Citations du moment : «J'aimerais terminer sur un message d'espoir. Je n'en ai pas. En échange, est-ce que deux messages de désespoir vous iraient ?»
[ Woody Allen ]
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Trop forte (too strong) : Chapitre 2
- Le sergent Siler a travaillé sur l’ascenseur en panne depuis tôt ce matin. Il n’a pas déterminé ce qui a causé le court-circuit, mais est certain qu’il l’aura réparé d’ici 16h30, général.
Jack acquiesça, baissant les yeux sur le rapport en face de lui.
- Bien. Les hommes en haut se plaignent que nos fournitures prennent trop de place. Et à propos des réfrigérateurs au mess ?
Walter secoua la tête, reprenant à Jack le rapport qu’il venait de signer.
- Deux remarchent normalement. Deux sont trop chauds, et deux congèlent tout.
- Que diable… grogna Jack, passant une main dans ses cheveux.
Un cliquetis se fit entendre dans la ventilation au-dessus, et Jack et Walter tournèrent la tête vers le plafond. La ventilation émit un murmure et siffla, de l’air chaud se répandant dans le bureau.
- Ah, pour l’amour du ciel ! Walter, allez…
- Mettre le sergent Siler là-dessus. Tout de suite, général.
Comme Walter quittait la pièce, Jack mit son ordinateur en veille et se leva de son fauteuil pour se rendre dans la salle de briefing pour sa réunion avec Carter et Teal’C, et les membres encore en bonne santé de SG 3 et 5. Comme il se levait, une goutte de sueur roula entre ses omoplates et il jeta un coup d’œil menaçant au ventilateur incriminé.
L’air dans la salle de briefing n’était pas plus frais, et il haussa les épaules d’un air navré alors que ses hommes s’asseyaient autour de la table :
- Siler y travaille, dit-il à titre d’explication.
Sam s’assit à côté de lui, les joues rouges et les cheveux dans son cou sombres de transpiration. Jack se dirigea vers la petite table près de son bureau, prit la carafe d’eau et les verres qui semblaient toujours devoir se trouver là avant les réunions, et les rapporta avec lui.
- Vue la chaleur qui règne ici, que chacun se sente libre de…
Il fit un geste de la main vers tous ceux qui étaient assis :
- Mettez-vous à l’aise.
Sam fut la première à soupirer d’aise et à ôter sa veste verte de treillis, révélant le petit haut sans manche dessous. Jack s’assit, remplit un verre d’eau et le lui glissa, puis il fit la même chose pour Hastings, assis de l’autre côté – juste pour être poli. Puis il repoussa la carafe et les verres et ils passèrent autour de la table pour tous ceux qui étaient présents.
- Bon, parlons…
Les ventilateurs d’air cliquetèrent et émirent un claquement au-dessus d’eux, et tous dans un seul mouvement levèrent les yeux. Jack entendit un son assourdi, et quelques secondes plus tard la salle se remplit avec la pire odeur qu’il ait sentie depuis leur mission cauchemardesque sur Netu.
Le visage de Sam verdit, et elle se couvrit la bouche avec les mains :
- Oh, mon Dieu…
Le major Wong attrapa son rapport, l’agitant devant son visage :
- C’est une boule puante ou quoi ??
- Non mais c’est quoi ces blagues de potaches ? jura Jack, se levant avec une telle force que sa chaise roula en arrière et cogna contre le mur derrière lui. WALTER !!!
Sam se souffla vers le haut du visage, essayant désespérément de se rafraîchir de la chaleur étouffante qui plombait l’air de son laboratoire. Le petit ventilateur installé sur son bureau était quasiment inefficace, parvenant seulement à brasser l’air lourd plutôt que d’apporter un réel soulagement.
Elle tenta de se concentrer sur le rapport devant elle, mais les lignes bleues et rouges parallèles les unes aux autres dans des pics et des creux avec des gamma et alpha avaient moins de sens pour elle à cet instant que la physique quantique n’en avait pour un élève de maternelle. La sensation obsédante qu’elle était supposée faire autre chose à cet instant – aller quelque part – voir quelque chose d’important – la chatouilla au fond de sa tête. Son estomac se crispa et se noua sous l’anxiété d’avoir oublié quelque chose.
