AÏE LES RETROUVAILLES
Janet Frasier était penchée depuis maintenant un quart d’heure sur le berceau où sommeillait la progéniture de Laura Hammond. En effet, la star avait aménagé une chambre regorgeant de peluches et de jouets pour la plupart bien trop gros pour le bébé de quelques jours.
- Il est vraiment obligé de dormir tout le temps ? demanda la star au médecin du Sg-C qui l’avait rejointe
- Il ne dort pas tout le temps, répliqua-t-elle. Il mange aussi.
Janet soupira. Elle avait réussi à forcer la jeune maman à aller se reposer dans une des chambres d’ami tandis que son double et elle s’occupaient du nouveau-né. Elle se demandait encore comment les gardes du corps avaient pu accepter que Laura sortît seulement deux jours après son accouchement. Mais elle devait avouer que l’appartement de son double devait être le seul endroit calme de la ville à cette heure.
Depuis hier soir, il était impossible d’ouvrir une fenêtre sans entendre les rumeurs incessantes pour les préparatifs des fêtes de l’anniversaire. Dieu merci, elle n’était née qu’à seize heures et jusque là, il n’y aurait pas de chorale mais seulement de la musique poussée à plein volume.
- Où est Henry ? demanda alors Janet surprise de ne pas voir l’heureux papa dans un périmètre de moins d’un mètre autour de son fils
- Laura a dit qu’il dormait comme une souche chez eux malgré le bruit, expliqua son double. Il a passé toute la nuit à surveiller bébé Georges puisqu’il refuse toujours de dormir sur le dos.
Les deux jeunes femmes jetèrent un coup d’œil sur l’enfant et constatèrent qu’il était de nouveau sur le ventre bien qu’elles l’eussent recouché dans la position inverse quelques minutes auparavant.
- Je n’aurais jamais dû lui dire qu’il y avait plus de risques de mort subite du nourrisson, se maudit Janet.
- Tu ne pouvais pas deviner qu’Henry serait un papa poule, la justifia la star.
Janet fit la moue. Henry Hammond mesurait deux mètres, pesait cent cinquante kilos et ses chemisiers semblaient toujours sur le point de craquer à cause de ses muscles saillants. Son union avec la frêle Laura, qui même enceinte ne semblait pas être plus lourde qu’une plume, confirmait bien que les extrêmes s’attiraient. Mais elle aurait dû se douter qu’il prendrait le bien-être de sa femme et de son fils à cœur. Pourquoi Ken, bien pourvu en muscles, avait-il été si terrifié à l’idée de l’appeler pour lui annoncer que Laura n’accoucherait pas dans la clinique réputée dans lequel le futur père avait réservé une chambre depuis qu’ils avaient envisagé l’idée d’avoir un enfant ? Et pourquoi l’immense géant avait-il pleuré comme un enfant en prenant dans ses bras son fils qui ne devait pas être plus grand que ses mains ? Henry Hammond était un nounours. Avec un tel modèle, Janet comprenait mieux maintenant que la fibre paternelle fût si développée chez son supérieur.
- Il a ouvert les yeux ! s’exclama alors son double totalement remis de sa « maladie ». Bonjour, bébé Georges ! Comment vas-tu, mon amour ? Regarde ce que Tante Janet t’a acheté !
La star prit sur l’une des étagères une immense girafe qui n’entrait même pas dans le berceau. Comme seule réponse, le nouveau-né émit quelques bruits inintelligibles.
- Il l’adore, interpréta le double du médecin du Sg-C.
Janet sourit et laissa la star s’extasier devant les yeux bleus du nourrisson avant de pincer ses bonnes joues. Laura s’en était sortie à bon compte vu la bonne santé de bébé Georges. Les accouchements n’étant pas chose courante à la base, Janet avait dû faire appel à d’antiques souvenirs. De plus, l’arrivée de son double avec son plus grand couteau de cuisine en criant « Quand est-ce qu’on l’ouvre ? » ne l’avait pas franchement aidée. Mais cela avait permis à Ken de reprendre ses esprits pour expliquer à Janet que la star cherchait probablement à extérioriser son inquiétude par ce biais. Le médecin lui avait laissé le bénéfice du doute…
- C’est moi ! entendit alors la jeune femme dans le salon
- On est dans la chambre de bébé Georges, Ken ! lui signala le double de Janet
Le jeune homme arriva tout sourire une de ses mains derrière le dos.
