Il avait dit ça d’un ton mi sérieux mi comique, qui fit glousser Sam.
-Excusez-moi, mon général dit Sam en étouffant un petit rire. L’atmosphère venait brusquement de s’alléger. O’Neill la regarda et un sourire étira ses lèvres. Son regard s’était considérablement adouci en se posant sur elle.
Chevron 7 enclenché.
Le vortex s’ouvrit.
-Etablissez une communication audio sergent.
-A vos ordres.
-Colonel Summers ! Vous m’entendez !
-Je vous reçois cinq sur cinq mon général.
-Retour immédiat à la base.
-Mais mon général ? Que se passe t-il, nous avons à peine commencé la mission et….
-C’est un ordre colonel. Nous allons fermer la porte de notre côté, vous avez cinq minutes pour rentrer.
Il fit un geste sec au sergent Siler, qui referma aussitôt le vortex, et l’iris se repositionna dans un lourd bruit métallique.
Moins de cinq minutes plus tard la porte s’ouvrait.
-C’est le code de SG7 mon général.
-Ouvrez l’iris.
Quelques secondes plus tard le colonel Summers et ses hommes débarquaient.
-Vous allez tous bien ? Demanda O’Neill.
-Oui mon général, Mais comment avez-vous… ?
-Pas ce soir Summers, pour le moment allez donc faire un tour à l’infirmerie. Pour nous la journée a été longue. Briefing à 8 heures demain matin.
Rompez colonel.
O’Neill s’éloigna, et fit un signe à Sam.
-Dans mon bureau, colonel !
Elle était debout devant lui. Il ne l’avait pas fait asseoir. Elle attendait.
-Et maintenant colonel ? Que fait-on ?
Sa voix était dure, basse, en colère ! Il avait l’impression de s’être fait manipuler, et cela ne lui plaisait pas du tout
Il continua :
-J’ai reculé le briefing jusqu’à demain ! Mais comment justifier un retour de mission sans raison ! Je vous écoute colonel !
Elle ne savait pas quoi dire. Sa conduite était injustifiable, c’était une faute professionnelle grave.
Elle se raidit :
-Je suis prête à assumer les conséquences de mes actes mon général !
-Ah oui, vous êtes prête ? A quoi ? A la cour martiale ! Je peux vous y envoyer direct.
-On ira ensemble alors dit-elle les dents serrées.
Au moment où elle s’y attendait le moins, il rit.
Mais il se fiche de moi, là !
Elle le regarda attentivement et vit une petite lueur dans ses yeux, une petite flamme qui n’appartenait qu’à lui. Il plaisantait ? Elle était méfiante, elle ne voulait pas s’attirer sa colère, il pouvait être redoutable quand il était en colère.
-Mon général, pourrais-je assister au briefing demain matin ?
-Certainement pas colonel, pour me voir me ridiculiser !
-Mais c’est de ma faute….
Il la coupa d’un ton sec :
-C’est ce qui vous trompe Colonel, c’est moi qui prends les décisions, c’est donc à moi d’en assumer les conséquences. Et puisqu’on parle de commandement, j’ai justement un ordre à vous donner, prenez donc vos quartiers à l’infirmerie.
Elle eut un sursaut :
-Vous me croyez folle mon général ?
Il tiqua un peu :
-Disons que je crois que l’artefact vous a atteinte beaucoup plus que vous ne le pensiez.
Elle baissa la tête, les larmes n’étaient pas loin.
-Je voudrais vous demander une faveur mon général.
-Une faveur, voyez-vous ça ! Vous croyez que c’est le moment ?
-Je vous en prie, c’est important pour moi. Malgré elle son regard se faisait suppliant.
-Je vous écoute céda t-il.
-Permettez-moi de rentrer chez moi ce soir. Demain matin je me présenterai à l’infirmerie dès mon arrivée.
Il la fixa un moment sans rien dire comme s’il voulait la jauger. Il était perplexe à cet instant mais ne voulait pas le lui montrer. Elle avait les traits tirés, semblait au bord de l’épuisement, et il ne voulut pas l’accabler davantage. Il savait qu’elle se présenterait à l’heure le lendemain, elle n’avait jamais fui ses responsabilités ou désobéi à un ordre direct.
-Vous pouvez disposer Colonel dit-il d’une voix lente.
Elle remercia d’un signe de tête, et le quitta.
Il regarda sa montre, il était grand temps d’aller dormir, s’il voulait avoir les idées à peu près claires le lendemain matin.