- Tout va bien, Carter ?
Sam sursauta et regarda par-dessus son épaule. Jack se tenait dans l’encadrement de la porte, la lumière venant du couloir brillant derrière lui, laissant son visage dans l’ombre et dessinant sa haute silhouette. Son épaule était appuyée contre le chambranle et ses mains étaient enfoncées dans ses poches.
« Tu sais ce que tu as à faire… »
La sensation acide brûla à nouveau la colonne vertébrale de Sam, vrillant le bas de son crâne, laissant un goût amer dans le fond de sa gorge. Elle déglutit et ferma les yeux lentement, tentant de repousser les sombres pensées qui étaient devenues de plus en plus présentes ces dernières heures, ces derniers jours. Les voix étaient pires lorsqu’elle était fatiguée, ou quand son esprit s’éloignait trop d’un point de concentration, mais comme le temps passait elles devenaient de plus en plus persistantes.
Elle se demanda combien de temps elle pourrait continuer à ne rien dire… et se demanda si elle devenait folle.
- Je vais bien, mon général. Seulement…
- Chaud.
- Mon général ?
- Il fait chaud ici.
Il s’écarta du chambranle, et alors qu’il sortait du halo de lumière, elle vit qu’il portait un T-shirt noir qui accentuait les muscles fins de ses biceps et de ses triceps, et comme il bougeait ses doigts au fond de ses poches, les tendons bougeaient à chaque mouvement.
- Il fait chaud partout, mon général.
Il atteignit la table où elle se tenait assise, et sa main gauche quitta sa poche pour prendre un stylo et le tourner encore et encore, le faisant rebondir sur les notes de Sam. S’il ne pouvait poser ses mains sur un gadget quelconque, un stylo faisait l’affaire.
- Aviez-vous besoin de quelque chose, mon général ?
- Nan. Je… passais juste.
Le ventilateur d’air émit un cliquetis puis un son mat, et Sam rassembla ses forces – considérant la possibilité de retenir sa respiration. La dernière fois qu’elle avait entendu ce son, la puanteur la plus nauséabonde avait rempli la salle de briefing. A la place, la température ambiante dans la pièce se rafraîchit instantanément et elle soupira.
- Oh, merci mon Dieu.
- Merci Siler... corrigea Jack, et Sam sourit.
Elle baissa son regard depuis les cheveux gris vers les yeux de Jack, et elle arrêta de respirer quand elle le trouva en train de l’observer. Ses yeux sombres étaient attentifs et inébranlables sur le visage de Sam, et la main de Jack avait cessé de remuer le stylo. Jack remonta le menton, ses lèvres s’entre ouvrant un instant, signe qu’elle avait depuis longtemps appris à reconnaître. Il avait quelque chose à dire…
- Donc, tout va vraiment bien, Carter ?
Sam souleva les épaules, serrant ses lèvres l’une contre l’autre avec un léger haussement de sourcils.
- Bien sûr. Très bien.
- Vous vous sentez bien depuis PX4-133 ?
Elle acquiesça à nouveau :
- Oui.
Le regard de Jack changea, et Sam se demanda s’il savait. S’il pouvait deviner qu’à cet instant même un serpent murmurait à son oreille.
« C’est lui… C’est entièrement de sa faute... Il doit mourir. »
Elle déglutit durement. Un nouveau frisson parcourut sa colonne vertébrale, et elle ne put retenir le tremblement qui la traversa.
- Au nom du ciel, grogna Jack. D’abord c’est étouffant, et maintenant c’est le désert Arctique.
La fine couverture de sueur qui avait recouvert la peau de Sam quelques instants plus tôt lui faisait à présent l’effet d’aiguillons de glace sur sa peau, maintenant que la température dans son laboratoire avait chuté à une vitesse vertigineuse. Elle se serait presque attendue à regarder en l’air et à voir tomber des flocons de neige depuis la ventilation.
- C’est dingue. Il doit y avoir des gremlins dans ce truc !
Un autre frisson la traversa, la faisant trembler complètement, et Sam croisa ses bras nus devant sa poitrine. Jack regarda autour de lui et, avisant la veste de treillis de Sam, il l’ôta du dossier de sa chaise de bureau et la lui apporta. Comme il la déposait sur ses épaules, Sam leva sa main pour attirer le tissu sur elle et leurs doigts se touchèrent.
