Citations du moment :
Quand on ne sait pas, on ne se pose pas trop de questions, mais quand on commence à disposer d'un début d'explication, on veut à tout prix tout savoir, tout comprendre.
[Bernard Werber]
Imagine

Les Aléas du Vortex : Chapitre 5

SAM ET SES DROLES DE MECS 

 

Petit Jack vérifia une nouvelle fois que la voiture de Jack suivait bien celle où Sam et lui se trouvaient. La jeune femme avait beau eu lui expliquer que ce n’était pas la première fois que son supérieur se rendait chez elle, il était nerveux sans le comprendre. Enfin, si, il savait pourquoi. Qu’allait-il donc advenir de lui quand ils seraient arrivés tous les trois à destination ? Il avait tenu à paraître sûr de lui tout au long de la journée mais il était terrorisé à l’idée que Sam ou Jack pussent le mettre à l’écart.

Il ferma les yeux pour réprimer son désespoir. Il leur en voudrait éternellement de l’avoir trahi de cette manière. Comment avaient-ils pu faire une chose pareille ? Sam était sa femme et elle se jetait dans les bras d’un autre alors qu’elle lui refusait ses faveurs obstinément. Que devait-il penser de cela ? Qu’il s’y prenait mal ? Qu’il n’était pas assez bien pour elle ? Que diable Jack avait de plus que lui ? Il était soi-disant son ami. Il était même son double ! De quel droit s’était-il approché de sa femme ? Comment avait-il pu seulement penser toucher Sam ?

Petit Jack soupira car il était conscient d’avoir besoin d’eux tout autant qu’il les détestait pour ce qu’ils avaient osé faire. Il aimait Sam. Il n’en était pas entièrement certain mais ce qu’il ressentait pour elle était plus profond que tout auparavant. Il ne vivait que pour savoir qu’il faisait partie de sa vie. Peu importait au bout du compte qu’elle fût infidèle ou fausse. L’essentiel était d’être auprès d’elle. Le reste viendrait avec le temps. En y réfléchissant bien, elle s’était rapprochée de lui en passant la nuit avec Jack. Comme il l’avait dit, son double et lui c’était pareil. Enfin, Sam devrait établir une comparaison entre eux deux un jour ou l’autre.

La jeune femme le regarda avec étonnement la fixer avec un sourire malin. Ce serait le plus gros problème à régler. Sam ne savait même plus comment réagir face à lui. Devait-elle plaindre son apparente naïveté ou admirer sa persévérance ?

Elle avait remarqué que Jack n’avait pas pris grand chose avec lui quand ils s’étaient arrêtés à son domicile. C’était probablement le signe qu’il pensait que leur ménage à trois ne durerait pas plus longtemps que le mois obligatoire. Sam l’espérait de tout cœur car, avant même le commencement de leur vie commune, elle était certaine de vivre un enfer même dopée aux vitamines.

Elle se mit en marche son clignotant et se gara. Avant même que le moteur fût coupé, petit Jack sortait du véhicule et prenait une grande inspiration.

- Nous voilà enfin à la maison ! s’écria-t-il

Sam leva les yeux au ciel. Il n’avait vraiment pas peur des grands mots ! Elle descendit de voiture et Jack, stationné à quelques mètres, les rejoignit bientôt. Le trio était très silencieux, chacun se jaugeant pour tenter de prévoir comment se déroulerait leur cohabitation. Ils étaient sur le point d’atteindre la porte quand une voix provenant de la maison voisine les fit se tourner vers la droite.

- Bonsoir, Sam !

La jeune femme eut un sourire en reconnaissant son voisin dont elle oubliait systématiquement le nom.

- Bonsoir. Comment allez-vous ?

- Bien, merci. Je voulais simplement vous demander si vous n’aviez pas mon échelle.

- Ah oui ! s’exclama Sam. Excusez-moi. Je n’ai pas eu le temps de vous la rendre ! Je suis désolée !

Le voisin lui fit signe de se calmer.

- Mettez-la devant ma porte quand vous pourrez, indiqua-t-il. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps si vous avez des invités.

