Sam était rentrée directement au SGC. Elle traversa sans un mot les couloirs et se précipita dans son laboratoire. La honte, la rage et le désespoir se bousculaient dans sa tête tour à tour. Un nœud atroce au ventre ne la quittait plus.
Elle avait l’impression de se revoir après le retour de Jack de Edora. Comment avait-elle pu être aussi stupide. L’attendre… elle lui avait proposé de l’attendre ! Elle s’était humiliée devant lui comme jamais, elle avait mis sa vie entre ses mains, et elle avait été broyée en un instant. Comment avait-elle pu être assez sotte pour imaginer qu’il puisse avoir des… des sentiments ! Ce type était incapable de sentiments. Ce type était incapable d’aimer. Ce type était incapable de lui rendre la plus petite parcelle de ce qu’ELLE était alors prête à lui offrir.
La colère, la rage envahissait petit à petit Sam. Elle hurla une nouvelle fois en jetant de toutes ses forces son bloc note contre le mur.
Une voix douce, calme, lui fit alors lever la tête :
- Colonel Carter, vous allez bien ?
Elle découvrit Teal’C dans l’embrasure de la porte. Le jaffa l’observait, imperturbable. Elle répondit :
- Oui Teal’C. Je vous remercie.
- Je suis venu vous proposer de nous entraîner, si vous le souhaitez bien sûr.
Sam sut immédiatement que Teal’C n’était sûrement pas venu pour cela, mais sa proposition lui parut excellente :
- Avec plaisir. Je vais me préparer, je vous rejoins dans quelques instants.
Le jaffa s’inclina et referma la porte. Sam ramassa les papiers et quitta à son tour le laboratoire. Quelques minutes plus tard, elle était face à Teal’C sur le ring de la salle de sport. Ils commencèrent le combat. Au bout de quelques échanges, le jaffa fronça les sourcils et renforça sa garde. Se battre contre la jeune femme n’avait jamais été aussi physique, même pour lui. Elle frappait avec force et détermination, les traits fermés, les gestes précis et secs. Sa puissance semblait décuplée. Le jaffa mesura rapidement la rage qui devait habiter le corps mince de sa coéquipière.
Le combat dura très longtemps. Teal’C savait que le mieux qu’il pouvait faire était de lui permettre d’évacuer un peu cette tension qu’il sentait en elle. Il encaissait les coups, épuisait la jeune femme par des gestes énergiques et des feintes subtiles. Quand ils s’arrêtèrent enfin, elle était en sueur mais plus calme. Comme rassasiée par cette violence. En partie seulement. Elle regarda le grand jaffa et s’inclina :
- Merci Teal’C. Merci beaucoup.
- De rien colonel Carter. N’hésitez pas à faire appel à moi.
Elle sourit et se dirigea vers les vestiaires.
Jack aussi était en sueur. Allongé dans son lit, le souffle encore court, il observait fixement le plafond. Il semblait ne prêter aucune attention aux minces caresses des doigts de Kerry sur son torse puissant. Celle-ci, la tête posée sur l’épaule de Jack, l’observait. Elle sourit tristement en le regardant et murmura :
- C’était un adieu ?
Il sembla sortir de sa torpeur et baissa les yeux vers elle, sourcils froncés :
- Pardon ?
Il la regarda sans sembler comprendre. Elle se dégagea doucement et se leva. Jack s’assit sur le matelas et la regarda se rhabiller.
- C’était un bel adieu Jack. Au moins je n’aurai pas de regret. Nous aurons fait le tour de ce que nous pouvions attendre l’un de l’autre.
- De quoi parles-tu ?
- De nous Jack. Maintenant j’en suis certaine, je n’aurai jamais davantage venant de toi. Et cela je ne le supporterai pas. Je ne veux pas souffrir, j’ai passé l’âge des chagrins d’amour. Je veux être heureuse et rendre quelqu’un heureux. Et je sais maintenant pourquoi je ne te rendrai jamais heureux.
