Citations du moment :
«Non seulement Dieu n’existe pas mais en plus il est impossible de trouver un plombier le dimanche.»
[ Woody Allen ]
Imagine

Un secret du nom de Myriam : Chapitre 13

Chapitre 12
 
 
« Je suis désolée ma chérie, j’aurais pas dû m’emporter comme ça, confessa Sam à sa fille. Tu sais, je ne t’ai jamais vraiment parlé de ton papa. J’aurais dû le faire depuis longtemps. »
 
La petite fille regarda sa mère avec toute son attention, consciente qu’elle vivait un moment précieux.
 
« Ton papa est la meilleure chose qui me soit arrivée. Il était drôle, attentionné, cultivé, et il était musicien. Pianiste. »
 
Sam sourit à sa fille qui suçait son pouce avec son doudou à la main.
 
« Il avait de grandes mains. Trois, non, quatre fois plus grandes que les tiennes. Et il jouait merveilleusement bien. C’est d’ailleurs ce qui m’a fait fondre chez lui, dit-elle en souriant. Le soir où je l’ai rencontré, c’était dans un café jazz. Il y avait une petite scène, légèrement éclairée, et il était là, au milieu, assis sur un tabouret devant un beau piano noir. Et tu sais ce qu’il a fait ? »
 
La petite fille, captivée par le récit de sa mère, fit un « non » de la tête en se calant un peu plus dans son lit.
 
« Il a joué et chanté pour moi. C’était You belong to me, de Vonda Shepard, ma chanson préférée. Alors ce pianiste a attiré toute mon attention. C’était comme s’il n’y avait plus que lui et moi dans la salle. Mes yeux n’arrêtaient pas de le fixer. Il ne savait pas qu’il chantait ma chanson préférée, mais moi j’étais émerveillée. Quand la chanson fut terminée, j’avais des frissons partout, je tremblais presque. Il avait beaucoup de talent ! La scène s’était éteinte sous un tonnerre d’applaudissements, et moi je n’ai pas bougé. J’ai plongé mes lèvres dans mon verre, et je suis restée là. Je ne l’ai même pas entendu s’approcher. Il m’a dit à l’oreille qu’il m’avait vue le fixer durant toute la chanson. Il m’a avoué que c’était sa chanson préférée et qu’il voulait me la dédier parce qu’elle était aussi belle que moi. »
 
Myriam sourit, Sam fit de même.
 
« On s’est revu plusieurs fois et on est sorti ensemble pendant deux ans avant qu’il ne me demande en mariage. On t’a eu trois ans plus tard. Pendant ma grossesse, il avait tellement peur qu’il m’arrive quelque chose qu’il m’appelait toutes les heures ! Il jouait du piano tous les soirs, il disait qu’il voulait te transmettre sa passion pour la musique. »
 
Elle fit une pause puis reprit.
 
« Quand tu es née, il était complètement gaga. Il te mettait sur ses genoux et te jouait une berceuse en fredonnant les paroles. Il voulait te montrer à tout le monde, il était fier de toi. Il t’aimait ma chérie, autant qu’un père peut aimer sa fille. »
 
Elle reprit son souffle pour se donner une contenance, puis continua.
 
« En fait, c’est moi qui suis égoïste… Tu sais, je comprends que tu veuilles un papa.
 
-Si j’appelle Jack papa, il remplacera pas mon vrai papa, maman. C’est juste pour être comme tout le monde. Mais si tu veux pas, c’est pas grave.
 
-Fais comme tu veux ma chérie.
 
-C’est vrai ?
 
-Oui. Bon allez, au dodo maintenant. Bisou. »
 
Sam referma la porte de la chambre où dormait sa fille, puis resta appuyée dessus quelques instants. Discuter avec sa fille avait fait remonter des souvenirs qu’elle s’était efforcée d’oublier, mais bien sûr elle n’y était pas parvenue. Des souvenirs difficiles auxquels elle aurait dû faire face depuis quelques années déjà.
Enfin elle descendit, mais ne vit personne dans le salon. Elle alla dans le jardin et vit Jack dans le lac, en train de se baigner. Elle décida de l’y rejoindre, ça lui changerait les idées.
 
« Alors ? Demanda Jack.
 
-Elle dort. Je lui ai tout raconté sur son père.
 
-C’est bien.
 
-J’ai vu que vous aviez un piano dans votre salon. Vous en jouez ?
 