O’Neill n’avait pas beaucoup dormi. Malgré lui il se sentait en colère contre Sam. Mais pourquoi l’avait-il écoutée ! C’était insensé et contraire à toutes ses idées sur le normal et le paranormal. Il n’accordait qu’un très léger crédit à ce genre de choses et là pour les beaux yeux de Sam, il s’était fait avoir comme un bleu. Mais quels yeux ! Magnifiques, bon ce n’est pas le moment de penser à ça, tu as autre chose à faire !
Toute la nuit il avait cherché une cause valable à un retour prématuré, et n’en avait pas trouvée. Maintenant il voyait l’heure tourner et ne trouvait pas de solution. Il décida de se passer de déjeuner et d’aller directement dans la salle de briefing, il était 8 h 5 quand il arriva. SG7 était là au grand complet.
Il attaqua immédiatement la réunion, sans les quelques formules d’usage qu’il employait habituellement, comme bonjour tout simplement.
-Votre rapport de mission colonel Summers.
-Nous vous devons une fière chandelle mon général !
Il sursauta :
-Summers ?
-Nous venions à peine d’ouvrir la porte qu’un vaisseau Goa’uld est arrivé près de la porte déversant des dizaines de jaffas par ses anneaux de transfert. Quand j’ai passé le vortex, j’ai vu qu’ils étaient très près et ils commençaient déjà à tirer. Mais comment avez-vous su que l’on était en danger ? Si vous ne nous aviez pas appelés, nous n’aurions pas eu le temps de gagner la porte…
La mission ayant été écourtée il n’y avait rien de plus à dire. Le colonel Summers attendait.
-Mon général ?
-Oui Summers autre chose à dire ?
-Non mon général, sinon, merci !
-Alors rompez.
O’Neill avait du mal à digérer l’information. Le rêve de Carter était vraiment prémonitoire.
Heureusement que je l’ai écoutée, pensa t-il avec effarement. Il n’en revenait pas. Il avait des sueurs froides rétrospectives. Il resta un long moment assis seul dans son bureau la tête dans ses mains. Il avait du mal à se reprendre.
Il fit quelques pas pour se calmer, et pensa aussitôt à Sam.
L’infirmerie, elle doit y être maintenant. Vite ! Avant que ce maudit docteur ne la bourre de calmants.
La veille en quittant le bureau de O’Neill, Sam ne comprenait plus rien, elle rentra chez elle en taxi, car elle était bien incapable de conduire.
Une demie heure plus tard le taxi la déposa devant sa maison. Elle s’écroula dans son canapé en pleurant. C’est alors qu’elle vit la veste qu’il avait laissée. C’était sa veste d’uniforme, la bleue marine, celle qui avait sur le col l’étoile de général. Délicatement, elle passa le doigt dessus, son général !
Une photo glissa de la poche poitrine, c’était un cliché de SG1, lors d’une soirée chez Janet, c’était elle qui avait pris la photo. Ils souriaient, O’Neill était encore colonel à cette époque, et il s’était mis tout près d’elle et on avait même l’impression qu’il la touchait. Il avait l’air heureux, beaucoup plus que maintenant. Peut être regrettait-il le temps où il était le chef de SG1, une époque révolue. Elle le voyait moins maintenant. Sur le terrain il lui manquait. Il était beaucoup plus dur, la charge qui pesait sur ses épaules était écrasante.
Elle remit la photo dans la poche et enfouit son visage dans la veste. Celle-ci gardait son odeur, le parfum de son eau de toilette. Malgré elle des larmes coulaient, elle se sentait au bord du gouffre, tout lui échappait. Elle savait que demain pour elle c’était retour à l’infirmerie, avec tout son cortège de drogues. Sans doute allait-on l’enfermer, elle devenait dangereuse. Lui-même ordonnerait son internement, sans doute la mort dans l’âme, mais il le ferait, il n’avait jamais reculé devant son devoir, aussi difficile soit –il. Sa carrière était terminée.
Elle pleura longtemps, s’enveloppa dans la veste, et le sommeil finit par la prendre.
Cette nuit là elle ne fit pas de rêves.
Il courut dans les couloirs et la rattrapa avant qu’elle ne franchisse le seuil de l’infirmerie.
-Carter ! Attendez !
Elle s’arrêta surprise :
-Je ne fais qu’obéir à vos ordres mon général.
Il lui sourit, elle eut l’espace d’une seconde l’impression de le retrouver.
-Je sais colonel. Vous avez prévenue le docteur Bright de votre arrivée ?
-Non, je viens juste d’arriver à la base.
-Alors venez, nous avons à parler.