- Comment cela ?
Elle renfila son petit haut, arrangea son épaisse chevelure et se retourna vers lui. Elle le regarda longuement et continua :
- Je sais maintenant pourquoi je ne serai jamais celle qui pourra te rendre heureux. Je sais que tu as trouvé celle qui pourrait te rendre heureux, et je sais que ce n’est pas moi.
Jack se passa nerveusement la main dans les cheveux :
- Kerry, écoute…
- Non. Je comprends ce qui se passe. Je connais vos règles, vos grades. Mais malgré tout c’est une évidence. Je ne sais pas ce qu’elle était venue te dire. Je regrette d’être arrivée à ce moment-là, je suis désolée, sincèrement. Je suis navrée que deux personnes telles que le colonel et toi soyez malheureuses à ce point, après tout ce que vous avez pu vivre. C’est injuste. Mais toi seul pourrais y faire quelque chose. C’est toi le général. Pourquoi n’arrêtes-tu pas ? Pourquoi ne quittes-tu pas l’armée ? Tu en as assez, c’est visible, tu es fatigué de tout cela.
O’Neill l’avait écoutée sans un mot, parfaitement immobile et silencieux. Il murmura sans la regarder :
- Pour la protéger. Mais c’est trop tard, elle est fiancée et heureuse.
- Menteur. Elle est tout sauf heureuse et tu le sais.
Jack regarda à nouveau Kerry qui acheva de s’habiller rapidement. Elle se dirigea vers la porte de la chambre et se retourna une dernière fois :
- Ne la laisse pas faire cela. Vous êtes en train de vous détruire. Et moi je ne veux pas voir ça. Je n’ai rien à faire avec tout ça. Mais merci pour ces quelques semaines ensemble Jack, cela a été fabuleux.
- Kerry, je suis désolé, ne crois pas….
- Je sais, je ne t’en veux pas. Ce n’est pas moi que tu as trompé Jack, c’est toi-même.
Trois semaines s’étaient écoulées. Sam avait changé. Daniel était venue la voir, lui demander comment l’entretien s’était passé. Elle lui avait juste dit que tout était terminé, que Jack avait été très clair. Daniel avait été abasourdi par la nouvelle. Sam ne lui avait pas laissé le loisir d’en rajouter, avait refusé de raconter et lui avait demandé de ne plus jamais faire allusion à cette histoire. La mort dans l’âme l’archéologue avait accepté.
Sam n’avait jamais été aussi froide et distante au SGC. Efficace, aussi, que ce soit en missions ou dans ses recherches. Plus que jamais. Teal’C et Daniel admiraient un peu plus chaque jour les qualités exceptionnelles de la jeune femme, et s’en inquiétaient à la fois. Mais ils ne disaient rien. Il n’y avait plus rien à dire.
Les rapports entre Jack et Sam étaient exclusivement professionnels. Les briefings étaient rapides, efficaces. Les notes d’humour du général ne s’adressaient plus qu’à Teal’C et Daniel.
Ce soir-là, Sam était chez elle, plongée dans un magasine de mariage, relevant des adresses des traiteurs, observant d’un œil distrait les photos de robes de mariée. Dehors la pluie frappait violemment les carreaux. Ce mois d’octobre était glacial, Sam se pelotonna un peu plus sur son canapé, en jean, emmitouflée dans un pull irlandais blanc cassé. La nuit était tombée depuis un moment quand on frappa à la porte.
Sam se leva en fronçant les sourcils et alla ouvrir.
Jack se tenait sur le perron, dans son long manteau noir, le col relevé. Il était manifestement venu à pieds : la pluie dégoulinait sur son visage, collant ses cheveux grisonnant à ses tempes. Son regard transperça la jeune femme, qui resta quelques instants figée d’étonnement. Puis elle s’écarta. Il entra en la suivant toujours des yeux. Elle referma la porte et lui indiqua le salon d’un geste. Il ôta son manteau, le déposa sur une chaise et suivit Sam dans la pièce. Elle dit sèchement :
- Asseyez-vous, je reviens.
