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Pourquoi ce nom d'Académie Française ? C'est la question que tout le monde se pose sauf les académiciens français qui s'en foutent du moment qu'ils n'ont pas froid aux genoux..
[Pierre Desproges]
Imagine

Le Pardon : Chapitre 2

 

Daniel soupira bruyamment et cogna une nouvelle fois contre la porte.

 

-         Vala ! cria-t-il. Tout le monde t’attend au mess, qu’est-ce que tu fabriques ?

 

De l’autre côté de la porte, des bruits sourds lui parvinrent. L’archéologue se passa nerveusement les mains sur le visage. Il aurait parié qu’elle s’était encore plongée dans son nouveau hobby et qu’elle n’avait pas vu le temps passer. Et dire qu’elle lui avait promis qu’il n’aurait pas besoin de venir la chercher pour le repas. Il allait tuer Teal’c…

 

-         Je suis prête, dit-elle en sortant à la hâte de sa chambre.

 

Il se mit en marche sans un mot et elle le suivit avec un sourire désolé. Le jeune homme lui jeta un regard en biais et demanda malgré lui :

 

-         Tu en es où ?

-         A un moment critique, tu peux me croire ! J’aurais presque préféré sauter le repas, répondit-elle en roulant des yeux.

 

Il haussa les sourcils, sachant qu’il y avait tout de même de la glace au menu. Devant sa mine étonnée, la jeune femme entreprit de se justifier :

 

-         L’espèce de grosse limace veut les donner à manger à un truc géant plein de tentacules ! reprit-elle avec animation. Je n’ai pas eu le temps de voir comment ils s’en sortaient. S’ils s’en sortent…

 

Au moins elle approchait de la fin, songea-t-il amusé. Restait juste à espérer qu’elle ne demande pas une connexion Internet personnelle pour parfaire ses connaissances…

Elle s’était plutôt bien habituée à la vie terrestre, c’était une bonne chose. Il avait eu peur qu’après ce qu’elle avait vécu dans cette autre galaxie, elle ait du mal à retrouver une vie « normale ». Mais elle avait de remarquables capacités d’adaptation et était parvenue à se faire sa place au SGC en quelques semaines, de façon plus ou moins forcée. Ce dont il était sûr, c’est qu’elle avait fait des efforts et qu’elle avait réellement cherché à s’intégrer.

Bien sûr, ce n’était plus la même Vala que celle qu’ils avaient été forcés d’accueillir un an auparavant. Elle était parfois plus douce, plus sombre aussi. Mais elle avait gardé ce sens de l’humour si spécial et cette manie de le titiller jusqu'à ce qu’il craque. Sa capacité à mentir était presque intacte aussi, pensa-t-il avec un sourire.

Et puis après tout ce qui s’était passé, un autre élément était venu s’ajouter à leur relation : la confiance. Ils n’en avaient jamais réellement parlé mais leur lien s’était sans aucun doute solidifié. Petit à petit, il avait fini par la respecter et elle avait appris à compter sur lui.

 

 

Ils atteignirent le mess dans un silence confortable et entreprirent de remplir leurs plateaux, chacun perdu dans ses propres pensées.

 

-         Dis, demanda-t-elle soudain alors qu’il tendait la main vers son dessert, tu savais qu’Il était le père de Luke ?

 

L’archéologue éclata franchement de rire et poussa la jeune femme vers la table où les autres membres de SG-1 s’étaient installés.

 

-         Discute de ça avec Teal’c, tu sais bien que c’est le spécialiste ici.

 

Mitchell leva des yeux interrogatifs vers lui mais Daniel lui fit signe de laisser tomber. Le colonel haussa les épaules et se poussa sur le côté pour laisser place aux nouveaux arrivants. Il semblait manifestement ravi qu’ils aient daigné les rejoindre ; le Jaffa n’étant pas d’un naturel bavard, le repas commençait à lui sembler monotone.

 

-         Alors Jackson, attaqua Mitchell, prêt pour cette petite balade sur P3X-640 ?

 

L’archéologue haussa les épaules et une réplique sarcastique lui monta aux lèvres, révélatrice du cynisme qui s’était peu à peu emparé de lui.