Pendant juste un instant, le flash intense d’une seconde, la douleur brûlante dans les veines de Sam se calma. Alors Jack se retira et gagna la porte, marmonnant pour lui-même de ne jamais nourrir Walter après minuit.
Sam le regarda s’en aller, et quand il disparut dans le couloir, une douleur atroce frappa ses tempes comme un coup de tonnerre, la faisant crier et se prendre la tête dans les mains.
« IL DOIT MOURIR ! »
Le docteur Brightman s’assit dans son bureau, les derniers rapports sur les tests de SG3 et 5 posés devant elle. Elle les avait déjà parcourus deux fois, mais se concentra une nouvelle fois sur la première page, se préparant à les lire à nouveau.
Ce rapport était particulier. Lieutenant Colonel Samantha Carter.
Elle était dans l’Air Force depuis suffisamment longtemps pour savoir qu’on ne posait pas de question sur un ordre d’un officier supérieur, et elle était au SGC depuis suffisamment longtemps pour savoir que s’il y avait une seule personne qui connaissait Sam Carter mieux qu’elle-même, c’était le général Jack O’Neill.
Si bien que lorsqu’il était venu la voir deux heures plus tôt pour lui dire que quelque chose n’allait pas avec le colonel – et qu’il lui avait demandé d’y regarder – elle n’allait pas refuser.
Le problème, c’était qu’elle n’avait absolument rien trouvé.
Au-delà des blessures évidentes avec lesquelles le colonel était rentrée, elle était physiquement revenue dans un état parfaitement normal. Ses constantes étaient normales, son scan était bon, son BP normal, ses niveaux respiratoires et cardiaques tout à fait acceptables au regard de la situation. Son relevé de toxines était revenu bon. Aucun signe d’anémie ou d’aucune autre déficience, pas de niveau excessif d’adrénaline ou d’hormones qui indiqueraient du stress. Les taux de globules blancs et rouges étaient normaux. Pas de produit étranger dans le sang, surtout pas un de tous ceux qui avaient été répertoriés ces dernières années.
Elle secoua la tête.
« Qu’est-ce qu’il voulait qu’elle trouve ? »
Elle posa sa tempe sur ses doigts fermés et regarda à nouveau les chiffres. Alors qu’elle atteignait le bas de la page, et que les niveaux décroissaient, elle arrêta de respirer.
Facteur inconnu : 0.002%
Elle sauta rapidement au rapport correspondant au Major Rigg, ses yeux cherchant le bas de la page.
Facteur inconnu : 0.0021%
C’était le même pour trois des dix autres membres. Un facteur inconnu dans leurs analyses sanguines, que le tableau des toxines de l’infirmerie ne pouvait pas vraiment identifier. Mais avec un pourcentage si faible, l’ordinateur n’envoyait pas de signal d’alarme.
Le Docteur Brightman s’écarta de son bureau et bondit sur ses pieds, se précipitant hors de la pièce pour trouver le général O’Neill.
- Un sabotage ?
Le sergent Siler haussa les épaules et acquiesça.
- Oui mon général. Tous les différents mauvais fonctionnements du système ou de l’équipement ces dernières 24 heures ont été le résultat direct d’un sabotage.
Jack posa brutalement ses coudes sur la table de la salle de briefing et se frotta nerveusement les cheveux avec ses doigts.
- C’est du sérieux ?
- Non, mon général. Rien qui ne puisse être réparé avec un peu de temps. J’aurai récupéré les nettoyeurs d’air et les systèmes de contrôle de l’air conditionné dans les prochaines trois ou quatre heures. L’ascenseur fonctionne déjà à nouveau et les réfrigérateurs du mess seront réparés rapidement. Pour ceux-là, nous avons eu besoin que des pièces soient livrées. L’équipement dans l’infirmerie et le laboratoire du colonel Carter prendront un peu plus de temps à cause de leur nature très spécialisée et technique, mais…
- Le labo de Carter ? L’infirmerie ? Y a-t-il quelque chose d’autre qui ne marche plus et dont je ne sois pas au courant ?