- Bonjour mesdames ! salua-t-il avant de les embrasser toutes les deux
Il s’approcha du berceau avec un large sourire et observa avec amour le nourrisson fixer le plafond.
- Regarde ce que Oncle Ken t’a ramené, bébé Georges ! dit-il en lui montrant une poupée à l’effigie de la star
- Oh Ken ! s’exclama cette dernière. Mais c’est magnifique !
- C’est la première poupée sortie de l’usine et cela spécialement à l’occasion de sa naissance, expliqua-t-il. Nous allons la sortir en en édition limitée. Ça se vendra comme des petits pains !
- C’est un peu trop grand pour lui, constata le double de Janet avec une sagesse surprenante. Pose-la sur l’étagère là-bas avec les camions et les motos.
Ken s’exécuta rapidement et rejoignit bientôt sa protégée autour du berceau. Les regardant tous les deux admirer bébé Georges comme un trésor inestimable, Janet se dit que cet enfant serait certainement le plus gâté et le plus aimé de toute la planète.
Une sonnerie de téléphone mit fin à cette belle scène. Ken, excédé, répondit peu aimablement.
- Oui !
- Oui, c’est la girafe de Tante Janet que tu préfères ! gazouillait la star à ses côtés au bébé. La poupée d’Oncle Ken est très belle mais c’est la girafe que tu préfères ! Oui, tu es un bon garçon !
- Oui, poursuivait Ken en se grattant la tête. Non, nous n’avions pas oublié… Oui, elle est prête pour la parade.
A ces mots, le babillage de la star s’arrêta net. Ken haussa les épaules en signe de désespoir tandis que les sourcils de la jeune femme se fronçaient pour montrer son mécontentement. Son agent décolla sa bouche de son téléphone quelques instants.
- Janet ! protesta-t-il. Tu le fais chaque année, ils ne comprendraient pas que tu refuses aujourd’hui.
- J’ai pas envie ! répondit gaminement la star. Je veux rester avec bébé Georges !
Ken raccrocha et deux regards se tournèrent alors vers le médecin du Sg-C avec l’air le plus abattu qu’ils pouvaient avoir.
- Qu’est-ce que vous voulez ? demanda la jeune femme inquiète
- Pas grand chose, répondit son double avec innocence. Juste que tu fasses une petite ballade en ville…
- Trois ou quatre heures tout au plus, ajouta Ken.
- Sur une grande voiture ouverte, continua la star.
- En fait, c’est un char, précisa son agent.
- UN QUOI ? s’exclama Janet
*
- Eh ! Restez avec nous, Carter ! s’exclama Jack en attrapant de justesse son second qui était sur le point de se perdre dans la foule
- Merci, mon colonel, soupira la jeune femme en revenant à sa hauteur.
- Je crois que je ne sais absolument pas où nous sommes, déclara son double désespéré.
Jack reconnut qu’il était difficile de se repérer tant les rues étaient noires de monde. Même sur Terre, il n’avait jamais vu un tel phénomène : enfants, adultes comme vieillards se promenaient dans les rues en chantant des airs de fête à la gloire de Janet Frasier. Partout, on n’entendait que l’écho de son nom et il était quasiment impossible de faire un pas sans marcher sur les pieds de son voisin.
Ce rassemblement extraordinaire aurait sûrement été aussi un bon moment pour les trois voyageurs s’ils ne devaient pas absolument rejoindre la gare centrale de Gè afin de prendre le seul train du jour les menant à Colorado Springs.
