***
Plusieurs voix parvinrent à se frayer un chemin dans son sommeil, la ramenant en douceur dans la réalité… Cette réalité qui changeait absolument tout, qui remettait toute sa vie en question.
Il était revenu. Il n’était jamais parti en fait…
Il n’était jamais parti … en fait.
Sam re-songea à tous ces mois, à ces deux années de souffrance, de survie… à imaginer qu’il ne vivait plus dans son monde, dans son univers… Quel temps gâché alors qu’elle aurait pu le chercher. Elle ne savait pas comme il était arrivé là. Elle avait été beaucoup trop choquée pour écouter les explications de Daniel mais elle aurait du envisager toutes les possibilités…
Mais quelles possibilités ?... Il n’avait aucune chance de s’en sortir !
Sam se sermonna aussitôt. A quoi cela lui servait-il de se creuser les méninges ainsi alors que dans la pièce voisine se trouvait la solution… Pour l’heure, elle était épuisée mais flottait dans un nuage de bonheur et de béatitude. Elle ne savait pas où elle se trouvait et n’avait aucune envie de le savoir. Elle était à peine consciente d’être dans un lit aux draps rêches et pourtant terriblement confortable. Tournant la tête, elle nicha son visage dans l’oreiller fait de plumes et un long frisson parcourut tout à coup son corps. Le cœur battant soudain plus vite, elle respira cette fois-ci avec avidité…
C’était lui.
C’était son odeur…
Une bouffée de nostalgie et de détresse l’assaillit alors, réminiscence de ces deux années de cauchemar… mais elle la chassa très vite avant de plonger son visage avec délectation et euphorie dans les draps, recouvrant son corps de son parfum. Des larmes vinrent lui piquer les yeux mais elle les refoula très vite. Elle avait suffisamment pleuré depuis sa disparition.
Tentant de remettre ses idées en place, Sam essaya de se remémorer leurs retrouvailles. Elle se souvint alors d’une déflagration…
Arès.
Jack s’était chargé de faire ce qu’il lui avait refusé, à elle. Il était revenu dans sa vie depuis quelques minutes à peine et il avait aussitôt endossé son rôle de leader, avilissant son âme afin de préserver la sienne. Mais il ne savait pas qu’il était déjà trop tard… Avait-il été choqué de la voir prête à tuer ce Goa’uld de sang froid. Elle se souvenait de son regard. Ce regard où se mêlait surprise et incrédulité…
Oui, elle avait changé depuis son absence. Elle avait perdu sa belle naïveté. Serait-il capable de l’aimer ainsi… dans l’hypothèse qu’il l’aime encore, bien sûr.
Les voix se firent plus fortes, plus distinctes. Elle reconnut rapidement son timbre si caractéristique, si grave. Un nouveau frisson la parcourut et une envie folle de le voir la prit à la gorge.
Elle ouvrit enfin les yeux.
A peine consciente du décor environnant, elle se redressa d’un geste brusque sur le lit mais dut attendre quelques secondes que le sol cesse de tourner autour d’elle… Elle était encore très faible. Lorsqu’elle se sentit mieux, elle enfila rapidement ses chaussures, noua ses lassés d’une main tremblante et finit par se lever. La porte qui les séparait n’était pas totalement fermée. Elle s’approcha de celle-ci, l’oreille tendue, à l’affût de sa voix et un sourire vint éclairer son visage lorsqu’elle la reconnut parmi celles de Teal’c et de Daniel. Ils n’étaient visiblement que tous les trois dans la pièce voisine.
Elle poussa doucement la porte et les trois hommes se turent aussitôt. Daniel et Teal’c affichaient un sourire serein qui s’élargit à sa vue. Elle leur répondit de suite d’un hochement de la tête afin de les saluer puis braqua son regard sur Jack. Celui-ci l’observait avec attention et beaucoup de douceur.
Elle sentit aussitôt ses yeux s’embuer. Comme ce regard lui avait manqué. Si chaud, si tendre quand il se posait sur elle. Uniquement sur elle. Il était le seul à la regarder ainsi… Hypnotisée par ces yeux bruns, Sam ne réalisa le départ de ses deux amis que lorsqu’elle entendit la porte d’entrée se refermer derrière eux. Son cœur, déjà au bord de l’explosion, s’emballa un peu plus, résonnant jusque dans sa tête. Elle s’avança alors vers lui, ne s’arrêtant que lorsque leurs deux corps ne furent qu’à quelques centimètres à peine l’un de l’autre.
Il semblait tout aussi troublé qu’elle. Elle pouvait à loisir regarder les muscles de sa mâchoire se contracter tandis qu’il faisait un suprême effort pour rester le plus impassible possible. Mais il ne parvenait pas à contrôler les soubresauts chaotiques de sa respiration. Elle sut aussitôt qu’encore et toujours, ils partageaient la même émotion, les mêmes sentiments. Alors elle cessa d’avoir peur. Levant son bras, elle approcha sa main de son visage tendu… Avant même qu’elle ne l’ait touché, elle sentit qu’il cessait de respirer, les yeux mi-clos, dans l’attente presque insoutenable de ce simple contact. Lorsque ses doigts caressèrent enfin sa joue, il tressaillit sous le choc, plus troublé encore, cherchant à retrouver son souffle. Forte de ce pouvoir, elle fit lentement remonter sa main vers son front, redessinant la courbe abrupte de son sourcil, glissant sur sa tempe dans une caresse légère...
Ce faisant, Jack ne la quittait pas des yeux…
Il n’avait pas de photos pour se souvenir de son visage. Seule sa mémoire et un travail de tous les jours lui avaient permis de garder en lui les traits de la jeune femme. Mais il n’avait pu empêcher ses souvenirs de s’altérer. Alors avec quelle délectation, il la regardait, enregistrant à nouveau chaque parcelle de ce visage qu’il avait connu par cœur, qu’il avait tant aimé…
Fronçant soudain les sourcils, il leva la main et souleva doucement quelques boucles blondes qui tombaient sur sa tempe gauche, cachant une cicatrice déjà blanchie par le temps. Elle n’était pas là avant, songea-t-il un nœud à l’estomac, ne pouvant ôter de lui le sentiment de culpabilité qui l’habitait depuis qu’il l’avait vue braquer une arme sur Arès, prête à le tuer de sang froid.
Elle a changé, s’était-il dit alors.
Elle avait du assumer seule la responsabilité de gérer l’équipe numéro 1 du SGC et cela l’avait transformé. Mais était-ce uniquement cela ? Daniel et Teal’c ne lui avaient-ils pas plutôt suggéré que c’était son absence qui en avait été la principale cause? …
Alors lorsqu’il l’avait vue devant lui, quelques heures plus tôt, incapable de croire en sa présence, il avait compris qu’ils étaient dans le vrai. Jamais il n’oublierait le regard qu’elle avait posé sur lui. Un regard où la déraison et la raison se livraient une bataille acharnée. Et finalement c’est cette dernière qui était sortie victorieuse…
A présent, elle était là devant lui, sa main glissant sur son visage, le plongeant à son tour dans la folie, dans une aliénation dont, pour rien au monde, il n’aurait voulu sortir…
Mais des éclats de voix retentirent soudain derrière eux, rompant le charme. La porte s’ouvrit brusquement et une femme entra dans la pièce. Jack se raidit aussitôt, croisant le regard perçant de la nouvelle venue. Celle-ci s’arrêta un instant, choquée par la vue de ce couple presque enlacé et s’avança vers eux, un sourire crispé sur les lèvres. Daniel bredouilla des excuses puis finit par ressortir de la salle et ferma la porte derrière lui.
En la voyant arriver ainsi, en terrain conquis, Sam sentit son cœur se serrer. Elle s’écarta vivement de son supérieur, consciente qu’elle n’allait pas aimer ce qui allait être dit.
- Jack ! s’exclama l’inconnue en se serrant contre lui. Je suis tellement soulagée de voir que tu es sain et sauf !
