plus en plus inquiet par le comportement de son ami. Vous devriez vous reposer un moment pour reprendre votre souffle avant de nous expliquer ce qui se passe.

-Carter ! Parvint-il à articuler entre deux souffles.

Daniel regarda Teal’c en haussant les sourcils en signe d’interrogation pour savoir s’il comprenait ce que voulait dire Jack

- Le colonel Carter est parti en reconnaissance, rassura Teal’c. Elle ne devrait pas tarder à revenir, O’Neill.

Brusquement, Jack arracha la radio de Daniel accroché sur son épaule et avant de repartir au pas de course vers l’unique sentier qui descendait vers le bas de la montagne, il ajouta :

- Partez… la planète est dangereuse.

 

Happé par le chemin qu’il connaissait déjà, Jack disparut en laissant ses deux amis dans la plus totale confusion.

 

 

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Elle s’arrêta un instant pour observer le bas de son treillis. Il était trempé jusqu’au dessus de ses genoux et l’humidité s’infiltrait à travers. Ainsi que dans ses Rangers. Ce n’était pas une si bonne idée que de poursuivre ma marche dans ce champ, pensa-t-elle. Mais elle était presque à la moitié, et la forêt lui offrirait la possibilité de se sécher. Elle réajusta la bandoulière de son P90 et se remit en marche. Pour le retour, je le contournerai par la forêt pour éviter cette désagréable sensation, se dit-elle.

Camouflée à quelques mètres de Sam, la mine n’attendait que le poids de quelqu’un pour dévoiler son existence.

 

 

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Il n’arrivait presque plus à respirer. Le temps jouait en sa défaveur et Jack mettait ses dernières ressources physiques et mentales pour le rattraper en implorant le destin pour qu’il ne se reproduise pas deux fois. Il ne le supporterait pas. Il s’arrêta encore une fois pour renouveler son appel radio. Les montagnes réduisaient de moitié la portée de leurs transmissions et sa première tentative n’avait rien donné. De nouveau, il actionna le bouton de communication et retint son souffle désordonné pour parler.

- Carter !

Il relâcha le bouton et toujours en apnée, il plaqua son oreille pour mieux entendre. Il voulait tellement entendre sa voix. Se convaincre que tout ce qu’il avait enduré n’était pas vain. Des grésillements. Une cacophonie de grésillements lui perça littéralement le tympan. Il se remit à respirer violemment. Il était encore trop loin d’elle. Il enleva sa veste et dégrafa les premiers boutons de sa chemise couverte de sueur pour apaiser momentanément la chaleur qu’irradiait son corps. La bouche asséchée et envahie par la fadeur d’un goût métallique, il réussit difficilement à déglutir. Après ce moment de répit, il se remit à courir pour se rapprocher. Mais les muscles de ses jambes asphyxiés par l’effort ne pouvaient plus retenir le poids du corps emporté par la raideur de la pente.

- … général… venu ? S’éleva une voix de sa radio que personne n’entendit.

 

 

 

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Toujours arrêtée, elle tendit l’oreille pour essayer d’entendre sa réponse. La transmission était mauvaise alors elle renouvela sa question :

 

- Mon général, vous êtes tout de même venu ? dit-elle dans un sourire.

Ce matin, elle était déçue qu’il ne se soit pas réveillé à temps pour participer, comme il avait annoncé la veille, à cette mission. Ces derniers temps, il paraissait fatigué et lorsque Walter lui avait annoncé que le général était parti de la base tard dans la nuit, elle avait préféré le laisser dormir, et ne pas l’appeler.

Tout à coup, elle réalisa qu’il devait être furax contre elle d’avoir pris une telle décision et la cherchait pour lui exprimer son point de vue. De plus, le ton qu’il avait employé à travers la radio n’était pas spécialement amical. Dans un cas comme celui-ci, le règlement stipulait d’appeler et dans le cas échéant ou les appels n’aboutissaient pas, d’envoyer un militaire pour aller chercher la personne. Ce n’était pas dans ses habitudes d’enfreindre le règlement mais elle avait crû bien faire. Mieux valait faire demi-tour pour éviter d’envenimer la situation et d’aller à sa rencontre, pensa-t-elle.

Convaincue de son erreur, elle tourna le dos à la forêt et à la mine, immobile à quelques centimètres de son pied, avant de rebrousser chemin. Elle sortit rapidement du champ et remonta le sentier qu’elle avait emprunté trente minutes plus tôt.