- Plus de traces des tueurs à gages ? demanda Sam à tout hasard
- Je vous avoue que je ne reconnaîtrais personne avec tout ce monde, répondit son supérieur. Je pense tout de même qu’ils ne tireront pas dans ces conditions.
- Ils n’ont pas hésité à le faire ce matin, répliqua petit Jack.
Le chef de Sg-1 fixa son double avec haine tandis que Sam levait les yeux au ciel.
- Ils n’auraient jamais pu nous retrouver si tu n’avais pas eu l’idée idiote de prendre une chambre d’hôtel avec ta carte de paiement ! s’écria Jack fou de rage. Heureusement que tu as payé les billets de train en liquide. Sinon, nous aurions eu un chouette comité d’accueil à Colorado Springs !
- Mon colonel, rectifia Sam, Antéa nous a dit que toutes armes étaient interdites là-bas.
- Encore heureux ! commenta-t-il. Mais quelle idée, petit Jack, quelle idée !
Le jeune homme eut un air désolé avant de se hausser sur la pointe des pieds pour tenter de distinguer un panneau de direction susceptible de le renseigner sur l’endroit où ils étaient.
- Je ne pouvais pas savoir, finit-il par se défendre après être redescendu à leur niveau avec un nouveau soupir. Quand ils ont débarqué dans la chambre, je croyais franchement que c’était le service d’étage.
Sam eut envie de rire tellement petit Jack était irrécupérable. Mine de rien, l’arrivée des tueurs à gage n’avait pas été une si mauvaise chose. Cela leur avait permis de se débarrasser d’Antéa qui les avait empêchés de dormir avec son babillage incessant sur ses magazines préférés et sa journée extraooooooooooordinaire avec Teal’c et Jonas. De plus, elle restait un peu trop collée à Jack au goût de Sam. Effrayée par les armes à feu, la jeune femme s’était enfuie sans demander son reste, les laissant se débrouiller seuls pour trouver une issue. Maintenant, ils piétinaient dans la ville à la recherche de la gare et cela sans n’avoir rien pu avaler.
Une exclamation plus forte que celles qui s’élevaient jusqu’alors les fit se tourner. Evidemment, ce n’était même pas la peine d’espérer voir quelque chose avec cette foule. Mais cela devait sûrementêtre d’important car, presque immédiatement, un grand mouvement poussa nos trois compagnons vers l’origine de l’agitation.
- Mais qu’est-ce qu’il se passe ? se lamenta le chef de Sg-1 en tenant fermement son double et sa subordonnée. Petit Jack ? Tu n’es pas au courant ?
- Jusqu’à ce que je rencontre le docteur Frasier, je ne savais absolument pas qui était cette personne, répondit le jeune homme. Je n’ai aucune idée de la façon dont se déroulent les festivités pour son anniversaire.
- Les scientifiques ! pesta Jack. Toujours à vivre dans leur propre monde !
- Et parfois cela vaut mieux ! répliqua Sam vexée
Se laissant aller dans le courant, ils entendaient le bruit des clameurs s’intensifier sans pour autant en identifier la cause. En effet, par l’effet des différents courants, ils avaient fini par se retrouver les uns face aux autres totalement découverts si, par malheur, un tueur les repérait.
- MON COLONEL ! s’écria alors une voix étouffée. SAM !
- Carter ? Vous avez entendu ? demanda Jack intrigué
- Entendu quoi ? se mêla son double
- MON COLONEL ! SAM ! s’exclama la même voix plus distinctement
- Ça ! Je crois que cela vient de par-là ! dit la jeune femme en se dévissant presque la tête
Sam eut un choc en distinguant enfin celle qui continuait de s’époumoner.
- MON COLONEL ! SAM !
- Janet ? s’étonna-t-elle. JANET !
- Janet ? répéta Jack en se retournant sans aucune difficulté. Vous avez vu le docteur Frasier ?
- Oui ! s’écria Sam en faisant de grands signes de la main. Elle est là !