Jack s’installa et son regard tomba sur le catalogue de mariage. Il ferma les yeux un instant. Sam revint dans la pièce et lui tendit une bière et une serviette de toilette. Il murmura :
- Merci.
Il s’essuya rapidement les cheveux et leva les yeux vers la jeune femme qui se tenait debout devant lui, raide comme un piquet. Jack sourit et dit :
- Repos, Carter !
- Je ne suis pas au garde à vous, Monsieur. J’attends juste que vous m’expliquiez la raison de votre présence ici.
Il soupira et se passa la main dans ses cheveux humides. Il regarda Sam au fond des yeux et demanda calmement :
- Et vous, que feriez-vous si tout était différent ?
Elle écarquilla les yeux, ouvrit la bouche pour parler, puis son visage s’empourpra de colère.
- Pardon ? Vous osez venir me demander cela ? Maintenant ? Mais de quel droit ??
Jack ne répondit pas. Un voile de tristesse passa sur son visage et il baissa les yeux. Elle continua :
- Mais tout n’est pas différent. Rien n’est différent, rien ne sera jamais différent ! Ou plutôt si, d’ici quelques mois tout sera différent dans ma vie, car je serai mariée ! Mariée à un garçon adorable, qui m’aime, qui me le dit, qui ne sauve peut-être pas le monde mais qui se soucie des gens qui l’entourent et qui l’aiment !!
Elle se tut et resta face à lui, tremblante de colère, la rancune se lisant sur chaque trait de son visage. Il se leva doucement et, remettant son manteau, se dirigea doucement vers la porte. Elle le regarda faire, immobile. La main sur la poignée, il murmura sans la regarder :
- Alors je suis heureux Carter, car tout ce que je veux pour vous, tout ce que j’ai toujours voulu, c’est votre réussite et votre bonheur.
- Pourquoi êtes-vous venu ?
- Pour… savoir… essayer d’imaginer ce qui se serait passé si… tout avait été différent comme vous disiez. Pour imaginer ma vie … Mais vous avez raison, tout est différent maintenant.
Il sortit et disparut sous la pluie battante, sa haute silhouette happée par la nuit.
Sam resta parfaitement immobile dans son salon. Les jeux étaient faits. Jack avait perdu.
Elle avait perdu.
Elle sentit son ventre se nouer, l’air lui manquer. Elle traversa en deux foulées son entrée et, ouvrant la porte à la volée, s’élança à son tour hors de chez elle. Elle dévala l’allée et arriva sur la rue. Elle se mit à courir. A courir comme une damnée, comme si sa vie entière en dépendait.
Et sa vie entière en dépendait.
Quand elle tourna au coin il était à quelques mètres devant elle et se retourna en entendant la respiration rapide de Sam. Ils se tinrent immobiles sous la pluie battante. Les traits de Jack étaient crispés, tendus, semblant vouloir sonder la jeune femme. Elle était maintenant trempée, ses cheveux collant à son tour sur sa peau, dans son cou ruisselant. Ses petites baskets blanches disparaissaient dans une flaque d’eau. Elle parvint à calmer sa respiration et, s’approchant soudain, elle passa sa main derrière le cou de Jack, leva la tête et, après l’avoir observé un instant, elle ferma ses superbes yeux bleus et posa doucement ses lèvres sur celles de O’Neill. Puis elle se recula et murmura :
- Voilà ce que j’aurais fait si tout avait été différent.
Comme il ne bougeait toujours pas, elle se détourna et, soudain gênée, fit un pas pour repartir.
La main de Jack sur son épaule l’arrêta. Il la retourna à nouveau vers lui et la regarda gravement, ses yeux bruns presque noirs à présent.
- Tout est différent. J’ai démissionné.
Sa voix était grave, douce, posée. Elle écarquilla les yeux, incapable de bouger, comme sonnée. Après quelques instants elle murmura d’une voix blanche :
- Mais… quand ?
