Grâce au billet de Livia il s’acheta des fruits sur le marché, cela lui permit de tenir jusqu’au soir. Puis il chercha un endroit calme pour se cacher, et passer la journée. Son contact devait être au travail. Il reviendrait le soir même taper à sa porte.
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Il se cacha une partie de la journée dans une usine désaffectée. A 20 heures il tapa à la porte de la maison de la rue Mirtouch. Cette fois-ci on lui ouvrit aussitôt.
-Tu es en retard Mac lui dit l’homme qui le fit entrer. Un homme de grande taille au visage avenant.
-Content de te revoir Sidney ! dit Mac Gyver avec un grand sourire.
-Des ennuis ? lui demanda son ami
-J’ai été arrêté, ce n’était pas prévu au programme comme tu t’en doutes !
-Tu n’as pas dû rester longtemps au poste tel que je te connais !
-Le moins possible. Maintenant j’aimerais regagner le monde occidental rapidement.
-Ta mission a réussi je suppose.
-Tu supposes bien… répondit Mac appuyé nonchalamment contre le mur de la pièce.
Sidney hocha la tête d’un air convaincu, mais ne lui posa aucune autre question.
-J’ai tout préparé mais j’ai remarqué ce soir en rentrant du boulot une surveillance accrue. Des contrôles de police à tous les coins de rue. Ça ne va pas être facile.
-Quel est le programme ?
Les deux hommes s’étaient installés autour de la table de la cuisine devant une assiette de potage aux légumes dans lequel Sidney fit tremper des morceaux de pain pour l’épaissir. Il commença à expliquer les modalités de départ quand on frappa à la porte. Trois longs coups et deux brefs, repris après deux secondes d’arrêt.
-Ne bouge pas Mac, ce sont des amis.
Il alla ouvrir et un homme âgé entra suivi d’une jeune fille.
-Livia ! fit Mac surpris.
-Vous vous connaissez ? dit Sidney.
-C’est une longue histoire, ce n’est peut être pas le moment.
-Que se passe t-il Anton ? tu ne devais pas revenir !
-Livia a été arrêtée ce soir en sortant de son travail. Heureusement Boris était là. Il a pu la faire s’échapper avant d’arriver au poste, l’autre garde n’y a vu que du feu. Mais elle doit quitter le pays maintenant. Je suppose que vous êtes Mac Gyver, dit le vieil homme ?
-Oui.
-Je m’appelle Anton et nous avons parlé de vous hier soir.
-Les nouvelles vont vite.
-Pouvez-vous l’emmener avec vous ?
-Je lui dois bien ça, répondit Mac Gyver elle m’a sauvé des griffes des policiers l’autre soir. Sidney le plan que tu as prévu pour moi peut-il être adapté pour deux personnes ?
-Bien sûr.
Il ouvrit une trappe dissimulée sous le tapis et en sortit une boite en fer. A l’intérieur, des faux passeports. Tous plus vrais que des vrais !
-Mac tu es Vladimir Karpov un russe en voyage à Sofia. Tu traverses le pays pour rejoindre la Grèce où tu as des intérêts. Livia est ton épouse : Antonia. Je te donne toute une documentation en russe. Je sais que tu te débrouilles dans cette langue. Livia la parle couramment. Je vous ai trouvé une voiture. Une antique Lada qui passera inaperçue. Vous suivrez l’itinéraire noté sur cette carte, il évite tous les grands centres, ce sont des petites routes. C’est moins surveillé que les grands axes. En une journée vous devrez être à la frontière. Vous laisserez la voiture à environ 3 kilomètres du poste frontière et vous continuerez à pied par un chemin muletier. C’est là, dit-il en montrant un point sur la carte. La frontière n’est pas surveillée la nuit. Ou du moins les policiers sont moins vigilants.
-Je vois que tu as pensé à tout, dit Mac Gyver en prenant les documents. Nous partons quand ?