Les deux hommes levèrent la tête sur le gigantesque char qui évoluait à quelques mètres d’eux. Au premier abord, Jack ne reconnut même pas le docteur du Sg-C. Elle était méconnaissable avec ces habits aux couleurs trop vives et ce maquillage tape à l’œil lui permettant d’être vue de très loin. Comme emprisonnée dans un immense siège, Janet saluait la foule dans un geste encore naturel. Médusée par leur présence, la jeune femme les regardait avec la même stupéfaction.
- MAIS QU’EST-CE QUE VOUS FAITES ICI ? demanda-t-elle malgré les hurlements de la foule en délire
Opportunément, la voiture s’arrêta afin que tout le monde puisse mieux admirer la star. Les trois compagnons essayèrent de se rapprocher d’elle le plus possible.
- NOUS SOMMES VENUS VOUS CHERCHER TEAL’C, JONAS ET VOUS ! hurla Jack
- QUOI ?
Elle n’attendit même pas que Jack répétât sa phrase pour se lever et se diriger vers eux sous prétexte d’aller serrer quelques mains.
- NOUS SOMMES VENUS VOUS CHERCHER TEAL’C, JONAS ET VOUS ! vociféra Jack tandis que l’extase gagnait un à un tous ceux qui les entouraient
- CELA FAIT DES JOURS QUE J’AI PERDU TEAL’C ET JONAS ! répondit Janet en grimaçant sous le bruit énorme que faisaient ses fans. JE NE SAIS PAS OU ILS SONT !
- NOUS SI ! répliqua Sam en voyant Jack se tenir la gorge. A COLORADO SPRINGS !
Un cri s’échappa de la bouche de Janet quand elle faillit basculer dans la foule tant elle était tirée par ses admirateurs. Immédiatement, une armée de gardes de corps l’éloignèrent malgré elle de ses amis.
- QUOI ?
- REJOIGNEZ-NOUS A COLORADO SPRINGS ! répéta Sam tandis que Janet faisait signe qu’elle n’avait rien entendu. COLORADO SPRINGS !!!!!!!!!!
Mais le char se remit alors en route et un nouveau mouvement laissa Jack et Sam loin de la célèbre star.
- Vous croyez qu’elle a entendu ? demanda soucieusement la jeune femme
- Je n’en ai aucune idée, répliqua son supérieur.
Ils soupirèrent de concert. Au moins, Janet savait qu’ils étaient à sa recherche…
- Mais où est petit Jack ? demanda alors le chef de Sg-1 en scrutant autour d’eux.
- Je suis là ! répondit le jeune homme
Imitant quelques-uns de ses congénères, il était monté sur un pylône électrique et pouvait maintenant voir parfaitement leur situation.
- Nous ne sommes pas loin de la gare ! s’écria-t-il. Nous serons là-bas à l’heure !
- Enfin une bonne nouvelle, s’enthousiasma Jack.
- Oui, grimaça Sam, encore faudrait-il qu’il descende assez vite pour que nous ne nous fassions pas repérer par les tueurs !
*
- Terminus ! Tout le monde descend ! s’écria petit Jack
Sam émergea lentement et constata avec étonnement qu’ils étaient les derniers passagers encore présents dans le train. Elle avait pourtant l’impression qu’ils venaient à peine de partir.
- On est déjà arrivé ? demanda-t-elle encore pâteusement
- Oui, répondit petit Jack. Les gens du nettoyage ne vont pas tarder à arriver maintenant.
- Où est le colonel O’Neill ? demanda alors Sam en refermant les yeux
Elle était tellement fatiguée ! Peut-être que petit Jack avait dormi tranquillement la nuit dernière mais le chef de Sg-1 et elle avaient dû faire un débriefing complet pour clarifier la situation, enfin autant que cela était possible sans oublier les élucubrations sans fin d’Antéa.
- Juste en dessous, répliqua petit Jack.
- Quoi ? s’étonna-t-elle en se calant un peu mieux dans son fauteuil
Le prix du billet était assez élevé mais elle était vraiment confortablement installée. Il lui semblait même que les sièges étaient chauffés.