- Il y a trois semaines. Le lendemain du jour où vous êtes venue chez moi. J’ai reçu la confirmation aujourd’hui. Dans quinze jours je ne serai plus en poste.
- Alors… alors tout est vraiment… différent ?
- Oui.
Ils étaient toujours face à face, sous la pluie, trempés à présent mais totalement indifférents à tout ce qui n’était pas l’autre. Jack descendit sa main de l’épaule à la taille de Sam et la rapprocha doucement de lui. Il posa son autre main sur la joue fraîche de la jeune femme et sembla chercher dans ses yeux bleus la réponse à toutes leurs questions.
Elle sourit.
Alors il sourit à son tour, approcha très lentement ses lèvres de celle de Sam et, après une ultime hésitation, l’embrassa. Un baiser très doux, un baiser de chaleur et de tendresse, d’amour. Jack s’écarta de quelques millimètres et leurs yeux se croisèrent à nouveau. Ils se sourirent et leurs lèvres se joignirent à nouveau dans un élan passionné cette fois. Les bras puissants de Jack vinrent serrer contre lui le corps de Sam pendant que la jeune femme passait à son tour ses mains derrière la nuque de l’homme qu’elle aimait.
Ils finirent par se détacher et Sam enfouit sa tête dans le cou de Jack. Celui-ci la maintint serrée contre lui, enfouissant son visage dans les cheveux mouillés de la jeune femme. Puis il s’écarta un peu d’elle et la regarda à nouveau.
Le visage de Sam était lumineux, serein. L’eau ruisselait sur ses joues sans qu’il pût dire si c’était de la pluie ou des larmes. Il sourit lui aussi, tout à coup plus calme et plus confiant qu’il ne l’avait été depuis dix ans. Il passa sa main sur le visage de Sam et murmura :
- Je pense que je vais avoir besoin à nouveau de cette serviette de toilette.
Elle rit, réalisant soudain qu’ils étaient toujours enlacés sous la pluie. Elle frissonna. Jack ôta rapidement son lourd manteau et le déposa sur les épaules de Sam. Ils se sourirent et refirent le chemin inverse, marchant côte à côte sous la pluie.
Sam laissa Jack dans la salle de bain et partit rechercher la serviette. Quand elle revint Jack était torse nu, face au miroir, essayant vainement de discipliner ses cheveux. Elle parcourut du regard le dos musclé de O’Neill, ses cicatrices. Elle frissonna de désir et d’appréhension à la fois. Elle leva les yeux et croisa le regard malicieux de Jack qui l’observait dans le miroir. Elle sentit le rouge lui monter aux joues.
- Je vous rappelle que vous êtes toujours fiancée, Sam.
Elle sourit et déposa la serviette à côté de lui.
- Je sais. Il faut que je voie Pete rapidement. Et vous et… Mademoiselle Johnson ?
Jack grimaça et d’un geste de la main balaya la question :
- C’est fini, depuis trois semaines. Cela n’aurait… jamais été possible, et elle le savait. C’est elle qui m’a fait réaliser mon erreur, je crois.
- Alors il faudra vraiment que je la remercie, dit Sam en souriant.
Le visage de Jack redevint grave :
- Avant de voir Pete… réfléchissez bien Sam. Je ne veux pas que vous puissiez regretter quoi que ce soit à cause de moi.
- C’est tout réfléchi. Cela fait longtemps que c’est tout réfléchi je pense.
Ils se sourirent à nouveau et Jack passa la main dans les cheveux mouillés de la jeune femme, caressant du pouce le velours de sa joue. Elle ferma les yeux et laissa aller son visage contre sa paume si large, si chaude. Jack murmura :
- Vous devriez… vous changer je pense. En tous cas vous ne devriez pas rester là.
