J’exultai intérieurement de joie : il ne savait rien, nous ne risquions rien, du moins dans l’immédiat.
Il est vrai que voir s’afficher les deux officiers de l’équipe phare du SGC en première page de la gazette locale pour avoir remporté un concours de tango pouvait être préjudiciable à l’image de l’armée, mais n’avait rien de très répréhensible. A partir de cet instant, je n’avais plus rien écouté des remontrances du général, bien trop heureuse d’échapper à la cour martiale.
« … c’est pourquoi je suis dans l’obligation de prendre tout de même des sanctions contre vous. Tout d’abord, je vous interdis formellement de continuer cette activité tous les deux. »
« Mon général, si on vous promet de ne plus participer à des compétitions, vous nous autoriserez tout de même à participer aux cours ? »
Je me retint de sourire, c’était tellement inédit de voir le colonel insister pour danser…
« Si vous tenez tant que ça à danser colonel, trouvez-vous une autre partenaire que le major, et réciproquement. »
Donc plus de danse. Je pensais à Tony, j’étais désolé de devoir lui apprendre cette nouvelle. Finalement, je dois avouer qu’au fil des séances, je m’étais prise d’amitié pour lui. D’un autre côté, je n’avais maintenant plus besoin du prétexte de la danse pour être avec Jack, nous n’avions même plus besoin d’aucun autre prétexte.
« Ensuite, vous serez consigné tout le mois à la base. Vos seules sorties autorisées seront off-world. »
Un mois à la base ? Ca allait être long, mais ça ne changerait guère de mes habitudes, je ne rentrais presque jamais chez moi auparavant. La base, c’était comme ma seconde maison, je m’y sentais bien, ce n’était pas vraiment une punition en soi, sauf que les moments d’intimité se feraient rares… Comment pourrais-je tenir aussi longtemps à croiser Jack dans les couloirs et à faire semblant, à ne pas pouvoir le toucher, l’embrasser. Il fallait que je trouve une solution et que j’étudie les plans. Il doit bien exister des recoins déserts dans cette base, où personne ne vient jamais et sans caméras…
« Enfin, vous comprendrez qu’après un tel déballage médiatique, vous risquez d’être à nouveau la cible privilégiée du NID ou de tous nos détracteurs qui chercheraient à porter atteinte au projet, donc je vous conseille d’avoir une conduite exemplaire, et vous interdis formellement lorsque vous ne serez plus consignés de vous voir à l’extérieur de la base, sauf en présence d’un tiers.
Quoi ? un chaperon ? on n’allait plus pouvoir passer un seul moment en tête à tête. Nous ne pourrions rien faire sans être accompagné de Teal’c ou Daniel ou je ne sais qui d’autre. C’était une blague ?
Effectivement je comprenais les craintes du général, et le pire, c’est qu’elles étaient d’autant plus fondées. Je commençais aussi à réaliser à quel points les prochaines semaines, voire même les prochains mois allaient être un véritable enfer, loin de notre insouciance du week-end. Bon retour dans la réalité, Sam !
Le général nous libéra enfin. Jack ne se retourna même pas pour jeter un regard dans ma direction et sortit directement du bureau. Il avait remis son masque de colonel, ce que je jugeais plus prudent au vu de la situation actuelle. Moi, j’avais beaucoup de mal à me remettre dans la peau du major discipliné, un coin rebelle de mon esprit me suggérait à nouveau nos baisers, nos caresses.
Arrivée à mon labo, il m’attendait, et me prévint d’un ton neutre qu’il passerait plus tard dans la journée.
Il était 23h lorsqu’il toqua enfin. A cette heure là, la base était passablement endormie et déserte. Il nous serait plus facile d’avoir une discussion d’ordre privé. Sans un mot, je compris qu’il se méfiait des caméras.
« Elle filment mais n’enregistrent pas le son » le rassurai-je.
« Mieux vaut tourner le dos, on pourrait lire sur nos lèvres » renchérit-il encore plus méfiant que je ne l’était déjà.
Nous fîmes semblant de nous intéresser à un dossier et nous tournâmes de la manière la plus naturelle possible et pûmes enfin parler un peu à défaut de pouvoir se toucher.