- Il est juste en dessous de toi, Samantha, précisa le jeune homme.
Sam sursauta quand elle remarqua qu’elle était carrément blottie dans les bras de son supérieur qui ronflait encore. Elle se redressa rapidement et frappa petit Jack dès qu’elle fut debout.
- Mais tu n’aurais pas pu me le dire plutôt ! lui reprocha-t-elle
- Quoi ? répliqua-t-il avec un air d’évidence Vous vous êtes endormis au premier kilomètre et depuis impossible de vous réveiller ! Et puis, ne mens pas, je suis sûr que tu as trouvé ça très agréable !
Sam prit sa mine la plus offusquée.
- Non pas du tout !
Petit Jack haussa les épaules, se moquant de la réaction outrée de la jeune femme.
- Bon, maintenant il faudrait vous dépêcher d’aller prendre les tickets pour rentrer dans Colorado Springs, dit-il.
- Mais quels tickets ? demanda Sam perdue
Le jeune homme parut consterné tandis qu’elle essayait de remettre toutes ses idées en place.
- Moi, je vais aller chercher les tickets et toi, tu t’occupes de réveiller grand Jack et de le faire sortir du train.
- D’accord, répondit docilement Sam surprise par la prise en mains de la situation par son ex mari.
Elle le regarda disparaître par l’une des sorties et s’intéressa alors à son supérieur. Pour éviter de se laisser attendrir par son air si mignon, elle le secoua sans ménagement.
- Carter ! Qu’est-ce qu’il se passe ? s’écria celui-ci en s’éveillant en sursaut
- Tout va bien, mon colonel, le rassura Sam. Nous sommes arrivés à Colorado Springs et petit Jack achète des… enfin il se charge de nous faire entrer.
Le chef de Sg-1 acquiesça lentement et se releva avec l’aide de la jeune femme. Elle le laissa ensuite se réveiller complètement tout seul avant de lui tendre tout leur attirail qui leur serait bientôt inutile.
- Mais depuis quand petit Jack prend de telles initiatives ? s’étonna-t-il
- Je ne sais pas, répondit Sam. A croire que la dernière confrontation avec sa mère et sa grand-mère a été un déclic.
Ils avancèrent dans le couloir du train rapidement. Atteignant la sortie, ils se protégèrent instinctivement de la brillance du soleil pourtant déjà déclinant.
- Je ne crois pas, répliqua Jack en lui désignant immédiatement un banc où ils se laissèrent tomber lourdement. Il reviendra toujours vers elles. Elles deviendront sûrement de moins en moins influentes mais, à terme, il deviendra exactement comme mon père : dans son monde.
Le sérieux de Jack finit par rendre Sam totalement alerte. Son supérieur semblait parler en connaissance de cause.
- Comment cela se fait-il que vous ne soyez pas comme lui ? demanda-t-elle. On voit que vous avez été vraiment marqué par vos parents alors pourquoi n’êtes-vous pas petit Jack ?
Il sembla réfléchir un instant puis s’étira prenant presque toute la place sur le banc.
- Maman et Grand-mère n’étaient pas du tout les mêmes. Heureusement d’ailleurs, dit-il avec un sourire. Elles étaient tolérantes, très compréhensives et très aimantes. En plus, j’avais Oncle Edgar.
La jeune femme fronça les sourcils en signe d’incompréhension.
- C’était le frère cadet de mon père, expliqua-t-il. Son exact contraire : il savait déclencher les disputes comme personne car il estimait que c’était le seul moyen d’en finir avec les tensions latentes, il n’était pas diplomate pour un sou mais il était très, très attaché à certains principes comme la famille et l’honnêteté. En fait, je crois que c’était l’homme parfait pour me servir de complément de modèle.
- Voilà ce qu’il manque à petit Jack, soupira Sam en regardant le jeune homme revenir vers eux triomphant.
- Pas la peine, répliqua le chef de Sg-1.
- Ah oui ?