-Cette nuit. Mais avant il faut changer de vêtements. Venez !
Quelques minutes plus tard Sidney suivi du couple Karpov sortait de la maison. En évitant les patrouilles ils longèrent plusieurs rues jusqu’à un entrepôt dont Sidney avait la clé. A l’intérieur la fameuse Lada.
Mac Gyver se mit au volant. La voiture démarra dans un bruit de ferraille. Elle était tout à fait au diapason du parc automobile bulgare qui était dans un piteux état.
-Tu crois qu’on va pouvoir faire deux cents kilomètres avec un pareil tas de ferraille ? dit Mac en riant.
-Je te fais confiance pour réparer si tu as un problème.
-Sans mon couteau suisse j’aurai un peu de mal ! ironisa t-il.
-Ce n’est pas le véritable, mais celui-là pourra t’être utile, dit Sidney en lui tendant un simple canif.
-Merci c’est toujours bon à prendre, répondit Mac Gyver en le fourrant dans sa poche.
Sidney sourit.
-Tu ne viens pas avec nous ? ajouta Mac Gyver.
-Pas encore ! dit le jeune homme. Tant que je ne me fais pas repérer, tout va bien.
-Sois prudent ! Et merci !
Les deux hommes se serrèrent la main vigoureusement.
Ils quittèrent la ville sans encombre. Il était trois heures du matin et les patrouilles étaient terminées pour cette nuit.
Mac roula un bon moment rapidement pour mettre le plus de distance possible entre lui et les soldats.
Livia, vaincue par la fatigue s’était endormie, la tête appuyée contre son épaule.
Ils roulaient depuis deux heures environ sur des petites routes défoncées quand la voiture fit un écart, un trou plus profond qu’un autre eut raison d’un pneu défectueux. Mac réussit à redresser et la voiture s’immobilisa dans un crissement de frein.
Livia se réveilla en sursaut !
-Pas de bobos ?
-Non ça va ? On est en panne ?
-Une crevaison, je vais voir dit-il.
Le pneu avant avait éclaté. Il ne fallut que quelques minutes à Mac pour changer la roue. Ils repartirent.
Mais les ennuis ne faisaient que commencer. La voiture se mit à brouter, cahota puis s’arrêta définitivement dans dernier hoquet.
Cette fois-ci Mac ne put rien faire. Il n’y avait pas les outils adéquats dans la voiture, et rien dans ses poches, qui puisse lui servir. Il dut renoncer, la panne était trop importante.
Il poussa la voiture dans un fossé pour qu’on ne la trouve pas tout de suite. Il prit avec lui les passeports et les papiers que lui avait donnés Sydney. Rien dans la voiture ne devait permettre de remonter jusqu’à eux, ni son ami.
-On est encore loin ? demanda Livia.
-Oh quelques dizaines de kilomètres, dit-il d’un ton léger pour ne pas inquiéter la jeune fille. Si ses calculs étaient exacts il en restait plus de cent vingt. Dans cette région montagneuse, ils pourraient faire des étapes de vingt à vingt cinq kilomètres, surtout s’ils devaient marcher de nuit. Une petite semaine tout au plus !
Ils décidèrent effectivement de marcher la nuit et de se cacher le jour. C’était plus prudent.
La première journée ils la passèrent dans une vieille ferme abandonnée où Mac put trouver quelques outils. Dans un vieux sac il mit une corde, des clous, et autres menus objets qui pouvaient s’avérer utile en cas de difficultés. Dans l’ancienne cuisine ils trouvèrent de l’eau. Mais pas de nourriture. Le verger contenait encore quelques pommes acides dont ils firent leur repas. Mac en mit dans le sac.
La maison était une ruine, mais elle leur offrait un abri discret. La grange regorgeait de foin comme si les habitants allaient revenir d’un moment à l’autre. Ils décidèrent de s’y reposer un peu.
Livia regardait Mac Gyver qui semblait pensif.
-Ce n’est pas de ta faute Mac !
