Sam était déjà levée. Elle s’était mise aux fourneaux pour que sa fille descende et mange un petit déjeuner correct.
Myriam descendit, elle portait une chemise de nuit et avait l’air toute ensommeillée. Elle se frottait les yeux avec une main et tenait son nounours qui traînait par terre dans l’autre.
« Tu as bien dormi ma puce ?
-Oui.
-Tu as fait de beau rêve.
-Je sais pas.
-Tu sais pas ? Comment ça tu sais pas ? Tout le monde sait ce qu’il a fait en rêve.
-Oui, mais je sais pas si c’était un beau rêve.
-Ah. Raconte le moi alors.
-J’ai rêvé que j’étais une chanteuse et que les gens m’applaudissaient. Après une ou deux chansons je suis allée jouer du piano et je me suis trompée dans le morceau, et c’était pas bien.
-Oh ma chérie, tu sais c’est juste un rêve, et puis même dans la réalité ça arrive de se tromper.
-Tu te trompes toi ?
-Oui, ça m’arrive de temps en temps. Les erreurs, ça forge le caractère. Par contre, je suis curieuse de savoir pourquoi tu as rêvé d’être chanteuse et que tu jouais du piano.
-Je sais pas. C’est quand je regardais la télé l’autre jour, j’ai vu une dame qui chantait et qui jouait du piano.
-Tu as aimé ?
-Oui, j’ai trouvé ça très beau.
-Peut-être qu’un jour tu feras tout ça.
-Tu crois ?
-Pourquoi pas. Allez, viens manger. »
La petite fille s’assit sur une chaise et mangea les pancakes que sa mère lui avait préparés. Sam alluma la radio et elles fredonnèrent toutes les deux une chanson de Natalie Imbruglia : Shiver.
Elle n’avait pas donné d’heure à Jack et s’attendait à le voir à tout moment. Elle fit donc un peu de ménage, prépara un déjeuner convenable et s’étendit sur un transat dans son jardin.
Finalement il ne vint que vers 15h30.
« J’espère que je ne suis pas venu trop tôt.
-Non non, ne vous inquiétez pas. A vrai dire, comme je ne savais pas à quelle heure vous viendriez, j’avais préparé un repas.
-Je suis désolé.
-Ne le soyez pas, on s’est régalé. »
Elle arborait un sourire un peu moqueur qui fit vite oublier la gêne que ressentait Jack.
Myriam déboula dans la pièce où étaient Sam et Jack, fit une bise à celui-ci, et demanda à sa mère :
« Maman, je peux regarder Monstres et compagnie ?
-Ma puce, Jack est là, tu ne vas pas regarder la télévision.
-Ca ne me dérange pas, on pourra en profiter pour discuter un peu.
-Vous êtes sûr ?
-Oui.
-Bien, Myriam tu as de la chance. Allez viens, je vais te mettre ton film. »
Jack avait envie de rigoler. Ca lui faisait décidément bizarre de la voir parler à un tout petit bout de chou, d’être si familière, si maternelle. Il était malgré tout content de voir quelle femme elle était, en dehors de la violence qu’ils affrontaient tous les jours. Il laissa à Sam le soin de conduire sa fille sur le canapé et de mettre le DVD pour qu’elle puisse regarder son dessin animé, puis il alla s’asseoir sur un transat dans le jardin. Sam le rejoignit et s’assit à son tour sur un transat à côté de celui de Jack.
« Elle vous ressemble énormément. Elle a exactement la même expression que vous quand elle demande quelque chose.
-Vous croyez ?
-J’en suis même certain. Je suis sûr que plus tard elle sera aussi déterminée que vous.
-J’espère que sa détermination ne la mènera pas à l’armée.
-Vous regrettez d’avoir fait l’armée ?
-Non, pas du tout. Mais l’armée dispose de certains inconvénients majeurs, et j’espère qu’elle n’en fera pas les frais.
-Peut-être qu’elle sera avocate ou pire encore, médecin. »
Sam réprima un sourire.
« Ou peut-être qu’elle sera comme moi scientifique. Elle adore les étoiles.
-Et alors ? J’adore les étoiles et je ne suis pas scientifique. Vous voyez, mon prof de science quand j’étais au lycée, s’arrachait les cheveux avec moi. Il ne savait vraiment pas quoi faire pour me motiver.
-Vous avez toujours détesté les sciences ?
-Ce n’est pas que je déteste les sciences, c’est que je n’y comprends absolument rien. Il n’y a qu’une chose qui m’intéressait et qui m’intéresse toujours : les étoiles, l’espace, l’univers.