-         Ce n’est qu’une mission pour servir de nounou, répondit-il. Je ne vois d’ailleurs pas pourquoi je suis obligé d’y aller, ils ont juste besoin de personnes comme Teal’c ou vous parce que la planète est une possession de Ba’al.

-         Mais Sam avait l’air tout excitée en l’évoquant ce matin, rétorqua le militaire.

-         Cameron, soupira l’archéologue, vous savez autant que moi que nous accompagnons des astronomes qui souhaitent observer une comète. Ils vont chercher à en déterminer la composition, Sam est forcément impatiente d’aller voir ça.

-         Avez-vous peur de vous ennuyer Daniel Jackson ? intervint Teal’c.

-         Je signale juste que je ne suis pas militaire et que je serais plus utile au SGC à compulser les données que nous avons sur Arthur et Merlin.

-         Votre manque d’enthousiasme me rappelle celui d’O’Neill lorsqu’il devait vous accompagner sur un site archéologique off world, affirma le Jaffa.

 

Daniel se tourna lentement vers Teal’c et lui jeta un regard effaré. Il secoua vivement la tête.

 

-         Ca n’a aucun rapport ! s’exclama-t-il. Jack servait à quelque chose lors de ces missions, même si ce n’était pas toujours évident. Là, je vais me contenter de discuter avec le chef du village qui me parlera de ses nombreuses épouses, ce qui ne nous sera d’aucune aide contre les Oris.

-         Peut-être pourrez-vous emmener O’Neill puisqu’il est à la base, reprit sérieusement le Jaffa. Il se plaignait souvent de devoir faire ce qu’il appelait du « relationnel » alors que vous faisiez vos fouilles.

 

L’archéologue en resta bouche bée et regarda un à un ses compagnons qui tentaient de dissimuler leur fou rire. Depuis quand son ami s’était-il mis au second degré ? Il se tourna à nouveau vers lui, décidé à avoir le dernier mot.

 

-         Teal’c, je trouve que vous filez un mauvais coton depuis quelques temps. Si vous continuez ainsi à faire de l’humour, je vais finir par me poser des questions sur l’influence qu’a eue la vie terrestre sur vous…

 

Le Jaffa inclina la tête et se replongea dans son assiette, laissant Daniel maugréer. Le jeune homme n’avait aucune envie d’aller sur P3X-640, il avait beaucoup mieux à faire. Mais l’idée de Teal’c n’était pas mauvaise : si Jack les accompagnait pour cette mission, elle serait plus intéressante. L’équipe SG-1 telle qu’il l’avait connue pendant huit ans lui manquait et cela faisait des mois qu’il n’avait pas vu son ami militaire. Lui proposer de passer quelques heures sur une autre planète avec une équipe de scientifiques n’allait pas enchanter Jack, mais Daniel savait que les missions lui manquaient. Et il profiterait ainsi de ses amis en attendant leurs congés.

 

-         Vous savez quoi, je crois que je vais effectivement demander à Jack de nous accompagner, reprit Daniel. Le plus dur sera sans doute de le convaincre de se lever pour passer la porte…

-         Nous ne partirons qu’à dix heures pourtant, fit remarquer Cameron.

-         C’est bien ce que je disais, répliqua l’archéologue avec un sourire.

 

Il avait croisé Sam et Jack qui sortaient de l’ascenseur un peu plus tôt et le militaire lui avait fait comprendre qu’il n’avait pas apprécié d’être tiré de son lit « aux aurores », ce qui lui avait valu une exclamation outrée de sa compagne. Il avait ensuite maugréé quelque chose à propos de Walter et de café et les avait laissés devant la salle de briefing pour s’enfoncer dans les couloirs du SGC.

 

-         Jack O’Neill, c’est l’ancien général de la base, c’est ça ? demanda Vala qui avait entrepris de retirer tous les grains de maïs de sa salade.

-         Et aussi l’ancien leader de SG-1 ! dit Cameron avec animation. Et l’homme qui a conduit la première équipe d’exploration terrienne, celui qui est adulé par tous les membres du SGC et qui a sauvé la planète un nombre incalculable de fois…

-         Cinq fois, colonel Mitchell, affirma calmement le Jaffa assis en face de lui.

