Les quatre coéquipiers descendaient maintenant doucement les marches d’acier, Teal’C soutenant Daniel dont la blessure s’était rouverte. Ils avaient vérifié que l’état des quatre policiers français n’était pas trop préoccupant et qu’ils pouvaient attendre les soins.
Sam ne pouvait détourner son regard de Jack. Jack vivant, Jack en pleine forme, Jack de bonne humeur même !
- Franchement, heureusement que j’ai fait ce petit séjour dans le sarcophage juste avant, mes genoux n’auraient jamais résisté à ces marches sinon !
- Mais, comment avez-vous fait pour nous trouver ?
- Et bien, ils voulaient une antenne, non ? Quoi ? Ne me regardez pas avec cet air ahuri Daniel, je suis déjà venu à Paris je vous rappelle, je sais ce que c’est que la Tour Eiffel !
Sam renchérit :
- Mais comment avez-vous fait pour nous rejoindre si rapidement ?
- Ben, j’ai pris le métro Carter. Pourquoi ?
Les trois coéquipiers de O’Neill se figèrent, s’entre-regardèrent, et Daniel et Sam éclatèrent de rire.
- Le métro…, répéta l’archéologue, on n’a même pas pensé à prendre le métro… On a sauté dans un taxi…
- Esprit pratique Daniel ! Et puis comme je n’avais pas un euro sur moi, dans le métro au moins on peut sauter les barrières…
Ils continuèrent ainsi leur descente. Sam était toujours pieds nus, marchant doucement derrière Teal’C et Daniel. Jack remarqua l’air soudain triste de la jeune femme se mit à son niveau. Il murmura :
- Carter…
Elle leva ses grands yeux bleus vers lui. Elle semblait tout à coup inquiète, fragile. Jack dit :
- Je… enfin… C’est la mort de Massertie qui vous…
Elle se figea, écarquilla les yeux, et balbutia :
- La mort de Massertie… Vous croyez que c’est la mort de Massertie qui…
Elle resta un instant, lèvres entre ouvertes, à regarder Jack, puis elle murmura, retenant avec peine ses larmes :
- Je… je vous ai …. Je vous ai…. J’ai cru….
Jack s’était figé à son tour, et dévisageait la jeune femme avec gravité. Puis, d’un geste brusque, il l’attira contre lui et la serra dans ses bras.
- Sam… Sam non… Vous n’y êtes pour rien… Tout va bien… je vais bien… Vous n’y êtes pour rien…
- Je suis… tellement désolée… J’ai cru… j’ai cru mourir à mon tour…
- Je sais… je sais…. Mais tout va bien…
Teal’C et Daniel s’étaient arrêtés et les regardèrent quelques instants. Puis l’archéologue et le jaffa reprirent leur descente.
Jack se détacha de Sam et essuya les larmes qui coulaient maintenant sur les joues de la jeune femme. Il la regarda en souriant :
- Mourir… On ne va plus s’inquiéter pour si peu, on en a vu d’autres, non ?
Elle rit au milieu de ses larmes et il la serra à nouveau dans ses bras. Puis ils se séparèrent et continuèrent à descendre lentement les marches d’acier. Les derniers avions finissaient leur parade dans le ciel parisien.
Quand ils arrivèrent au bas de la Tour Eiffel, ils furent immédiatement encerclés par une dizaine de camionnettes de l’armée dont descendirent simultanément plusieurs équipes en tenue de commando qui les mirent en joue. Les quatre membres de SG1 restèrent figés, attendant la suite. Un homme s’avança, d’une quarantaine d’années, en uniforme :
- Colonel O’Neill ?
Jack s’avança à son tour :
- Tout à fait. Et voici mon équipe, le Major Carter, le Docteur Jackson et… Teal’C.
- Enchanté, je suis le colonel Ganimard, de l’armée de l’Air française. On m’a envoyé vous récupérer… On arrive après bataille ?
O’Neill lui serra la main en souriant :
- Un peu, colonel… Vous trouverez au sommet de la Tour quatre malheureux policiers sur lesquels mes hommes ont été obligés de tirer mais dont les jours ne sont manifestement pas en danger. Vous trouverez aussi le cadavre d’Adrian Massertie.
- Oui, je sais, je suis au courant… Inutile de vous dire que cela fait des remous en haut lieu…
Sam demanda :
- Colonel, avez-vous récupéré le dernier corps, l’homme qui est tombé de la Tour ? J’aimerais le voir et vérifier certaines choses, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.
- Bien entendu, il est juste à côté, venez.