Ils montèrent à la surface et le général fit monter Sam dans sa voiture.
-Où allons nous mon général ?
-Chez moi, c’est le plus près. J’avais bien pensé vous reconduire chez vous, mais vous habitez à l’autre bout de la ville.
Elle le regardait, il était crispé, conduisait vite. Ils ne se parlèrent pas de tout le trajet.
Elle n’était pas venue souvent chez lui. La dernière fois c’est juste avant sa dernière mission en tant que colonel, quand il s’était sacrifié, risquant la mort pour trouver l’arme des anciens.
Elle fut émue à ce souvenir, et ce fut dur d’empêcher les larmes de couler. Elle se sentait si mal qu’elle pleurait pour un rien en ce moment.
-Ne restez pas debout Carter, asseyez vous.
Ils prirent place sur le canapé.
-Bon je suppose que vous avez envie de savoir ce qui s’est passé ?
Elle hocha la tête incapable de parler. Il avait repris son air sévère, celui qu’elle n’aimait pas avec ce pli entre les yeux, qui durcissait son visage.
-Vous aviez raison colonel !
-Quoi ?
-Si je n’avais pas fait rentrer SG7, ils seraient morts à l’heure qu’il est. Un vaisseau Goa’uld est arrivé juste comme ils passaient la porte. C’était moins une !
Elle resta sans voix.
Ses rêves étaient réellement prémonitoires, tout un tas de petits évènements sans importance, puis la chute de Daniel dans son labo, puis SG7 et …
-Vous m’avez entendu Carter ?
-Oui mon général, dit-elle faiblement. Et que leur avez-vous dit ?
-Justement le problème est là, je ne suis pas obligé de leur donner d’explications. Par contre à ma hiérarchie, c’est autre chose. Comment justifier un retour de mission précipité ?
-Dites leur la vérité !
-Que vous avez…eu… une intuition ? Peut-être ?
Elle ne supportait pas ce ton ironique et se sentit tout à coup pleine de colère.
-Et pourquoi pas ? On dirait que vous regrettez Monsieur de leur avoir sauvé la vie ?
-C’est ça que vous pensez ? Dit-il d’une voix sourde.
-Non bien sûr ! Mais qu’importe votre hiérarchie ! Vous n’en faisiez pas tant de cas avant !
-Justement c’était avant. Si je ne donne pas d’explications je risque la cour martiale. Vous n’avez pas idée comme ils sont tatillons en haut lieu, surtout quand il s’agit d’argent, et vous n’imaginez pas ce que ça coûte pour ouvrir et fermer une porte !
Un silence s’installa, un peu lourd, Sam regardait ses pieds, elle avait la tête penchée comme si une douleur insupportable lui serrait les tempes, et elle avait une façon bien à elle de bouger sa tête, comme pour apaiser une souffrance.
Cela lui fit mal.
Il se rapprocha d’elle et l’appela à voix douce :
-Carter ? Ça va ?
-Oui mon général, mais il me reste peut être le plus dur à faire.
-Un autre rêve, celui que vous évoquiez l’autre jour ?
-En effet celui-là et vous êtes dedans, monsieur.
-Que va-t-il m’arriver ? Son ton était détaché, mais elle voyait bien qu’il se forçait, comme pour alléger l’atmosphère.
Elle le regarda, il parlait comme s’il la croyait, comme s’il était sûr que ce qu’elle voyait était le futur. Son regard était attentif, fixé sur elle. Elle en fut émue. Elle qui croyait avoir perdu la confiance de son général ! C’était si important la confiance de cet homme qui représentait tout pour elle. Un sourire de lui, elle était heureuse, un regard noir ou une remarque comme il en avait le secret et elle était perdue.
Elle lui sourit timidement :
-C’est que c’est assez gênant monsieur. Elle se rembrunit mais pour faire court vous êtes gravement blessé, et… vous… mourez.
Il sursauta, il avait pâli.
-Il faut m’en dire plus Carter !
-Je ne sais pas comment vous le dire, monsieur !
-C’est si terrible que ça ? Je meurs dans d’atroces souffrances ?
-Non, enfin je ne crois pas, mais c’est très intime.
-Oh ! Et si vous racontiez tout le rêve depuis le début, dit-il d’une voix douce.
Et Voilà, elle était au pied du mur. Il était là devant elle, il attendait son récit, il ne lui ferait grâce d’aucun détail.
-Vous ne vous moquerez pas monsieur ? Elle était anxieuse et il le sentit.
-Non, je vous le promets Carter.