- Non, non, répliqua la jeune femme pressée de régler cette affaire. Ne bougez pas. Je vais vous la chercher !

Sam disparut rapidement laissant les trois hommes seuls.

- Moi, c’est Jack, finit par se présenter le colonel gêné. Et lui aussi.

- Paul, répondit le voisin légèrement ennuyé. Enchanté.

Il désigna du menton le sac de Jack.

- Vous êtes ici en voyage ? demanda-t-il

Jack coupa son double pour éviter tout dérapage. L’expérience qu’ils allaient vivre tous les trois ne devait pas être ébruitée sous peine de sévères représailles du général Hammond.

- Oui, répondit-il. Sam nous héberge pour quelques temps.

Paul acquiesça tandis que la jeune femme revenait avec l’échelle. Elle ne fut pas rassurée de voir les trois hommes discuter.

- Voilà ! dit-elle rapidement. Je vous remercie !

- Je vous en prie, répliqua son voisin. N’hésitez pas si vous avez besoin de quelque chose !

- Oui ! Vous aussi ! lança poliment Sam

Le voisin regagna sa maison en regardant l’étrange trio intégrer la demeure de la jeune femme. Il lui semblait déjà avoir vu les deux hommes ici mais jamais ensemble. Ces temps-ci, sa voisine recevait beaucoup.

 

*

 

Jack attrapa une nouvelle serviette et s’appuya sur le lavabo pour se sécher les pieds. D’un geste devenu presque mécanique, il fit passer le tissu éponge entre deux de ses orteils tout en observant le décor autour de lui. Comme dans les autres pièces, l’endroit était chaleureux mais dépourvu de réelles touches personnelles. Il y avait bien ici d’originales arabesques sur le carrelage, des photos de famille dans le salon et le mobilier que Sam avait dû choisir elle-même, cependant l’ensemble manquait d’âme et ne laissait transparaître aucun des traits de la riche personnalité de leur propriétaire. Sam semblait s’être acquittée efficacement d’une tâche obligatoire.

Le séchage fini, il enfila un caleçon et tee-shirt propres pour la nuit. Il s’apprêtait à se brosser les dents quand il entendit l’écho des voix de Sam et de petit Jack.

- Samantha ! Où est-ce que je range les verres ?

- Comme d’habitude, petit Jack…

Jack entendait d’ici le soupir de la jeune femme. Il étala le dentifrice sur la brosse à dents en souriant. Elle pouvait s’estimer heureuse de sa clémence car il aurait pu encore profiter de la situation. Il devait avouer en fait qu’il n’aurait pas supporté d’avoir à dormir avec elle comme petit Jack l’avait supposé en arrivant. Il avait pourtant regardé Sam en envisageant un court instant de faire de leur aventure d’un soir quelque chose de plus sérieux. Mais il avait fini par baisser la tête et avait décidé que la jeune femme avait besoin de*vraiment*se reposer. Ce serait donc chacun pour soi : Sam dans sa chambre, petit Jack dans celle réservée aux invités et lui dans le canapé du salon.

Il passa plus de temps sur la rangée du fond en maugréant. Demain, il ferait la cuisine. Il ne savait pas comment Sam avait fait chauffer ce plat congelé mais il prendrait des mois pour s’en débarrasser. C’était peut-être pratique en cas de fringale nocturne mais cela empêchait une élocution normale. Il ralentit son mouvement énergique du poignet lorsque les pas de Sam et petit Jack se rapprochèrent de la porte de la salle de bains. Ils allaient sûrement se coucher. Jack était sur le point de reprendre un brossage intensif mais son double aiguisa sa curiosité en apostrophant la jeune femme.

- Samantha ?

- Quoi ?

La voix de Sam n’était guère aimable pourtant petit Jack insista.

- Est-ce qu’on ne pourrait pas…

Jack pesta. Le reste de la phrase s’était perdu dans le bruit qu’avait fait Sam en ouvrant la porte de sa chambre. Lâchant sans ménagement sa brosse à dents, Jack vint se coller au mur tout près de l’entrebâillement. Là, à même pas quelques centimètre d’eux, il avait un observatoire parfait et pouvait entendre distinctement leur discussion qui n’était plus qu’un murmure.