- Anoji... murmura-t-il en la repoussant doucement, gêné. Quand es-tu redescendue ?
- A l’instant. Nous avons vu l’explosion du vaisseau et nous sommes tout de suite rentrés !
Le regard de la femme glissa vers Sam, avec un mélange de curiosité et de colère.
- Qui est-ce ?
Jack se racla la gorge et se tourna vers son second.
- Je te présente le Ma… Colonel Carter... dont je t’ai souvent parlé, rajouta-t-il rapidement, espérant ainsi adoucir un peu les traits figés de Sam.
Mais celle-ci ne bougeait pas, son regard glacial posé sur Anoji. Cette dernière semblait avoir passée la quarantaine depuis quelques années mais son visage métissé, auréolé de longs cheveux noirs, lui donnait un charme mystérieux... certainement très plaisant pour un homme...
- Ah oui... La personne qui était censée te retrouver en quelques jours seulement ? Elle a finalement mis plus de temps que prévu...
Jack fronça les sourcils.
- Ils m’ont cru mort, répondit-il afin de prendre la défense de Sam, qui jusqu’ici était restée muette. Ils ne connaissaient pas l’existence des Portes de Sauvegarde.
- Je vois...
Elle avait dit ces derniers mots avec un sourire un peu trop ironique au goût d’O’Neill. Terriblement mal à l’aise, il se tourna de nouveau vers son second qui cette fois-ci avait les yeux braqués sur lui. C’était un regard froid, un regard qu’il ne connaissait pas, qu’il ne lui avait jamais vu jusqu’ici.
Sans un mot, elle passa devant eux et se dirigea d’un pas martial jusqu’à la sortie.
- Carter ! tenta-t-il de la retenir... en vain.
Elle ouvrit la porte et la referma calmement derrière elle. Furieux, Jack se tourna vers Anoji :
- Tu étais obligée d’être désagréable ?
- Qu’espérais-tu ? Que j’allais l’accueillir les bras ouverts alors qu’elle va t’emmener loin de moi ?
Devant sa mine désespérée, il n’eut pas le courage de se fâcher davantage.
- Je pensais qu’on avait dépassé ça...
- Tu as dépassé ça. Moi pas.
- Ecoute, je suis désolé mais je ne t’ai jamais rien cachée, j’ai toujours été honnête avec toi. Tu sais parfaitement qu’elle... qu’elle est...
Incapable de poursuivre, il vit Anoji sourire, amusée malgré elle.
- Tu vois, tu n’arrives même pas à le dire...
Elle soupira, retrouvant le calme et la sérénité qui avait tant plu à Jack.
- C’est vrai, tu me l’as toujours dit. Tu m’as toujours dit qu’il n’y avait qu’elle... Mais que veux-tu ? J’avais espéré que tu me reviendrais.
O’Neill s’approcha d’elle et la prit dans ses bras.
- Je suis désolé.
Anoji resserra son étreinte, enfouissant pour la dernière fois son visage dans le cou de cet homme qu’elle avait appris à aimer, malgré lui.
- Non, tu ne l’es pas...
Sam enfila sa casquette d’un geste vif et brusque.
Qu’avait-elle espéré, à la fin !? Qu’il l’attendrait patiemment pendant deux ans, sans femmes, à vivre en ermite ? ... Non, définitivement non. Pas Jack... Et le pire dans tout cela, c’est qu’elle n’avait même pas le droit de lui en vouloir. Après tout, ils n’étaient pas ensemble... Pire ! Lorsqu’il avait disparu, c’est elle qui avait quelqu’un dans sa vie... Alors non... Elle n’avait rien à dire... Et elle n’avait rien dit. Elle était sortie, sa douleur cachée au fond de son coeur, enfouie aussi loin qu’elle le pouvait afin que personne ne la détecte.
Mais ils la connaissaient trop. Ils savaient lorsqu’elle souffrait. Et ils avaient vite deviné pourquoi. Daniel et Teal’c l’avaient aussitôt entourée de leur attention. Présents mais pas envahissants... Juste là pour la soutenir et elle les en remercia silencieusement d’un sourire.
Elle avait mal, c’est vrai mais elle savait aussi qu’elle n’avait pas rêvé son regard... Elle était toujours précieuse pour lui. Elle était en colère d’avoir tant souffert alors que lui vivait heureux avec une autre... Mais pas en colère contre lui... Juste en colère... Elle devait attendre patiemment que ça passe et pour cela, il fallait qu’ils rentrent sur Terre... Tous.
Donnant ses directives d’une voix forte et résolue, elle ordonna le départ. Elle entendit une porte derrière son dos et sentit sa présence sans même se retourner.
- Colonel Reynolds ! appela-t-elle. Prévenez votre équipe que nous arrivons. Qu’ils tiennent la Porte prête à être ouverte.
- Très bien, répondit celui-ci en activant sa radio.
Alors seulement, elle se retourna vers Jack. Anoji était restée à l’intérieur.
- Colonel O’Neill, nous partons. Vous n’avez pas d’affaires personnelles à emmener ?
Le sous-entendu était à peine voilé.
- J’ai tout ce qu’il me faut, répondit-il en la fixant, une lueur étrange dans les yeux.
Sam cilla à peine et cependant, son coeur venait de faire un bond titanesque dans sa poitrine. Elle se mordit la lèvre pour ne pas se trahir et se détourna vivement.
- Bien... Allons-y !
Après avoir fait ses adieux aux quelques amis que Jack s’était fait pendant ses deux dernières années, ainsi qu’à Ghyn qui avait retrouvé sa famille, ils finirent par se mettre en route. Le trajet du retour se fit par groupe.
Jones était en tête, suivi par Teal’c, Daniel et Sam, puis venaient Reynolds et Jack.
Ces derniers discutaient de tout et de rien... de hockeys et des matchs qu’O’Neill avait ratés en passant par la bataille finale contre Anubis qu’ils avaient vaincu grâce au sacrifice de Sam*... Et de fil en aiguille, ils en vinrent à parler d’elle plus en détail.
- Je suis plutôt surpris de voir qu’elle dirige l’expédition.
Reynolds sourit, sans se départir de sa bonne humeur.
- Je crois que vous ne réalisez pas la place qu’a pris le Colonel Carter au sein de la base. Beaucoup la comparent à vous.
Jack se gratta la tête, une grimace sur le visage.
- Ce n’est pas très flatteur pour elle. Ne me dites pas qu’elle a perdu ses facultés intellectuelles ?
- Non, soyez rassuré, s’esclaffa un instant son compagnon. Elle a un bon sens du commandement et fait des choix judicieux...
O’Neill sourit en acquiesçant.
- Elle est très intelligente et j’ai toujours su qu’elle ferait un leader parfait.
- Mais...
Jack se tourna surpris.
- Mais ?
- Elle manque peut-être un peu de...
Il s’arrêta, cherchant ses mots...
- Un peu d’humanité... finit-il, cependant au bout d’un instant.
O’Neill haussa ses sourcils, fixant son regard sur la jeune femme à quelques mètres devant lui.
D’humanité ? Il avait pourtant toujours songé que c’était justement ça, son point faible... Elle était trop humaine. Mais il est vrai que le peu qu’il avait vu d’elle sur un champ de bataille depuis tout à l’heure avait quelque peu modifié son opinion à ce sujet. Elle avait fait preuve de beaucoup de sang froid… un peu trop à son goût mais n’était-ce pas ce qu’on attendait d’un soldat ? Mais il connaissait Carter. Elle ne serait pas devenue cette machine de guerre sans avoir au préalable vécu quelque chose qui l’avait définitivement et profondément bouleversé ? Sa disparition… Non… Pire… Sa mort. Elle l’avait cru mort.
Inévitablement l’idée de sa mort à elle s’insinua dans son esprit… Il balaya cette idée de suite… Il savait parfaitement quelles en seraient les conséquences pour lui.