-Et bien, on peut dire que vous étiez prédestiné à voyager au delà de ce qu’on peut imaginer.
-Peut-être. J’ai choisi l’armée par défaut. Je ne savais pas quoi faire de ma vie, alors j’ai décidé de m’engager. Ca m’a plu, et je suis resté. Et puis il y a eu le projet…
-Et maintenant tout est différent.
-Oui. »
Ils se regardèrent puis sourirent timidement avant de regarder devant eux. Le ciel était bleu, sans nuages, et on pouvait entendre les oiseaux piailler.
« Comment avez-vous réagi la première fois que vous avez vu la porte des étoiles ?
-Je crois que j’ai appris tout ce que je pouvais sur la porte des étoiles pour me convaincre qu’elle existait vraiment.
-Vous aviez un doute à ce sujet ?
-Monsieur, quand on vous dit que vous pouvez voyager dans l’espace au moyen d’un engin extraterrestre, vous êtes obligatoirement sceptique. Enfin moi je l’étais. Quand j’ai vu la porte, j’ai réalisé que j’avais peut-être ma place dans le monde, auprès des militaires notamment.
-Il est vrai que ça ne doit pas être facile d’évoluer dans un monde d’hommes.
-Oui, mais petit à petit, on y arrive. Et puis je n’étais pas toute seule, il y avait Janet. »
Elle s’arrêta de parler pendant quelques secondes puis reprit.
« Au début, j’étais convaincue que ce que je faisais, je le faisais pour ma fille. Je savais que si je partais en mission, quels qu’en soient les risques, je la protégeais. Maintenant, j’en suis arrivée à la conclusion que si je continue à prendre tous ces risques, je vais peut-être la perdre, ou mourir.
-Mais pour l’instant on s’en est toujours bien sorti.
-Oui. Pour l’instant. Mais imaginez rien qu’une seule fois qu’une de nos prochaines missions tourne mal. Qu’est-ce que je ferais ? Je ne peux pas prendre un tel risque, je ne peux plus.
-Je vous comprends. Vous pourrez passer plus de temps avec votre fille. Du temps, on en manque tout le temps. »
Il avait dit ça en pensant à son fils, elle le savait bien. Elle lui fit un timide sourire, pour le réconforter, puis reprit la parole.
« Elle m’a dit qu’elle avait regardé une émission qui montrait une femme qui jouait du piano. Je me demande si je ne devrais pas l’encourager à faire de la musique.
-En effet, je pense que ça peut lui plaire.
-J’y réfléchirai. »
Ils discutèrent encore un moment, jusqu’à ce que Myriam arrive et dise à sa mère que le dessin animé venait de se terminer. Sam alla donc enlever le DVD de son lecteur, pendant que Jack discutait avec Myriam.
« Ta maman m’a dit que tu aimais regarder les étoiles. C’est vrai ?
-Oui, répondit-elle timidement.
-Quelle est ton étoile préférée ?
-C’est cassiopée.
-Ah bon ? Pourquoi ?
-A cause de la légende.
-Tu connais la légende de Cassiopée ?
-Oui, c’est maman qui me l’a racontée.
-Et bien je vais te dire un secret. Moi aussi c’est mon étoile préférée.
-C’est vrai ?
-Bien sûr que c’est vrai ! Mais j’aime aussi beaucoup la flèche.
-Pourquoi ?
-Parce que quand je la regarde, j’ai l’impression qu’elle nous indique un monde meilleur. Elle redonne de l’espoir.
-Pourquoi ?
-Pourquoi quoi ?
-Pourquoi tu as perdu l’espoir ?
-Je ne l’ai pas perdu. Il y a juste que par moment, j’ai l‘impression qu’il m’a quitté. Il n’y a pas des moments où tu te sens toute seule, un peu mélancolique ?
-Si, quand maman elle est pas là.
-Et bien tu peux imaginer que quand ta maman n’est pas là, tu te raccroches à quelque chose qui te redonne de l’espoir comme un nounours, un vêtement qu’elle aime bien mettre, une étoile… »
La petite fille lui lança un regard mi étonné, mi émerveillé, puis se pencha pour lui faire un bisou sur la joue et lover sa tête dans son cou. Jack paru gêné un instant, puis se laissa attendrir. Il se repositionna sur le transat avec Myriam accrochée à son cou. Sam arriva et ce qu’elle vit lui arracha un sourire.