-         Et qui a téléchargé les connaissances des Anciens dans sa tête, reprit le militaire en jetant un regard amusé à Teal’c. Par deux fois !!

-         Rien que ça… Waou, quel héros ! ironisa Vala. 

 

Daniel lui jeta un regard exaspéré et elle réfréna son envie de lui tirer la langue.

Il est vrai que Jack O’Neill avait un CV plutôt impressionnant, mais elle ne le connaissait que par des « ouï dire ». A vrai dire, le personnel de cette base parlait tellement de lui qu’elle avait vite compris que c’était une légende. Mais elle refusait d’adhérer à cette image avant d’avoir pu rencontrer l’homme en chair et en os. Après tout, c’était peut-être aussi un crétin fini, arrogant et prétentieux. Et moche en plus de ça !

 

-         C’est aussi mon meilleur ami et le petit ami de Sam, ajouta Daniel qui semblait avoir lu dans ses pensées.

 

Elle le regarda malicieusement en croquant sa salade et rétorqua :

 

-         Tu viens de vexer Teal’c et Mitchell là, eux qui étaient persuadés de détenir la place de meilleur ami dans ton cœur…

 

L’archéologue retint sa respiration, tentant de se convaincre qu’elle ne faisait cela que dans le but de l’énerver. Elle le regarda d’un air goguenard et avala victorieusement une nouvelle feuille de salade.

A leurs côtés, Mitchell plongea le nez dans son plateau pour cacher son rire tandis que Teal’c laissait transparaître un sourire.

 

 

 

Au même moment, Jack venait de parvenir à traîner Sam hors de son laboratoire et les deux militaires se dirigeaient d’un pas tranquille vers le mess où les attendaient leurs amis.

Il avait passé sa matinée à rendre visite à tous ses anciens subordonnés mais n’avait encore pas trouvé le temps de passer un moment avec SG-1 et était juste parvenu à croiser Daniel avant le briefing de l’équipe. Il attendait donc avec impatience ce repas au mess. Il savait qu’il ne pouvait pas se permettre de déranger ses amis pendant qu’ils travaillaient mais ils commençaient à lui manquer.

 

-         Je n’ai peut-être pas choisi ma journée pour venir, soupira-t-il. Tout le monde a l’air très occupé…

-         L’ambiance est un peu tendue à cause de la progression des Oris, avoua Sam. Mais ta présence va faire du bien au moral des troupes !

-         J’espère que tu n’as pas dit ça à Hank ! dit Jack en riant. C’est juste que j’ai remarqué que les gens étaient heureux de me voir mais qu’ils ne pouvaient pas se permettre de passer des heures à discuter. Je n’ai même pas vu Teal’c, il paraît qu’il a passé sa matinée sur Dakara à apaiser des tensions…

 

Sam ne répondit pas. Ils étaient tous sous pression depuis la première attaque des Oris. La situation n’était pas brillante et chaque membre du SGC travaillait d’arrache-pied à trouver un moyen de vaincre la nouvelle menace. Elle appréhendait même de prendre les congés que Landry avait obligé SG-1 à accepter la semaine suivante…

 

-         Je ne m’étais pas rendu compte de la situation en étant à Washington, reprit Jack. Je veux dire, j’avais lu les rapports, Hank m’a parlé de tout cela au téléphone, comme Daniel ou toi, mais ce n’est pas la même chose.

-         Alors imagine comment réagissent les politiciens quand nous évoquons nos difficultés, soupira-t-elle. Ils n’ont pas conscience…

-         Vous continuez de vous battre et d’avancer alors que nous nous noyons dans nos papiers. J’ai peur que cela ne se termine mal. Tu sais quoi, j’ai beau être en congés, je crois que je vais essayer d’aider un peu aujourd’hui. J’ai vu que Walter était débordé, on a fini par lui mettre trop de responsabilités sur le dos. Je pourrai peut-être le décharger, je doute que Hank trouve à y redire. Et cela me permettra de me remettre à la page.

-         Si cela t’aide à prendre le pouls du SGC, dit Sam, je pense que c’est une bonne idée.

 

Jack haussa les sourcils.

