Mais c'était trop tard. Elle avait vu ses yeux descendre inexorablement vers son décolleté et avait décrypté la lutte auquel il se livrait. Intéressant. Ca pimenterait un peu la soirée. Elle se sentait étrangement bien ici, avec lui, loin de tout ce qui était leur quotidien. Elle avait l'impression bizarre qu'il n'y avait plus d'interdit, enfin, presque plus. Elle était d'humeur badine et comptait bien découvrir la face cachée de Jack O'Neill. Elle avait toujours su qu'il aimait les femmes mais les propos de son ami sous entendaient bien plus que ça. Et elle devait avouer que ça la perturbait un peu. Elle se demandait ce qu'elle allait encore apprendre. Enfin, si tant est qu'il lui en laisse l'opportunité.
"A la vôtre" dit Jack en levant son verre.
Voila, le ton était donné. Elle espérait qu'il engagerait la conversation sur autre chose que le travail. Ce qu'il fit.
"Alors, comment vous êtes vous retrouvée dans ce repaire de gangster?"
Elle, de son côté, comptait sur la réserve naturelle de son supérieur pour les empêcher de franchir certaines limites.
"Je ne me préservais pas. C'est toujours un immense plaisir qu'une femme telle que vous me tienne tête."
"Vous imaginez la tête de Daniel s'il nous entendait?"
Ils discutèrent un bon moment, de tout et de rien, mais pas de travail et très peu de Jack O'Neill, au grand désarroi de Sam. C'était à peine s'il avait reconnu venir ici certains soirs pour se changer un peu les idées. Evidemment, il avait omis de dire qu'il repartait souvent accompagné. Mais elle l'avait compris à la façon qu'il avait eue d'éluder ses questions et à son air embarrassé. Aucune importance, elle n'était pas sûre de vouloir connaître les détails de sa vie intime. Pas celle là en tout cas.
L'ambiance était détendue, légère, insouciante. Ils avaient l'air plus complices que jamais, riant beaucoup, échangeant leur point de vue, discutant de leurs passions, se taquinant mais ils ne semblaient pas se rendre compte de l'ambiguïté de leur proximité soudaine.
La musique avait maintenant un rythme plus lent, plus doux, propice à créer une intimité qui était normalement interdite à deux des personnes présentes dans ce bar. Mais ça n'avait pas l'air de les inquiéter. Ils se laissaient porter par les ballades mélancoliques, leurs voix se firent plus basses, leurs gestes plus lents, leur bulle se rétrécissait un peu plus. Les mains qui frôlaient finirent par effleurer, par caresser. Les regards s'intensifiaient. Les paroles se firent plus rares. Seul comptait désormais le contact léger et sensuel que l'autre exerçait.
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L'ambiance ne s'était pas dégradée. Enfin pas vraiment. En mission, ils étaient toujours professionnels, toujours les mêmes. Pour des observateurs extérieurs, l'ambiance aurait été la même. Jack plaisantait et Sam souriait. Sam faisait toujours ses longs discours scientifiques et Jack n'y comprenait toujours rien. Mais pour Teal'c et Daniel, tout avait changé. Les blagues de Jack n'étaient plus les mêmes, il y mettait moins d'entrain, il continuait par habitude plus que par réelle envie. Lorsque Sam souriait à ses blagues, son sourire n'avait plus le même éclat, ses yeux n'avaient plus cette lueur qui faisait pétiller son regard. C'était un des grands changements. Ils donnaient le change, c'était tout. Ils ne se regardaient plus avec CE regard. Ils se comportaient comme de simples collègues. Et ça, ça changeait tout. Oui, bien sûr qu'ils étaient des collègues, ils l'avaient toujours été. Mais ils étaient bien plus encore. Et même s'ils n'en avaient pas le droit, c'était ainsi. Mais, ils n'avaient jamais franchi les limites, ça, Daniel et Teal'c en étaient persuadés. Alors que leur arrivait-il?