« Ca va toi ?» demanda-t-il d’un ton rempli de tendresse qui me faisait fondre.
« Oui, ça va. J’ai vraiment eu peur ce matin qu’ils aient tout découvert. Je pense qu’on a été imprudents ce week-end, et égoïstes. Mais je ne regrette rien, c’était merveilleux » avouai-je.
« Je sais. La punition est tout de même sévère pour une simple photo. »
Nous soupirâmes en même temps, le silence revint. Sa simple présence à mes côtés sans même nous effleurer et j’avais déjà le cœur qui battait la chamade. Je réalisai que j’étais totalement accro, ce qui n’allait pas me faciliter les prochaines semaines. J’avais besoin de lui à tel point… Je ne me reconnaissais plus. Ce n’était pourtant pas mon genre de perdre la tête pour un homme. C’était la première fois que ça m’arrivait.
« Tu m’as manqué » murmurai-je, légèrement honteuse de l’avouer.
« Tu m’as manqué aussi Sam » Mon cœur s’emballa. Je n’étais pas la seule à être dans cet état pitoyable pour des militaires aussi endurcis que nous l’étions.
« J’ai peur de ne pas réussir à tenir… » les premières larmes affluèrent. J’essayais tant bien que mal de les contenir. Heureusement que mon visage était caché de la caméra.
« Non, Sam, ne dis pas ça, tu vas tenir, tu dois tenir. Tu es forte. »
« J’en ai marre d’être forte » Je sentais que je luttais pour ne pas me blottir contre lui, et lui pour ne pas m’attirer à lui.
« Si, tu es forte, tu dois être forte. Fais le pour moi, s’il te plait. Tu ne voudrais tout de même pas que je te l’ordonne. »
Je réussis enfin à sécher mes larmes, et cette remarque me fit légèrement sourire. J’avais trouvé le courage de me reprendre.
Nous avions tenté de trouver des possibilités pour nous retrouver mais nous craignions d’être découverts, et finalement, nous étions restés irréprochables les premiers jours.
Nous allions enfin partir en mission. Sortir de la base, et nous retrouver loin des caméras nous ferait le plus grand bien.
La mission ne se déroula pas exactement aussi bien que prévu. Assez rapidement, nous nous trouvâmes en prise avec des jaffas. Nous réussîmes à rejoindre précipitamment la porte des étoiles sous les feux de l’ennemi, et fort heureusement, aucun d’entre nous ne fût touché. Mais nos espoirs d’intimité retrouvée s’envolaient définitivement sous les rafales incessantes des tirs de lance jaffa.
De retour à la base, l’enfermement commençait à devenir plus qu’insupportable. Nous évitions finalement de nous croiser, cela rendait les choses plus faciles, me semblait-il. J’essayais au maximum de m’abrutir de travail, du travail et encore du travail pour ne plus y penser, ne plus penser à rien et m’écrouler le soir venu sur mon lit pour plonger quelques heures dans un sommeil sans rêves.
La 3ème semaine, nous tentâmes tout de même de nous retrouver à l’air libre. Nous étions certes consignés à la base, mais rien ne nous empêchait de monter à la surface à condition de rester dans le périmètre de sécurité qui était très large, et comprenait de vastes zones boisées. Cela nous permettait de nous retrouver seuls, à l’abri des regards indiscrets, du moins, je l’espérais.
Nous empruntâmes un sentier, marchant côte à côte, sans un mot. Plus je m’enfonçais sur ce sentier, plus je retrouvais la sensation de liberté. Nous nous tînmes alors par la main lorsque nous fûmes suffisamment éloignés des postes de guet. C’est Jack qui avait fait le premier geste vers moi, et cette marque d’attention comptait tout particulièrement. La tension montait. Sa main enlacée à la mienne était chaude, douce, son pouce me caressait légèrement. La pression de nos paumes s’accentuant, je pouvais sentir son pouls dans le creux de sa main, qui battait aussi irrégulièrement que le mien.
