Citations du moment :
C'est formidable le poker. Ce qui compte, ce n'est pas de disposer de bonnes ou de mauvaises cartes mais de savoir jouer avec les mauvaises.
[Bernard Werber]
Imagine

Le Pardon : Chapitre 5

 

 

 

-         Souhaitez-vous un peu d’aide, Vala Mal Doran ?

 

La jeune femme releva la tête vers le Jaffa puis jeta un coup d’œil sur ses mains pleines de fils. Elle était en train de brancher le magnétoscope sur le vidéo-projecteur, ayant décidé qu’un écran géant était indispensable à la réussite de la soirée. Ses tentatives s’avéraient malheureusement vaines et Teal’c venait de pénétrer dans ses quartiers pour la trouver maugréant dans un dialecte inconnu.

 

-         Je sais faire démarrer un vaisseau Goa’uld endommagé, ça ne devrait pas me poser de problème pourtant ! ironisa-t-elle.

-         La technologie terrienne m’a souvent laissé perplexe, avoua le guerrier. Elle peut s’avérer difficile à comprendre.

-         A votre avis, c’est qu’ils sont plus évolués ou le contraire ? Non, ne répondez pas, ça vaut mieux…

 

Le Jaffa se contenta de hausser un sourcil et déposa sur la commode le sac qu’il portait. Il songea avec un léger amusement qu’il avait bien fait de venir en avance pour l’aider à préparer la réunion : Vala était maintenant en train d’essayer chacune des prises présentes sur l’appareil et semblait sur le point de jeter celui-ci contre le mur.

 

-         Je vous laisse faire, finit-elle par dire en laissant tomber sa poignée de fils sur le lit. Je vais ranger mes quartiers, ce sera plus utile.

 

Alors que Teal’c branchait tranquillement l’embout rouge dans la prise de la même couleur, elle réunit en boule tous les vêtements qui traînaient par terre et les fourra sans plus de cérémonie sous son lit. Elle empila ensuite grossièrement les quelques livres et CD qui se trouvaient éparpillés sur son bureau, ainsi que divers objets, puis ouvrit un tiroir dans lequel elle versa le tout. Elle le ferma d’un air satisfait et se tourna vers son ami qui la regardait d’un air perplexe.

 

-         Oh, allez Teal’c, ne me dîtes pas que ça ne vous arrive jamais ! fit-elle en levant les yeux au ciel.

 

Il ne répondit pas et se dirigea vers le sac qu’il avait amené. Commençant à sortir des gobelets en plastique et des serviettes en papier, il reprit la parole :

 

-         Avez-vous au moins prévu de quoi se restaurer ?

-         Bien sûr ! répondit-elle outrée. Quel genre d’hôtesse serais-je sinon ? Vous savez, les cuisines du SGC sont très fournies…

-         Le cuisinier vous a-t-il préparé quelque chose ? demanda-t-il avec méfiance.

 

Elle se mordit la lèvre et esquissa un petit sourire d’excuse.

 

-         A vrai dire, avoua-t-elle, j’ai constitué une petite réserve personnelle depuis que je suis sur Terre et j’ai pensé partager… Je vais vous montrer !

 

Sur ces paroles, elle plongea à nouveau la main sous le lit et en ressortit une boîte en plastique contenant diverses denrées alimentaires. Avec un sourire triomphant, elle présenta à Teal’c son butin, principalement constitué de barres chocolatées et de chips. Et d’un pot de cornichons. Elle se dirigea ensuite vers son paquetage qui gisait dans un coin de la chambre et qu’elle n’avait manifestement pas encore défait. Après l’avoir ouvert et fouillé quelques instant dedans, elle finit par en tirer une sorte de gâteau enveloppé dans des feuilles vertes.

 

-         Ce sont les indigènes qui nous ont donné cela aujourd’hui, expliqua-t-elle. Je n’ai pas trop compris la signification, mais Daniel a eu l’air gêné et a rapidement changé de sujet.

 

Son visage s’assombrit un instant alors qu’elle retombait dans le silence puis elle releva les yeux vers son ami et reprit d’un ton faussement enjoué :

 

-         J’espère au moins que c’est comestible !

 

Sa mélancolie n’avait cependant pas échappé au Jaffa. Il savait que Jack O’Neill et Samantha Carter étaient parvenus à surmonter leurs problèmes car ses amis avaient parlé d’un retour du militaire à Colorado Springs. Un retour qui s’avérerait définitif. Mais si le passé semblait avoir été accepté par le couple et que la crise était passée, Vala avait manifestement plus de difficultés à avancer.

 

-         Eprouvez-vous encore des inquiétudes quant à votre passé ? finit-il par lui demander avec un air concerné.

 

Elle soupira et lui fit un pâle sourire.

 

-         Vous savez Teal’c, répondit-elle doucement, je pense qu’il continuera toujours à me poursuivre. Il n’y a pas eu trop de casse cette fois-ci, mais qui peut dire ce que ce sera la prochaine fois ?