- Oh petit Jack ! Je t’en prie ! se lamenta Sam à voix basse. Je suis épuisée !

Il y eut un long silence pendant laquelle Jack supposa que le jeune homme tentait d’attendrir Sam. Elle eut un soupir las.

- D’accord ! se rendit-elle

- Super !

- Mais hors de question que ça dure toute la nuit ! prévint-elle

Jack serra les poings. Il grimaça en constatant qu’il était terriblement jaloux. Il essaya de se calmer en espérant qu’il avait mal compris.

- Oh oui ! Juste une fois ! promit petit Jack

- J’espère que c’est clair ? chuchota Sam avec un ton de maîtresse d’école

- Oui ! On va au salon ?

Jack fut rasséréné. Ils devaient parler d’autre chose.

- Non ! souffla-t-elle paniquée. Va plutôt chercher la boîte rapidement avant que le colonel ne sorte. On ira dans ta chambre.

Jack avala difficilement sa salive au goût mentholé. La mousse du dentifrice sur sa bouche commençait sérieusement à le gratter.

- Ben, il veut pas jouer avec nous ? s’étonna petit Jack. Je suis sûr que ça lui plairait !

Mais il était vraiment malade d’oser lui proposer de faire ça avec eux ! Jack aurait dû se méfier de lui dès le début ! Il était pire que lui ! Et dire qu’il avait marié *sa* Sam avec un tel individu !

- Crois-moi, marmonna la jeune femme, je l’ai vu à l’œuvre. Et je ne veux pas le vexer mais dans ce domaine, il n’est pas très bon !

Jack faillit tomber à la renverse. Pas très bon ! Comment ça pas très bon ? Comment pouvait-elle dire des choses pareilles ? Personne, mais personne, ne s’était plaint de sa manière de procéder et cela avait même semblé lui plaire ! De quel droit faisait-elle la fine bouche maintenant ? C’était trop fort ! Lui pas très bon !

Il se dirigea vers le lavabo et se débarbouilla le visage. Sam frappa à la porte.

- Mon colonel ? appela-t-elle à voix haute. Nous allons nous coucher. N’oubliez pas de tout éteindre et bonne nuit !

- Oui, c’est ça, grommela-t-il. Bonne nuit !

 

*

 

Sam eut un petit sourire en voyant Jack apparaître sur le pas de sa cuisine. Elle avait espéré ne pas le réveiller en prenant son petit-déjeuner mais la bonne odeur de café l’avait très certainement tiré de ses songes. Elle ne put s’empêcher de le regarder avec attendrissement. Elle avait pourtant assisté à bien d’autres de ses réveils mais c’était la première fois qu’il se levait chez elle. Dans sa maison. Après avoir dormi dans son canapé. Elle l’observa s’étirer longuement, tendant et détendant ses muscles, faisant craquer doucement ses articulations. Il porta ensuite ses mains à ses yeux et les frotta avec résignation. Elle sentit qu’elle pourrait rester ainsi à le contempler pendant des heures mais le bruit derrière elle la ramena à la réalité.

- Bonjour, grand Jack ! salua son double avec enthousiasme

- Bonjour à tous !

Sam hocha simplement la tête. Petit Jack se précipita pour offrir un siège au dernier membre du trio encore quelque peu ensommeillé.

- Tu as bien dormi ? demanda-t-il ensuite soucieusement

Sam s’étonna de la sollicitude du jeune homme. Il était vraiment de bonne humeur. Peut-être était-ce parce qu’il avait gagné leur partie de Scrabble la veille. La jeune femme avait donc dû enlever… ses chaussettes. Les nuits de juin étaient parfois très froides.

- Ç’a été, répondit Jack. Mais j’ai eu du mal à m’endormir. Qu’est-ce que tu fabriquais dans ta chambre ?

Sam finit l’air de rien la tasse de café que petit Jack lui avait préparée.