Ils se dirigèrent vers une camionnette où reposait maintenant le corps disloqué. Sam souleva le drap et fronça les sourcils. Teal’C se pencha à son tour et ils échangèrent un regard inquiet. La jeune militaire se redressa et demanda à Ganimard :
- Avez-vous retrouvé des objets avec lui ? Des sortes de bijoux qu’il portait à la main, au poignet ou dans une poche ?
- Non, rien d’autre Major.
- C’est bien ce que je pensais. Il s’est… enfui mon colonel, dit-elle en regardant Jack dont le visage était redevenu sombre.
Ganimard leur fit signe de le suivre :
- Venez, on va ailleurs pour parler. Je suis… habilité à ce genre de discussion mais pas ici.
Abandonnant le corps de l’hôte, ils montèrent dans une autre camionnette qui démarra. Un médecin de l’armée était monté avec eux et refaisait le bandage de Daniel. Ganimard regarda les quatre personnes qui se tenaient assises face à lui :
- Bien… Donc il semble que cet homme ait été un… Goa’uld, c’est ça ?
- C’est bien cela, répondit Teal’C vers qui Ganimard se tourna.
- Et vous, vous êtes un…
- Un jaffa.
Le colonel soupira en secouant la tête :
- Et ben… je fais partie des rares personnes au courant dans ce pays, mais si on m’avait dit que j’y serais vraiment mêlé un jour…
- Vous verrez, on s’y fait très bien, cela devient vite la routine ! assura Jack avec un sourire.
Sam enchaîna :
- Donc le Goa’uld a pris un nouvel hôte et a pu s’enfuir avec l’arme.
- Oui. Je vais faire rechercher par nos services qui aurait pu être en contact avec le corps.
- Bien, continua Daniel, donc il a toujours son bouclier et l’arme, mais il ne peut plus utiliser celle-ci à grande échelle, étant donné qu’il n’a plus l’amplificateur de Massertie. Donc il doit vouloir se concentrer sur quelques personnes. Sur qui à Paris pourrait-il avoir intérêt à prendre le contrôle ?
- Ben moi j’ai bien deux noms en tête, répondit Jack.
Sam écarquilla les yeux :
- Mais bien sûr ! Les deux présidents !
Ganimard bondit sur ses pieds et saisit une radio dans laquelle il parla abondamment. Les quatre membres de SG1 attendirent quelques minutes pendant lesquelles la camionnette filait toujours dans la capitale. Le colonel se tourna finalement vers eux :
- Le président refuse à priori de changer son emploi du temps, trop important aujourd’hui. Ces politiques, je vous jure… Bref, il faudra faire avec et agir discrètement.
- Je crois que vous allez avoir besoin de moi, dit simplement Sam. Je peux détecter la présence du Goa’uld.
- Moi aussi, ajouta Teal’C.
Jack se tourna alors vers le jaffa :
- Oui Teal’C, mais vous, vous ne pouvez pas utiliser cela.
En disant ces mots il sortit de sa poche l’arme de poing originale du Goa’uld, celle qui avait servi de modèle à Deimos pour créer la nouvelle. Sam s’écria :
- Mon colonel, où l’avez-vous prise ?
- Dans le labo, après mon… réveil. Je cherchais une arme, je suis tombé là-dessus dans le bureau de Deimos, je me suis dit que cela pourrait servir.
- Bien, enchaîna Ganimard, alors Major effectivement nous avons besoin de vous.
- …. et de moi, colonel, ajouta Jack. Je ne laisse pas un membre de mon équipe agir seul. Je vais avec elle.
- Bien. Je vous demande une minute.
Ganimard reprit sa radio, donna des ordres, et se retourna en souriant vers Jack et Sam :
- Je suis désolé de vous demander cela, mais il me faudrait vos mensurations.
- Pardon ??? demandèrent-ils en cœur.
Le colonel français sourit plus largement :
- Colonel, Major, avez-vous déjà été à une Garden Party à l’Elysée ?
La camionnette était stationnée à quelques mètres du palais de l’Elysée. Une jeune militaire avait apporté à Jack et Sam de quoi s’habiller et une trousse de maquillage pour la jeune femme. Ils s’étaient changés rapidement, dos à dos, sans se parler : cette situation exacerbait le malaise latent entre eux depuis la veille, qu’ils avaient quelque peu oublié ces dernières heures. Sam essayait tant bien que mal de cacher à grand renfort de fond de teint les marques sur son visage, pendant que Jack finissait péniblement de nouer sa cravate. Ils restaient tous deux parfaitement silencieux. La jeune femme était à nouveau partagée entre la colère et la honte. Jack, quand à lui, se répétait inlassablement qu’il avait bien fait ; il tentait ainsi de réfréner son envie de serrer Sam dans ses bras et de s’excuser auprès d’elle. Au moment où ils allaient quitter la camionnette, il ne put s’empêcher de murmurer :
- Vous êtes splendide.