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Ils se sentaient bien, vraiment bien. Pour la première fois depuis des années, ils profitaient de l’instant présent. Sans penser à rien d’autre qu’au contact de l’autre. En oubliant tout ce qui leur faisait obstacle habituellement. Ils se rapprochaient davantage, flirtant toujours avec les limites autorisées. Certes, leur comportement était déjà beaucoup trop fraternel mais ils n’avaient pas encore atteint le point de non retour. Jack avait passé un bras autour des épaules de Sam et lui caressait doucement le bras, il sentait sa peau douce et satinée sous ses doigts et parfois même les frissons qui parcouraient son corps. Sam avait niché sa tête contre l'épaule robuste de Jack et collé son dos contre son torse, elle se laissait bercer par les mouvements de sa respiration et s'imprégnait de son parfum enivrant Ils ne se parlaient plus, se contentant de savourer les caresses de plus en plus insistantes, tentantes de l’autre. Leurs corps commençaient à réagir mais leurs esprits semblaient en pause.
Par un accord tacite, ils se levèrent de concert, leurs doigts toujours enlacés et se dirigèrent vers le bar. Jack fit mettre l’addition sur sa note et ils sortirent du pub. Une fois à l’extérieur, le vent frais leur fit recouvrir leurs esprits. Juste un peu. Jack plongea son regard dans les yeux de Sam et chercha l’espace d’un instant une trace de doute. Il n’y vit rien de semblable. Les grands yeux bleus le fixaient, laissant paraître la détermination de a jeune femme. Et le désir. S’il avait eu la moindre intention de renoncer et de faire marche arrière, le regard plus qu’éloquent de Sam l’en aurait dissuadé. Elle voulait de toute évidence rester un peu plus dans leur bulle, prolonger l’instant. Et lui n’en demandait pas davantage.
La raison avait bien tenté de reprendre ses droits dans l’esprit de Sam mais la jeune femme avait vite repoussé cet élément perturbateur. Elle se concentrait sur le regard chaud et profond qui la sondait. Il voulait leur laisser une dernière chance de tout stopper mais elle lisait aussi dans ses yeux sombres tout ce dont il avait envie et qu’il taisait habituellement. Elle aurait dû saisir cette occasion pour mettre fin à leur dérive mais elle voulait savoir. Elle voulait connaître la chaleur de son corps contre le sien mais pas dans une accolade amicale. Ca, elle connaissait, elle voulait plus. Elle le voulait lui. Lui pour elle, avec elle, en elle, juste une nuit. A cet instant le reste lui paraissait tellement dérisoire.
Ils se sourirent et se dirigèrent vers un hôtel en contrebas. Aucun mot n’avait été prononcé. Avec le temps, ils avaient appris à communiquer d’un simple regard, ils savaient lire en l’autre. Les mots étaient inutiles, ils savaient ce que l’autre souhaitait à cet instant, ils savaient que c’était sûrement ce soir ou jamais. Juste un écart. Juste une occasion de faire enfin ce qu’ils désiraient ardemment depuis si longtemps. Ils envisageraient les risques plus tard. Mais pas ce soir. Et surtout plus maintenant.
"Si ce n'est pas un signe ça" dit Jack en se passant la main dans ses cheveux mouillés.
Il la regarda et lui offrit son plus beau sourire. Des gouttes de pluie ruisselaient sur son visage et perlaient sur sa mâchoire virile, sa chemise lui collait au corps, dessinant les formes de son torse musclé, son regard était chaud, caressant, brûlant. Bon sang, elle lui aurait volontiers sauté dessus dans l'instant. Il sentit un brasier s'allumer dans ses reins. Cette façon qu'elle avait de braquer ses yeux brillants sur lui, de le dévisager, la langue qu'elle avait passée inconsciemment sur ses lèvres, la pointe de ses seins durcis battant sous sa robe rendue plus transparente par la pluie, tout cela l'électrisait."Homer " dit Jack.