Sam était aussi silencieuse que Daniel était bruyant… D’un autre côté, cela lui changeait les idées et lui permettait d’en savoir un peu plus sur les raisons de la survie du Colonel O’Neill. Ces Portes de Sauvegardes renfermaient peut être la solution à certains de leurs problèmes de stabilisation des vortex … Il faudrait qu’elle revienne sur cette planète afin de l’étudier…
A cette simple idée, elle sourit. Ce genre de recherche qui l’avait passionnée avant n’avait plus eu la même saveur depuis deux ans. Elle s’était davantage concentrée sur son rôle de leader, mettant un peu en sourdine ces qualités de scientifique. Certes, on avait souvent eu recours à elle et à ses nombreuses connaissances mais elle ne passait plus autant de temps dans son labo… On la trouvait plus souvent aux côtés de Teal’c en salle de sport…
Mais tout à coup, s’éveillant de nouveau à la vie et à ses plaisirs, elle retrouvait le goût des choses qui lui plaisaient tant auparavant… C’était comme si on lui ôtait un voile sombre noué devant ses yeux. Elle portait soudain un œil neuf autour d’elle, se sentant plus vivante que jamais. Certes une colère et douleur constante persistaient mais cela valait mieux que cette indifférence grandissante qui lui donnait l’impression abominable de ne plus être humaine, de ne plus exister. Alors elle acceptait ce surplus d’émotion avec reconnaissance, bien qu’il lui était difficile de le supporter. Sans parler de son cœur qui depuis son réveil jouait les marteaux piqueurs dans sa poitrine…
Le mélange était assez étrange. Colère et joie… Chagrin et bonheur… Rajoutez à cela une sensation persistante de malaise due à ses deux années de souffrance intense… Bref, Sam se trouvait dans un état particulièrement difficile à gérer pour elle.
Pour couronner le tout, elle avait parfaitement conscience d’un regard intense posé sur son dos. Il lui semblait que tout son corps appelait cet homme derrière elle… Et pourtant, elle se sentait pour l’heure tellement partagée. Il valait mieux pour elle ne pas songer en détails à ce qui s’était passé entre lui et cette Anoji… Surtout pas…
Pendant deux ans, deux longues et abominables années où elle l’avait cru mort, elle s’était plus ou moins donnée le rôle de la veuve, la femme laissée derrière, abandonnée… Et elle avait aimé cela, dans un sens. L’importance qu’elle n’avait pas eut dans sa vie, elle l’avait obtenue dans sa mort. Elle n’oublierait jamais le jour où on lui avait remis le drapeau puis ses plaques de réserves gravées à son nom. L’émotion qui l’avait alors submergée…
C’était à « elle » qu’on les avait remises parce qu’ « il » l’avait désiré ainsi.
A cette pensée, son estomac se noua douloureusement, les larmes lui piquant les yeux… Jamais elle n’avait autant souffert de sa vie… Jamais. Même le bonheur suprême de le savoir vivant ne pouvait effacer de suite le mal qui l’avait rongé de l’intérieur. Il lui faudrait du temps pour oublier.
- Sam ? Tu vas bien ? demanda Daniel inquiet par son silence prolongé et l’ombre qu’il avait vu passer sur son visage.
La jeune femme se tourna vers lui, un sourire aux lèvres.
- Ca va. Ne t’inquiète pas... C’est juste que... C’est si étrange...
- ... De l’avoir retrouvé ? finit Jackson à sa place.
- Oui...
- Il va nous falloir à tous un peu de temps pour réaliser, Samantha.
Celle-ci acquiesça simplement. Elle n’était visiblement pas la seule à être bouleversée par ce retour...
- Avez-vous songé qu’on a hérité de toutes ses affaires ? A mon avis, il ne s’en doute même pas... intervint Daniel avec un clin d’oeil.
Elle n’y avait même pas pensé !
- Heureusement qu’on n’a rien vendu ! s’exclama-t-elle plus pour elle que pour ses amis.
- En revanche, c’est nous qui allons nous retrouver à la porte !... Et si on le laissait ici finalement ?
Sam rit doucement et passa un bras autour des épaules du jeune archéologue.
Dieu que ça faisait du bien de rire. Depuis quand cela ne lui était-il pas arrivé ?
Jack fut quelque peu surpris par l’accolade franche et prolongée de ses deux amis. Un soupçon vint tout à coup le tirailler mais il balaya cette ridicule idée d’un geste irrité de la main. Et pourtant…
- J’imagine que ma disparition a du renforcer leurs liens ? demanda Jack au bout d’un moment.
Reynolds suivit le regard d’O’Neill posé sur SG1.
- Oui. Vous étiez déjà une équipe très soudée mais c’est vrai que tous les trois sont inséparables.
Tous les trois... Plutôt bon signe. Difficile de faire ménage à trois...
Ils parvinrent enfin en vue de la Porte des étoiles. Les voyant venir jusqu’à eux, les deux hommes en faction s’activèrent aussitôt autour d’elle afin de l’ouvrir. Lorsque SG1 arriva à leur niveau, ils s’arrêtèrent et se tournèrent de suite vers Jack, au garde à vous.
- C’est un honneur de vous rencontrer, Colonel O’Neill ! dirent-ils en coeur.
Celui-ci les salua à son tour, indifférents aux regards curieux posés sur lui. Il allait sûrement devoir s’habituer à ça... Il les vit ensuite se détourner et demander sans préambule à Sam comment elle allait. Elle leur répondit en souriant tout en leur ordonnant de poursuivre l’ouverture de la Porte. Ils s’exécutèrent rapidement mais Jack avait déjà perçu les regards appuyés des deux hommes qui visiblement en pinçaient pour Carter...
En deux ans, il s’était certainement passé pas mal de choses... et finalement, il n’avait pas très envie de savoir quoi... En revanche, ce qu’il voulait c’était lui parler. Il voyait bien que depuis tout à l’heure elle s’évertuait à l’ignorer, à éviter son regard. Et franchement, elle lui avait manqué pendant si longtemps qu’il était hors de question qu’il se contente de la regarder de loin. Non. Il voulait être avec elle. Il voulait l’écouter parler pendant des heures, la voir sourire et même rire aux éclats. Il voulait plonger son regard dans le sien et ne plus jamais s’arrêter, contempler son visage, se nourrir de sa présence... Il avait faim d’elle. Ce n’était pas physique, non... Même s’il serait malhonnête de dire que... enfin voilà... C’était Carter ! ... Mais ce dont il avait vraiment besoin c’était d’ « elle ». Tout ce qui faisait qu’elle était « elle ».
Voilà ce qu’il désirait plus que tout.
Depuis deux ans.
Lorsque le septième chevron s’ouvrit enfin, Jack ne put s’empêcher de regarder le vortex se créer avec un soulagement sans nom. Combien de fois était-il venu ici ? Combien de temps avait-il passé près de cette Porte, à espérer qu’elle s’anime et qu’apparaissent enfin ses trois coéquipiers ? Combien d’espoir déçu...
Dans un soupir, il se tourna vers Sam et croisa son regard. Elle l’observa un instant, silencieuse, presque surprise de le trouver là, à ses côtés, puis ordonna le départ en se détournant. Comme tout bon leader, elle regarda ses hommes passer la Porte attendant son tour pour fermer la marche. Lorsque qu’ils ne restèrent plus que tous les deux, agacée, elle finit par croiser de nouveau son regard.
- Colonel… grogna-t-elle en l’incitant de la main à avancer.
Pour seule réponse, il s’avança vers Sam et s’arrêta à quelques centimètres seulement. Elle soutint son regard sans sourciller, la mine fermée.
- Carter… Vous m’évitez.
La jeune femme resta silencieuse un instant avant de baisser finalement la tête.
- Laissez-moi juste un peu de temps.
Il fixa son visage, ses longs cils voilant ses yeux mi-clos. Il pourrait passer des heures à la regarder ainsi.
- Très bien, soupira-t-il finalement.