 

 

 

 

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Sa radio dévalait encore la pente. Afin d’éviter une chute mortelle, Jack s’était volontairement laissé tomber sur le côté pour ralentir la vitesse et la radio avait glissé de sa main. Il avait dérapé sur quelques mètres avant de s’arrêter complètement tandis qu’elle continuait encore sa descente.

Encore sonné par sa chute, il tenta de se relever malgré les derniers messages de détresse que son corps lui envoyait. Une douleur plus forte que les autres le contraignit à se recoucher sur le sol. Il dirigea fébrilement sa main couverte de sang vers ses côtes pour situer son mal et lorsqu'il pressa l'une d'entre d'elles, il poussa un gémissement. Et sa respiration saccadée amplifiait la torture dans sa cage thoracique. Dans un ultime effort il essaya de se redresser. Occultant la douleur, il se releva pour continuer d’avancer vers elle. Mais pris d’un vertige provoqué par l’élancement, il perdit l’équilibre et retomba lourdement sur le sol. Un nouveau cri de douleur retentit dans la montagne avant que le silence ne reprenne définitivement sa place.

 

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Au loin, Sam aperçut une masse immobile sur le côté du chemin. Alertée par des cris, elle avait accéléré le pas en espérant qu’il ne soit rien arrivé à ses coéquipiers. Les vêtements que portaient à priori l’homme, n’étaient pas ceux du SGC, et en tout bon militaire, elle avança arme au poing dans sa direction. Elle croisa sur le chemin des fragments de radio qu’elle reconnut aussitôt pour les avoir démontées maintes et maintes fois. De peur, elle mit en joue l’homme tout en se rapprochant de lui. Elle tenta un appel radio pour connaître la situation de chacun de ses amis mais seul des grésillements lui vinrent en retour. Arrivée à sa hauteur, le canon de son arme pointé sur le dos de l’individu, elle ne voyait pas son visage enfouit dans le sol. Il avait l’air d’être en piteux état. Ses vêtements couverts de poussière étaient déchirés par endroit et laissaient apparaître des blessures ruisselantes plus ou moins profondes. Elle s’agenouilla et prit le pouls de l’individu tout en réitérant son appel radio. Mais des bruits en amont la firent se relever pour apercevoir Daniel et Teal’c dévaler la pente. Teal’c fut le premier à arriver.

- Dieu merci, vous n’avez rien ! Se rassura-t-elle, j’ai trouvé cet inconnu gisant sur le sol ainsi que des morceaux de notre radio un peu plus bas. J’ai pensé qu’il vous était arrivé quelque chose. Le général est avec vous ?

Teal’c ne répondit pas et s’agenouilla pour retourner doucement la personne. Daniel arriva à son tour.

- Sam ! Que lui est-il arrivé ? demanda-t-il, essoufflé.

Sam regarda Teal’c le retourner et plaqua sa main pour retenir le cri de stupeur qui désirait sortir sa gorge. Depuis dix minutes, le général se tenait près d’elle à l’agonie sans qu’elle ait fait le moindre geste pour le secourir. Elle se précipita pour aider Teal’c a l’ausculter.

- Je… je ne savais pas que c’était lui, dit-elle d’une voix tremblante devant l’étendue des plaies, je… je n’ai pas vu son visage… et … je n’ai pas reconnu ses vêtements.

- Ses blessures semblent être superficielles, colonel Carter. Excepté le bleu sur le côté qui a dû provoquer son évanouissement, décréta Teal’c.

- Il faut le ramener rapidement au SGC, se ressaisit-elle, il doit être soigné de toute d’urgence. Teal’c pouvez-vous le porter ? On vous relaiera avec Daniel.

Teal’c hocha de la tête et souleva Jack pour le positionner sur son épaule avant d’entamer la longue marche qui les séparait de la porte des étoiles.

Toujours agenouillée, elle récupéra la lance de Teal’c et se releva. Daniel s’approcha et posa sa main sur son épaule.

- Dans la posture où il était, vous ne pouviez pas savoir, dit-il pour l’apaiser.

Sans conviction, elle acquiesça.

- Que s’est-il passé, Daniel ?

- Sam, si vous l’aviez vu ! s’exclama Daniel. Il est arrivé vers nous en courant … Il était complètement épuisé… Il vous cherchait comme si vous étiez en danger... Il nous a juste dit de rentrer car la planète était dangereuse. Et puis il est reparti aussi vite. Le chemin est pentu et vu le degré de fatigue qu’il avait accumulé, je pense qu’il a dû faire une chute.

- La planète est pourtant sûre ! La sonde n’a décelé aucune forme de vie, dit-elle en posant sa main sur son front comme pour calmer toutes ses interrogations. Et pourquoi me cherchait-il uniquement ?