 

-         Tu penses aussi que je ne me rends pas compte de ce qui se passe… constata-t-il avec amertume.

 

Sam soupira. Bien sûr, Jack savait ce que c’était que de lutter contre une menace réelle alors que des bureaucrates refusaient de le comprendre. Elle savait aussi qu’il se battait pour le SGC mieux que quiconque et que de nombreuses requêtes avaient été satisfaites grâce à lui. Il restait en contact avec le SGC, elle lui avait parlé de ce qui se passait.

Il était le meilleur atout qu’ils puissent avoir.

 

Mais la vérité, c’est qu’il n’était pas là, avec eux. Il ne vivait pas les attaques, les maigres victoires et les amples défaites. Il avait beau se démener pour le bien de la base, cette dernière avait poursuivi son propre chemin sans lui et il ne s’en était pas bien rendu compte. La situation avait changé, les ennemis et les alliés aussi. Il était peut-être utile à la tête du HomeWorld Security, elle n’en avait pas moins l’impression qu’il aurait eu sa place ailleurs qu’à Washington.

 

-         Le SGC a changé depuis que tu es parti, tenta-t-elle d’un ton incertain, tu vas pouvoir t’ajuster. C’est normal, tu ne vis pas la même chose que nous à Washington.

 

Jack ne répondit pas. Il se rendait maintenant compte quel point ils avaient continué d’avancer pendant qu’il faisait le guignol devant des politiciens plus préoccupés par les élections que par la sécurité de la planète. Le SGC avait changé, ses amis avaient changé, alors que lui était resté en arrière. Bon sang, en trois minutes de discussion avec Daniel le matin, il avait déjà compris que rien n’était plus pareil : l’archéologue dégageait quelque chose de nouveau, une sorte de confiance en lui que Jack ne lui avait jamais connue. Le jeune homme naïf et enthousiaste qu’il avait rencontré dix ans auparavant avait laissé place à un autre plus mûr et plus fort, mais aussi plus dur. Et si le militaire s’en était tout de même rendu compte, il devait avouer qu’il n’en avait peut-être pas mesuré toutes les implications …

 

-         Tout a changé ici, soupira-t-il. Même SG-1, ce n’est plus l’équipe que j’ai connue…

-         A propos, tu n’as pas encore rencontré Vala ? demanda soudain sa compagne.

-         Je n’ai pas eu cet honneur, répondit-il en se détendant légèrement. Je me rends compte que je ne sais même rien d’elle et que je l’ai pourtant laissé tourner autour de ce pauvre Daniel. Je fais un piètre ami !

 

Sam rit.

-         Je doute que Daniel soit en danger, dit-elle, il se débrouille même très bien. Elle est un peu spéciale, mais elle va te plaire. Elle me fait un peu penser à toi parfois…

 

Jack fronça les sourcils, il avait entendu quelques rumeurs et n’était pas sûr d’avoir un quelconque point commun avec la jeune femme.

 

-         Elle se chamaille sans cesse avec Daniel, expliqua Sam devant son air perplexe. Et son humour permet souvent de détendre l’atmosphère. Je dois aussi reconnaître qu’elle ne s’ouvre pas souvent, comme toi. Regarde, c’est elle là bas, assise avec SG-1.

 

Le militaire tourna la tête en direction de la table où siégeait son ancienne équipe. Il observa avec intérêt la longue cascade de cheveux bruns appartenant à la jeune femme qui lui tournait encore le dos et qui, d’après l’air énervé de Daniel, ne devait pas faillir à sa réputation.

Il devait avouer qu’il était assez impatient de faire sa connaissance. Jusqu’à présent, il n’avait pu la rencontrer en chair et en os, et les bruits qui couraient sur la voleuse avaient pourtant éveillé sa curiosité. Il avait bien lu les rapports, mais ceux-ci étaient loin de tout dire. De ce qu’il savait, elle était un ancien hôte reconvertie dans le banditisme intergalactique et qu’elle avait vécu près d’un an dans la galaxie Ori, avant de donner naissance à la réplique féminine de Dark Vador. Ou du roi Arthur, cela dépendait de ses sources. Quant à son caractère, la liste des défauts que lui avait faite Daniel avait sérieusement de quoi poser la question de la présence de la jeune femme dans SG-1. Elle promettait en tous cas d’être atypique et divertissante.