Acquiesçant, elle fit mine de s’écarter mais il finit par la retenir en posant une main sur son bras. Surprise, elle se tourna vers lui, se figeant dans son élan.
Il semblait avoir toutes les peines à parler… cherchant ses mots… hésitant à plusieurs reprises… Puis il finit par se jeter à l’eau.
- Vous m’avez manqué.
De surprise, elle en resta bouche bée, le cœur battant soudain la chamade. C’était la première fois qu’il éprouvait le besoin de dire une chose aussi personnelle… Elle n’eut cependant pas le loisir d’y songer plus avant ni même de répondre car ils furent interrompus par le grésillement de leur talkie-walkie.
- Colonel Carter ? O’Neill ? Tout va bien ?
Instinctivement, Sam empoigna sa radio sans le quitter des yeux.
- Oui, nous arrivons.
Ils se regardèrent encore quelques secondes, silencieux puis la jeune femme rompit le charme.
- Allons-y.
Il sembla hésiter puis finit par acquiescer tout en la suivant. Mais à l’instant où elle s’apprêtait à passer la Porte, elle s’arrêta net puis se tourna vers lui.
- Passez en premier.
Un peu surpris, Jack haussa les sourcils attendant une explication mais devant son regard, il finit par comprendre… Il sourit.
- Bien sûr.
Il s’avança alors et s’engouffra dans le vortex, suivi de près par Sam.
Lorsqu’ils ressortirent de l’autre côté de la Porte, Jack fut tout d’abord étonné du nombre impressionnant de personnes présentes dans la salle d’embarquement. Il y avait des têtes connues mais beaucoup d’autres totalement étrangères. Il comprit que les deux années écoulées avaient du être rudes pour le SGC.
Un peu perdu, il s’avança jusqu’au bas de la passerelle où l’attendait son supérieur, le visage éclairé d’un immense sourire. O’Neill retrouva aussitôt ses repères.
- Mon Général, commença-t-il en le saluant négligemment, une lueur espiègle dans les yeux. Vous avez renforcé la sécurité ?
Hammond ne put retenir un léger rire.
- Jack… On est content de vous revoir, c’est tout.
Celui-ci regarda autour de lui, certains l’observaient avec un mélange de curiosité et d’admiration…
Ils avaient tous voulu voir à quoi ressemblait le grand « Jack O’Neill », la légende du SGC… en chair et en os.
- J’imagine que vous avez une drôle d’histoire à nous raconter ?
- Ah oui… enfin, pas grand-chose finalement. C’était plutôt calme là où j’étais…
Devant la mine ironique d’Hammond, il finit par rajouter très vite, un sourire aux lèvres:
- Enfin… Jusqu’à ces trois derniers jours.
- Je sens que le débriefing va être plus long que d’habitude, déclara son supérieur avant de se tourner vers Sam qui attendait patiemment derrière O’Neill.
- Colonel.
- Mon Général ?
- … Merci de nous l’avoir ramené.
Carter acquiesça simplement la tête.
- Allez ! conclut Hammond, joyeusement. Tous à l’infirmerie. Débriefing demain à 8h00. Une bonne nuit de sommeil nous fera tous du bien.
Au mot « infirmerie », Jack ne put empêcher son nez de se plisser ce qui fit sourire bon nombre de personnes connaissant son dégoût pour ce lieu. Il sentit Carter passer dans son dos en silence, se dirigeant vers la sortie. Mais elle s’arrêta avant et se retourna vers lui. Ils se regardèrent un court instant, les yeux dans les yeux, puis Sam finit par sourire à son tour.
- Vous venez, Mon Colonel ?
« Mon Colonel »… C’était la première fois qu’elle l’appelait ainsi depuis qu’ils s’étaient retrouvés. Ces mots glissèrent sur lui comme une caresse et il s’en délecta silencieusement. Sans la quitter des yeux, il s’avança vers elle et arrivé à sa hauteur lui retourna son sourire avec chaleur. Alors d’un même pas, ils sortirent de la salle d’embarquement, Daniel et Teal’c sur les talons, comme au bon vieux temps.
Jack ne savait pas trop si Carter lui avait pardonné… Il sentait bien que la découverte de sa relation avec Anoji lui avait fait mal. Il ne savait pas encore à quel point mais c’était la seule explication plausible à son éloignement. Et il s’en voulait terriblement… Mais paradoxalement, O’Neill re-songea à cette période de doutes où il avait fini par abandonner l’idée qu’elle le retrouve un jour. Il l’avait imaginée, faisant sa vie de son côté, reléguant au fond de sa mémoire son ancien supérieur perdu sur une planète inconnue… Alors il s’était dit que lui aussi avait droit de vivre. Mais ça n’avait pas duré longtemps. Il avait fini par reprendre espoir. Ils les connaissaient. Il la connaissait. Elle n’aurait jamais abandonné. Alors à peine commencée, il avait mis un terme à cette relation qui n’avait duré en tout et pour tout que deux petites semaines. Il savait qu’il avait profondément blessé Anoji mais il avait toujours été honnête avec elle… Et tous deux étaient finalement restés amis. Amis assez proches, il est vrai. Une relation assez ambiguë… Mais rien de sérieux. Elle n’avait jamais été … importante.
- Mon Colonel ?
Il sourit. Ça lui avait vraiment manqué.
- Oui ? demanda-t-il en se tournant vers elle, tandis qu’ils avançaient dans les couloirs de la base.
Elle sembla hésiter un instant, quelque peu nerveuse. Il sentit aussitôt son estomac se nouer.
- Il y a une chose dont nous devons parler…
Il sourcilla à peine à ces mots, appréhendant sans savoir pourtant la suite.
- En fait… continua-t-elle sur sa lancée… Comme nous avons tous cru que vous étiez mort, votre testament a été ouvert et…
Jack ralentit le pas quelques instants. Il n’y avait absolument pas pensé… Abasourdi, il se tourna vers elle.
- Vous avez tout vendu ?
Il se tut tout à coup puis ferma les yeux
- … Mon chalet… gémit-il.
- … Non, dit-elle aussitôt avant d’être coupée.
- Vous l’avez gardé ?
Sam sourit devant le regard plein d’espoir qu’il posait sur elle.
- Oui. Et tout le reste aussi… Mais ce n’est pas ça que je voulais vous dire…
- Vous avez gardez le reste aussi ? La maison ici ? demanda-t-il, incrédule, sans tenir compte des propos de la jeune femme.
- Euh… oui… en fait, c’est de ça dont je voulais vous parler…
Comme elle hésitait toujours, Jack finit par l’encourager d’un geste de la main.
- Eh bien en fait, nous nous sommes installés chez vous… Nous vivons chez vous, Mon Colonel.
La surprise qui se peignit sur son visage était presque risible.
- Vous vivez … chez moi ? parvint-il à dire au bout d’un moment.
- Oui…
Ils continuèrent de marcher pendant quelques secondes, en silence. Teal’c et Daniel restaient lâchement à distance raisonnable, ayant deviné de quoi il était question.
- Et c’est qui… « Nous » ?
- Daniel, Teal’c et moi.
- Teal’c aussi ? répéta-t-il cherchant confirmation, étrangement inquiet.
Elle se méprit sur les raisons de cette surprise.
- Oui. Il n’avait pas le droit de s’installer à l’extérieur de la base mais comme nous avons proposé de tous emménager ensemble, ils ont accepté.
- Ah… répondit-il seulement, soulagé.
Bien… Un ménage à trois… C’était toujours d’actualité… Il allait devenir fou à friser la crise cardiaque ainsi, toutes les cinq minutes… Inutile de parler du bond qu’avait fait sa poitrine lorsqu’il avait entendu Daniel et Sam se tutoyer quelques instants auparavant lorsqu’ils se dirigeaient tous vers la Porte…
- Et… Pourquoi ? finit-il par demander après avoir retrouvé un semblant de calme intérieur. Pourquoi ma maison ?
Sam rougit imperceptiblement.