-         Vous savez que nous sommes là et que nous ne jugerons pas. Je vous l’ai dit, il vous faut apprendre à accepter votre passé et à ne pas le laisser dicter votre vie.

-         Et à me pardonner… acheva-t-elle. Même si je ne suis pas coupable.

 

Elle resta un instant silencieuse, les yeux perdus dans le vague puis inspira longuement.

 

-         J’ai envie de cesser de fuir, avoua-t-elle, d’accepter enfin la confiance. Mais c’est comme si une menace pesait continuellement sur ma tête.

-         La menace vient avant tout de vous-même, répondit le guerrier. Et vous le savez.

-         Je traîne peut-être trop de marmites derrière moi…

-         Je crois que l’expression terrienne est « traîner des poêles », la corrigea-t-il.

 

Elle esquissa un petit sourire amusé. Les images terriennes étaient si riches qu’il lui faudrait plus d’une vie pour les apprendre, mais elle avait envie d’essayer. Pour la première fois, l’idée de rester au même endroit ne lui faisait plus peur et elle avait réellement l’intention de s’intégrer. Et elle devait avouer que malgré les sacrifices qu’elle avait dû faire ou les moments difficiles qu’ils venaient de traverser, elle avait toujours été encouragée par les membres de SG-1, particulièrement par Daniel.

 

Daniel…

C’était peut-être lui qui était responsable de toutes les incertitudes qu’elle avait encore. Il avait été distant lors de cette mission et elle avait ressenti comme un malaise dans leur relation. Elle avait du mal à qualifier son comportement, il n’avait pas été désagréable avec elle non plus et avait même plaisanté. Mais tout cela avait manqué de naturel et elle avait senti de la retenue dans son attitude.

A bien y réfléchir, le malaise avait fait son apparition quelques temps auparavant, mais elle n’y avait pas vraiment prêté attention. Il avait fallu qu’elle perde confiance en elle pour le voir.

Depuis qu’elle était revenue de la galaxie Oris, les autres membres de l’équipe étaient devenus plus intimes avec elle au fur et à mesure qu’ils s’apprivoisaient, alors même que l’archéologue avait pris ses distances. Il n’était pas devenu froid ou moins sympathique, mais elle le sentait tout de même en retrait parfois. Et il restait toujours un malaise diffus.

Il est vrai qu’ils avaient tout deux eu une relation très forte et très spéciale dès le jour de leur rencontre, mais si cela avait évolué vers des liens plus profonds, elle n’était pas certaine d’apprécier la façon dont les choses tournaient. Surtout qu’elle ignorait pourquoi…

 

-         Je pense que Daniel aussi a dû mal à accepter qui je suis, dit-elle soudain.

-         Vous a-t-il laissé entendre une telle chose ? demanda Teal’c.

-         Son comportement l’a fait pour lui, répondit la jeune femme. C’est comme s’il se forçait à mettre une sorte de distance entre nous. A chaque fois que nous devenons plus proches, il semble construire une barrière autour de lui pour éviter de me laisser pénétrer trop profondément. Je pense qu’il se protège de moi.

-         C’est peut-être vrai…

 

Elle fronça les sourcils.

Elle devait avouer qu’une partie d’elle avait espéré que Teal’c allait lui dire qu’elle n’était en rien responsable de cela, que Daniel ne se méfiait pas d’elle.

 

-         Mais pourquoi mon passé lui ferait-il plus peur qu’à vous par exemple ? demanda-t-elle finalement.

-         Ce n’est pas ce que j’ai dit Vala Mal Doran, répondit le Jaffa en s’approchant d’elle. Je ne pense pas que Daniel Jackson ait un quelconque problème avec votre passé, je pense au contraire qu’il le comprend mieux que n’importe lequel d’entre nous.

-         Mais vous avez dit que…

-         J’ai dit qu’il se protégeait de vous, corrigea-t-il.

 

Elle se laissa tomber assise sur le lit, puis releva les yeux sur son ami quelques instants plus tard.

 

-         Je ne comprends pas, avoua-t-elle.

-         Je pense qu’il craint de s’engager émotionnellement avec vous, dit- doucement Teal’c.

-         J’avais remarqué cela, fit-elle amèrement. Je ne peux pas lui en vouloir, j’ai tout fait pour qu’il n’en ait pas envie…

 

C’était plutôt évident…

Il fallait avouer qu’elle était un ancien Goa’uld, une voleuse et tricheuse reconnue, et qu’elle avait de plus été réellement désagréable lors de leur cohabitation forcée. Elle avait un historique personnel et professionnel à faire reculer la plupart des hommes. Il était donc plutôt normal que l’archéologue soit réticent à « s’engager émotionnellement » avec elle ! D’ailleurs elle n’en avait pas du tout eu l’intention.

Au début.