Trop troublée pour regarder autre chose que le sentier, nous nous enfoncions de plus en plus profondément dans la forêt. Enfin, nous distinguâmes une clairière au loin. Nous ralentîmes l’allure, je me tournai vers lui et je croisai enfin son regard hypnotisant. Ensuite, tout s’enchaîna très vite. Ses lèvres contre les miennes, ses mains sur mon corps, le poids de son corps contre le mien. Ce n’était nullement prémédité, mais il nous était impossible de ralentir, de patienter une seconde de plus. Mon esprit enfiévré retrouva une fraction de seconde sa lucidité : j’étais appuyée contre un arbre, l’écorce rugueuse me faisait légèrement souffrir. Nous n’allions tout de même pas… pas comme ça… Ma dernière résistance s’effaça sous ses baisers passionnés. Je le laissai me déshabiller, me soulever, et enroulai mes jambes autour de ses hanches. Ce tronc d’arbre me parut soudain être là à point nommé.
Après cette étreinte de toute première urgence, il me porta délicatement jusqu’à la clairière toute proche et m’allongea sur l’herbe. C’était tout de même plus confortable. La passion put enfin laisser place à la tendresse. Nous prîmes cette fois-ci tout le temps de faire l’amour, nous ne craignions même pas d’être découverts. La nuit commençait à tomber, la température aussi. Nos sens étant enfin calmés, nous pûmes calmement nous rhabiller. Tendrement enlacés, nous contemplions le ciel étoilé. Je sentais l’heure de la séparation approcher et la félicité laissait place peu à peu à une grande détresse. Il remarqua immédiatement mon changement d’état d’esprit.
« Sam, répond-moi franchement, est-ce que je te rends malheureuse ? »
« Non, tu ne me rends pas malheureuse, c’est seulement que… » Mes yeux s’embrumèrent encore plus.
« Si tu étais réellement heureuse, tu n’aurais pas cette tête. »
« Je t’assure, je n’ai jamais été aussi heureuse que les moments passés avec toi. Seulement, ils sont trop rares ces moments de bonheur, entre les deux, c’est vraiment dur. J’ai besoin de plus, et on a pas le droit, et on doit prendre tellement de précautions, je n’en peux plus. »
« Je sais, c’est dur pour moi aussi, mais j’ai l’impression que tu supportes moins cette situation que moi. »
« Excuse-moi Jack, je n’y arrive pas. Je t’aime, et j’aimerais tellement le crier, le dire à tout le monde, passer toutes mes nuits avec toi, me réveiller tous les matins dans tes bras, te tenir la main dans la rue, pouvoir être un vrai couple, quoi, est-ce trop demander ? » Tout ce que j’avais sur le cœur était sorti. J’espérais qu’il ne m’en voudrait pas trop. J’avais horreur de passer pour une gamine capricieuse. En général, moi qui étais si forte, je me sentais si faible lorsqu’il était question de lui, de nous. Je voulais une vraie histoire d’amour, et pas quelques rendez-vous en catimini. Et les sentiments seuls ne suffisaient pas pour cela.
« Je sais Sam. Si tu veux vraiment tout ça, il n’y a qu’une seule solution et tu le sais parfaitement. »
Je le regardai attentivement. Mon cerveau réfléchissait à toute vitesse. L’unique solution dont il parlait, je la connaissais. Il fallait quitter l’armée. Lui ou moi. Au moins l’un des deux, peu importe. Enfin, non, pas tout à fait. S’il quittait l’armée, il n’aurait pas la possibilité de continuer à travailler au SGC en tant que civil alors que moi, je pouvais y travailler en tant que scientifique spécialiste de la porte des étoiles. Mais étais-je prête à faire ce choix ?
« Je devrais quitter l’armée, c’est ça ? Est-ce qu’ils accepteront de me garder sur le terrain si je ne suis que scientifique ? »
« Je n’en suis pas sûr. Je doute également qu’ils nous laissent dans la même équipe s’ils apprennent notre relation, même si tu as démissionné. »
« Tu as raison. Et puis la menace d’Anubis se précise. Ce serait égoïste de notre part de faire passer notre vie privée avant le sort de la planète. »
« Je ne veux pas influencer ta décision Sam, j’aimerais pouvoir garder à la fois la femme que j’aime et le meilleur soldat de mon équipe, mais apparemment c’est impossible ».
