« Elle dort. Je n’ai pas été trop longue ?
-Non, ne vous inquiétez pas. Elle y tenait à son histoire on dirait. »
Elle lui répondit par un sourire et lui fit signe de se diriger dehors.
« Je vais souvent me promener dans le parc juste à côté de la maison quand Myriam dort. Vous voulez venir ?
-Bien sûr. »
Ils marchèrent dans le silence jusqu’à ce que Sam prenne la parole.
« Quand son père est mort, je ne savais pas quoi faire. Je me demandais si je devais continuer le projet Stargate alors que je venais tout juste de rentrer dedans. Je ne savais pas comment j’allais pouvoir m’occuper d’elle. Je ne voulais pas être comme mon père : partir tout le temps et ne la voir qu’occasionnellement. Et puis quand on a un travail comme le nôtre, on est jamais sûr de revenir. »
Elle marqua une pause, puis reprit.
« J’ai ma lettre de démission rédigée dans mon bureau. Combien de fois je me suis dit qu’après mon rétablissement à l’infirmerie j’allais aller la chercher et la donner au général, et combien de fois je ne l’ai pas fait… On risque tellement de fois notre vie que je ne sais toujours pas pourquoi je continue.
-Vous ne devez pas vous torturer l’esprit pour ça.
-Pourquoi ? Ce n’est pas une décision facile vous savez.
-Je le sais. Mais rien ne vous empêche de ne plus partir en mission, ou de ne partir que quelques rares fois. Vous pouvez très bien privilégier votre travail de scientifique. Je ne pense pas que ça gênerait.
-Je sais, mais je ne sais pas pourquoi je ne le fais pas.
-Peut-être que vous aimez trop votre travail. Peut-être que vous savez que l’adrénaline vous manquerait. En même temps vous aurez toujours votre réacteur à naquada, et vous ne verrez plus ces têtes de serpents. A moins que… non…
-Quoi ?
-Ne me dites pas que vous restez juste pour tuer du serpent ? »
Elle lui envoya son plus beau sourire, puis elle redevint sérieuse.
« Il faut que je prenne une décision.
-Vous devriez surtout prendre des vacances. Ce serait bien pour vous comme pour votre fille.
-Oui, peut-être.
-Vous pourriez venir dans le Minnesota…
-Vous n’en démordez pas.
-Je persévère. Croyez-moi, il faut avoir de l’espoir avec vous. En 7 ans, vous aviez toujours quelque chose d’autre à faire le week-end ou pour les vacances. Remarquez, maintenant je comprends pourquoi. »
Elle lui adressa un faible sourire. Ils s’assirent sur un banc au milieu du parc. La lumière de la lune était cachée par un voile de nuage et le sol reflétait les ombres étranges des arbres.
« J’espère qu’un jour vous viendrez.
-Vous savez, ce n’est pas que je ne voulais pas venir. Malgré mon métier, malgré le fait que je suis militaire, je crois que j’ai un peu… peur.
-Peur ?
-Oui. J’ai peur de vous découvrir. J’ai peur de découvrir ce qui se cache sous votre carapace d’humoriste. C’est peut-être bête, mais de devoir vous connaître en un week-end me donne une sensation bizarre. On a toujours eu des rapports amicaux, sans vraiment connaître nos goûts ni notre histoire personnelle, alors devoir amasser des tas de renseignements sur vous me gêne un peu.
-On n’est pas obligé de tout se dire. On peut partir en tant qu’amis, que collègues de travail, et au fur et à mesure se trouver d’autres points communs que la porte des étoiles, les goa’ulds et la torture qu’on a endurée. On peut se voir plusieurs week-ends.
-Vous essayez d’avoir plusieurs rendez-vous.
-C’est vrai, je l’admets. Mais je pense que ça ne nous ferait pas de mal de se découvrir un peu en dehors du cadre du travail.
-Si vous voulez vous pourrez revenir à la maison demain comme ça Myriam et moi pourront faire plus ample connaissance avec vous.
-C’est un bon début. »
Ils parlèrent encore quelque minutes, puis Jack s’en alla. Il se posait des questions. Tout avait été tellement vite et tout était en même temps si long.
Il aimait comparer Sam à la lune. Il avait toujours l’impression de pouvoir la toucher rien qu’en étirant son bras et en tendant la main. Mais en réalité, il ne pouvait pas, parce qu’elle était trop loin, trop belle aussi.
C’était ça la réalité, la triste réalité. Il vivait la tête dans les étoiles, voyageait dans bon nombre de galaxies, et même sur la Terre ferme il était loin d’elle. C’était tellement absurde.
Il fallait que ça change, pour elle, pour lui.
Aller chez elle était un bon début, peut-être qu’ils en profiteraient pour mieux se connaître. Il allait l’aimer encore plus, il en était sûr.
Elle était soulagée qu’il s’en aille, cette situation la gênait. Ils s’étaient un peu rapprochés, et demain allait être un autre jour. Meilleur certainement.
Elle ne savait pas pourquoi elle réagissait comme ça. Elle avait peur de se retrouver avec lui, peur de ce qu’ils pourraient faire si l’envie était trop grande. Elle avait l’impression d’être étrangère à elle-même. Au fond d’elle, elle savait ce qu’elle voulait, elle savait qu’elle rêvait plus que tout d’être à ses côtés, de pouvoir lui parler, de discuter d’autre chose que des missions, de savoir comment il était réellement. Et une autre voix en elle lui disait de s’éloigner, de remettre cette distance, cette barrière qui la faisait tant souffrir, mais qui la protégeait.
Quelques fois, elle voulait prendre sa lettre de démission et courir dans le bureau du général Hammond pour la lui donner. Quand elle était dans cet état, tout lui semblait simple. Et puis… la réalité revenait au grand galop et balayait son rêve au passage. Alors elle avait le sentiment d’être perdue, puis la colère l’envahissait. Elle était en colère contre elle-même, et il lui prenait l’envie de déchirer la lettre qu’elle tenait encore dans ses mains.
Pour arrêter de penser à tout ça, elle monta voir Myriam qui dormait dans sa chambre. Elle s’assit sur son lit, lui caressa les cheveux puis alla dans sa chambre et se coucha.
Demain est un autre jour.