Elle se sentait si lâche ! Elle sortit de sa poche plusieurs feuilles où elle avait fait le récit détaillé de son rêve. Elle lui tendit la première page.
-Qu’est ce que c’est ?
-Mon rêve. Lisez le Monsieur.
-Pourquoi avoir écrit ?
-Parce que c’est plus facile pour moi, monsieur, comme cela je dis tout, et je ne suis pas tentée d’en escamoter la moitié.
Il acquiesça et commença sa lecture. La lettre commençait très simplement par son prénom.
« Jack »
-Jack ?
-Oui mon général, pour moi, vous êtes « Jack » surtout dans mes rêves.
-Faut-il vous rappeler certains points du règlement colonel ?
Elle le détesta pour cette phrase, pour le ton dur qu’il avait employé, ce visage intransigeant, ce regard insoutenable. Comme si elle pouvait oublier ce qui la tuait depuis plus de sept ans !
-C’est inutile mon général, je le connais parfaitement.
Elle le regarda dans les yeux sans faiblir. Il put y lire toute la détresse du monde. Ce fut lui qui détourna les yeux. Pauvre petite victoire !
Ce rêve n’est pas facile à vous raconter. C’est un moment très intime et je suis obligée de me dévoiler. Je conçois ce que cela peut avoir de gênant pour vous. Mais si vous lisez ces feuilles, c’est que mes cauchemars sont devenus rêves prémonitoires, preuves à l’appui et que vous me croyez. Je sais que pour vous c’est une démarche difficile à faire. Mais pour moi qui suis scientifique ça l’est plus encore. Je vous remercie de prendre le temps de lire tout ceci. C’est votre vie qui est en jeu, et la mienne aussi par la même occasion, tout ce qui vous touche, me touche.
Le rêve commence chez moi, je n’arrive pas à dormir et après avoir essayer le lait chaud et la tisane, je continue à me retourner dans mon lit sans trouver le sommeil. C’est alors que j’ai l’idée de prendre ma voiture et de sortir. J’erre un peu sans but et je me retrouve devant votre maison. J’hésite à sonner, je tourne autour de chez vous, puis je me décide. Naturellement dans ce rêve je revois la visite que je vous ai fait avant de partir pour l’antarctique. Ce hasard qui n’en était pas un. Là vous êtes surpris et vous me lancez un « Carter » à la fois étonné, et content de me voir. Seulement il est 2 heures du matin ! Et cela vous surprend.
Vous aussi vous ne dormez pas et je vois que vous avez pris une tisane, la tasse est restée sur la table. Finalement vous me proposez une bière. Je l’accepte volontiers parce que je me dis que de toute façon ma nuit est fichue. Ensuite nous parlons, comme nous le faisions avant, quand vous étiez colonel, et que nous étions amis. Excusez moi Monsieur de ma franchise, mais j’ai l’impression que nous ne le sommes plus, ou beaucoup moins qu’avant.
Elle le voyait, si près d’elle lire sa prose. Il était concentré et lisait lentement, prenant tout son temps. A certains passages la ride sur son front se formait. A d’autres un léger sourire éclairait son beau visage. Comme elle aimait le regarder ! Il ne levait pas les yeux, tout à sa lecture et elle en profitait, elle le dévisageait, elle ne s’en lassait pas, elle savait qu’elle ne s’en lasserait jamais.
Nous continuons à parler une partie de la nuit. Puis je me lève pour partir, et là contre toute attente vous me retenez. On se rapproche, on se respire, on se touche, nos mains ne se contrôlent plus, on s’embrasse, doucement, puis avec fougue.
Après je dois reconnaître que mon rêve est un peu flou…
-Qu’entendez vous par flou Carter ? Lui demanda t-il à ce moment là. Il me semble que vous en avez déjà beaucoup dit !
Elle sursauta et bafouilla, ne pas se troubler, répondre de manière la plus naturelle possible, comme si c’était tout à fait normal de se retrouver seuls, elle et lui ! Oh mon Dieu ! ELLE et LUI dans une chambre !
-Mon général,
Oui elle préférait lui donner son titre auquel il avait l’air de tenir tant
-Mon général, si je dis que c’est un peu flou, c’est que ça l’est réellement. Sans doute même dans mes rêves je ne conçois pas, et ne peux pas concevoir qu’on puisse avoir des relations… disons … interdites par notre règlement militaire.
-C’est encore heureux colonel !
Elle le haïssait ! Mais comment peut-on haïr et aimer tout à la fois et en même temps la même personne ! Oui elle le haïssait, elle avait une envie folle de le frapper. Il était à battre. Elle sentait la colère qui grondait en elle ! Elle se leva au bord de la rupture, au bord du désespoir. Elle s’approchait de la porte, et avait déjà la main sur la poignée. Comment osait-il ?