Il fallait qu'il fasse retomber un peu la tension qui régnait entre lui et Sam sinon, ils n'atteindraient jamais la chambre. Elle rit doucement. Elle avait compris son manège, elle connaissait sa faculté à faire de l'humour lorsqu'il était embarrassé. Jack O'Neill était il en train de perdre son sang froid légendaire? Une bouffée de fierté l’envahit lorsqu’elle réalisa qu’elle pouvait en être la cause. Elle se sentit aussitôt ridicule, elle avait conscience de l’effet qu’elle pouvait avoir sur les hommes, alors pourquoi réagir comme ça face à lui? Parce qu’il était l’homme qu’elle ne pouvait avoir, celui qui était inaccessible, celui qui ne laissait jamais rien transparaître. Normalement. Alors le fait qu’elle l’ait senti réagir si vite, qu’elle ait vu son regard s’assombrir lorsqu’elle l’avait fixé un peu plus tôt, qu’elle ait entendu sa voix s’érailler, tout ça ne faisait qu’attiser un peu plus le feu qui couvait en elle."Chambre 10, le règlement est à faire lors de la remise des clés."
"Un partout, balle au centre" pensa O'Neill, un sourire satisfait sur les lèvres. Elle fit mine de ne pas l'avoir vu.
"Je crois que j'ai aussi un souci avec mon code et je n'ai pas de liquide" dit elle négligemment en le regardant du coin de l'œil. Sa réaction fut instantanée, elle pouvait lire sur son visage comme dans un livre ouvert. Il faisait moins le malin maintenant le Colonel.
Voila le moment tant attendu. Ils étaient devant la porte. Jack l'ouvrit avec la carte magnétique et tendit le bras en avant pour laisser passer Sam. Elle entra, un peu hésitante. Sa raison se manifestait à nouveau. Elle se tourna vers Jack qui attendait sur le pas de la porte. Lui aussi semblait douter mais lorsqu'elle baissa les yeux, elle remarqua une légère excroissance sous son pantalon, signe d'une future activité prometteuse. Elle détourna la tête et s'avança au milieu de la chambre. Décidemment, elle avait du mal à réaliser ce qui se passait et préféra arrêter de penser. Il faisait vraiment chaud dans cette chambre ou c'était une idée?
Il avait vu son hésitation et envisageait de faire marche arrière mais lorsqu'il avait surpris le regard furtif de Sam, la soudaine coloration de son visage et le pincement de ses lèvres, il avait compris qu'il était trop tard. Tous deux étaient pris au piège. Il referma doucement la porte et se dirigea dans la salle de bain d'où il revint avec une grande serviette.
" Vous allez prendre froid" lui dit-il en tendant la serviette.
Elle ôta ses chaussures et s'avança lentement vers lui. Sa façon de se mouvoir, le léger balancement de ses hanches, son sourire sensuel, ses yeux de braise lui conféraient une apparence féline. Il en aurait presque oublié ses bonnes intentions et ses bonnes manières. Elle allait le rendre dingue. Elle glissait vers lui comme s'il n'était qu'une proie. Qui risquait fort de se faire dévorer. Décidemment, il n'avait toujours pas repris la main. Elle se rapprochait dangereusement, toujours lentement, lascivement, elle le déshabillait du regard. (Mais rendez moi ma Carter, celle qui est embarrassée lorsqu'on la complimente, celle qui est gênée lorsque je tiens des propos ambigus, rendez la moi. Oh ses yeux s'attardent sur une zone sensible, mais c'est qu'elle réussirait à me faire rougir.)
Elle était face à lui, à un mètre tout au plus, bon sang, un pas de plus et il ne répondait plus de rien.Elle stoppa net, souriant à l'idée de voir son supérieur si perturbé. Elle devinait sa respiration chaotique, elle avait vu son regard se troubler, la bosse si tentante tendre un peu plus son pantalon. Elle tendit la main et attrapa la serviette.
"Merci, je vais me sécher un peu." Lui dit-elle d'une voix suave.