- Je ne sais pas, Sam, répondit-il en haussant les épaules. Mais je ne l’avais jamais vu dans cet état là.

Une seule fois, elle avait vu Jack dans l’état que décrivait Daniel. Jamais elle n’oubliera son visage empreint de terreur à travers ce bouclier transparent. Elle se résignait à mourir. Et il refusait de partir. Ils s’en étaient sortis in extremis mais son attitude l’avait bouleversée. C’était uniquement dans les situations les plus critiques qu’il dévoilait ses émotions pour les enfouir, aussitôt après. A l’époque il n’y avait aucune ambiguïté possible mais avec le temps elle s’était mise à douter. Et depuis ce jour, elle ne l’avait jamais revu dans cet état.

- Rejoignons Teal’c, s’impatienta Sam en se mettant rapidement marche. Nous allons le remplacer, Daniel, il doit être épuisé par la montée. Pour ne pas perde de temps, à la moitié du chemin vous partirez devant pour prévenir le SGC de notre situation ; et qu’une équipe médicale se tienne prête.

 

Daniel tenta d’ajouter une parole réconfortante devant l’inquiétude de Sam mais il se ravisa. Tant que Jack ne serait pas tiré d’affaire, les paroles n’auraient aucun effet sur elle. Alors il se mit en marche en essayant de suivre la cadence qu’elle lui imposa.

 

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Voilà plus de deux heures qu’ils étaient rentrés. Pour la énième fois, Sam se dirigea d’un pas assuré vers l’infirmerie dans l’espoir d’avoir des nouvelles. Sans faiblir, Teal’c avait transporté Jack sur quatre kilomètres en refusant tout aide de leur part. Ils avaient traversé la porte des étoiles où une équipe médicale les attendait comme prévue pour l’amener en urgence à l’infirmerie. Elle avait tenté de les suivre mais la doctoresse et ses acolytes l’avaient rembarrée en lui lançant crûment qu’elle ne serait d’aucune utilité. Devant la froideur du corps médical, elle s’était réfugiée dans le bureau du général pour prendre son mal en patience et occuper son esprit tandis que Teal’c et Daniel, épuisés par l’effort, étaient partis se reposer. Elle avait interrogé Walter pour s’informer sur l’attitude du général avant son départ et si rien ne s’était passé d’anormal à la base. Il lui avait répondu que le général était très contrarié que SG1 ne soit partie sans lui et quant à la base, mise à part une défaillance des caméras dans la salle des sondes, rien de spécial à signaler. Décidément, l’idée qu’il n’ait pas apprécié la décision de partir sans lui ne semblait être que la seule conclusion possible. Mais pourquoi avait-il dit alors à Daniel que la planète était dangereuse ? Lui seul détenait la réponse.

Arrivée devant l’infirmerie, la porte s’ouvrit d’elle même avant que Sam ne pose la main sur la poignée, dévoilant le visage de la doctoresse qui, deux heures plus tôt l’avait contrainte à attendre. Cette femme, de petite taille et d’un âge proche de la retraite, énergique et sévère, avait la réputation d’être l’un des meilleurs médecins de l’armée.

- Colonel carter ! J’allais venir vous voir, dit-elle en se reculant de surprise.

Omettant les formalités d’usages, Sam rétorqua :

- Comment va-t-il ?

- Mis à part les deux côtes fêlées et les diverses égratignures, il s’est réveillé et va plutôt bien puisqu’il n’arrête pas de râler, la rassura-t-elle. Mais j’ai rarement vu cela !

Sam sentit soudainement le nœud au creux de son estomac se délier.

- Je peux le voir ? demanda-t-elle comme si les paroles de la doctoresse ne suffisaient pas à calmer son inquiétude.

- Bien sûr. D’ailleurs, il n’arrête pas de vous réclamer. Allez-y, le temps que je me rende au laboratoire d’analyse, dit-elle en s’éloignant.

Sam s’apprêta à entrer mais retint son geste.

- Docteur ! l’interpella-t-elle. Pourquoi avez-vous dit que vous aviez rarement vu cela ?

Elle s’arrêta et se retourna vers Sam.

- Parce que la semaine dernière il a passé un bilan et que ses analyses médicales étaient très bonnes, alors qu’aujourd’hui ses analyses sont alarmantes. Une telle différence ne s’explique pas et c’est pour cela que je me rends au laboratoire pour vérifier si une erreur ne s’est pas produite. Si non, cela voudrait dire qu’il a besoin de repos et d’un traitement de choc pour le remettre d’aplomb.

- Mais il va bien ?