Elle le regarda à nouveau. Les yeux de Jack étaient presque noirs, mais une flamme nouvelle y brillait. Sam se sentit délicieusement en danger et frissonna à nouveau. Elle allait sortir de la salle de bain quand elle se ravisa. Jack la vit enlever doucement sa bague de fiançailles qu’elle posa sur la tablette au-dessus du lavabo. Puis, sans ajouter un mot, Sam partit se changer. Jack resta un long moment immobile, observant le bijou. Il leva les yeux et découvrit son propre reflet dans le miroir. Il fut étonné de se voir sourire.
Sam redescendit quelques minutes plus tard, en jean et chemise. Jack était déjà au salon, elle lui tendit un T-shirt beige :
- Tenez, il est à mon frère. Une bière ?
- Euh… je préfèrerais un café bien chaud en fait, après notre petite ballade.
Quand elle revint avec deux tasses fumantes Jack était debout, observant les quelques photos qui décoraient le salon de Sam. Il lui prit doucement la tasse des mains. Elle expliqua :
- Voici mon frère, avec sa femme et ses enfants. Ils sont à San Diego, malheureusement on ne se voit pas souvent. Là c’est…
- Jacob, avec quelques rides en moins ! Ces symbiotes, cela guérit pas mal de truc mais pas les pattes d’oie à priori. Si cela avait pu gommer quelques années j’aurais bien fait l’essai.
Sam pouffa de rire et dit sans le regarder :
- Ce serait dommage.
- Quoi ? Que je sois infesté par une de ces sales bêtes ?
- Non. Enfin oui, mais aussi que vous gommiez quelques années.
Il la regarda et murmura :
- J’ai dix ans de plus que vous.
- Je sais, ce n’est pas nouveau.
- Cela ne vous gêne pas ?
Elle leva les yeux vers lui, radieuse :
- C’est parfait.
Ils se regardèrent un instant en souriant et se tournèrent à nouveau vers les photos. A ce moment on frappa à la porte. Jack fronça les sourcils et Sam balbutia :
- Non, cela ne peut pas être Pete, il est en mission pour deux semaines…
Elle se dirigea vers la porte d’entrée et découvrit sur le perron Daniel et Teal’C, plusieurs cartons à pizza dans les mains. Elle resta interdite. L’archéologue gémit :
- Sam, si vous ne nous laissez pas entrer, les pizzas seront à essorer !
Elle hésita un instant puis, en souriant, laissa ses coéquipiers entrer. Daniel se lança dans un grand discours en enlevant sa parka :
- Sam, ne dites rien. Nous savons que cela ne va pas bien, et il est hors de question que nous vous abandonnions. Jack est un abruti, ce n’est pas nouveau, et….
- Bonsoir O’Neill, dit doucement Teal’C en inclinant la tête.
- Bonsoir Teal’C. L’abruti vous salue Daniel.
Daniel resta bouche bée face à Sam qui se retenait pour ne pas éclater de rire. L’archéologue se retourna lentement et découvrit Jack, un sourire aux lèvres, qui l’observait depuis le salon. Il balbutia :
- Jack ? Mais… Mais… Qu’est-ce que vous faites ici ??
- Je regarde de jolies photos. Et vous ?
Daniel regarda à nouveau Sam et s’aperçut alors du magnifique sourire sur le visage de la jeune femme. Il fronça les sourcils et la suivit machinalement au salon. Ils s’assirent tous les quatre, Sam s’installant tout naturellement à côté de Jack dans le canapé. Même Teal’C souriait devant la mine déconfite de Daniel qui demanda :
- Non, mais, sérieusement, que faites-vous ici Jack ? Enfin, je veux dire…
- Je suis venu fêter ma démission avec un café et une part de pizza.
Teal’C haussa un sourcil et Daniel faillit s’en décrocher la mâchoire :
- Votre démission ? Vous quittez le SGC ?