- Nous n’avions pas le cœur de la vendre… Et puis comme elle était très grande, nous avons songé à nous y installer tous les trois.
Jack la fixait toujours, devinant qu’elle lui cachait les véritables raisons mais il choisit de faire semblant de la croire…
Ils parvinrent finalement à l’infirmerie quelques secondes plus tard et SG1 fut séparée. Tous subirent les mêmes analyses mais le médecin se concentra particulièrement sur Carter et surtout O’Neill. Il faudrait quelques temps pour savoir si tout était parfaitement normal… Aussi, après une brève collation, ils prirent le chemin de leurs quartiers, la fatigue se faisant cruellement ressentir.
A huit heures exactement, SG1… presque au grand complet, était réunie en salle de Briefing… O’Neill manquait à l’appel. Il les rejoignit avec 10 minutes de retard et fut accueilli par des regards entendus. Il ne changerait décidément jamais.
Après une courte introduction du Général leur annonçant que les résultats de leurs analyses n’avaient rien détecté d’anormal, Jack prit la parole et leur raconta dans les grandes lignes ce qu’il avait fait pendant près de deux ans. C’est à dire pas grand chose. La vie était relativement calme là-bas et les gens plutôt gentils. Ils étaient tout comme lui, des égarés ayant atterri sur cette planète par hasard. Certains avaient accepté leur sort avec philosophie, d’autres moins. Grâce au SGC, ces derniers allaient pouvoir enfin rentrer chez eux.
A plusieurs reprises, Jack croisa le regard de Sam. Celui-ci était en majeur partie assez inexpressif ce qui laissait à prouver qu’elle n’avait pas tout à fait oublié les raisons de ses griefs à son égard mais au moins, il arrivait à la jeune femme de sourire et de lui parler. C’était déjà ça…
Quant à Daniel et Teal’c, ils avaient tous deux les yeux rivés sur lui, une expression extatique sur le visage. C’en était presque embarrassant… Mais il était de mauvaise foi… Il le cachait à tous mais quel plaisir il avait eu de retrouver les murs gris et sinistres de cette base ! Même la séance à l’infirmerie lui avait laissé un petit goût de nostalgie dans la bouche!
Lorsque le débriefing se termina, Hammond, un sourire aux lèvres, leur annonça à tous les quatre deux semaines de vacances afin de permettre au Colonel O’Neill de reprendre ses marques. Ils ne se firent pas prier et partirent aussitôt en direction de leur maison… à tous les quatre. L’ambiance était plutôt bonne dans la voiture, Daniel tentant vainement de trouver une solution à leur dilemme.
- Je serais assez d’avis de garder le chalet en compensation… déclara l’archéologue, téméraire.
- Il n’en est pas question ! Je vous laisse cette maison mais je garde mon chalet.
- Vendu ! s’exclama aussitôt Jackson, un sourire au coin.
Jack plissa les yeux. Il venait de se faire avoir en beauté.
- Daniel… intervint Carter en riant. C’est la maison du Colonel, tu n’as aucun droit dessus. Ni toi, ni moi, ni Teal’c.
- Chuuuut ! réagit aussitôt le jeune homme, faussement en colère. On le tenait, Sam !
Celle-ci secoua la tête tout en garant la voiture devant la maison en question.
- Je suis d’avis de la laisser à O’Neill.
- Merci pour votre soutien, Teal’c… grogna Daniel.
- Je vous en prie, répondit sobrement le Jaffa en inclinant la tête.
Sur ce, ils sortirent tous du véhicule puis se dirigèrent vers la porte d’entrée. Jack soupira d’aise en pénétrant à l’intérieur. Il était enfin chez lui… enfin… Plus tout à fait mais bon. Ca aurait pu être pire. Ils auraient pu la vendre.
Il pénétra alors dans le salon et fut incroyablement surpris de constater le peu de changements qu’avaient apportés ses amis dans l’ameublement de la pièce. Le même canapé, la même table basse, les mêmes fauteuils... Seuls les bibelots et différents objets ornementaux appartenant certainement à Daniel pour la plupart parsemaient la salle. Les photos aux murs avaient également été remplacées. Il s’agissait de clichées de SG1 prises alors qu’il en faisait encore parti.
- Eh bien, dit-il au bout d’un instant, tandis que trois paires d’yeux étaient tournées vers lui. La déco laisse à désirer…
Ils sourirent tous à ce léger trait d’humour. Comment lui expliquer qu’ainsi, ils avaient eu le sentiment de ne pas totalement le perdre… qu’une partie de lui survivait ?
- Les autres pièces sont pareilles ?
- Oui. Nous n’avons quasiment rien touché. Sauf dans les chambres, bien sûr, répondit Daniel.
Jack redressa aussitôt la tête.
- Qui a la mienne ?
Devant l’air embarrassé de Sam, dont les joues prenaient une délicieuse couleur cramoisie, O’Neill n’eut même pas besoin d’attendre la réponse.
- C’est moi, dit-elle cependant dans un souffle, croisant le regard soudain brillant de son supérieur.
Un léger silence quelque peu pesant s’instaura et Jack finit par se tourner vers ses deux autres compagnons.
- Auriez-vous, par hasard, gardé des vêtements… ? C’est pas que je n’y sois pas habitué mais le treillis, ça va cinq minutes…
- Nous avons en effet gardé vos habits, O’Neill.
- Ils sont dans des cartons au grenier.
- J’ai quelques chemises dans ma chambre, indiqua Sam avant de réaliser la portée de ces mots.
Une nouvelle coloration de ses joues indiqua clairement sa gêne tandis que Jack souriait à présent franchement. Daniel, amusé, choisit cependant de partir à la recherche du carton contenant ses pantalons.
- Je pourrais au moins changer le haut ? demanda alors O’Neill en fixant Sam.
La jeune femme hésita puis finit acquiescer.
- Bien sûr, murmura-t-elle en se dirigeant aussitôt vers les escaliers.
Tout en la suivant, Jack réalisa combien cette scène était surréaliste. Il était chez lui et « elle » l’emmenait dans sa chambre… sa chambre à lui. Mais à elle aussi. Une fois arrivés à l’étage, ils pénétrèrent dans la pièce et Jack repoussa la porte, mais cependant sans la fermer. Il savait parfaitement que tout cela aurait mis la jeune femme encore plus mal à l’aise. Tandis que celle-ci se dirigeait vers l’armoire, il fit le tour de la chambre. C’était les mêmes meubles. Encore une fois, presque aucun changement. Il y avait même ses cassettes des Simpsons sur une étagère à côté de livres… visiblement appartenant à la jeune femme, songea-t-il en déchiffrant les titres mais néanmoins, sans parvenir à en comprendre la signification…
- Vous avez vu tous les épisodes ? demanda-t-il au bout d’un instant tandis qu’elle était toujours dos à lui.
- Oui, dit-elle simplement, comprenant de suite de quoi il parlait.
- Ah ! Et vous avez aimé ?
La jeune femme ne répondit pas… Comment aurait-elle pu lui dire qu’elle se les passait en boucle certains soirs de déprime, lorsqu’elle ressentait le besoin de pleurer ? Car elle pleurait devant. Quel paradoxe pour une série qui se voulait humoristique…
Comme elle se taisait toujours, il reprit son exploration et son regard fut attiré par une photo sur la table de chevet. Une photo d’eux deux prise lors d’une soirée. Attachées au cadre pendaient des plaques militaires. Il n’eut pas besoin de s’en approcher pour comprendre qu’il s’agissait des siennes et il en fut bouleversé. Il se souvenait à présent avoir expressément demandé dans son testament qu’à sa mort ce soit elle qui les reçoive. Ainsi que le drapeau qu’il pouvait aisément imaginer être dans un des tiroirs de la commode.