- Vous savez, colonel, j’interprète ce que le corps veut bien me révéler quant au reste je ne suis sûre de rien. Il est très difficile de déceler quoique ce soit d’autre avec le général O’Neill mais ce dont je suis convaincue c’est qu’il est très fatigué et semble être profondément perturbé de ne pas vous voir. Vous qui le connaissez beaucoup mieux que moi, vous me direz, dit-elle avant de repartir d’un pas décidé vers le laboratoire.

Soucieuse de comprendre les dernières paroles du médecin, Sam entra dans la chambre sans plus attendre.

Enveloppée par la chaleur et l’odeur aseptisée de la pièce, elle aperçut Jack se tenant assis sur le côté du lit essayant vainement d’enfiler sa chemise. Il ne semblait pas l’avoir entendue. Un étau enserra le cœur de la jeune femme devant l’état attristant de son supérieur. Des hématomes et des plaies de différentes couleurs parsemaient tout son torse ; un bandage ceinturait tout le bas du ventre et un autre sur son avant bras commençait à rougir -et chaque mouvement le faisait grimacer de douleur. Il réussit à passer une manche mais pour la deuxième, l’effort s’avérait trop pénible pour l’accomplir. Sam décida de se manifester pour lui venir en aide.

- Attendez, je vais vous aider mon général, dit-elle en cachant tant bien que mal son affliction.

 

Jack releva rapidement la tête et cessa tout mouvement.

- Je suis contente…

Son visage la pétrifia.

La bouche entrouverte ; les traits creusés par les plissures de son visage ; il paraissait effrayé par sa présence. Un fantôme aurait eu moins d’effet devant lui. Son teint halé sous sa barbe naissante et ses cheveux en bataille lui conféraient un aspect d’ermite, apeuré par le progrès du monde moderne. Et son regard hagard trahissait une lutte acharnée pour ne pas sombrer dans la démence.

 

Le choc fut brutal. Ses yeux fixaient la jeune femme mais son cerveau n’assimilait pas cette image qui ne finissait pas déchiquetée par une explosion. Il ne l’associait pas à ce souvenir qui tournait en boucle depuis un an dans ses méandres.

Il ne comprenait pas que son hôte ne criait pas. Habituellement, il criait toujours.

Il ne comprenait pas qu’il ne pleurait pas. La plupart du temps, il pleurait.

Il ne comprenait pas que de sombres pensées ne le traversaient pas. Généralement, ces idées surgissaient.

Alors, il mit cela sur le compte de l’irrationnel, son pire ennemi. Très rarement, des rêves isolés apparaissaient où cette image se retrouvait dans ses bras, lui souriant, l’embrassant. Mais très vite il reprenait le contrôle de la situation en lui renvoyant toujours le même passage.

C’est lorsque la main tremblante toucha le visage de la jeune femme qu’il explosa de surprise. Il ne savait pas comment interpréter cette sensation. Il pensa que l’irrationnel lui jouait encore un tour. Un méchant tour. La situation paraissait criante de vérité mais le traumatisme était trop grand pour l’accepter.

C’est lorsqu’il sentit le parfum de la jeune femme qu’il se mit à douter. Il ne savait pas garder en mémoire les odeurs mais il savait mettre un nom sur chacune d’elles dès qu’il les sentait. Et cela, ni lui ni le rêve n’étaient capable de les reproduire. Alors enfin il put l’admettre. Elle était vivante. Devant cette flagrante évidence, il libéra instantanément un flot de sentiments retenus captifs dans un coin de sa mémoire et les laissa se répandre pour atteindre le cœur.

 

C’est alors que tous ses traits se détendirent et un sourire se dessina sur son visage, balayant avec lui toutes les peines endurées. Sa main effleurant toujours la joue de Sam, Jack se leva et dans un geste infiniment lent, l’enlaça et la pressa fortement contre lui. Il avait réussi.

- Bonjour Carter, souffla-t-il dans le creux de son cou.

En un éclair, Sam passa de la stupeur à la surprise. Elle ne connaissait pas la raison de sa surprenante réaction mais la cause devait être importante pour qu’il se laisse aller à un tel épanchement. Elle ne tenta pas de se dégager lorsqu’elle ressentit dans son effusion, une profonde détresse et un besoin presque vital de s’assurer qu’elle se tenait bien devant lui. Il n’y avait pas de retenue dans ses gestes. Un bras couvrait ses épaules et l’autre lui enserrait la taille, la maintenant fermement de peur qu’elle ne s’échappe. A travers le tissu de sa veste, elle sentait la chevauchée effrénée des battements de son cœur à chaque fois qu’il resserrait son étreinte. Et il ne semblait pas vouloir s’arrêter. Elle se laissa griser par cet enlacement fiévreux en dépit de l’incompréhension de cet acte. Elle frissonna lorsqu’il enfouit son visage dans son cou, pressant encore un peu plus son corps contre le sien. Elle remonta doucement sa main vers sa nuque en choisissant de parcourir son avant bras et son épaule dénudés, sillonnant ainsi toute la rudesse de ses muscles, provoquant chez elle un plaisir inavouable. A son tour, elle le pressa contre elle pour apaiser son désarroi inexplicable et lui montrer toute la compassion dont elle était capable.