Il allait être bon pour l'asile si elle continuait comme ça. Calmer le jeu. Reprendre la direction des opérations. Jauger l'adversaire. Etablir un bilan des forces en présence. Jamais il ne l'avait vu si sûre d'elle. (Thor? Un coup de main? Non, oubliez ça. Manquerait plus qu'il me téléporte vraiment, j'aurais l'air malin, tiens. La peur n'évite pas le danger. A vaincre sans péril … Bref, à nous deux Miss Carter.)
Il ne lâcha pas la serviette. Sam tira dessus doucement, mais il la tenait toujours. Il avait ce petit sourire taquin qui la faisait fondre mais elle ne céderait pas, c'était elle qui menait la danse. Elle tira à nouveau et cette fois il fit un pas en avant, un grand pas, la serviette toujours en main. Il la fixa et combla le vide entre eux. Il tendit la main vers elle et la déposa sur son visage dans une douce caresse.
"Je vais vous aider" murmura Jack.
Il redessina le contour de ses lèvres avec son pouce, elle sentait la chaleur de sa paume sur sa joue et le doux frôlement de son doigt sur ses lèvres. Elle s'enivrait de son parfum, puissant, ambré, sensuel, comme lui. Elle le vit incliner la tête et poser son regard sur sa bouche, elle attendait ce moment depuis si longtemps, elle allait enfin sentir la douceur de ses lèvres, elle entrouvrit les siennes, prête à succomber au premier contact, anticipant par avance le plaisir de ce baiser. Il savait ce qu'elle espérait, alors il pencha la tête un peu plus et ses lèvres frôlèrent la peau soyeuse de son cou, descendant vers son épaule puis remontant vers son oreille. Pas de baiser, juste une caresse électrisante. Il redressa la tête et plongea son regard dans celui de Sam. Un sourire victorieux apparut sur son visage lorsqu'il vit le mélange de plaisir et de frustration dans ses grands yeux bleus. Il écarta lentement la main de son visage et la fit glisser le long de son cou, ses longs doigts survolaient la peau douce et s'insinuaient vers son décolleté, ils effleurèrent la naissance de ses seins mais au grand dam de Sam, ils reprirent leur chemin vers son épaule, caressant au passage le petit triangle à la base de son cou. Les paupières closes, elle pencha la tête en arrière, priant pour qu'il comprenne et qu'il remplace enfin la douceur de ses doigts par la chaleur humide de sa bouche. Peine perdue, il poursuivait la découverte de son corps, suivant le galbe de son bras, la touchant à peine, juste assez pour sentir sa peau se hérisser à son passage. Elle prit conscience d'une chaleur sur sa main, il enlaça ses doigts aux siens, jouant avec dans un ballet sensuel. Elle ouvrit les yeux et les planta dans les siens. Elle voulait plus, plus que ce jeu ô combien affriolant mais un peu trop sage à son goût. Des années à enterrer leur désir et lui prenait son temps, attisant les braises en se gardant bien de les enflammer. Il fallait que ça cesse, elle voulait s'embraser à son contact, avoir un incendie au creux des reins, vibrer sous ses assauts, s'oublier, enfin.
Elle serra sa main large et ferme, entravant la danse de leurs doigts. Il leva un sourcil et lui sourit. Il savait. Elle devinait qu'il savait ce qu'elle attendait de lui. Et visiblement, il n'avait toujours pas l'air décidé à enflammer les débats. Argh, il savait se faire désirer le bougre.
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Ils avaient gardé un semblant de relation amicale mais ils sentaient bien qu'il y avait une distance entre eux. Il évitait autant que possible de faire des sous-entendus, des propos ambigus et dieu seul savait à quel point ça lui coûtait. Avant au moins, il pouvait être lui-même, là il devait sans cesse se réfréner. Avant, il pouvait l'observer, la contempler même si elle le surprenait parce que le regard qu'ils échangeaient alors était un de leurs petits moments, une douce incartade au règlement. Mais aujourd'hui qu'ils avaient bafoué ce règlement, il n'osait plus. Et ça le rendait fou. Il ne se rendait même plus dans son labo, c'est vous dire. La voir tous les jours, sentir son parfum lui chatouiller les narines lorsqu'elle était près de lui, sentir leurs corps se frôler lorsqu'ils se croisaient, tout cela devenait insupportable. Les souvenirs de leur nuit étaient toujours vivaces, il pouvait encore ressentir la douceur de sa peau sous ses doigts, la fièvre de ses mains lorsqu'elle lui enserrait ses épaules pour l'attirer plus en elle, le contact de ses seins durcis sous sa paume, il entendait encore le murmure de sa voix lorsqu'elle avait soufflé son prénom dans un dernier spasme de plaisir. Il devait faire quelque chose.