Jack finit par soupirer, ses dernières craintes venant de le quitter. Cette chambre avait tout de celle d’une veuve éplorée, refusant d’oublier son époux. C’était lui, cette pièce. Elle avait évité de laisser son empreinte personnelle afin de préserver ce qui se dégageait de cette chambre lorsqu’il était encore là. Les mains moites, sentant qu’il était temps pour lui de faire quelque chose, il se tourna vers elle et croisa son regard.
Il fut aussitôt désarçonné par l’expression agitée de son visage.
- Carter ? Ca ne va pas ?
La jeune femme secoua la tête, les sourcils soudain froncés, cherchant à retrouver son calme.
- C’est juste que… C’est étrange de vous voir ici, finit-elle par dire en s’avançant nerveusement vers lui, une chemise dans la main. Tenez.
Il jeta un œil sur celle-ci avant de la prendre. Il la reconnut mais curieusement la couleur en semblait passablement altérée. Lisant dans ses pensées, Sam rougit quelque peu.
- Je peux vous en donner une autre… C’est juste que je l’ai souvent… enfin... je l’ai un peu … usée.
Elle mettait ses chemises... Troublé, la gorge serrée, il finit par reprendre ses esprits.
- C’est parfait.
Sans un mot, il coinça le vêtement entre ses cuisses et commença à ôter son tee-shirt. Sam détourna aussitôt les yeux en reculant un peu, embarrassée, mais finit par le regarder de nouveau tandis qu’il enfilait la chemise et commençait à la boutonner.
Le choc qu’elle ressentit à le voir habillé ainsi dû se lire sur son visage car il se figea aussitôt. Combien de fois avait-elle rêvé de le voir porter ce vêtement ? Combien de fois l’avait-elle ressuscité dans son imagination ? Et maintenant, il était là, devant elle, en chair et en os, emplissant la pièce de sa présence si rassurante et chaleureuse. Sam sentit confusément ses yeux s’embuer. Elle tenta de refouler ses larmes, serrant les poings, fixant son regard ailleurs mais devant son incapacité à se contrôler, elle finit par se détourner. Elle fut cependant stoppée net dans son élan par des mains chaudes posées sur ses bras. Il la fit pivoter doucement afin qu’elle soit de nouveau face à lui puis la prit tendrement dans ses bras. Alors elle se laissa faire. Elle se laissa aller.
Elle pleura contre lui, s’accrochant à ses épaules solides, puisant dans sa chaleur le réconfort dont elle avait tant besoin. Elle sentit confusément les doigts de Jack plonger dans ses cheveux, la caressant doucement, affectueusement tout en la berçant contre lui.
O’Neill sentait qu’elle avait besoin de se libérer de toute cette peine… mais l’entendre pleurer ainsi lui nouait l’estomac.
Un léger coup frappé à la porte le fit redresser la tête, tandis qu’elle restait à sangloter dans ses bras, insensible à ce qui n’était pas lui. Il croisa le regard de Daniel et ce dernier lui montra le carton qu’il posa dans l’entrée de la chambre. Jack le remercia d’un sourire puis Jackson sortit, les laissant de nouveau seuls.
Peu à peu, ses pleurs se tarirent et lorsqu’il estima qu’elle reprenait le dessus, il s’écarta un peu d’elle afin d’observer son visage. Elle était si belle, avec ses grands yeux bleus brillants, le fixant de son regard troublé. Lentement, il approcha sa main et écrasa doucement du pouce une larme qui glissait sur sa joue pâle. Elle tressaillit à ce geste.
Ce n’était pas la première fois qu’elle pleurait dans ses bras mais jamais une de leur étreinte ne s’était poursuivie de façon si intime. Le cœur battant la chamade, elle se laissa faire tandis qu’il faisait glisser à présent ses doigts sur son visage, comme elle l’avait fait la veille, sur une autre planète. Il effleura l’une de ses pommettes puis descendit lentement, redessinant la courbe délicate de sa mâchoire avant de frôler son joli menton volontaire… Mais il ne s’arrêta pas là et remonta légèrement jusqu’au coin de sa bouche. Alors du pouce, il caressa doucement ses lèvres entre-ouvertes, son regard s’assombrissant peu à peu.
Terriblement troublée, Sam ne parvenait plus à détacher ses yeux des siens, si dévorants tout à coup. Alors lentement, incroyablement lentement, elle le vit se pencher vers elle, approchant son visage du sien, mélangeant leurs souffles irréguliers… Et enfin, il posa ses lèvres sur les siennes. Doucement. Délicatement. Presque timidement. C’était leur premier vrai baiser, la première fois que cela signifiait quelque chose pour tous les deux. Ils s’effleurèrent ainsi, savourant ce nouveau contact si longtemps désiré mais petit à petit, leur baiser se fit plus franc, plus profond et sensuel. Elle enroula ses bras autour de son cou, caressant sa nuque, respirant son parfum, bouleversée…
- Sam… murmura-t-il alors contre ses lèvres, la faisant trembler de tous ses membres.
Le souffle court, elle se redressa afin d’observer son visage. Il semblait tout aussi troublé qu’elle. Lui. Jack O’Neill. Lui, toujours si maître de ses émotions.
Alors elle sourit. D’un sourire rayonnant et heureux. Un sourire de femme amoureuse et comblée. Lentement, elle se dégagea de lui, répondant à son regard incertain par une caresse sur son visage. Elle s’approcha doucement de la porte tout en le tenant par la main pour qu’il la suive, s’adossa contre le battant et la referma.
Lorsqu’elle s’éveilla, le soleil commençait à décliner. Ils avaient apparemment tous deux beaucoup de sommeil en retard... songea-t-elle en s’étirant le plus doucement possible afin de ne pas le réveiller.
Elle tourna lentement la tête et se redressa sur l’un de ses coudes pour l’observer à loisir. Une bouffée de tendresse si forte qu’elle fut presque douloureuse la submergea alors... Elle aimait tellement cet homme... C’était si fort et si simple. Si naturel. Comme de respirer. C’était arrivé comme ça. Un jour, elle avait réalisé qu’elle était amoureuse de lui et à partir de cet instant, tout avait changé. Absolument tout. Sa vie, sa perception des choses. Elle avait tenté de nier parfois, d’oublier souvent... Mais non. L’aimer était aussi naturel que de respirer. Et aussi vital. Elle en avait fait la douloureuse expérience...
Avec douceur, elle souleva une mèche folle qui tombait sur son front. Même au repos, son visage était dur et ses traits énergiques le rendaient plus viril que jamais.
Le ventre noué par une envie irrésistible de le caresser, de toucher cette peau qui l’attirait comme le miel attire une abeille, Sam finit par se redresser lentement afin de se lever.
La chemise qu’elle avait choisie pour lui plusieurs heures auparavant était sur le sol, abandonné avec le reste de leurs affaires. Leur étreinte avait commencé avec beaucoup de douceur et de tendresse, mais la frustration de plusieurs années avait eu raison de leur patience. Ils avaient fini par arracher leurs derniers vêtements et s’étaient jetés sur le lit, impatients, brûlant d’une même fièvre, indifférents au monde extérieur.
Mon Dieu !! Daniel, Teal’c ! songea-t-elle alors, les joues en feu.
La maison était assez grande pour qu’ils n’aient rien entendu, heureusement... Sauf si bien sûr, ils étaient montés à l’étage...
Sam enfila en vitesse un tee-shirt, un jeans et des tennis mais s’arrêta et se retourna vers Jack avant de sortir. Il était allongé sur le ventre, le drap négligemment posé sur ses reins dévoilant un dos puissant et délicieusement bronzé par des heures passées sous le soleil à travailler la terre. Il y a encore deux jours, elle était entrée dans cette chambre, dévastée par sa visite quotidienne du cimetière. Quel contraste entre ce qu’elle avait ressenti à ce moment là et ce qu’elle vivait, à présent. Parce qu’elle vivait, maintenant, songea-t-elle avec un sourire, refermant la porte derrière elle.