- Eh oui ! dit-il avec évidence. Il faut que je reste unique, Carter !
La jeune femme sourit. A vrai dire, elle aussi préférait qu’il demeurât le seul vrai Jack O’Neill.
- Alors, on peut y aller ? demanda ce dernier à son double
- Oui, j’ai tout réglé, répondit le jeune homme. Il ne nous reste plus qu’à enfiler nos costumes et nous pourrons rentrer dans Colorado Springs.
- Les costumes ? demanda Jack
- Oui, mon colonel, rappela Sam. Nous devons prendre une identité fictive et rester dans la tenue de l’époque pour pouvoir aller là-bas.
- Et quelles sont nos identités fictives ? s’enquit Jack
L’air dégagé de son double alerta immédiatement les deux membres de Sg-1. De nouveaux problèmes semblaient s’annoncer.
- Alors, petit Jack ? interrogea à son tour Sam
- Il était hors de question que Samantha puisse entrer à Colorado Springs en tant que célibataire, expliqua-t-il.
- Ah oui ? reprit la jeune femme un peu vexée. Et pourquoi donc ?
- Parce que tu aurais fatalement fini dans un saloon, se justifia le jeune homme.
- Tu as bien fait ! l’approuva Jack horrifié rien qu’à cette idée. J’aurais été absolument contre !
- Merci. Donc, poursuivit son double, nous devions constituer tous les trois une famille.
- Et ? demanda Sam avidement
- Et vous comprenez que je ne pouvais pas dire que nous étions frères et sœur.
Les deux membres de Sg-1 échangèrent un regard dégoûté. Ils auraient sûrement formé la famille la plus incestueuse de toute l’histoire de la galaxie.
- Alors qu’as-tu dit ? interrogea Jack impatient
Il vit soudain Sam plisser les yeux étrangement. La jeune femme semblait avoir compris quelque chose qui ne lui plaisait guère.
- Oh non, petit Jack ! se lamenta-t-elle
- Quoi ? demanda Jack perdu
- Il nous a mariés ! s’exclama Sam devenue pâle
- Pardon ?
- Il a dit que nous étions mariés ! répéta-t-elle au bord de l’hystérie
- Bah ! Après tout, nous étions bien fiancés ! répondit Jack pince sans rire.
Il comprit que sa plaisanterie n’avait pas eu de succès en voyant le regard noir que lui adressait la jeune femme. Apparemment, ce nouvel aléa d’état civil ne lui plaisait pas du tout.
- Et toi alors ? demanda-t-il à son double. Tu es mon frère, c’est ça ?
- Non, répondit petit Jack froissé. Je suis ton fils issu d’un premier mariage.
- QUOI ? s’exclama ensemble les deux membres de Sg-1
- Comment aurais-tu expliqué que je m’appelle petit Jack et toi grand Jack ? répliqua le jeune homme
- Oh c’est pas vrai ! s’exclama Jack en se cachant le visage
*
- Carter ! S’il vous plait ! Attendez !
En la voyant accélérer le pas malgré ses deux kilos de robe, Jack comprit qu’elle était un peu fâchée. Il était vrai qu’il n’aurait pas dû hurler quand il avait appris qu’ils devraient avoir des alliances. Il n’aurait pas dû non plus tant ronchonner pour les acheter. Il aurait encore moins dû proposer à Sam de se servir de sa bague de fiançailles, ou plutôt de ce qu’il en restait, pour limiter les frais. Mais sur le moment, cela lui avait paru être une excellente idée. En effet, Dieu seul savait combien de temps ils prendraient pour retrouver Teal’c et Jonas dans la ville fourmillant de monde. Mais il en avait oublié qu’il était possible de blesser la jeune femme.
- Un conseil, lui dit son double en le retenant à la manche, habitue-toi dès maintenant à l’appeler par son prénom. Sinon je doute que vous fassiez tous les deux un couple très crédible.
- Mais comment veux-tu que nous fassions crédibles ? répliqua Jack furieux. Nous ne sommes pas un couple !