Et puis elle avait passé ces mois dans la galaxie Ori et s’était peu à peu aperçue qu’il lui manquait. Qu’il lui manquait réellement. Elle avait tenté de se raisonner, de se dire qu’il était ennuyeux et coincé, qu’ils étaient trop dissemblables. Mais les faits étaient pourtant là : elle l’appréciait, au point que son choix de rester sur Terre n’avait pas été si innocent et qu’elle avait même accepté de changer.

 

Bien sûr, ils étaient toujours aussi différents et se disputaient plus que la moyenne des gens. Il restait quelqu’un de posé et de calme, alors qu’elle était perpétuellement sur le qui-vive. Mais cela n’empêchait rien. Elle se retrouvait à avoir envie de s’impliquer plus avec lui, elle qui avait fui pendant si longtemps et juré de ne plus s’attacher pour ne plus souffrir. Pour la première fois depuis des années, elle était prête à laisser tomber ses défenses, même si cela lui fichait une trouille bleue.

 

C’était probablement trop tard de toute façon…

 

-         Cela n’a aucun rapport avec qui vous avez été ou ce que vous avez pu faire, affirma le Jaffa en la sortant de ses pensées.

-         Je parlais de toutes les fois où il a eu envie de m’étrangler depuis notre rencontre, sans compter le harcèlement sexuel que je lui ai fait subir, rectifia la jeune femme.

-         C’est aussi ce dont je parlais, répliqua-t-il. Ne pensez-vous pas que Daniel Jackson a su voir au delà de cela ?

-         Et bien… commença-t-elle avec hésitation.

-         C’est lui le premier qui a su vous faire confiance, malgré votre attitude. S’il y avait vu un réel problème, il vous l’aurait fait comprendre depuis longtemps, croyez-moi…

 

Elle resta silencieuse, tentant d’intégrer les informations qu’elle venait d’obtenir.

Si ce n’était pas son comportement envers l’archéologue qui était responsable des réticences de celui-ci, elle avait du mal à comprendre ce que ce pourrait être. Bien sûr, il y avait la possibilité qu’elle ne l’attire pas du tout, mais son instinct avait rejeté cette éventualité. Il était certaines choses qu’elle pouvait sentir, et elle était parfaitement consciente que les retenues de Daniel venaient de l’esprit et non du cœur.

 

-         Mais pourquoi ? finit-elle par demander au Jaffa.

-         Je ne pense pas que ce soit avec moi que vous deviez en parler, répondit celui-ci en posant sa large main sur l’épaule de la jeune femme.

 

Elle secoua la tête d’un air agacé.

 

-         Ecoutez Teal’c, dit-elle, j’aimerais juste m’assurer de certaines choses avant de faire une erreur. J’ai moi aussi des raisons de me protéger…

-         Et vous n’êtes pas la seule à avoir un passé qui en soit la raison.

 

La jeune femme leva les yeux sur lui dans l’espoir d’en obtenir plus mais le guerrier se contenta de hocher la tête, considérant apparemment que la discussion était close. Elle soupira mais n’insista pas, sachant qu’il n’accepterait pas de satisfaire sa curiosité. Il respectait trop Daniel pour lui raconter à elle ce que l’archéologue avait apparemment jugé bon de lui cacher. Ou du moins évité de lui dire.

D’après ce que le Jaffa avait sous-entendu, le jeune homme s’abstenait de s’impliquer à cause d’un quelconque passé. Cela, elle pouvait le comprendre, elle le vivait tous les jours. Mais c’était étrange de se dire que Daniel, si lisse en apparence, possédait en lui des failles. Elle n’en avait jamais eu conscience, elle n’avait même jamais cherché à savoir. Certes, il avait été très discret sur sa vie, mais elle s’était dit qu’il était juste un de ces rêveurs obsédés par leur travail et qui n’avaient pas réellement de vie à côté. Elle ne s’était même pas posé la question de savoir quelle était sa vie en dehors de la base : il ne la quittait que rarement. Pour elle, Daniel Jackson était un idéaliste qui avait choisi de se battre pour défendre ce en quoi il croyait.

La réalité était forcément plus complexe, il avait vécu comme tout le monde. Elle n’avait juste pas pensé… Comme souvent, elle avait avant tout ramené les choses à elle.

 

Ses pensées furent interrompues par les coups frappés à la porte. Elle jeta un œil sur le réveil pendant que Teal’c allait ouvrir.

Le major Frey entra avec prudence dans ses quartiers et les salua d’un air crispé. En voilà au moins un à qui son CV faisait peur, songeant-elle avec amusement. Elle se leva et décocha au militaire son sourire le plus étincelant, bien décidée à maintenir une certaine réputation. Les autres arrivaient déjà pour la soirée et elle leur indiqua où s’installer avant de se tourner résolument vers le vidéo-projecteur.

 

Elle n’avait plus vraiment la tête à parler sabre laser et à disserter de la prétendue ressemblance entre les Furlings et les Ewoks, mais elle allait faire un effort. De toute façon, cela la détendrait.

Et quand elle s’en sentirait le courage, elle irait voir Daniel.

 
 
Conçu par Océan spécialement pour Imagine.
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