Elle descendit les marches silencieusement. Il n’y avait pas un bruit. Elle se dirigea aussitôt vers la cuisine. C’était le point de ralliement du groupe, là où ils se croisaient sans cesse, matin, midi et soir. Le coin le plus chaleureux de la maison.
Personne.
Elle s’approcha alors du réfrigérateur afin de se servir un peu de jus d’orange mais découvrit un mot laissé par Daniel, accroché sur la porte du frigo.
« Nous sommes partis pêcher ! Venez nous rejoindre tous les deux dès que vous en aurez envie ! »
Sam ne put retenir un léger rire. Ils ne pêchaient jamais. Teal’c détestait ça. La plupart du temps, le Jaffa faisait de longues promenades pendant que Daniel travaillait ses traductions au bord du lac. Ce lac qu’elle n’avait jamais vu... Mais tout ça allait changer, maintenant.
Une idée lui traversa soudain l’esprit. Le coeur battant, elle attrapa ses clefs de voiture et sans plus attendre sortit de la maison.
Elle passa tout d’abord au supermarché du coin afin de choisir de quoi nourrir l’estomac insatiable de son supérieur puis prit la direction du cimetière. Elle n’alla cependant pas jusque là-bas et s’arrêta devant le fleuriste.
En la voyant venir, le vieux propriétaire la salua d’un sourire avant de se diriger vers les roses. Il s’apprêta à lui demander laquelle elle désirait lorsqu’il fut frappé par l’expression rayonnante de la jeune femme.
- Vous semblez heureuse, dit-il alors.
C’était la première fois qu’il lui parlait, hormis les bonjours et au revoir d’usage. Mais la voir si malheureuse à chaque fois qu’elle entrait, lui faisait pressentir qu’elle n’avait aucune envie de discuter. Elle préférait plutôt s’enfermer dans sa douleur, comme la plupart des gens qu’il voyait passer ici. Alors il ne disait rien, devinant où elle allait déposer cette fleur. Le même rituel depuis presque deux ans maintenant.
Mais aujourd’hui, elle était différente. Son regard était si lumineux, si vivant, comme s’il s’agissait d’une autre personne. Il avait donc senti qu’il pouvait lui parler. Et elle lui sourit en retour. Le bonheur sur son visage. Elle désigna la rose qu’elle désirait et lui répondit simplement :
- Ce n’est pas sur une tombe que je vais déposer celle-ci.
Alors il sourit à son tour. Elle plongea sa main dans ses poches à la recherche d’un billet mais il secoua la tête.
- Non, je ne veux rien. Je suis heureux pour vous.
Surprise, elle le regarda un instant, prenant conscience qu’elle n’avait jusqu’ici jamais vraiment fait attention à ce vieux monsieur, trop refermée sur elle-même et sur sa douleur. Troublée de le voir partager ainsi sa joie, elle lui sourit avec chaleur.
- Merci.
Et sa précieuse rose dans la main, elle sortit.
Le coeur cognant à se rompre dans sa poitrine, une envie lancinante de « le » voir lui noua sournoisement l’estomac aussi se dépêcha-t-elle se rentrer. Elle passa d’abord dans la cuisine, rangeant les aliments périssables au réfrigérateur puis sa rose dans la main monta quatre à quatre les marches menant à l’étage. Elle ouvrit doucement la porte et jeta un oeil à l’intérieur.
Il est toujours là, songea-t-elle en soupirant, effrayée l’espace d’un instant, que la folie l’ait fait imaginer tout cela.
Sam pénétra dans la chambre et l’observa un instant. A présent, il était allongé sur le dos, un bras replié sur son front. Le drap recouvrant toujours ses reins, laissait voir son ventre plat, son torse musclé et ses épaules si larges... Elle sentit alors tout son corps se mettre à brûler littéralement de l’intérieur. Les joues en feu, elle s’approcha du lit...
- J’ai cru que tu m’avais abandonné, dit-il alors d’une voix plaintive en ouvrant les yeux.
Son regard rieur dénotait ses propos et Sam ne put retenir un rire léger.
- Quelle drôle d’idée !
- Neuf ans à fantasmer... Tu as peut-être été déçue.
La jeune femme sentit ses joues s’empourprer devant le sourire amusé et séducteur de Jack. Il savait parfaitement qu’au contraire, elle avait été on ne peut plus comblée... Elle avait été suffisamment expressive et éloquente comme ça... songea-t-elle, embarrassée qu’il le lui signale de cette façon. Parfois, il avait une désagréable façon de se montrer...
- ... Macho.
A ce mot et surtout devant son air gêné, il ne put s’empêcher de rire joyeusement.
- C’est pour me venger de ne pas t’avoir trouvé à côté de moi au réveil.
Il finit cependant par se calmer et la regarda plus sérieusement.
- J’ai cru que tu regrettais...
Sam retrouva aussitôt son assurance et s’assit sur le lit. Elle leva alors la main qu’elle cachait toujours dans son dos et lui tendit la rose. Surpris, il se redressa sur un coude sans pour autant la saisir.
- C’est pour moi ?
La jeune femme sourit doucement.
- Bien sûr.
Troublé, il la prit et respira son parfum léger.
- C’est la première fois qu’on m’offre une fleur... dit-il simplement en plantant son regard chaud et tendre dans le sien.
- Je t’en ai pourtant offert des dizaines... murmura-t-elle, énigmatique.
Ils restèrent ainsi à se regarder silencieusement pendant un long moment puis Sam se pencha vers lui et l’embrassa. Il y répondit aussitôt avec passion, glissant ses doigts nerveux dans ses cheveux blonds, caressant avec délice la peau douce de son cou, de sa joue...
Ils finirent cependant par se séparer, un sourire sur les lèvres. Ils avaient tout leur temps.
- Où sont nos deux amis ? demanda alors Jack, redescendant sur Terre.
- Dans le Minnesota, répondit-elle en souriant.
Les yeux de Jack s’illuminèrent.
- Ca veut dire qu’on a la maison pour nous tous seuls ?
Le sourire de Sam s’élargit un peu plus.
- Daniel nous demande de venir les rejoindre dès qu’on en aurait envie.
Le visage de Jack s’assombrit un peu.
- Qu’y a-t-il ? s’inquiéta-t-elle aussitôt.
- Rien... C’est juste que je m’étais toujours dit que je t’y emmènerais...
- Je n’y suis jamais allée, intervint-elle alors, comprenant où il voulait en venir.
Surpris, il la dévisagea en silence.
- Je ne me sentais pas d’y aller sans toi.
A ces mots, il sourit, heureux de pouvoir lui faire découvrir ce lieu qu’il aimait tant.
- Alors nous irons. Tu vas adorer, j’en suis sûr.
- J’en suis sûre, répéta-t-elle, le coeur battant plus vite, comme à chaque fois qu’il la regardait ainsi...
Conscient de l’émotion de la jeune femme, son regard se fit espiègle et enjôleur.
- Mais nous avons deux semaines de vacances, murmura-t-il contre son oreille, la faisant trembler de tous ses membres. On a tout notre temps pour aller les rejoindre...
Terriblement troublée, elle parvint cependant à garder un minimum l’esprit pratique.
- Comment allons-nous faire à la base ? Nous n’avons pas le droit...
Mais sans tenir compte de ces propos, il attrapa sa taille et d’un geste vif la fit basculer sur le lit, l’emprisonnant sous son propre corps.
- Peu importe... On trouvera une solution, dit-il finalement, avant de prendre ses lèvres avec fièvre.
C’est vrai... Quelle importance après tout...
EPILOGUE
Ça faisait maintenant trois heures qu’ils jouaient et l’épuisement se faisait sérieusement ressentir. Alex rata son panier pour la troisième fois d’affilée et décida qu’il était temps pour lui d’arrêter.
- C’est bon pour moi... Je suis claqué... grogna-t-il haletant, plié en deux, les mains sur ses genoux.