 

L’archéologue nota la présence de ses deux amis qui s’avançaient vers leur table et leur fit un petit signe.

Les militaires se trouvaient maintenant à moins de deux mètres d’eux et alors que Vala se retournait pour voir qui Daniel était en train de saluer, celui-ci ne put se retenir de plaisanter :

 

-         Vala, commença-t-il avec un grand sourire, tu vas avoir l’immense honneur de rencontrer le grand et célèbre Jack O’Neill.

 

La réplique que la jeune femme s’apprêtait à lui lancer mourut dans sa gorge quand elle rencontra les yeux de Jack. Elle sentit tous les souvenirs remonter à la surface, tous ces sentiments qu’elle avait mis tant de soin à enfouir.

Cela semblait presque irréel, elle n’avait jamais pensé qu’elle pourrait un jour le revoir. Lui, cet inconnu qui avait refusé de la tuer mais qui avait tenté, à sa façon, de l’aider. Elle savait aussi qu’il était quelque part responsable de sa libération. Elle n’avait jamais réellement compris ce qui s’était passé. Il ne lui restait que ce que sa mémoire avait bien voulu retenir, des sentiments contradictoires à son sujet, et surtout une grande confusion…

Et il était là, devant elle, pareil à son souvenir. Les mêmes yeux, les mêmes mâchoires, la même prestance dans ses mouvements. Le temps avait passé sur lui mais il n’y avait aucun doute, c’était le même homme que celui avec qui elle…

Son dernier souvenir avant d’être libérée du Goa’uld.

 

Jack avait senti son cœur rater un battement. L’hôte de Quetesh… Sur tous les faux dieux de la galaxie, il avait fallu que ce soit elle. Une foule d’émotions se bouscula dans sa tête, un mélange de crainte, de honte, de soulagement et d’autres choses qu’il ne parvenait pas clairement à identifier. Il reprit rapidement le contrôle de lui-même, espérant que personne n’ait pu voir son trouble. Ses yeux n’avaient pas encore lâché ceux de la jeune femme.

Il eut un instant peur de la réaction qu’elle allait avoir. Il avait eu vent de ses manières… Ferait-elle comme si elle ne le connaissait pas ? Se rappelait-elle seulement de lui ? Le trouble évident dans les yeux de Vala lui confirma qu’elle l’avait sans aucun doute reconnu. Il la vit tenter de calmer sa respiration et pria pour qu’elle ne fît pas une crise de panique au milieu du mess.

Bon sang, pourquoi fallait-il que cette stupide mission lui revienne ainsi en pleine face ? Au moment où il était enfin heureux !

 

Daniel observa avec étonnement la jeune femme perdre son sourire alors qu’elle ne pouvait détacher son regard de Jack. Elle semblait tétanisée. Il leva les yeux vers le militaire dont le visage ne laissait transparaître aucune émotion. Mais il le connaissait suffisamment pour savoir que son silence n’était pas normal. Et la façon dont Vala le regardait, comme si elle voyait un fantôme…

Il vit Jack serrer imperceptiblement la mâchoire et s’apprêter à saluer la jeune femme. Celle-ci le devança cependant et tendit une main qu’elle voulait ferme dans sa direction.

 

-         Vala Mal Doran, dit-elle sur un ton malgré tout crispé.

 

Le général lâcha un imperceptible soupir de soulagement, rassuré qu’elle ne crie pas haut et fort comment ils s’étaient rencontrés. Non pas qu’il ait cru qu’elle allait faire cela, mais après tout, il ne la connaissait pas vraiment. Il posa son plateau sur la table et serra la main qu’elle lui présentait avec le plus de naturel possible.

 

-         Jack O’Neill, lui répondit-il, enchanté de vous rencontrer.

 

A ses côtés, Sam n’avait pas perdu une miette de l’échange, aussi rapide qu’il ait été. Elle accrocha le regard de Daniel qui lui aussi semblait mal à l’aise devant la scène qui venait de se dérouler. Elle connaissait Jack, elle commençait à connaître Vala, et la façon dont ils s’étaient salués ne leur correspondait tout simplement pas. Ce manque de chaleur dans la voix, la façon dont elle avait rapidement retiré sa main. Et surtout ce regard qu’ils avaient échangé. Leur attitude était tellement… étrange.