- Mais rien, assura le jeune homme.

- Je n’ai rien entendu, appuya Sam ? J’ai dormi comme un bébé.

Au regard que Jack lui jeta, elle comprit tout de suite quil ne la croyait pas. Se pouvait-il qu’il les eût entendus hier soir ? Ils avaient essayé de faire le moins de bruit possible mais le cri de victoire de petit Jack avait été tout sauf discret. Sam rougit alors à l’idée de ce que son supérieur devait maintenant penser d’elle. Se tournant vers l’évier pour se dissimuler sa honte, elle déposa sa vaisselle sale et se composa un air détaché.

- Je dois y aller, dit-elle d’un ton neutre. Je pense que vous pourrez vous débrouiller mais s’il y a un quelconque problème, vous savez où me joindre.

- Bien sûr, Samantha, rassura petit Jack. Ne t’inquiète pas et à ce soir.

Elle se pencha vers lui pour l’embrasser sur la joue et se contenta d’un vague tapotement sur l’épaule de Jack. Les deux hommes l’entendirent prendre ses clés sur le meuble de l’entrée puis la porte claqua.

- Je crois que c’est moi qui ai la cote en ce moment, dit petit Jack avec fierté.

Son double ne répondit pas et croisa fermement ses bras contre son torse en serrant les dents.

 

*

 

Sam eut l’excellente surprise de trouver le couvert mis et le dîner prêt quand elle réintégra sa maison le soir même. Contre toute attente, elle devait avouer qu’elle n’avait pas cessé de penser à ses deux invités tout au long de la journée. La base avait retrouvé son calme habituel, pour le plus grand bonheur du général Hammond, mais Sam avait eu d’énormes difficultés à se concentrer sur son travail. Elle était plus préoccupée par la première journée que les deux Jack passeraient ensemble. En tout cas, ils ne s’étaient pas battus.

- Mon colonel ? Petit Jack ? appela-t-elle

Elle n’obtint aucune réponse. Elle alla voir dans les chambres, le bureau, la salle de bains et, ne trouvant personne, elle retourna au salon quelque peu interloquée. Ce fut alors qu’elle les vit tous les deux dans le jardin, une bière à la main, profitant des derniers rayons de soleil. Elle fit coulisser la baie vitrée et les rejoignit.

- Ah ! Carter ! s’exclama Jack. Vous voilà enfin !

- Salut Samantha ! salua son double. On croyait que tu n’allais jamais rentrer !

Jack attendit que le jeune homme eût fini de l’embrasser pour sortir des papiers de la poche arrière de son jeans.

- Voilà votre courrier ! annonça-t-il. Petit Jack était un peu trop curieux donc je n’ai pas pris de risques.

Samantha regarda le jeune homme avec désapprobation.

- Petit Jack !

- Mais on est toujours mariés…

- Ce n’est pas une raison !

Elle prit le courrier et adressa un sourire éblouissant pour le colonel qui le lui rendit bien. Le malentendu de ce matin semblait s’être dissipé.

- Alors ? lui demanda-t-elle. Qu’avez-vous fait de votre journée ?

Aussitôt, petit Jack se ressaisit.

- Nous sommes allés au supermarché ! C’était la première fois que j’en voyais un ! Quelle astucieuse invention !

Jack fit la moue devant tant d’enthousiasme.

- Il voulait acheter tout le magasin, précisa-t-il. Et la sécurité a failli prévenir la police.

Sam fronça les sourcils.

- Il dit ça parce qu’il a perdu la course de chariots sur le parking ! s’écria petit Jack. T’es jaloux !

- Pas du tout ! Puisque tu as triché !

- Moi ? Jamais !

- Je te connais ! insista Jack. Tu as triché !

Sam imagina très bien alors pourquoi la sécurité était intervenue. Ils étaient insortables.

- Heureusement que la responsable du magasin connaissait bien Carter parce que sinon on serait au poste ! ajouta Jack

Sam s’alarma. Elle n’appréciait pas tellement d’être mêlée à cet incident. Son supérieur le remarqua immédiatement.