Cette fois c’est Sam qui sembla réaliser la portée de ce que Daniel venait de dire et son sourire s’effaça de son visage. Mais Jack enchaîna :
- Oui, sans regret. Elle sera effective dans deux semaines. De toutes manières j’en avais assez. Définitivement assez. Mais je resterai dans les parages, au cas où vous seriez incapables de vous débrouiller sans moi…
Un long silence suivit. Jack se tourna à nouveau vers Sam et lut dans les yeux bleus les craintes de la jeune femme.
- Je ne regrette rien. Je suis soulagé depuis que j’ai pris cette décision. Etre sur le terrain ne me manque pas trop en fait, j’ai pu en faire l’expérience. Et ce travail de paperasse n’est décidemment pas pour moi. Le Président Hayes m’a cependant fait comprendre qu’il pourrait faire appel à moi de temps en temps, et je ne suis pas contre.
Daniel baissa alors les yeux et les releva vers Sam :
- Vous n’avez plus votre bague.
Elle acquiesça :
- Non, il n’y aura plus jamais de bague.
- Du moins plus celle-là, ajouta Jack avec un petit sourire.
Sam devint écarlate. Daniel et Teal’C sourirent de plus belle. L’archéologue regarda Jack et dit :
- Finalement vous n’êtes peut-être pas autant un abruti que je le pensais…
- Peut-être Daniel, peut-être… mais votre insulte de tout à l’heure vous oblige quand même à me céder vos parts de pizza. Bon, on mange ? Les émotions, ça creuse !
Ils passèrent la soirée tous les quatre, Teal’C et Sam écoutant Jack et Daniel se quereller gentiment. Les trois hommes repartirent un peu avant minuit. Jack et Sam sourirent en voyant Teal’C pousser rudement Daniel hors de la maison alors que l’archéologue allait encore ajouter une énième réflexion. Jack se pencha alors vers Sam et l’embrassa très doucement sur la joue. Puis il murmura :
- je vous revois au SGC. Prévenez-moi quand vous aurez vu Pete.
- Oui.
Il se redressa, enfila son manteau et disparut à son tour. Sam regarda sa haute silhouette s’éloigner et referma la porte. Elle s’adossa contre le battant et se laissa glisser au sol, radieuse. Définitivement radieuse.
- Vous êtes obligé Jack.
- Non Daniel.
- Si.
- Non.
- Si.
- Non.
- Si.
- Ah ! J’ai dit non, je déteste cela, vous le savez pertinemment !
- Si.
Sam s’assit, posant son plateau à côté de celui de Jack, et regarda en souriant les deux hommes se quereller une fois de plus. O’Neill lança un regard désespéré à la jeune femme qui demanda :
- Et quel est l’objet de votre désaccord cette fois ?
Jack ouvrit la bouche pour répondre mais Daniel le devança :
- Jack ne veut pas faire de pot pour sa retraite.
Elle se tourna, étonnée, vers le général :
- Pourquoi ? Je rejoins Daniel, il faut que vous organisiez quelque chose, tout le monde s’y attend.
Jack lui lança un regard désespéré et soupira :
- Vous aussi ? C’est un complot ma parole !
- Allons allons, ce n’est pas bien compliqué, vous n’êtes pas obligé d’inviter toute la base… Juste vos plus proches collaborateurs, et on se fait une petite soirée chez vous ! renchérit Daniel.
- Chez MOI ???
- Bien sûr, ajouta l’archéologue. Il paraît que pour mon enterrement vous aviez fait cela très bien.
Sam pouffa de rire et Jack grommela :
- Ouai, mais là nous avions vraiment quelque chose à fêter !
Teal’C sourit et inclina la tête. Daniel, excédé, prit son plateau à présent vide et quitta le mess suivi par le jaffa. Jack et Sam se regardèrent en souriant et il demanda :
- Franchement, vous trouvez que ce serait une bonne idée ?
- Bien sûr. Vous pourriez inviter le général Hammond, Syler,…
- … votre père.
Elle rougit et sourit plus largement :
- Oui, mon père. C’est gentil d’y penser.
Ils se regardèrent en silence un instant, puis Jack murmura discrètement :
- Avez-vous revu Pete ?