-Oh ! Cela fait une éternité que je n’y ai pas touché. J’ai énormément perdu.
 
-Il était pianiste.
 
-Pardon ?
 
-Mon mari. Il était pianiste.
 
-Oh ! »
 
Elle lui sourit, puis soudain, comme pour se défaire de l’image qui lui parcourait l’esprit, elle éclaboussa Jack. S’en suivit une bataille d’eau qui dura une vingtaine de minutes. Ils sortirent enfin puis se séchèrent. Sam se remémora alors les paroles de Jack lorsque celui-ci avait sa fille sur ses épaules. Un sourire se forma sur ses lèvres, et elle se précipita dans la salle de bain. Elle en ressortit un quart d’heure plus tard, en débardeur et short blanc et les cheveux mouillés. Elle retrouva Jack assis sur le canapé dans le salon. Elle frôla ses cheveux de sa main en allant s’asseoir sur le fauteuil à côté de lui, près de la cheminée. Elle mit les pieds sur la table basse devant elle et regarda ceux de Jack, eux aussi posés sur la table.
 
« Vous savez ce qu’on dit ? Demanda-t-elle alors.
 
-Quoi ?
 
-A propos des gens qui ont des grands pieds.
 
-Non, dit-il en fronçant les sourcils.
 
-Grands pieds, grandes… chaussures, finit-elle par dire en éclatant de rire. »
 
Jack la regarda, étonné de son audace. Elle soutint son regard avec un sourire malicieux sur le visage. Mais Jack replongea son nez dans son livre, laissant Sam et son sourire seuls sur le fauteuil. Jack se savait observé, il savait que Sam posait ses yeux sur lui. En effet, elle regardait avec minutie le visage de Jack, concentré sur sa lecture, ses doigts qui tenaient fermement le livre, ses cheveux miraculeusement droits sur sa tête… Elle se leva finalement et alla se coucher, en frôlant un dernière fois les cheveux de Jack.
Le lendemain matin, Sam fut réveillé bruyamment.
 
« Maman, maman, réveille-toi. Jack il a pêché un gros poisson. Allez, réveille-toi. »
 
Sam ouvrit les yeux en grognant.
 
« Il est quelle heure ?
 
-7h00.
 
-7h00 ??? Oh, mais c’est pas vrai. On est dimanche ! Même pour un gros poisson, un dimanche à 7h00, je me lève pas ! »
 
Myriam descendit du lit avec une moue boudeuse, puis alla voir Jack.
 
« Elle veut pas se lever.
 
-Ah ! C’était à prévoir. Bon, il va falloir employer une autre méthode, dit-il en souriant. »
 
Il monta les escaliers et frappa à la porte de la chambre où Sam dormait.
 
« Toc toc toc, dit-il.
 
-On est dimanche, râla Sam.
 
-C’est le jour du poisson, fit Jack avec enthousiasme.
 
-C’est le vendredi le jour du poisson, fit Sam d’une voix encore ensommeillée.
 
-Pas ici ma petite dame. Bon, je n’aime pas devoir faire ça, mais vous ne me donnez pas le choix.
 
-Faire qu… Aaah ! »
 
Jack tenait Sam sur ses épaules, avec le drap qui faisait une traîne derrière. Il descendit les escaliers avec son fardeau, sous les yeux rieurs de Myriam.
 
« C’est bon, vous avez gagné, posez moi par terre s’il vous plait. »
 
Jack accéda à sa requête, et la posa sur le sol vert du jardin.
 
« Qu’est ce qu’il a de si important ce poisson ? Demanda-t-elle.
 
-Tiens, c’est lui, fit Myriam en tendant sa main vide à sa mère.
 
-Mais il y a rien du tout, fit Sam.
 
-Tu le vois pas ? Il est énorme pourtant.
 
-C’est pas vrai ! Encore un de ces poissons imaginaires, dit-elle en colère. Et dire que je pourrais encore dormir.
 
-Tenez, une canne à pêche, lui dit Jack. Asseyez-vous là, et pêchez. Mettez-y du cœur sinon vous serez bredouille. »
 
Voyant qu’elle allait répliquer, il lui mit ces doigts sur la bouche pour la faire taire.
 
« Vous verrez, on va s’amuser. »
 
Elle se résigna et prit la canne à pêche. Elle s’installa au bord du lac, sur le ponton, à côté de Jack, et mit sa ligne à tremper.
 
 
Conçu par Océan spécialement pour Imagine.
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