- Rassurez-vous, ils accepteront toujours votre carte bleue, lui apprit-il. Mais ce crétin a eu la bêtise de dire que vous aviez le bras long et qu’on ne devait pas nous arrêter !

Il ponctua ses paroles par une petite tape sur le crâne de petit Jack.

- Aïe ! se plaignit celui-ci

- Enfin, conclut Jack, nous sommes vos cousins du Minnesota.

- Mes cousins ? s’étonna Sam

Petit Jack croisa les bras l’air sombre en fixant son double qui grimaçait.

- J’ai été pris de court ! avoua-t-il. Je te rappelle que tu venais de me rouler sur le pied ! Deux fois ! C’est la seule histoire crédible qui me soit passée par la tête !

- Crédible ? répéta Sam avec scepticisme

- Je t’avais dit que ce n’était pas crédible ! reprocha petit Jack à son double

- N’empêche qu’ils y ont cru ! répliqua ce dernier. Et puis tu voulais que je leur dise quoi ? La vérité ? Tu penses qu’ils auraient cru que tu es son futur ex-mari et moi son fiancé ?

Sam regarda autour d’elle en espérant qu’aucun de ses voisins ne se trouvaient dans leur jardin.

Petit Jack, ne trouvant pas de piques, s’assit dans un transat pour bouder. Son double se tourna vers Sam.

- Et vous ? demanda-t-il. Comment s’est passée votre journée ?

- Comme d’habitude, je…

- Où est la bague ? coupa brutalement petit Jack.

Les deux soldats le regardèrent sans comprendre. Mais le jeune homme était déterminé.

- Quelle bague ? demanda Sam

Il désigna la main droite de la jeune femme.

- La bague de fiançailles ! répondit-il avec évidence

- Mais je croyais que sur Gè il n’y avait pas de bagues ? fit remarquer Jack

- Oui mais sur Terre si ! réplique son double. Et ne me dites pas que non ! J’ai vu une femme montrer la sienne à son amie quand nous faisions la queue en caisse. Alors où est-elle ?

- Euh, commença Sam, c’est-à-dire que…

Jack fulminait de l’intérieur. Il était persuadé que petit Jack avait dit cela pour le mettre en difficulté et il ne se laisserait pas faire. Sam, paniquée, cherchait une réponse dans son regard.

- Je voulais l’offrir à Carter en privé, répondit-il presque malgré lui. Mais puisque tu insistes…

Sans même entendre l’exclamation de surprise de Sam, il passa à l’intérieur et referma la baie derrière lui. Mais dans quoi s’était-il encore fourré ? Comment allait-il trouver une bague valable en si peu de temps ? Il fit nerveusement les tiroirs et les placards de la cuisine puis les étagères du salon. Mais rien ne ressemblait de près ou de loin à un bijou. Il fit un tour sur lui-même en espérant voir quelque chose qui lui avait échappé. Mais il n’y avait toujours rien et il lui était impossible de retourner dans le jardin sans cette maudite bague de fiançailles. En désespoir de cause, il se dirigea à grands pas vers le bureau de Sam. Il regarda partout fébrilement. Un ordinateur, un pot à crayons, des feuilles, quelques livres, une boîte de trombones. Mais que pouvait-il bien faire avec cela ? Il eut alors une idée de génie.

Quelques minutes après, il fit coulisser la baie vitrée avec son air le plus solennel et rejoignit le reste du trio. Sam et petit Jack avaient les yeux fixés sur sa main droite refermée sur l’anneau.

- Carter ?

La jeune femme s’approcha de lui en essayant de voir dans son regard s’il était vraiment sérieux. Elle fut troublée par la douceur, la considération et l’amour qu’elle lisait dans ses yeux, qu’elle retrouvait enfin en lui. Les souvenirs de leur unique nuit déferlèrent en une vague violente, immergeant totalement tout ce qui l’entourait. Elle ne voyait que lui, tout le bonheur qu’il lui avait donné et tout ce que ses yeux promettaient pour l’avenir.