Comme toujours entre chaque mission, elle était dans son labo. Enfermée aurait été le terme exact. Désormais sa porte était toujours fermée et les "visiteurs" priés de frapper avant d'entrer. De toutes façons, le seul pour qui sa porte était toujours ouverte ne se donnait plus la peine de venir la voir. Tout ça lui manquait terriblement. Elle adorait qu'il passe dans son labo pour l'y déloger et la traîner au Mess ou juste pour voir comment elle allait. Elle aimait cette façon qu'il avait de la regarder, totalement désespéré, parce qu'elle s'apprêtait à passer ses énièmes vacances à travailler. Elle regrettait les petits gestes qu'il avait pour elle, une main qui restait plus longtemps que nécessaire dans son dos, ses doigts qui frôlaient les siens lorsqu'il lui tendait un café, son corps collé contre le sien lorsqu'ils se cachaient alors que le danger était déjà loin. Ce qui lui manquait par-dessus tout, c'était les regards qu'ils échangeaient, cette façon qu'il avait de lui sourire, la complicité qui les unissait. Bien sûr, elle était toujours présente sur le terrain, ils restaient professionnels mais à part ça, plus rien.
Elle repensait sans cesse à cette fameuse nuit qui avait tout gâché. Elle se repassait le film de cette soirée. Son corps, moite de leur étreinte, pesant sur le sien, ses bras musclés qui l'entouraient, son souffle sur sa poitrine, sa tendresse, sa passion, son désir, ses caresses, ses lèvres qui la parcouraient, ses mains chaudes et fermes qui glissaient sur son corps, et sa voix rauque qui gémissait son prénom. Elle chassa une fois de plus ses pensées tandis que son corps réagissait déjà à ses souvenirs.
Elle avait tenté de lui reparler de tout ça, lui aussi d'ailleurs avait essayé, mais tous deux avaient réagi en bon soldat, se barricadant derrière leurs grades respectifs. Elle imaginait que Daniel devait le harceler, vu la ténacité dont il faisait preuve avec elle pour la faire parler. Elle sourit en songeant à l'air exaspéré que devait avoir son Colonel face à la curiosité de Daniel. Cela ne pouvait pas se passer comme ça. Ils ne pouvaient pas avoir tout brisé pour une nuit, pour un écart. Il fallait oublier, tirer un trait définitivement sur cette soirée. Et repartir sur de nouvelles bases. Bon sang que ça allait être dur. Au fond d'elle, elle n'avait aucune envie d'oublier, au contraire, plus le temps s'écoulait et plus elle avait envie de recommencer, de goûter à nouveau sa peau, de le sentir vibrer sur elle, de s'abandonner encore une fois dans ses bras. Elle stoppa net ses divagations lorsqu'elle entendit un bruit. Elle releva vivement la tête et tomba nez à nez avec … lui. Il était là, dans son labo, devant elle, un petit sourire moqueur sur les lèvres. Mon dieu que c'était bon de le voir comme ça."Alors Carter, on rêvasse?" dit Jack avec un brin d'ironie.