Sans relâcher prise, il détacha doucement son visage de son cou pour le positionner à quelques centimètres du sien. La douceur de son regard et le sourire enjôleur qu’arborait son visage ne laissait aucune issue possible quant à la suite de son comportement. Troublée par sa détermination elle se raidit. Mais très vite elle se laissa enivrer par la quintessence de son désir à poursuivre jusqu’à la fin cet interlude. Inclinant légèrement sa tête sur le côté, il se rapprochait imperceptiblement d’elle ; vers un besoin inéluctable.

C’est à ce moment que la doctoresse fit son entrée, rompant ainsi toute intimité entre ces deux personnes. Plongée dans ses dossiers, elle ne s’aperçut même pas de l’écart qu’occasionna sa venue. Elle referma le tout et releva la tête.

- Ha, je vois que vous êtes déjà debout ! Ca tombe bien, parce que je vous mets en arrêt !

Jack soupira et se reprit avant d’occuper son esprit à enfiler tant bien que mal sa chemise. Comprenant vaguement les paroles du médecin, il répondit :

- Vous me mettez aux arrêts ? émergea-t-il d’une voix enrouée.

- Non. Mais je vous mets en arrêt maladie pendant quinze jours, rétorqua-t-elle. Et je vous défends de venir à la base durant ce laps de temps. On se revoit dans une quinzaine pour repasser à nouveau des tests. Jusque là, je vous autorise à quitter les lieux et je vous conseille fortement de vous reposer si vous ne voulez pas prolonger votre arrêt. Demain, je vous enverrai un soldat avec un traitement que vous suivrez à la lettre.

- Mais…

- Il n’y a pas de mais qui tienne, général. Je vous interdis toute incursion à la base et je suis persuadée que le colonel pourra tenir votre poste jusqu’à votre retour ! répliqua-t-elle en se retournant vers Sam.

Sam essaya de se donner une contenance en croisant les bras malgré les rougeurs qui coloraient ses pommettes. De peur que sa voix ne la trahisse davantage, elle haussa les épaules et hocha la tête en signe de consentement.

- Bien. Puisque l’affaire est entendue, je m’en vais continuer ma tournée de malades, conclue-t-elle avant de sortir de la pièce.

Jack ne tenta pas de se rebeller ni même de jouer de son autorité devant l’ingérence de ce médecin. Il avait besoin de repos avant de pouvoir réintégrer ses fonctions de général, tant pour son corps que pour lui-même. Avec le temps, ses blessures se refermeraient en inscrivant quelques cicatrices supplémentaires à son palmarès déjà bien étoffé, mais il savait que les stigmates cachés dans son esprit seraient les plus douloureux avant de pouvoir cicatriser un jour. Et le remède pour accélérer sa guérison se tenait devant lui.

Jack n’avait pas quitté des yeux la jeune femme qui s’efforçait de masquer sa gêne. Il fallait détendre l’atmosphère avant de pouvoir s’expliquer.

- Rassurez-moi, Carter, ce n’est pas moi qui ai signé sa feuille d’embauche ?

L’effet fut à demi escompté. Sam décroisa ses bras et un léger sourire apparut sur son visage.

- Non. Elle nous a été affectée d’office par l’Etat Major. Mais mis à part son caractère un peu autoritaire, c’est un excellent médecin.

Jack sentit les palpitations de son cœur s’accélérer devant le sourire de son second. Elle était plus belle que dans ses souvenirs. Et pourtant, il s’était efforcé de garder en mémoire chaque traits et expressions de son visage avant que d’autres images plus sombres ne viennent inlassablement s’enchevêtrer.

- Vous arriverez à vous en sortir sans moi ?

Après ce qui venait de se passer, Jack s’aperçut que la question était à double sens. Non sans gêne, il s’empressa d’ajouter :

- Enfin… Je veux dire de commander la base pendant quinze jours.

Sam ne savait décidément pas où toutes ces questions l’amenaient mais elle continua de calquer son attitude sur lui.