Un doute s’insinua dans son esprit et elle demanda presque malgré elle :

 

-         Vous vous connaissez ?

 

Jack tourna vivement ses yeux vers elle et Sam sut qu’elle avait visé juste.

 

-         Nous nous sommes déjà rencontrés, en effet, répondit Vala qui s’était recomposé un visage.

 

Jack lui lança un regard indéchiffrable alors que Daniel observait ses deux amis tour à tour, confus.

 

-         Mais ce n’est pas moi que le général O’Neill était venu voir, continua-t-elle en suppliant ce dernier du regard.

 

Il sembla enfin comprendre ce qu’elle faisait et se força à sourire.

-         Je n’ai pas rencontré Mademoiselle Mal Doran à l’époque, mais le Goa’uld, dit-il avec sang froid.

 

Il refusait de l’appeler par son prénom. C’était tellement étrange, la retrouver là et devoir lui faire face.

Ils étaient en train de mentir mais il savait qu’il était préférable d’enterrer sous des aspects de vérité ce qu’ils voulaient tous deux cacher.

 

-         Mais… bégaya Daniel, comment ? Enfin je veux dire, on a fait la plupart de nos missions ensemble ! Et même, je n’ai vu dans aucun compte rendu que le SGC ait un jour eu de quelconques rapports avec Quetesh !

 

Jack soupira et s’assit à la table, tentant de paraître le plus naturel possible.

 

-         C’est une vieille mission, commença-t-il, et elle n’a pas été officielle. Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette planète où vous avez été fait prisonniers par Apophis tous les trois. C’était il y a cinq ans environ. Le peuple vous avait livrés à la tête de serpent.

-         Les Ornicans, précisa Mitchell. Je me souviens avoir lu le rapport.

 

Jack lui jeta un regard en biais et continua son histoire.

 

-         Le SGC ne pouvait pas agir mais Jacob m’avait introduit auprès de Quetesh. La planète Ornica lui appartenait et elle avait accepté de coopérer avec moi.

-         Comme ça ? demanda Mitchell avec étonnement.

-         Elle avait beaucoup à gagner en attaquant Apophis, intervint Vala pour la première fois. Elle avait perdu de l’influence depuis quelques années, le général n’a pas eu à faire grand chose pour la convaincre.

 

Jack sentit la nausée monter dans sa gorge à la dernière phrase de la jeune femme. Non, il n’avait pas eu à faire beaucoup pour convaincre Quetesh. Juste se prostituer.

Il n’avait pas réfléchi quand Jacob lui avait proposé de rencontrer la déesse, il avait préféré foncer tête baissée en apprenant que le SGC n’agirait pas. Mais il avait rapidement regretté ne pas s’être renseigné avant. De tous les Goa’ulds qu’il avait rencontrés, elle était sans aucun doute un des plus cruels, avec ses prisonniers comme avec son hôte.

Sans compter ce qui s’était passé ensuite avec Vala. Il avait tout de suite su que faire l’amour avec elle était une mauvaise idée, une nouvelle erreur. Bien sûr, Quetesh était toujours avec eux et il avait une excuse pour avoir continué. Mais la vérité, c’est qu’à un moment donné, il avait délibérément choisi de faire cela avec la jeune hôte qu’il tenait dans ses bras et qu’il ne s’était même pas forcé. Il avait au départ vu cela comme un cadeau d’adieu qu’il lui offrait, un dernier moment de plaisir. C’était stupide. Surtout que c’était finalement le Goa’uld qui avait crié de plaisir sous lui.

Heureusement pour lui, la jeune femme ne semblait pas décidée à révéler cette partie de l’histoire. Peut-être comprenait-elle la honte qu’il ressentait à ce moment ? Ou alors elle avait elle aussi du mal à faire face à ce qui s’était passé entre eux… Il allait sûrement falloir qu’ils parlent.