Elle était rentrée chez elle et s'était blottie dans son canapé. Elle sentait qu'elle allait craquer. Elle était pourtant persuadée qu'il avait envie que les choses s'améliorent entre eux. Sinon, pourquoi serait-il venu dans son labo? Pourquoi l'aurait-il invitée? Mais pourquoi diable avait-elle refusé? Parce que le Mess n'était pas l'endroit idéal pour aborder certains sujets. Encore une fois, il n'avait rien compris. Il s'imaginait quoi? Qu'il suffisait de lui mettre un bol de gelée bleue sous le nez et de la faire rire pour que tout redevienne comme avant? Non. Sûrement pas. Pas après leur nuit. Pas après ces semaines passées à s'ignorer. Elle avait vu l'incompréhension envahir son visage tandis qu'elle lui parlait juste avant de quitter le labo. A croire qu'il avait su tirer un trait sur cette nuit à l'hôtel. Peut-être que ça n'avait aucune importance particulière pour lui. Elle n'arrivait pas à imaginer ça venant de lui. Elle avait cru que … Elle finit par s'endormir, le visage baigné par les larmes qu'elle avait fini par laisser couler.
Il était aussi rentré chez lui et s'était affalé dans un fauteuil, une bière à la main. Se saouler, en voila une bonne idée. Il se leva et partit à la recherche de munitions. On ne prend pas une cuite avec une seule bière. Alors, autant avoir tout sous la main, ça lui éviterait de nombreux déplacements. Argh. Le frigo était désespérément vide. Il chercha partout. Rien. (T'es vraiment un bon à rien O'Neill, même pas capable de prévoir de quoi te foutre une bonne cuite.) Il songea un instant qu'il pourrait aller acheter ce dont il avait besoin, mais la perspective de devoir sortir était au dessus de ses forces. Il retourna se vautrer dans son fauteuil et attrapa sa bière. Il passa une bonne partie de la nuit à se maudire et à se dire "ses quatre vérités". Vers cinq heures du matin, alors qu'il n'avait toujours pas dormi, il reposa sa bière intacte sur la table basse, farfouilla dans un tiroir et sortit faire un tour. Il rentra deux heures après et partit se doucher. Ce vendredi promettait d'être long et le week-end qui suivait aussi.
Le réveil fut pénible, elle avait mal dormi. Elle s'étira longuement et massa sa nuque douloureuse. Le canapé n'était plus tout jeune. Elle se prépara un café, bien serré et se dirigea vers la salle de bain. La lumière blafarde du néon n'améliorait en rien son teint terne et ses traits fatigués. Elle avait une tête à faire peur. Elle se glissa sous la douche bouillante et tenta de détendre ses muscles endoloris. Elle en ressortit plus apaisée. Elle s'habilla, se maquilla légèrement et repartit dans la cuisine. Elle commença à boire son café et sortit chercher le journal. Son pied heurta quelque chose, elle se pencha et ramassa une enveloppe kraft qui lui était adressée. Intriguée, elle rentra sans avoir pris son journal et entreprit d'ouvrir l'enveloppe lorsque son portable se mit à sonner. Toujours aussi efficace celui là! Elle jeta un œil à la pendule et vit qu'il était grand temps qu'elle parte à la Base. Elle coupa la sonnerie de son téléphone, avala son café et se précipita dans la salle de bain pour se brosser les dents. Elle dévala les escaliers, attrapa au vol sa veste et l'enveloppe qu'elle avait laissée sur la table et ferma la porte d'entrée à clé. Elle risquait d'être en retard, elle avait trop flemmardé sous la douche.
La matinée passa vite, à peine arrivés, ils avaient eu une tentative d'intrusion qui s'était révélée une fausse alerte et elle avait dû travailler sur le programme défectueux. Il avait bien essayé de traîner dans les parages mais elle l'avait royalement ignoré. Il était donc parti s'entraîner avec Teal'c. Une bonne correction lui ferait le plus grand bien. Elle lui en voulait toujours, il s'y attendait mais bon ça faisait quand même mal. Teal'c était dans une forme olympique. Ca aussi ça faisait mal mais ça n'effaçait en rien la douleur qu'il ressentait en pensant à Carter. Il aurait pourtant juré qu'elle lui laisserait une chance.
Elle terminait les derniers réglages de l'ordinateur lorsque Daniel vint la chercher pour aller au Mess. Elle s'apprêtait à refuser mais son estomac se manifesta bruyamment, ce qui fit sourire le jeune archéologue.