- Vous savez, c’est plutôt calme en ce moment.

A l’inverse de Jack, l’ambiguïté de sa phrase fut volontaire. Mais lorsqu’elle croisa son regard pour essayer de lire sa réaction, elle se pressa de poursuivre d’une voix un peu trop aiguë :

- Regardez… depuis un mois il ne se passe rien d’important. Aucune perte à déplorer dans les équipes SG, la base se porte très bien, excepté ce matin où un incident bénin, dans la salle des sondes, s’est produit, mais les techniciens ont résolu rapidement le problème. Et puis si j’ai un souci, Walter sera là !

Jack haussa les sourcils d’étonnement en se rappelant que son fidèle destrier se trouvait en salle des sondes et qu’en aucun cas il ne pouvait être qualifié d’ « incident bénin ».

- Bénin, vous dites ?

- Oui, une défaillance des caméras vidéo. Bizarrement, elles sont tombées en panne en même temps. L’équipe chargée de la maintenance a visionnée les bandes pour en connaître les raisons.

- Et ?

Sam commençait vraiment à douter qu’il aborde le sujet pour justifier son comportement. Alors au lieu de se perdre dans des inepties, elle décida de prendre les devants.

- Monsieur, j’aimerai comprendre…

Brusquement, Jack s’approcha d’elle et posa les deux mains sur ses épaules en la tenant fermement.

- Plus tard, Carter… Dites moi, ce qu’ils ont vu sur les bandes.

Sam soupira. Elle ne savait plus comment interpréter les sautes d’humeurs de son supérieur. L’instant d’avant, prêt à l’embrasser et l’instant d’après à se soucier d’un vulgaire problème de vidéo surveillance. Parfois, il était déstabilisant mais là il battait tous les records. Sans feindre son étonnement elle répondit :

- De la neige.

Jack plissa les yeux. Il ne semblait pas comprendre.

- Ils n’ont vu que des parasites sur leurs écrans de contrôle, renchérit-elle. Mais si vous y tenez tant, je peux vérifier à nouveau.

- Ce n’est pas possible, dit-il en se précipitant vers la sortie.

Stupéfaite, Sam resta un instant dans la pièce. Soit il était atteint d’un mal inconnu que les médecins n’avaient pas décelé, soit il dissimulait volontairement des informations importantes en vue de les révéler plus tard ou soit… il perdait la raison. Elle soupira énergiquement pour calmer ses interrogations, et soucieuse de comprendre, elle lui emboîta le pas.

 

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Peu après lui, elle arriva devant le sas ouvert de la salle des sondes. Elle resta sur le seuil et décida d’observer son supérieur. Il marchait vers le fond de la pièce en tournant la tête de chaque côté en direction des caméras, marquant un temps d’arrêt entre deux. Il semblait vérifier leurs champs de vision. Puis il s’arrêta. Toujours de dos, elle ne pouvait pas voir ce qui l’intriguait mais dans un gémissement, il mit un genou à terre en maintenant d’une main ses côtes et de l’autre elle l’aperçut effleurer lentement le sol.

 

C’était tout ce qui restait. Une fine rayure longue de quelques centimètres gravée récemment sur le sol était l’unique preuve attestant du passage de l’appareil des Anciens. Et encore, se dit Jack, n’importe quel objet un peu lourd pouvait laisser ce genre de trace. Bizarrement, il se mit à sourire en pensant que désormais plus rien ne le rattachait à son ancienne vie hormis sa mémoire. Il en éprouva un certain réconfort en songeant que la vie lui offrait une seconde chance. C’est en caressant de sa main le vestige de son passé qu’il prit alors la sombre décision. Lorsque plus rien ne peut justifier votre histoire, on finit par ne plus y croire soi-même, pensa-t-il. Et oublier, c’était ce qu’il désirait le plus. Et puis, il ne voulait pas être ausculté par une ribambelle de psychiatres, leur répétant jour après jour ce que fût sa vie pendant un an pour ensuite le déclarer atteint de psychoses hallucinatoires ; et par conséquent inapte à commander une base militaire. Il ne connaissait que trop bien l’avenir du SGC et de la planète s’il venait à perdre son poste. Mais surtout, il ne tenait pas à subir la compassion de ses compagnons et encore moins celle de Carter. La pitié n’était pas réservée pour les faibles, non, mais chez lui, elle était synonyme de gêne ou de malaise.

Alors de sa main, il regroupa le peu de poussière tout autour de la rainure et la glissa à l’intérieur comme pour en vieillir la trace ; enterrant ainsi une partie de son passé. Désormais, il devait reprendre sa vie d’avant sans laisser transparaître la moindre différence entre le général d’hier et celui d’aujourd’hui.