Théo acquiesça simplement, les poings sur les hanches, tentant de retrouver son souffle. Epongeant son front avec son bracelet éponge, il se dirigea d’un pas chancelant jusqu’au banc près du terrain de basket et décapsula une canette de coca. Il but quelques gorgées puis finit par se tourner vers son ami.
- T’en veux une ?
- Balance.
Tandis que Théo lui lançait la canette, le regard d’Alex fut distrait par la femme qui passait derrière son compagnon. Indifférent à la canette qui venait de tomber par terre, il tendit son bras, fébrile.
- C’est elle !
- Quoi ? réagit aussitôt Théo en se tournant.
Voyant la silhouette fine d’une femme en tailleur bleu, il secoua la tête. Elle était à présent de dos et il n’avait pas eu le temps de voir son visage.
- Non... Elle est toujours en survêt. C’est pas elle.
- Je te jure que si ! s’exclama Alex en empoignant leur sac. Viens ! On la suit !
Ni une ni deux, ils sortirent du terrain de basket et partir à la poursuite de l’inconnue.
Cela faisait des années qu’ils venaient jouer ici et depuis deux ans maintenant, ils étaient obnubilés par une femme qu’ils croisaient de temps à autre. La première fois qu’ils l’avaient vue, elle avait failli les percuter de plein fouet. Son beau visage était baigné de larmes, son regard si déchirant. Ils en étaient tous deux restés sans voix. Ils avaient tout d’abord pris ça pour un événement anecdotique mais ils l’avaient revue quelques jours plus tard, une rose dans la main, sortant d’un taxi. Alors, pris d’une soudaine impulsion, ils l’avaient suivie et comme ils s’en doutaient, elle n’était pas allée bien loin.
Ils l’avaient observée alors s’agenouiller devant une tombe avant de déposer la rose. Pendant quelques instants, elle était restée immobile puis finalement s’était relevée d’un coup et s’était mise à courir. Elle était passée devant eux, les yeux noyés de larmes, le visage défait. Lorsqu’elle avait disparu au loin, ils s’étaient avancés vers la tombe, curieux de connaître le nom de celui ou de celle responsable d’un tel chagrin.
Colonel Jonathan “Jack” O’Neill, Air Force. 1957-2004*
Depuis ce jour, ils la voyaient passer de temps à autre, de façon toujours irrégulière. Il s’écoulait parfois plusieurs semaines sans qu’elle ne vienne. Et parfois seulement cinq jours. C’était toujours le même rituel depuis deux ans.
Aujourd’hui, ils ne suivaient pas une femme en survêtement mais en uniforme de l’armée de l’air des Etats-Unis.
- Elle est quoi ? Tu as vu son grade ? demanda Théo.
- Non, elle était trop loin. Et puis j’ai été tellement surprise de la voir habillée comme ça. Mais dans un sens, c’est peu surprenant. Il était bien Colonel.
Ils marchèrent encore un peu puis finirent par s’arrêter près d’une tombe à quelques mètres de la jeune femme.
- C’est bien elle… acquiesça Théo reconnaissant celle du Colonel Jonathan O’Neill. Tu vois son grade ? Moi j’y connais que dal.
- On dirait… Ah ben ça… Elle est Lieutenant Colonel !
Surpris, une lueur admirative dans le regard, Théo se tourna vers son ami.
- T’es sûr ?
- Absolument.
- Eh ben… Notre belle inconnue est sacrément gradée ! Qu’est-ce qu’elle fait là en uniforme, aujourd’hui ?
- Sans rose… réalisa alors Alex.
Son ami jeta un œil vers la jeune femme. En effet, elle n’avait pas de rose…
- Curieux. C’est bien la première fois en deux ans.
- En tout cas, il n’y a pas à dire, mais habillée comme ça elle est… Waouh !
- C’est vrai…
Etrangement, ils avaient toujours eu un profond respect pour elle. Cette femme, si belle, souffrait tellement et malgré le temps qui passe, fidèle, elle continuait de venir encore et encore se recueillir sur la tombe de cet homme… Qui ne rêverait pas d’être aimé d’une femme pareille ? Elle était inconsolable.
Alors quelle ne fut pas leur surprise de voir un officier s’approcher d’elle et passer familièrement un bras sur son épaule.
- Bon sang ! s’exclama alors Alex. Elle lui fait une infidélité !
- Attends, attends, attends… C’est peut-être juste un ami…
- Tu dé{connes ! Regarde comme il lui caresse la nuque !
Outrés, ils observèrent l’homme masser délicatement le cou de la jeune femme et celle-ci posa doucement la tête sur son épaule. Alex et Théo se sentirent tout à coup trahis. Non pas qu’ils espéraient quoi que ce soit vis à vis d’elle mais ils avaient tellement idéalisé cette femme, si parfaite, si incroyablement fidèle, qu’ils ne supportaient pas de la voir avec un autre homme que ce Jonathan O’Neill. Et voilà que maintenant, elle l’avait tout simplement remplacé !
- J’hallucine ! En plus elle amène ce type jusqu’ici… Je suis écoeuré…
- Viens, proposa alors Théo. On s’approche.
Discrètement, ils se dirigèrent vers la tombe la plus proche du couple et firent mine de se recueillir, l’oreille tendue. L’homme et la femme restèrent silencieux pendant quelques minutes puis finalement il se tourna vers elle.
- Je n’ai pas pris de rose mais j’ai emmené ça, dit-il en sortant de derrière son dos une masse.
La jeune femme se mit à rire doucement.
- Où as-tu trouvé ça ?
- J’ai été voir le gardien du cimetière afin de lui donner l’autorisation de démolition de la tombe, répondit-il espiègle.
Et en effet, derrière eux un homme en bleu de travail approchait. Sans un mot, l’officier lui tendit l’outil et le couple recula. Théo et Alex virent alors avec incrédulité l’ouvrier lever la lourde masse bien haut et l’abattre sur le marbre lisse. Ils étaient tellement abasourdis qu’ils n’eurent même pas la présence d’esprit d’intervenir. Ils regardèrent simplement l’homme s’acharner à plusieurs reprises sur la pierre tombale et lorsque celle-ci fut totalement détruite, il s’arrêta enfin. Tandis qu’il s’éloignait afin d’aller chercher de quoi ôter les morceaux de marbre éparpillés sur le sol, l’officier se tourna vers la jeune femme. Elle semblait bouleversée.
- Sam...
Celle-ci pivota vers lui, tremblante. Les garçons ne surent si elle allait se mettre à pleurer ou tout simplement rire aux éclats. Elle sembla hésiter quelques secondes puis noua ses bras autour du cou de l’officier et le serra contre elle, riant et pleurant à la fois. L’homme sourit et l’étreignit à son tour avec force pendant un long moment. Finalement, il la relâcha et l’embrassa doucement.
- Il est temps de rentrer... dit-il contre ses lèvres.
Elle acquiesça simplement et noua ses doigts à ceux de son compagnon. Théo et Alex ne les avaient pas quittés des yeux pendant cette scène surréaliste et tandis que le couple passait à leurs côtés, ils eurent tous deux le réflexe de lire le nom inscrit sur l’uniforme de l’officier.
« O’Neill »
Alors ils comprirent. Ils avaient en face d’eux le Colonel Jonathan « Jack » O’Neill... L’homme de la tombe.
D’un même mouvement, ils se regardèrent et un sourire vint éclairer leurs visages...
FIN
Shint’aï* : Terme que j’ai inventé pour parler du supplice infligé par le bâton de torture Goa’uld.
The Lost City* : Etant donné l’absence de Jack pendant l’attaque d’Anubis, je pars du principe que Sam a pris sa place.
Colonel Jonathan “Jack” O’Neill, Air Force. 1957-2004* : J’ai lu sur un site que la date de naissance du Colonel O’Neill était en 1957. Rien à voir avec l’acteur qui lui est né en 1950… ;-)
PS : J’espère que ça vous a plu. Comme vous pouvez le remarquer, je suis une adepte des « Happy End » donc, faut pas avoir peur en lisant mes fics, hein ! ;-)