"Allez, Sam, on y va, à quand remonte ton dernier "vrai" repas?"
Elle poussa la porte des vestiaires, elle savait que c'était une des heures réservées aux hommes mais ils étaient souvent désertés à cette heure de la journée. Elle ouvrit la porte de son casier et en sortit l'enveloppe kraft. Elle allait soulever le rabat …
"Ah, Carter, désolé, je repasserai …"
Elle ne pourrait donc jamais être tranquille? Elle décacheta l'enveloppe et fut surprise d'y trouver un livre. Elle rit doucement en lisant le titre "Les hommes seront toujours moins forts et moins doués que les femmes." Qui avait bien pu déposer ça devant chez elle? Elle lu rapidement le texte inscrit sur la couverture ce qui la fit rire davantage. Elle allait ranger le livre lorsqu'elle vit un bout de papier dépasser. Elle sourit à l'idée d'avoir un amoureux transi et commença à lire. Perdu. Elle avait reconnu l'écriture dès les premiers mots et hésita. Elle avait une furieuse envie de déchirer ce papier mais était aussi extrêmement curieuse d'en découvrir le contenu. Elle opta pour le second choix. Elle pourrait toujours le déchirer après.
Je ne suis qu'un sombre con qui ne comprend rien à rien (en effet, quel sens de la déduction pensa Sam) mais qui espère sincèrement pouvoir encore profiter de vos lumières pour progresser et de votre présence pour s'améliorer. (Impossible, votre cas est incurable Colonel)
J'ai enfin saisi le sens de votre invitation à prendre un verre. Tout ça, vous pensez bien, après une longue nuit de cogitation et d'usage intensif de mes neurones. Ils m'en veulent beaucoup de leur avoir demander autant d'effort d'un coup mais là n'est pas l'essentiel. Elle souriait en lisant ces quelques mots et s'en voulait de se laisser amadouer si facilement.
(Ne vous en voulez pas si vous souriez, je suis et resterai toujours un triste clown)
Je ne suis sûr que d'une chose. Enfin pour être honnête de deux.
Vous me connaissez suffisamment pour deviner ce que je veux vous dire, enfin vous écrire.
Si vous avez encore un soupçon de folie et d'inconscience, j'espère vous retrouver demain soir au " Petit Paris" à 20.00. (Il paraît qu'ils ont un soufflé au fromage à tomber par terre)
Elle n'en revenait pas. Elle dut relire la lettre à plusieurs reprises pour être sûre d'avoir bien tout assimilé. Il avait pris la peine de lui écrire alors qu'il détestait ça. Il lui présentait des excuses, enfin, façon Jack O'Neill, il reconnaissait ses torts et lui demander de … de quoi d'ailleurs? Encore une fois, il laissait planer le doute, il ne disait pas les choses clairement et encore une fois elle allait devoir analyser, interpréter, comprendre. Et si elle se trompait, si elle n'avait lu que ce qu'elle souhaitait y lire, si elle se méprenait sur la phrase qu'il avait laisser en suspend. D'un autre côté, son invitation était plutôt claire. Il voulait se racheter. Peut-être même plus. Avait-elle envie de lui laisser, de leur laisser une seconde chance?
Cela faisait un bon quart d'heure que Daniel attendait Sam, il avait vu arriver Jack accompagné de quelques gradés. Il avait l'air d'une humeur massacrante. Daniel eut une petite pensée pour les soldats qui allaient manger avec lui. Tout gradé qu'ils étaient, ils avaient intérêt à filer droit s'ils ne voulaient pas essuyer les foudres d'un O'Neill en colère. Daniel patienta encore quelques minutes et se dirigea vers la table de Jack. L'ambiance avait l'air bonne, ils discutaient tranquillement de sport. Tant mieux pour lui. Il salua la tablée d'un signe de tête et s'approcha de Jack.
"Vous n'auriez pas vu Sam, elle devait me rejoindre ici depuis … vingt cinq minutes?"