Je rougis en entendant tant de compliments. Il resserra son étreinte. Je me blottis de toutes mes forces contre lui. Dans ma tête, j’étais totalement égarée, paumée, tout se bousculait.
« Je vais y réfléchir. Il me faut un peu de temps avant de prendre une décision. »
« Je me doute que ce n’est pas à prendre à la légère. Prend le temps qu’il te faudra et sache que quoi que tu décides, je te soutiendrai, et respecterai ton choix. Mais en attendant, promets-moi de ne plus avoir cet air tristounet ».
Je me forçai à sourire en le regardant dans les yeux. Nous nous embrassâmes une dernière fois avant de prendre le chemin du retour.
Nous pûmes enfin sortir de la base et rentrer chez nous une semaine plus tard. Nous n’avions pas oublié l’interdiction formelle du général de nous voir seuls en dehors de la base, et l’enjeu était bien trop important pour que nous dérogions à cette règle. La perspective de fournir au NID un moyen de pression en or pour nuire au projet était bien trop réelle.
Nous décidâmes alors de nous réunir tous les 4, comme nous le faisions de temps à autres pour fêter notre « libération » après cette éprouvante période de détention à la base.
La soirée eut lieu chez Daniel, car nous craignions que nos maisons respectives ne fassent l’objet d’une quelconque surveillance.
Comme d’habitude, Jack et Teal’c amenaient la bière et les films loués. Je m’occupais des pizzas. A 20h, nous étions tous réunis dans le salon de Daniel. La soirée commença comme d’habitude. Daniel en profita justement pour nous questionner sur les raisons des sanctions contre nous. Jusqu’à présent, nous n’avions pas abordé le sujet avec nos amis. On leur expliqua presque tout : les cours de danse, le concours, la victoire, la photo dans le journal, la réaction démesurée du général et les sanctions prises contre nous y compris celle de ne pas nous voir seul à seul.
Daniel s’étonna : « Et c’est tout ? C’est juste pour une histoire de danse ? » « Je ne vous aurais pas imaginé danser, Jack. »
« Et bien Daniel, vous me connaissez mal » s’énerva Jack.
Daniel insista : « C’est vraiment tout ? Vous êtes sûr de m’avoir tout dit ? Votre histoire ne me paraît pas très crédible. »
Je lui répondis aussitôt fermement : « Bien sûr Daniel, qu’est ce que vous croyez. Je crois qu’ils n’ont pas apprécié ce concours parmi les rangs du haut-commandement parce que cela portait préjudice à l’image de l’armée, c’est tout. »
« J’ai du mal à vous croire. » marmonna Daniel, toujours pas dupe.
Jack se leva et demanda s’il pouvait fermer les volets. Il faisait déjà nuit dehors. Daniel était étonné mais le laissa faire. « C’est au cas où ils nous surveilleraient même ici ». Pendant ce temps, je scannais la pièce avec un petit appareil emprunté au labo de la base pour vérifier qu’aucun micro ou caméra n’était dissimulé dans le salon de notre ami.
Teal’c semblait approuver nos mesures de prudence, mais Daniel lui, devait vraiment nous prendre pour de parfaits paranos, et excédé par notre attitude s’exclama : « Mais vous n’avez pourtant rien à vous reprocher ce soir, on regarde des films et on mange des pizzas, c’est tout. »
« Ca y est, vous pouvez mettre le film en route, Daniel » annonça Jack gaiement. Il vint s’asseoir à côté de moi et m’attira contre lui, enveloppant mes épaules. Je me blottis immédiatement contre son torse, adoptant la position idéale selon moi pour regarder la télé à deux. Daniel qui venait de lancer le DVD se retourna et nous vit : « Je le savais… Je savais qu’il y avait autre chose derrière cette histoire de danse.. Vous nous l’aviez bien caché. »
Nous acquiesçâmes. Teal’c leva un sourcil et esquissa même un début de sourire. Soudain, le film ne présentait plus aucun attrait, ils voulaient tout savoir de notre nouvelle relation : depuis quand ? comment ?