Il ouvrit la main et découvrit une bague faite de plusieurs morceaux de fils de fer habilement reliés entre eux. Elle sourit provoquant un soupir de soulagement chez Jack.

- C’est tellement mignon !

Elle le serra dans ses bras. Il en profita pour lui susurrer à l’oreille.

- Vous devrez racheter des trombones, Carter.

Ils rompirent leur étreinte et Sam donna sa main à Jack. Sans jamais la quitter des yeux, il glissa sa bague à son annulaire. L’émotion dégagée par ce simple geste semblait envahir tout l’espace.

- Satisfait, petit Jack ? demanda la jeune femme ravie

- Moui, grommela-t-il. Félicitations… On peut aller manger maintenant ?

Le dîner se déroula assez silencieusement. Petit Jack ne parla que très peu et se concentra sur son assiette. Son double et Sam, prudents, évitaient de se regarder.

- C’était délicieux, mon colonel, complimenta la jeune femme.

- Grand Jack est un grand gourmet.

- Je l’ignorais, signala Sam.

- Il y a des choses de moi que vous ignorez encore, Carter, déclara Jack mystérieusement.

- Ah oui ? dit son double d’un ton sec

Son sous-entendu glaça ses deux amis. Jack préféra partir afin de faire baisser la tension qui régnait.

- Je vais au petit coin…

Il disparut rapidement laissant le couple seul. Sam sentait petit Jack malheureux mais ne savait pas comment le consoler. Elle ne savait même pas si elle pouvait le faire sans lui causer de la peine car il n’obtiendrait jamais ce qu’il voulait d’elle.

- Pourquoi… Pourquoi grand Jack et vous vous vouvoyez toujours ? Pourquoi vous ne vous appelez pas par vos prénoms ?

Les questions du jeune homme étaient pertinentes. Mais aussi étrange que cela pût paraître, la manière réglementaire qu’ils avaient de se parler faisait partie intégrante de leur intimité. Il lui paraissait trop simple et trop commun de se comporter comme des êtres humains normaux. Leur relation était pour elle unique et rien ne devait la faire ressembler à aucune autre. Mais faire comprendre tout cela à petit Jack serait trop difficile.

- Euh… Comment dire… C’est que le colonel O’Neill est un peu vieux jeu… Le vouvoiement est de son époque et puis il est très pointilleux sur les grades…

Sam sursauta en voyant Jack sortir de l’obscurité du couloir l’air menaçant. Elle baissa les yeux timidement tandis qu’il s’installait autour de la table. Boulette.

 

*

 

Le reste de la semaine fut éprouvant pour Sam. Certes, elle trouvait toute la tranquillité nécessaire à la base pour poursuivre ses travaux mais la jeune femme n’avait pas le cœur à cela. L’ambiance glaciale qui régnait chaque soir à la maison la perturbait au plus haut point. Jack était plus que fâché, vexé ou blessé. Il faisait comme si elle n’existait pas et ne lui adressait la parole que lorsque cela était vraiment indispensable. L’instant magique de leurs fiançailles était bien loin maintenant et leur nuit ensemble n’était rien de plus qu’un antique souvenir d’un temps révolu.

Sam aurait aimé lui parler pour mettre les choses à plat, tenter de désamorcer le confit. Mais, à chaque fois qu’elle osait lui adresser la parole, il lui jetait un regard méprisant qui la tétanisait. Conservant néanmoins un minimum d’amour-propre, la jeune femme refusait de s’abaisser et la situation perdurait.

Si petit Jack s’était quelque peu réjoui de ce nouvel état des choses au début, il avait rapidement déchanté. Sam avait été sensible à ses attentions et avait passé plus de temps avec lui. Mais elle était toujours ailleurs. Sa tristesse avait gagné petit à petit le jeune homme et il s’était tourné vers Jack pour essayer d’arranger les choses. Cependant son double était un mur et leur turbulente complicité s’était transformée en une morne coexistence.