 

-         Je me souviens maintenant, dit Sam. Mais quand nous sommes rentrés, tu as dit au général Hammond que la Tok’ra avait réussi à convaincre un quelconque Goa’uld d’attaquer Apophis et que ce Goa’uld était mort pendant l’attaque.

-         J’avais délibérément désobéi à Hammond en me lançant dans une mission suicide, soupira Jack, et même s’il était heureux que je vous aie ramenés, mettre tout sur le dos de la Tok’ra me permettait d’éviter un rapport. Il n’a pas posé de questions, c’était préférable pour tout le monde.

-         Et Quetesh est effectivement morte pendant cette attaque, compléta Vala.

-         Je pensais que vous l’étiez aussi, dit doucement le militaire en s’adressant directement à elle pour la première fois.

 

Elle sourit amèrement.

 

-         L’espion Tok’ra n’était pas de votre avis.

-         Je croyais qu’il avait déclenché une révolte sur une de tes planètes et que c’était à la suite de ça que le Goa’uld avait été retiré ! s’offusqua Daniel qui sentait qu’elle lui avait encore menti.

 

La jeune femme soupira et se tourna vers l’archéologue d’un air agacé.

 

-         De toute façon, l’empire de Quetesh tombait déjà en ruine lors de cette attaque,  lui répondit-elle froidement. Ce qui s’est passé a été assez traumatisant pour moi, tu m’excuseras si je n’avais pas envie de m’encombrer de détails quand je t’ai raconté l’histoire.

 

Daniel baissa piteusement le nez, se sermonnant intérieurement pour son manque de tact. Cependant, quelque chose clochait, il ne savait pas encore quoi, mais il sentait qu’il n’avait qu’une partie de la vérité. Sam semblait aussi sceptique que lui et Teal’c, aussi silencieux que d’habitude, observait attentivement ses compagnons qui s’étaient installés et avaient attaqué le contenu de leur plateau avec un sourire contrit.

L’ambiance bon enfant qui régnait depuis le début du repas se retrouva chargée de l’électricité des non-dits, si bien que la proposition de Daniel à Jack pour les accompagner lors de la mission du lendemain ne récolta qu’un vague « Je verrai ». Malgré les tentatives de Mitchell pour alléger l’atmosphère, le groupe mangea rapidement et se sépara sous divers prétextes.

 

 

************************

 

Ce n’est qu’en se retrouvant seule dans ses quartiers que Vala se rendit compte à quel point son cœur battait vite. Les pensées se bousculaient dans sa tête et la jeune femme sentit soudain le poids de son passé s’abattre sur ses frêles épaules. Elle s’assit sur le lit, fixant le mur gris qui lui faisait face et resta ainsi immobile, en proie à ses propres démons.

 

Elle avait vraiment cru laisser tout cela derrière elle, elle avait d’ailleurs tout fait pour. La souffrance, la peur, le mal, tout ce qu’elle appelait « Avant ». Il lui avait fallu beaucoup de courage et de volonté pour arriver à vivre sans le Goa’uld. Car si partager son corps avec Quetesh avait été un enfer, se retrouver libre avait finalement été plus dur qu’elle ne l’avait pensé. La déesse était certes morte physiquement, mais Vala avait toujours l’impression de la sentir en elle, tapie, prête à revenir. Il avait fallu des mois pour qu’elle cessât d’avoir peur, qu’elle parvînt à s’endormir sans craindre de ne jamais se réveiller, pour oser affronter les gens. Les cauchemars, eux, n’avaient jamais réellement disparu…

Le pire avait sans aucun doute été l’évolution de ses relations avec ceux qui croisaient sa route, quels qu’ils fussent. Le retour sur sa planète avait bien sûr failli se terminer par sa lapidation mais la jeune femme savait que même sans cela, elle serait devenue celle qu’elle était aujourd’hui. De l’extérieur, elle ressemblait à une femme indépendante et plutôt « sociable ». En y regardant de plus près, il n’était pas difficile de constater qu’elle ne faisait plus confiance à personne et qu’elle restait dans le superficiel pour se protéger. Pas d’attaches, c’était de la souffrance potentielle en moins. Elle évitait les trahisons, les déceptions, les brouilles. Quitte à devoir rester seule pour cela. Daniel l’avait vite compris et ne s’était pas gêné pour le lui faire remarquer. Mais à l’époque, elle avait préféré s’en sortir par le sarcasme et faire dévier la conversation : cela aurait été reconnaître une faiblesse et elle savait parfaitement que cela pouvait se retourner contre elle.