Ils comprirent rapidement combien la situation était compliquée pour nous et inconfortable. Finalement, ils n’insistèrent pas, se déclarèrent « heureux pour nous », jurèrent de ne rien dévoiler même sous la torture Goa’uld, et on regarda tous les quatre ce film de science-fiction que nous avions tous déjà vu, sauf Teal’c qui avait du retard en la matière. Je m’endormis à la moitié du film, trop heureuse de profiter de l’épaule et du torse si confortable de mon colonel préféré.
A la fin de la soirée, Teal’c restait chez Daniel, qui le ramènerait à la base seulement le lendemain, et nous aurions normalement dû repartir chacun de notre côté, mais nous n’en avions pas le courage. Nous ne voulions pas forcer la main à notre ami, mais il comprit enfin le problème et nous proposa la chambre d’amis que nous acceptâmes avec joie.
Nous pénétrâmes dans la pièce sans appréhension cette fois-ci. J’avais passé une soirée parfaite. Pour la première fois, et peut-être l’unique fois, nous avions pu être un couple presque « normal » qui passe une soirée avec ses amis. La soirée idéale, et nous allions dormir dans le même lit, le plus naturellement du monde. Tout pourrait être si simple…
Jack referma la porte, il n’y avait plus que nous, enfin, et c’était toujours aussi grisant. C’était même de mieux en mieux, toujours plus agréable. La nouveauté avait laissé place à un début d’habitudes naissantes. Je reconnaissais ses traits sous mes doigts, l’odeur enivrante de son cou, Nos gestes se faisaient plus précis, moins brouillons. Il savait me faire frissonner, et je savais dorénavant exactement comment le faire réagir. Nous commencions à nous appartenir l’un à l’autre, irrémédiablement. La tension entre nous s’était estompée, laissant place à une complicité partagée. Nous pouvions enfin nous montrer nus l’un à l’autre, sans artifice, sans tricherie, sans pudeur, débarrassés de nos appréhensions, et il ne s’agissait pas seulement de la nudité de nos deux corps qui s’enlaçaient à la perfection. Nous pouvions être totalement nous-même l’un avec l’autre, et nous livrer complètement. Il connaissait enfin les différentes facettes de ma personnalité, et je commençais à percer son mystère.
Cette nuit fut merveilleuse sur tous les plans et j’atteins la plénitude complète. Le lendemain matin, un grand sourire béat sur les lèvres, je n’avais aucune envie de me lever, mais nous n’allions pas non plus abuser de la générosité de Daniel.
J’avais enfin pris ma décision, dans la nuit, je me sentais sûre de moi, et calme malgré tout. J’attendais qu’il aborde le sujet, n’ayant aucune envie de le brusquer de si bon matin.
« Tu as eu le temps de réfléchir ? » me demanda-t-il pendant que je jouais négligemment avec son avant-bras.
« Oui, j’ai pris ma décision »
« Et ? » insista-t-il. Je ne décelai que de l’impatience dans sa voix, il avait hâte d’être fixé, tout simplement.
Je me rendis compte à ce moment là combien notre relation avait évolué. Nous avions tellement de difficulté auparavant à aborder des sujets personnels. Maintenant, je me sentais en totale confiance et ne craignais même pas sa réaction car j’étais sûre qu’il comprendrait.
« Je pense que l’armée a encore besoin de moi, de nous. Je ne pense pas que le moment soit bien choisi pour quitter. »
Je savais qu’il devait être profondément atteint, mais j’étais sûre qu’il ne m’en voulait pas pour autant. A ma place, il aurait probablement fait la même chose.
« Ravi de vous conserver dans mon équipe major » dit-il avec un sourire forcé.
S’il tentait de faire de l’humour, c’est qu’il était blessé, mais il ne le laisserait pas paraître, et je le remerciai pour cette délicate attention.
« Excuse-moi » murmurai-je en me blottissant contre son torse
« Je ne t’en veux pas, je m’en doutais même un peu » avoua-t-il en caressant mes cheveux.