Dans sa voiture, Sam appréhendait maintenant le week-end qui s’annonçait. Elle ne pourrait pas longtemps supporter de vivre dans ces conditions. C’était pire que tout. Enfin, il restait encore quelques semaines avant que petit Jack ne partît. Elle soupira en garant son véhicule. Elle avait vraiment envie de retourner à la base mais répugnait à laisser le jeune homme seul avec un Jack si sombre.

Elle descendit de voiture et se dirigea vers la maison. Elle fut tout d’abord intriguée car aucune lumière n’était allumée malgré le soir qui tombait. S’approchant de la porte, elle entendit de la musique classique rugir à l’intérieur. Mais qu’avaient-ils donc encore fait ? Elle entra prudemment et faillit s’étouffer en sentant le puissant parfum qui s’élevait dans la maison.

- Mon colonel ? Petit Jack ?

Mais la Moldau de Smetana jouant à pleine puissance couvrait son hurlement. Une main sur son visage, elle se précipita vers sa chaîne hi-fi pour éteindre le vacarme. Où étaient-ils donc passés ? Elle resta interdite en découvrant Jack allongé dans le canapé et semblant dormir profondément. Elle essaya de le réveiller mais tous ses efforts restèrent vains. Ne pouvant endurer encore les forts effluves se dégageant des brûle-parfum disposés un peu partout dans le salon, elle courut vers le jardin. Tout était clair maintenant.

- Petit Jack ! vociféra-t-elle

Le jeune homme se tenait derrière la baie vitrée et observait avec grand intérêt son double.

- Ne me dis pas que tu as fait ça ! hurla Sam. Ne me dis pas que tu as expérimenté ton produit sur le colonel !

- Mais c’était la seule solution ! se justifia petit Jack. J’avais prévu de l’essayer sur moi mais vous me l’avez interdit ! Il ne restait plus que lui !

Sam leva les yeux au ciel.

- C’est pas vrai ! Mais tu es totalement irresponsable !

- Tu penses que ça a marché ? lui demanda soucieusement le jeune homme

Sam le regarda avec stupéfaction. N’y avait-il donc que son expérience qui comptait ?

- Comme ça, il se réconcilierait avec toi, poursuivit-il. Grâce à l’ouverture de ses sens, il comprendrait à quel point il est stupide et combien il te fait du mal.

Sam resta estomaquée et fut touchée par le geste de petit Jack.

- Tu crois que c’est normal qu’il dorme encore ? demanda ensuite le jeune homme

- Quoi ? s’exclama Sam. Tu ne sais pas si c’est normal ?

- Comment veux-tu que je le sache ? lui répondit-il avec évidence. C’est la première fois que j’essaie.

- Tu t’es servi de lui comme un vulgaire cobaye ! gronda la jeune femme en colère. Et s’il lui arrivait quelque chose ? Et si tu l’avais tué ! Tu es vraiment complètement malade !

Petit Jack serra les poings d’exaspération.

- J’essaye de te rendre service et voilà ce qu’il m’arrive ! Si c’est comme ça, je retourne chez ma mère !

- Ben vas-y ! encouragea Sam. Je ne te retiens pas !

- Très bien ! Et j’emmène grand Jack avec moi !

- Oh non ! s’écria la jeune femme à bout de nerfs. Il est hors de question d’emmener le colonel, il est sous ma garde !

Petit Jack se tut sachant qu’il ne réussirait jamais à quitter la Terre avec son double sans l’accord du Sg-C et de Sam.

- Bon, se calma cette dernière, je vais aller aérer la maison maintenant. Reste ici. Je n’ai pas envie d’avoir deux belles au bois dormant sur les bras.

Sam rentra et ouvrit toutes les fenêtres avant de se débarrasser des brûle-parfum. L’air chaud de cette fin de journée remplit de nouveau le salon. Sam s’attarda alors auprès de Jack. Elle eut un léger sourire en le voyant si paisiblement assoupi. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas été aussi proche de lui. Elle caressa doucement son visage puis l’embrassa tendrement sur le front. Elle était presque impatiente maintenant de voir le résultat de l’expérience.

 
 
Conçu par Océan spécialement pour Imagine.
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