Siler s’éclaircit la gorge et baissa les yeux vers le rapport devant lui.
- Euh, non, mon général, je ne crois pas.
- D’accord, bien. C’est juste… occupez-vous en et faites moi votre rapport quand tout sera réparé. Walter !
Avant même que le nom du soldat n’ait quitté ses lèvres, celui-ci apparut à côté de Jack.
- Oui, mon général ?
- Trouvez moi les rapports de sécurité de la base et les noms des chefs de patrouille pour les dernières 48 heures. Je veux les avoir ici demain à 14h30.
- Bien, mon général.
Walter gagna par le bureau de Jack le hall à côté, laissant Jack seul dans la salle de birefing. Il inclina son fauteuil vers l’arrière. Laissant sa tête reposer sur le cuir doux avec les yeux momentanément fermés. « Un sabotage ? Bon dieu, qui ? Comment ? »
- Général O’Neill, puis-je vous parler un moment ?
Jack leva les yeux vers le Docteur Brightman.
- Oui, bien sûr. Que se passe-t-il ?
- C’est en rapport avec le problème que vous m’avez soumis plus tôt.
Il se redressa immédiatement et indiqua d’un geste son bureau. Le Docteur Brightman le précéda à l’intérieur et il ferma la porte, passant derrière Brightman pour fermer la seconde porte. Jack ne prit pas la peine d’aller derrière son bureau, au lieu de cela il resta debout au coin du meuble et tapota le bois du bout des doigts.
- Donc… De quoi parlons-nous ?
Le Docteur Brightman soupira.
- J’aimerais en être sûre, général. J’ai parcouru les rapports médicaux de toutes les équipes SG de retour, et dans une poignée d’entre eux – dont celui du colonel Carter – il y a trace d’une substance inconnue dans leur sang que, à vrai dire, je ne peux identifier.
Jack plissa les yeux.
- Vous ne savez pas ce que c’est ?
- Non. J’ai besoin de faire des tests plus poussés…
- Ah, mince, marmonna Jack dans un souffle. J’espérais que vous me diriez qu’elle était juste… Vous savez… fatiguée, ou quoi.
- Je suggère que nous la fassions venir, elle et les autres membres des équipes SG, immédiatement à l’infirmerie.
Jack acquiesça, furieux de ces nouvelles. « Merde merde merde ! »
- Je viens avec vous.
Sam parcourait son labo d’un bout à l’autre, ses mains de contractant convulsivement et serrant nerveusement les poings le long de son corps. Elle avait la chair de poule et un sang chaud brûlait dans ses veines, comme fait à moitié de lave et d’acide.
Elle ne pouvait pas penser… pas se concentrer. Son esprit était un fouillis de voix sifflantes et de secrets murmurés accaparant toute son attention. Des noeuds d’anxiété tordaient son estomac et la faisaient frissonner avec une énergie frénétique.
« Cela va arriver… à n’importe quelle seconde maintenant… n’importe quel moment. Il sera mort. Mort. MORT ! »
- NON ! hurla-t-elle dans la pièce.
Non, cela ne se pourrait pas. Qu’était-elle en train de faire ?
Les voix ! Les voix !
Sam tomba accroupie, collant les paumes de ses mains sur ses tempes, essayant désespérément de faire taire l’amas fou dans sa tête. Elle se balança sur ses talons, se pelotonnant sur elle-même, suppliant les cris de s’arrêter.
« Tu l’as fait ! Tu l’as fait ! Il est mort ! Il est mort ! Tu l’as tué ! »
- NON !
Elle cria vers la pièce silencieuse et bondit sur ses pieds, balayant de ses bras la table la plus proche. Les équipements et les notes volèrent à travers la pièce, des papiers emplissant l’air.
- NON ! NON !
« MORT ! MORT ! MORT! »
Des centaines, des milliers de murmures, de voix sifflantes tourbillonnèrent et s’enroulèrent autour d’elle. Elle sentait le froid, la chaleur moite sur sa peau et elle griffa ses bras et son cou avec ses ongles. Ils grimpèrent le long de son dos, sur sa colonne vertébrale, dans ses cheveux – leurs langues fourchues chatouillant ses oreilles.