« Est-ce que ça implique ce que je pense que cela implique ? » demanda-t-il incertain
« J’ai bien peur que oui. Je n’ai pas envie de me cacher, c’est trop dangereux, et trop dur. »
« Je suis désolé Sam de ne pas pouvoir t’offrir ce que tu désires tant. J’aurais sincèrement aimé te rendre heureuse, mais pour le moment, ce n’est pas possible. »
« Je sais. »
« C’est ton bonheur qui m’importe. Si pour cela, tu devais… voir quelqu’un d’autre… Je dis pas que ça m’enchante… Mais je comprends que tu ne peux pas rester seule à attendre qu’un jour peut-être… Enfin, si jamais tu rencontres quelqu’un… j’essaierai de ne pas être jaloux. Mais s’il te plait, promets-moi de me le dire, je n’aimerais pas l’apprendre par quelqu’un d’autre. »
« D’accord, je te le promets. Moi par contre, j’aimerais mieux ne rien savoir de ton côté si jamais… »
J’étais soulagée que cela se passe si bien. Evidemment, les prochains jours, les prochaines semaines ne seraient forcément pas évidentes. Mais si on arrivait à se parler, à ne pas couper la communication, la complicité entre nous, alors quelque chose subsisterait de notre amour enfin avoué.
Nous nous serrions de toute nos forces l’un contre l’autre, nous murmurant des promesses que nous ne savions pas si nous pourrions les tenir ou pas. Mais j’y croyais fermement, j’y croyais sincèrement.
« Sam, tu sais, je ne suis plus tout jeune, un jour viendra je prendrai ma retraite… et peut-être pas dans si longtemps qu’il n’y paraît. »
« Et moi, je ne pourrai pas éternellement rester sur le terrain, un jour, j’aspirai à une autre vie, plus calme, une vie de famille par exemple, quelqu’un de plus jeune me remplacera au sein de l’équipe, ou alors, la menace sera peut-être même éradiquée, qui sait ??? Ce jour là, tu crois qu’il y aura un espoir pour nous ? »
« Je l’espère. Ce jour là, fais-moi signe, ma porte sera toujours ouverte, et j’espère que je pourrai être là pour toi. Je l’espère de tout mon cœur, mais je ne peux rien te promettre, on ne peut pas savoir ce que l’avenir nous réserve. »
« Je l’espère aussi… Je t’aime… »
« Je t’aime Sam… et j’ai encore envie de toi » ajouta-t-il malicieusement.
Nous fîmes l’amour une dernière fois. Contrairement à ce que j’avais imaginé, ce ne fut pas triste, mais tendre et mutin, et toujours aussi agréable. Notre histoire se terminait là. Non, elle ne se terminait pas justement, elle était juste mise en pause pour un temps indéfini. Mais notre lien entre nous me paraissait indestructible, quoi qu’il arrive.
En sortant de chez Daniel, nous nous séparâmes sur le parking. Une simple bise était de rigueur pour les adieux.
Je montai la première dans la voiture, n’ayant pas envie d’éterniser ce moment. Je savais d’expérience que plus vite je serais partie, plus facile ce serait. Je ne voulais pas qu’il me voit pleurer, et je n’étais pas sûre de pouvoir tenir.
Avant de refermer ma portière, il m’annonça : « N’oublie pas Sam, je serai là. »
Je n’étais pas prête de l’oublier.
Quelques jours plus tard, je n’avais pas vraiment la forme olympique. La vie avait repris son cours presque normal, comme avant. Je me sentais le cœur en berne. C’était un peu comme si rien ne s’était passé, et en même temps tout était différent.
J’étais tout de même soulagée d’avoir clarifié la situation et je ne ressentais aucun stress puisque tout était rentré dans la légalité. Juste une énorme nostalgie des heures magiques partagées.
J’appelai mon frère pour notre coup de fil mensuel. Il sentit que je n’avais pas vraiment le moral. Sans entrer dans les détails, je lui confiai que je sortais d’une rupture récente, c’est comme cela qu’il me parla de son meilleur pote, un policier dénommé Pete qui se remettait difficilement d’un divorce. Il m’assura que c’était quelqu’un de bien, et qu’en nous rencontrant, cela me changerait les idées, et celles de son ami par la même occasion.
Pete était justement du côté de Colorado Springs la semaine suivante. Je détestais ce genre de rendez-vous programmé, mais pour faire plaisir à mon frère, j’acceptai de le rencontrer… Il serait peut-être un substitut en attendant des jours meilleurs…
Je vous rappelle quand même mon adresse, ally40@tiscali.fr