La fuite en avant était plus facile…

 

Bien sûr, depuis quelques temps, les choses avaient changé. Elle ignorait si c’était à cause d’elle ou à cause d’eux, mais elle s’était malgré tout attachée. Elle avait réappris la sensation de se soucier de quelque chose d’autre qu’elle-même, et c’était déjà suffisamment difficile à gérer. Il lui fallait tout réapprendre et elle avait sans cesse l’impression qu’elle forçait les choses et elle-même. Ses relations avec SG-1 n’étaient que balbutiantes et même si elle en donnait l’illusion, elle n’était en fait pas encore parvenue à trouver sa place. Cela viendrait probablement avec le temps mais tout était encore tellement fragile…

 

Alors quand son passé lui revenait ainsi en pleine face, au milieu de la nouvelle vie qu’elle s’était décidée à construire, elle ne pouvait qu’avoir envie de fuir à nouveau. Laisser les démons du passé dehors aurait été tellement plus simple…

 

Vala soupira et se sermonna intérieurement. Elle était ridicule de se laisser ainsi aller. Elle était forte, elle savait s’adapter : elle était toujours parvenue à gérer son lourd passé après tout. Bien sûr, elle qui calculait tout n’avait pas prévu que cet homme referait un jour surface et qu’il risquait de menacer le fragile édifice qu’était sa vie. Sans compter toutes ces émotions qu’elle ressentait envers lui et qu’elle avait toujours eu peur d’analyser… Il était resté cet « inconnu » pendant des années et elle savait qu’elle avait fini par s’en faire une image totalement faussée. Cette fois-ci, il avait un nom, une histoire, une vie. Il était devenu réel, avec ses qualités mais aussi ses failles.

Elle avait tout fait pour éjecter le hasard de sa vie mais il était finalement en train de revenir sur elle tel un boomerang…

 

La jeune femme se leva brusquement et se dirigea d’un pas ferme vers le petit cabinet de toilette attenant à sa chambre. Après s’être passé de l’eau sur le visage, elle s’appuya contre le lavabo en faïence blanche et respira profondément. Il n’y avait rien de bien difficile dans ce qu’elle devait gérer. Après tout, elle avait déjà traversé pire. Elle n’était somme toute que l’ancienne hôte d’un Goa’uld cruel qui avait presque détruit sa vie mais dont elle avait fini par triompher. De toute façon, les souvenirs perdureraient, quoi qu’elle fasse.

Elle leva les yeux et observa son reflet dans le miroir. C’était pour ce visage que Quetesh l’avait choisie, ces cheveux si sombres et cette peau d’albâtre. Sa beauté si atypique qui lui avait été volée et qui pendant tant d’années avait été celle de la déesse.

Mais si elle devait supporter jusqu’à sa mort d’avoir les traits d’un tyran, elle n’avait pas à en assumer les actes. Ce n’était pas à elle de payer pour ce que Quetesh avait fait : elle aussi avait été la victime. Elle rencontra son regard dans le miroir et eut un rire amer. A quoi bon se voiler la face ? Elle avait déjà eu à faire face à ce genre de retour du passé, mais cette fois-ci c’était différent. Il n’était pas n’importe qui, il était profondément lié aux membres de SG-1. Ceux-là même auxquels elle tentait de s’intégrer… Contrairement à ce que certains pensaient, elle avait suffisamment de valeurs morales pour savoir que si toute l’histoire éclatait, l’équilibre qu’ils avaient mis en place s’écroulerait. Bien sûr, le général ne semblait pas plus disposé qu’elle à ébruiter tout cela.

Mais ce qu’elle ressentait à son propos était encore si confus…

 

La peur de tout perdre refit soudain surface et Vala commença à regretter les récents liens créés. Elle avait été faible de s’attacher ainsi ! Elle avait pourtant assez d’expérience pour savoir que cela n’engendrait que la souffrance et qu’au final, elle était toute seule.

 

 
 
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