-COLONEL ! Restez, je ne vous ai pas donné votre congé !
Sa voix la crucifia, elle était puissante et chargée de colère, mais pourquoi était –il en colère, c’est elle qui souffrait à cet instant, pourquoi réagissait-il ainsi en lui lançant le règlement à la tête ? Il ne supportait peut –être pas qu’elle en fasse autant ! Oui elle le haïssait, car il ne la croyait pas ! Que s’imaginait-il ?
-Vous ne me croyez pas Monsieur ?
-Si Carter je vous crois, répliqua –il d’une voix fatiguée.
Après, ce qui va suivre j’ai beaucoup de mal à l’écrire, j’étais incapable de le dire, de vous le dire en face, Monsieur, je sais, je suis lâche…
-Vous êtes tout sauf lâche, Carter !
Avait-elle bien entendu ? Il ne la trouvait donc pas lâche !
Cela lui faisait du bien qu’il lui dise ça, un peu de baume sur son cœur meurtri.
Nous étions dans votre chambre, oui c’est votre chambre, bien que je ne l’aie jamais vue, je peux la décrire. Elle est grande, il y a une fenêtre qui donne sur le jardin, mais il faisait nuit, vous aviez tiré les rideaux, ils sont beiges avec de fines rayures. Le lit occupe un angle de la pièce, le couvre pied est bleu. Sur votre table de nuit, une lampe, une photo de votre fils, un livre, un réveil. Le reste de la pièce était dans l’ombre, seule la lampe de chevet était allumée. La décoration m’a paru très sobre, pas de bibelots. Une commode, une armoire de bois clair.
Si je vous fais cette description détaillée c’est pour vous prouver si besoin en est que tout ceci, même si ce n’est qu’un rêve confine à la réalité d’une façon que je ne peux absolument pas expliquer.
Il la regardait maintenant et murmura :
-C’est exactement ça. C’est incroyable Carter !
Elle se sentait mieux, il la croyait, mais elle sentait que la suite allait le faire réagir… Voilà, il y arrivait maintenant au fameux passage.
Vous êtes nu, à plat ventre et vous dormez. Je suis à côté de vous, et je vous regarde. Votre visage est tourné vers moi, je le dévore des yeux, et suis du regard votre profil si pur. Vos traits sont détendus dans le sommeil, un léger sourire étire vos lèvres.
Il tressaillit ! Il la regardait ! Elle ne lui avait jamais vu auparavant un regard aussi dévorant ! Elle trembla, son pouls s’accéléra, son cœur allait exploser !
J’aime vous regarder, je vous touche, vous ne bougez pas, les cicatrices de votre dos m’attirent, me fascinent ! Je les touche, il y en a beaucoup, je suis émue de voir toutes ces traces sur votre corps. Je les suis du doigt. Ces marques vous les avez eu au combat, sous la torture, vous avez si souvent supporté la douleur pour nous l’éviter à nous, et je pleure en vous voyant. J’ai assisté à beaucoup de vos supplices, je connais vos souffrances, mais je vois autre chose, une terrible marque que je ne connais pas.
Quand vous arrivez à ce passage, mon général, je vous en prie répondez à ma question, mais pour l’amour du ciel ne vous moquez pas !
Avez-vous une cicatrice sur la fesse droite ?
Voilà ça y était, il l’avait lue sa phrase, sa question, elle n’osait plus lever les yeux sur lui, elle tremblait toute. Comment pouvait-on en arriver à parler de ces choses, avec lui ? Il la regardait maintenant, il avait l’air bouleversé, non il ne se moquait pas.
-Carter, j’ai beaucoup de cicatrices, comment est –elle celle-ci ? Sa voix se faisait un peu hésitante, il ne savait pas comment aborder le sujet, c’était totalement nouveau pour lui. Cette lettre était bouleversante, elle l’obligeait à regarder en face ce qu’il fuyait depuis si longtemps.
-Elle est longue, profonde, rectiligne, elle part du centre de vos reins et descend bas sur votre hanche, elle est violacée en haut et plus rose en bas, elle traverse toute votre fesse droite, expliqua t-elle d’une voix neutre, son regard rivé dans le sien.
-Je n’ai pas de marques comme vous le décrivez Carter répondit-il à voix basse.
C’est à ce moment là que le téléphone a sonné. C’était son portable. Il eut un geste rageur, et laissa sonner.