- Pas encore. Je le verrai samedi dans la journée, sa mission s’est prolongée cette semaine.
- Aïe.
Elle fronça les sourcils :
- Quoi ?
- C’est que… c’est justement samedi que Daniel voulait faire notre petite sauterie, comme c’est vendredi soir que je serai officiellement retraité.
- Et alors ?
Jack regarda à nouveau Sam. Il put lire dans ses yeux bleus un calme et une détermination qui le firent sourire. Il ajouta :
- Et alors rien. Je suppose juste que je ne pourrai pas compter sur vous pour tartiner les toasts.
Elle rit doucement :
- Non, en effet. Mais Daniel vous doit bien cela, vu que c’est lui qui insiste pour faire la fête !
- C’est bien vrai ça ! Carter, vous me sauvez encore une fois la vie !
Ils finirent de manger tranquillement et Jack regagna son bureau en sifflotant.
Il était près de minuit, le vendredi suivant. La base était presque déserte, tous les militaires avaient regagné leurs quartiers. Le SGC n’avait pas été en alerte depuis quelques jours maintenant.
Jack se tenait seul dans la salle de briefing quand Sam y entra.
Elle observa un moment sa haute stature qui se découpait dans la pénombre de la pièce. Il ne bougea pas quand elle s’avança et vint se placer à côté de lui. Ils restèrent silencieux, fixant l’énorme anneau de métal face à eux. Sam leva les yeux vers Jack. Elle détailla une fois de plus son profil fin et sec, la fossette de son menton, la ride volontaire au milieu du front.
Elle murmura enfin :
- Cela va vous manquer ?
- Oui.
Il posa alors la main sur l’épaule de la jeune femme qui leva des yeux tristes vers lui, et ajouta :
- Cela me manquera. Cela manquerait à tout le monde. C’est grâce au SGC que j’ai pu recommencer à vivre, que je vous ai rencontrés, Daniel, Teal’C, et vous. Mais je ne regrette pas que ça finisse. Je veux autre chose maintenant. Je veux autre chose avant que cela ne soit trop tard. On a déjà assez joué avec le feu toutes ces années, je ne veux plus prendre le risque de tout perdre. Prendre le risque de vous perdre.
Il la regardait gravement. Il vit les magnifiques yeux bleus de Sam briller doucement dans la pénombre et il essuya du bout du doigt une larme qui perlait au coin de sa paupière.
- Je suis heureux Sam, et grâce à vous. La seule appréhension que j’ai, c’est que vous regrettiez plus tard votre décision.
Elle sourit doucement et murmura :
- Jamais. Je ne la regretterai jamais, c’est une évidence. Une totale évidence.
Ils restèrent longtemps côte à côte dans la salle vide. Puis Jack passa doucement la main sur la joue de Sam et tourna vers lui le visage de la jeune femme. Il s’approcha légèrement et pencha la tête vers elle. Il resta un instant à quelques millimètres d’elle, savourant son parfum, son souffle rapide, puis, très doucement, effleura à peine les lèvres de Sam. Il sourit contre sa bouche en l’entendant gémir, puis captura à nouveau ses lèvres pleines dans un baiser profond et passionné, là, devant la Porte des Etoiles.
Quand il se recula enfin, il lut dans les yeux bleus un mélange de bonheur et de surprise. Sam rougit, le souffle court :
- Mon général, les caméras, si….
- Jack. Je ne suis plus général depuis… un peu plus d’une minute.
Il la regarda en souriant lever les yeux vers une des horloges de la salle : il était minuit une. Le général Jack O’Neill ne faisait plus partie de l’US Air Force. Sam rit doucement en secouant ses cheveux blonds. Jack ajouta :
- On se voit demain soir, Sam ? Vous n’oubliez pas ma petite fête ?
- Je pense n’avoir jamais eu en tête ces huit dernières années d’information plus cruciale.
Ils se sourirent une dernière fois et regagnèrent chacun leurs quartiers.