Il se releva difficilement et se retourna pour apercevoir Carter se tenant devant la porte, étonnée par son attitude.

Il n’appliquerait pas cette résolution pour tout le monde ou du moins pas pour elle, se dit-il. Dans ce sens, il n’entendait pas lui révéler la vérité mais plutôt lui dévoiler explicitement ses sentiments à son égard. C’était triste à avouer mais il avait fallu qu’elle meure pour s’apercevoir que sans elle sa vie n’était tout simplement pas concevable. Et pendant un an, un regret dévastateur l’avait dévoré de l’intérieur. Le regret récurrent qu’elle soit morte sans savoir. Sans savoir qu’il l’aimait. Qu’il aurait dû faire fi de toutes ces lois et autres principes moraux depuis bien longtemps pour laisser libre court à son bonheur. Alors puisque la vie lui offrait une chance inespérée de pouvoir réparer son erreur, il mettrait à contribution tous ses talents pour l’attirer à lui.

Seule ombre au tableau, Carter n’éprouvait peut être pas les mêmes sentiments que lui. A une certaine époque, il connaissait la réponse mais aujourd’hui il ne savait pas. Il ne voulait rien lui imposer et encore moins la brusquer, et pourtant la scène qui s’était déroulée dans l’infirmerie contrastait avec ses pensées. Il devait maintenant s’en expliquer sans pour autant lui dévoiler son histoire.

- Tout est en ordre, Carter, dit-il en s’avançant vers elle. Avant de partir, je voulais juste vérifier par moi-même.

Sam le dévisagea. Il semblait différent. Comme apaisé. Décidément, elle avait beau chercher des explications, elle n’y comprenait rien.

- Mon général, que vous arrive…

- Un pressentiment, la coupa-t-il en se rapprochant. Un mauvais présage. Appelez ça comme vous voulez, Carter, je ne suis pas expert en la matière, mais j’ai eu la désagréable sensation que quelque chose allait vous arriver sur cette planète.

Sam était à moitié convaincue. Une simple intuition ne justifiait pas un tel comportement.

- Et que m’arrivait-il ?

Le visage de Jack s’assombrit et son regard s’intensifia. Autant lui avouer une demi-vérité, pensa-t-il.

- Vous mouriez, Carter.

Elle frissonna devant la dureté de ses paroles et de son visage. Il donnait l’impression d’avoir vécu l’événement.

- Mais… cette planète est pourtant…

- Vous étiez emportée par une mine… sur ce champ proche de la forêt.

Sam demeura interdite. Il ne pouvait pas connaître l’existence de ce champ puisqu’il s’était évanoui avant de pouvoir l’atteindre.

- Comment savez-vous pour ce champ ?

- Je vous l’ai dit, Carter, j’ai eu une prémonition.

Il secoua la tête et balaya sa propre remarque du revers de la main.

- Mais n’en parlons plus, ajouta sèchement Jack. Oublions cette histoire. Vous êtes là… et rien de grave ne s’est produit.

Ce n’était pas tant la cause qui la surprenait. Depuis qu’elle était entrée au SGC, elle avait vécu bon nombre de missions plus étonnantes les unes que les autres sans pour autant trouver des explications scientifiques à chacune d’elles. Non, ce qui la surprenait, c’était la réaction de son supérieur face à cette situation. Ainsi que la sienne. Jamais il ne s’était montré aussi démonstratif et jamais elle n’avait autant apprécié son audace.

Mais oublier était devenu son douloureux leitmotiv pour ce genre d’aparté peu réglementaire et elle savait que ce plaisir éphémère serait à ranger parmi les autres. Puisque tout était revenu à la normale, il redeviendrait l’impassible général au cœur de pierre et ce, jusqu’au prochain incident.

D’ici là, elle se sera certainement mariée avec Pete et un ou deux enfants courront dans le jardin. Et de temps à autres, à l’abri des regards, elle se laissera envahir par la nostalgie du passé en songeant à ses précieux souvenirs et ce qu’aurait pu être sa vie au côté de Jack O’Neill. Cette projection dans le futur la fit sourire amèrement et c’est le cœur lourd qu’elle ajouta :

- Bien, je vais vous laisser. Il faut que vous alliez vous reposer… et puis… j’ai une base a diriger, dit-elle d’une voix monocorde.

Elle se retourna et se dirigea vers la sortie.

Pris de panique Jack la rattrapa par le bras. Il ne pouvait pas la laisser partir ainsi en sachant qu’il ne la reverrait pas pendant quinze jours.