Le jeune homme releva la tête :
-Si un peu quand même.
-C’est ma vie, je l’ai choisie. Je connaissais les risques encourus. Tu as été le dernier que j’aurai sauvé ! Mais grâce à Dieu, je suis toujours en vie, et grâce aussi à notre réseau là bas à Sofia, dit-elle avec tristesse.
-Ils te manquent ?
-Oui, avec eux j’ai connu des moments exaltants, une profonde amitié nous unissait. Je ne les reverrai probablement jamais, dit-elle la gorge serrée.
Le tutoiement était venu entre eux naturellement. Ils se rapprochèrent encore jusqu’à ce que leurs lèvres se rejoignent. Mac la prit dans ses bras, caressa lentement les cheveux et le visage de la jeune femme. Sans un mot ils se déshabillèrent et firent l’amour avec une grande douceur. Le foin accueillant recevait leur corps, et les protégeait, ils s’y enfoncèrent avec délice. Le sommeil les prit d’un seul coup. La fatigue de leur évasion avait eu raison de leurs forces.
Mac s’éveilla deux heures plus tard. Il regarda Livia dormir, elle avait les traits reposés et un léger sourire sur ses lèvres. C’était dans ces moments là qu’il souhaitait se poser, mener une vie plus calme, loin du bruit et de la fureur qui lui étaient habituels. Mais à la réflexion, même s’il était tenté, il ne le faisait pas. Il aimait trop sa vie aventureuse, les dangers, les sauvetages, les rencontres exaltantes comme celle qu’il faisait en ce moment. Découvrir le monde et ses richesses était pour lui aussi indispensable que l’air qu’il respirait. Plus tard peut être... j’ai le temps pensait-il.
Le jour déclinait lentement, il fallait se remettre en route. D’un baiser il réveilla Livia qui s’accrocha à son cou.
-Il faut y aller maintenant.
-On est où exactement ?
Il lui montra la carte, les montagnes du Rhodope où ils se trouvaient et la frontière loin vers le sud.
-Tu connais cette région ?
-Non, j’ai rarement quitté Sofia. Juste une fois pour aller au bord de la mer Noire. C’était magnifique ! Mon père nous y avait emmenés un jour. Il avait dû dépenser une fortune pour louer une voiture, ça a été le plus beau jour de ma vie, dit-elle la voix enrouée par l’émotion.
Mac ne répondit pas. Qu’aurait-il pu dire ? La jeune fille avait eu une vie difficile et les mots auraient été inutiles et vains. Il la prit par la main et ils se mirent en route.
Ils marchèrent ainsi pendant plusieurs nuits. A l’aube du sixième jour la frontière était en vue.
-Tu vois de l’autre coté de cette colline c’est la Grèce. Allez courage !
Ils étaient fatigués, ne mangeant pas à leur faim. Ils vivotaient de myrtilles, de framboises sauvages et de quelques racines. Seule l’eau ne leur faisait pas défaut. De nombreux torrents étanchaient leur soif et les rafraîchissaient. Ils pouvaient y plonger leurs pieds rendus douloureux par des jours de marche. Livia avait de mauvaises chaussures et ses pieds étaient écorchés. Mac la prenait de temps en temps sur son dos, mais cela ralentissait considérablement leur marche, et la nuit augmentait les dangers de chutes et de blessures.
-Je n’en peux plus dit-elle en se laissant tomber sur le sol. Il lui fit des pansements avec des morceaux de son tee-shirt qu’il avait découpés. Elle regarda sa poitrine par sa chemise entrouverte.
Il suivit son regard et sourit.
-Livia !
-Oui ? dit-elle avec un petit sourire en coin.
-Ce n’est pas le moment !... tu peux remettre tes chaussures maintenant dit-il en se relevant.
Les morceaux de tissus empêchaient le frottement douloureux contre le cuir. Elle se remit en route et put franchir assez facilement les derniers kilomètres.