N’en supportant pas plus, il se libéra du jeune homme et courut à la poursuite de Sam oubliant le ridicule de sa démarche avec ses bottes de cow-boy. Il les observa alors que Jack la rejoignait réussissant quelques minutes plus tard à lui arracher un sourire. Son double ne s’en étonnait plus. Même s’ils avaient beau s’en défendre, les deux membres de Sg-1 avaient vraiment l’air d’un vieux couple.
- Ben alors, petit Jack, tu viens ? appela Sam
- Oui, nous n’avons pas que ça à faire ! répliqua son supérieur
- J’arrive ! s’écria le jeune homme en pressant le pas
Il allait bientôt les rejoindre quand une conversation retint l’attention de petit Jack.
- Bonjour, M. Quinn, lança une voix. Vous n’auriez pas vu votre cousine ?
- Le docteur Quinn n’est pas ma cousine et je n’ai aucune idée de l’endroit où elle pourrait être, en répondit une autre semblant plus pressée.
Petit Jack saisit juste à temps le bras du propriétaire de la seconde voix alors que ses deux compagnons se demandaient ce qui pouvait le retenir.
- Jonas ? reconnut-il
- Petit Jack ? s’étonna ce dernier
Les deux hommes se fixaient comme s’ils étaient victimes d’hallucinations. Il fallait avouer que le beau costume de jeune homme bien propre sur lui de petit Jack et le sale habit de chercheur d’or de Jonas avaient de quoi surprendre. Le Kelownan s’apprêtait à fermer enfin sa bouche mais l’ouvrit encore plus grand quand il vit Jack et Sam arriver.
- Mon colonel ? Sam ? Mais que faites-vous ici ? demanda-t-il
- Je vous retourne la question, Jonas, répondit vertement Jack.
- Nous sommes venus chercher petite Sam, répliqua celui-ci innocemment. Mais nous avons perdu Janet en chemin.
- Nous l’avons retrouvée, lui apprit Sam.
- Mais pourquoi vous a-t-il paru nécessaire de trouver petite Sam ? demanda son supérieur
Jonas sembla paniquer pendant quelques secondes mais heureusement petit Jack le sauva en attirant l’attention sur le magazine que le Kelownan tenait en main.
- Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Ce n’est pas un peu contraire aux règles de Colorado Springs ?
Jonas haussa les épaules avec un air dégagé.
- Il s’agit du Tauri-Match, répondit-il. Personne n’y fait attention à part les enfants.
- Après tout, on n’est pas à un anachronisme près, répliqua petit Jack.
- Je l’avais presque fini, poursuivit le Kelownan en captant le regard intéressé du jeune homme. Vous le voulez ?
- Pourquoi pas ? se laissa tenta petit Jack. J’en ai déjà entendu parler et…
Le chef de Sg-1 attrapa le magazine alors que les deux hommes voulaient se l’échanger.
- Eh ! Vous ne pensez pas que nous avons autre chose à faire ?
- Oui, approuva Sam, le colonel O’Neill…
- Jack ! rectifia automatiquement son ex-mari pour elle
- Oui, dit celle-ci en levant les yeux au ciel, *Jack* a raison. Où est Teal’c ?
Jonas fronça les sourcils et regarda ses deux collègues.
- Jack ?
- Où est Teal’c ? répéta le chef de Sg-1 lassé
Le Kelownan sortit de sa poche une montre à gousset, objet que l’on trouvait peu couramment dans les poches d’un chercheur d’or.
- D’où vous sortez ça ? demanda petit Jack
- Elle est belle, hein ? répondit Jonas en la faisant admirer. Je l’ai gagnée au poker.
- Vous jouez au poker ? s’étonna le jeune homme
- Oui, au saloon là-bas, on y passe de…
- Jonas ! rappela Jack. Où est Teal’c ?
- Du calme ! s’écria le Kelownan. Comme nous avions rendez-vous, je regardais seulement si je n’étais pas en retard !