- Carter ! J’aurai…, commença-t-il en cherchant la suite de sa phrase,… un service à vous demander.

Sam tressaillit par la soudaineté de son geste et les traits de son visage se crispèrent. Jack eut soudain l’envie folle de la prendre dans ses bras mais il se retint et se contenta de mettre ses mains dans les poches avant de rajouter :

- Rien de bien grave, rassurez-vous ! J’ai juste un petit service à vous demander.

- Oui ? dit-elle, captivée par la suite de ses paroles.

Il fourragea sa main dans ses cheveux et après un long silence, une seule idée lui vint en tête.

- Et bien… je n’ai pas de voiture…

Sam se radoucit et elle se mit à sourire.

Elle n’aimait pas prêter sa voiture mais elle le savait bon conducteur alors elle n’y voyait aucun inconvénient. Elle entrouvrît les lèvres mais Jack la devança :

- Je pourrais en emprunter une à l’armée mais je ne suis pas en état de conduire, grimaça Jack en feignant une douleur à ses côtes. Je me demandais… si vous pourriez me ramener chez moi.

Sam écarquilla les yeux. Elle avait mal compris sa demande. Mais là non plus elle ne voyait aucun inconvénient à le ramener chez lui.

- Bien sûr, mon général.

Les idées fusaient au fur et à mesure qu’il parlait.

- Vous allez rire, mais je n’ai pas les clés de chez moi, dit-il d’un air contrit. Ce matin, je suis tellement sorti précipitamment de la maison que j’ai claqué la porte avec les clés à l’intérieur.

Il jouait vraiment de malchance mais la solution à ses problèmes se présenta devant elle.

- Pourquoi ne dormiriez vous pas à la base ?

Non. Cette idée ne lui plaisait pas du tout. Mais alors pas du tout.

- Vous avez entendu le docteur, Carter ! Elle m’en a interdit l’accès !

C’est d’un ton volontairement dépité qu’il ajouta :

- Ce n’est pas grave, déposez-moi devant un hôtel, gémit-il en songeant qu’il n’avait pas d’argent. Je crois qu’il y en a un pas très loin de la base.

D’une main il se massa les tempes.

Sam était forcée d’admettre que l’hôtel était son dernier recours mais devant l’état déplorable de son supérieur, elle répondit sans réfléchir :

- J’ai bien une chambre d’amis…

Jack enleva aussitôt sa main de son front et prit un air faussement surpris. Sam réalisa sa proposition et se ravisa.

- Mais, je ne crois…

- J’accepte, Carter ! répondit-il rapidement avant qu’elle ne se rétracte. Et puis demain à la première heure, j’appelle un serrurier.

Sam n’en revenait pas. Elle avait invité son supérieur à venir dormir chez elle et sans en être offusqué, il avait accepté. Emportée par son coté pragmatique, elle ajouta :

- Demain ?... Un dimanche ?

Son bonheur était à son comble mais il continua d’afficher une mine contrariée.

- Ha ! dit-il en se grattant le haut du crâne, et ça vous ennuie de m’héberger pendant deux nuits…

Il pouvait même rester toute la semaine s’il le désirait, se surprit-elle à penser.

- Pas du tout !

Il sourit devant la rapidité de sa réponse.

- Merci, Carter. Alors je vous attends à la surface.

Elle opina.

- Je préviens Walter de mon absence et je vous rejoins.

Il sortit.

Un soupir de bien être s’échappa de ses lèvres et un sourire illumina son visage. Un frisson de plaisir lui parcourut tout le corps à l’idée que son général allait passer les prochaines trente six heures dans sa maison. Seul avec elle. Bien des pensées lui traversèrent l’esprit et son cœur s’accéléra pour l’accompagner dans sa rêverie. Et même si rien n’allait se passer, un souvenir supplémentaire s’inscrirait dans sa mémoire. Pourtant, devant cette aubaine inespérée, elle se promit de tenter une dernière fois d’engager la conversation sur leur non relation. Et face à sa réaction soit elle lui parlerait de son désir de renouer avec Pete ou soit…

Elle secoua légèrement la tête et calma ses ardeurs. D’ailleurs dans toute cette précipitation, elle avait oublié d’appeler Pete. Elle regarda sa montre. Il n’était pas trop tard. Mais une personne l’attendait sur le parking à coté de sa voiture. Et pas des moindres.

A son tour, elle sortit de la salle des sondes. Ce soir, elle n’appellerait pas Pete. Et sans le savoir encore, ni dans les prochaines… décennies à venir.

 

 
 
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