Le jour se levait quand ils entendirent des coups de feu. Ils se mirent aussitôt à plat ventre le cœur battant. Ils étaient en haut de la petite montagne, aucun endroit pour se cacher. Mac rampa jusqu’au bord de la falaise. Il pouvait apercevoir en contrebas un groupe de militaires l’arme au poing. Ils tiraient en direction de l’est.
Il revint vers Livia.
-Que va-t-on faire ? demanda la jeune fille d’une voix calme, ils nous ont repérés ?
- Ils ont dû trouver la voiture et nous recherchent. Mais il ne nous ont pas vus j’en suis certain.
Le cœur de Mac se serra. le visage de Livia était pâle, elle semblait au bord de l’épuisement, pourtant elle souriait courageusement, et leva vers lui un regard confiant.
-On va se mettre à l’abri en revenant un peu sur nos pas. Et puis on va attendre. Il n’y a que ça à faire. On fera une tentative cette nuit.
Ils remontèrent de quelques centaines de mètres, et restèrent dissimulés et aux aguets. Pas question de dormir et de se faire surprendre. La journée s’écoula lentement. Il n’y eut pas d’autres coups de feu. Au milieu de la nuit quand il eut la certitude que le poste frontière était désert, ils reprirent leur route avec prudence. Le temps était nuageux et il faisait noir comme dans un four. Mac marchait le premier et tenait la main de Livia pour la guider. Ils avançaient mètre par mètre et arrivèrent au bord de la falaise.
Mac attacha la corde à un gros rocher et ils entreprirent la périlleuse descente. Ce n’était pas une descente en rappel, mais la pente était forte, et il fallait redoubler de prudence. Une heure plus tard ils atteignaient le plat. Ils ne pouvaient plus reculer. La frontière n’était maintenant plus qu’à cent mètres.
Soudain il y eut des cris et des projecteurs s’allumèrent pour essayer de localiser les fugitifs.
Mac Gyver tenant toujours Livia entreprit un slalom pour éviter de se faire prendre dans le faisceau. Ils coururent à perdre haleine, sans se retourner. La liberté était à deux pas, quand Livia hurla atteinte par une balle. Il la prit aussitôt dans ses bras et passa la frontière.
Ils étaient libres. Il s’écroula près de la jeune fille, celle-ci était blessée à l’épaule. Elle saignait beaucoup. Il arracha sa chemise et la roula en boule pour comprimer la blessure.
-Appuie dessus avec ton autre main. Il faut absolument que je trouve du secours.
Il la porta jusqu’à une maison. Il tambourina à la porte et une femme d’une cinquantaine d’années ouvrit.
-Entrez dit-elle dès qu’elle vit la jeune fille perdant son sang. Bulgares ? dit-elle
-Elle, oui. Moi, je suis américain.
-Alors vous êtes les bienvenus. Il y a quelqu’un qui vous attend.
Mac déposa la jeune fille sur un lit et se retourna. La femme apportait déjà du matériel pour soigner la blessure qui heureusement s’était arrêté de saigner.
-Tu es en retard Mac, d’une semaine ! dit une voix dans son dos.
-Pete ! Justement je pensais que si je t’avais sous la main…
-Allez, arrête de te plaindre, tu adores ça !
-C’est vrai concéda le jeune homme. Mais c’était moins une.
-Oui, je vois le dernier millième de seconde !
-Tu ne crois pas si bien dire. J’ai bien cru qu’on n’en réchapperait pas cette fois. Mais qu’est ce que tu es venu faire ici ?
-Voir Maria et puis je me suis dit que je pourrais essayer de te récupérer par la même occasion.
-Maria ? l’œil de Mac s’alluma.
-Oui Maria, et je ne te demande pas ce que tu fais avec cette jeune beauté !
Les deux hommes se regardèrent et éclatèrent de rire. C’était si bon de rire après la tension des derniers jours.
Le voyage avait pris fin. Livia était désormais une femme libre.
FIN