- Et ? demanda Sam
- Et nous sommes en retard, répondit Jonas en rangeant sa montre. Dépêchez-vous ou nous n’aurons plus de place !
Jack et Sam s’interrogèrent du regard tandis que son double suivait l’extraterrestre parti avant eux.
- Mais qu’est-ce que vous attendez ? Venez !
Le nouveau couple haussa les épaules et s’élança à son tour. Ils avaient fini tous les deux par ne plus se poser des questions sur le comportement étrange de Jonas.
Quand ils arrivèrent à destination, Jack, Sam et petit Jack restèrent stupéfaits.
- Jonas ? C’est une blague ? Ne me dîtes que vous aviez rendez-vous avec Teal’c dans… une église ! s’exclama le chef de Sg-1
Sans l’entendre, le Kelownan monta les marches menant à l’entrée de l’édifice religieux avant d’enlever son chapeau.
- Jonas ! appela Jack. Jonas !
En désespoir de cause, les trois compagnons durent se résoudre à entrer à leur tour. Jack roula des yeux mais s’effaça pour laisser passer Sam devant lui.
- Je m’attendais à mieux pour notre première sortie publique en tant que couple, glissa-t-il à l’oreille de la jeune femme.
- Je ne pensais même pas que vous me sortiriez, répliqua Sam en souriant.
- Chuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuut ! les coupa Jonas qui les attendait à l’intérieur.
Il désigna Teal’c du doigt. Le Jaffa était assis très sagement au dernier rang de l’église à quelques mètres d’eux mais ne semblait pas avoir remarqué leur présence. Son attention était entièrement tournée vers une porte derrière l’autel.
- Eh ! Teal’c ! Tout va bien ? demanda Jack en s’asseyant à côté de lui comme lui avait indiqué Jonas
- Chuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuut ! les coupa de nouveau le Kelownan
- D’accord, d’accord, on se tait ! abandonna le chef de Sg-1
Il se tourna vers Sam qui était assise entre lui et son double tandis que Jonas s’installait juste devant eux.
- Mais qu’est-ce qu’il se passe ? demanda petit Jack à voix basse. Je ne les ai jamais vus dans un tel état !
- Je n’en ai aucune idée, répondit Sam. Le mieux maintenant serait d’attendre.
- Et en silence, conseilla son supérieur.
Jonas leur lança un regard noir mais se retourna immédiatement quand la porte derrière l’autel s’ouvrit. Et là… Et là… Jack, Teal’c, Jonas et petit Jack retinrent leurs souffles. Devant eux se tenait peut-être ce que l’humanité avait fait de plus beau et de plus fragile, l’incarnation la plus fidèle de la grâce, du charme et de la beauté, un mélange parfait de candeur et d’innocence qui, cruauté suprême, cachait ce que tous rêvaient de…
- Eh ! m’interrompit Sam. Mais c’est moi !
Elle donna un violent coup de coude à Jack et à son double mais parvint à peine à les sortir de leur état de béatitude. Teal’c se pencha alors vers eux, le sourire aux lèvres.
- Voici petite Sam, présenta-t-il, ou plutôt sœur Véronique.
Le seul membre féminin de Sg-1 resta bouche bée et regarda son double rejoindre le banc réservé spécialement aux sœurs de Colorado Springs et arranger avec un soin tout particulier sa cornette ne révélant qu’une petite partie de son visage. Autour d’elle, tous ses compagnons semblaient subjugués.
- Mais qu’est-ce qu’il vous arrive ? s’écria-t-elle. Il ne s’agit que de moi !
Elle distribua de nouveaux coups de coude qui fit réagir Jack. Celui-ci eut un sourire compatissant pour la jeune femme.
- Bien sûr que c’est vous, Car… Sam, dit-il. Mais avouez que c’est un vous tout à fait différent.
- C’est sœur Véronique ! répéta petit Jack dans un soupir exalté.
Sam en était maintenant sûre. Les choses interdites avaient irrémédiablement un effet sur les hommes !