Ils se sourirent maladroitement et descendirent du camion. Teal’C, Daniel et Ganimard se retournèrent vers eux et l’archéologue ne put retenir un sifflement d’admiration :
- Et bien… Vous êtes tous les deux…. Ben ça…
Jack portait un costume gris anthracite, parfaitement coupé, dans un tissu agréable et léger. Une cravate sombre ressortait sur une chemise d’un rose très pâle qui s’harmonisait parfaitement avec ses yeux bruns. Sam avait elle revêtu une robe fluide, aux couleurs pastelles, légèrement décolletée et sans manche, qui lui arrivait sous les genoux. Elle était à la fois extrêmement élégante et parfaitement libre de ses mouvements. L’archéologue sourit :
- Jack, je ne pensais pas vous voir un jour aussi élégant !
- Oh ça va, Daniel, n’en rajoutez pas…
- Il faudra que je me plaigne au général Hammond en rentrant, renchérit Sam, on ne m’a jamais proposé de tenue pareille en service au SGC !
- Peut-être le SGC n’est-il pas situé rue du Faubourg Saint Honoré, où on trouve les plus grandes marques de Haute Couture ? répondit Ganimard en souriant.
- Haute Couture ?? répétèrent Jack et Sam.
La jeune militaire qui leur avait apporté les vêtements s’approcha :
- Giorgio Armani pour le costume, Yves Saint Laurent pour la robe.
- Waou ! s’exclama Sam.
- Je vous préviens, je ne peux pas promettre de tout rendre en l’état si je dois courser un Goa’uld dans les jardins de l’Elysée ! ajouta Jack.
Ils sourirent ; Ganimard tendit à O’Neill un revolver qu’il glissa dans son holster, le zat étant impossible à dissimuler, et rendit son arme à Sam qui l’ajusta sur sa main. Teal’C demanda :
- Le Major ne va-t-il pas se faire repérer avec ceci ?
- Je ne pense pas, répondit Ganimard. On prendra ce bijou pour une excentricité de plus dans le monde de la mode… Voici vos autorisations. Personne de chez nous ne vous posera de question, on a fait passer votre signalement. Bonne chance.
Jack se retourna vers Sam et lui tendit galamment le bras :
- Major ?
Elle posa doucement sa main sur le bras de Jack et ils se dirigèrent vers l’entrée du bâtiment.
Ils passèrent en effet sans problème les nombreux contrôles de police et se retrouvèrent bientôt au beau milieu des jardins de l’Elysée et d’une foule dense. Jack posa la main sur l’épaule nue de sa partenaire :
- Alors, aussi stressée qu’à la soirée de Massertie ?
- Non, pas du tout.
- Ah bon ? L’habitude des mondanités ?
- Non, je….
- Quoi Carter ?
- Le cavalier me convient beaucoup mieux, même si ce n’est que pour quelques minutes, répondit-elle en plantant ses yeux dans ceux de Jack.
Il sourit à la jeune femme qui baissa alors le regard.
Ils repérèrent immédiatement les deux chefs de l’Etat, entourés d’un important service d’ordre et de nombreux journalistes et personnalités. Ils s’approchèrent. Deimos devait certainement vouloir les approcher d’une façon ou d’une autre, le meilleur moyen de le trouver était de rester à proximité. Sam et Jack avait pris chacun une coupe de champagne. Le silence entre eux était pesant. O’Neill savait qu’il en était la cause. Mais il ne pouvait saisir cette occasion pour s’expliquer, s’excuser, c’était la mission avant tout. Il murmura :
- Toujours rien, Carter ?
- Non mon colonel.
Jack porta la main à son oreille et écouta son micro un instant. Il ajouta :
- Pourtant Deimos est bien là, nous ne sommes pas trompés. Le colonel Ganimard vient de me prévenir que plusieurs policiers en faction devant une des entrées ont été retrouvés dans un état… second dirons-nous.
Ils échangèrent un regard inquiet et se remirent à observer la foule. Au bout de quelques minutes, Sam fronça les sourcils :
- Il est là… Je sais qu’il est là, tout près.
Ils regardèrent autour d’eux, observant rapidement tous les invités qui se pressaient autour des deux chefs d’Etat. Soudain Jack croisa le regard d’un homme qui s’immobilisa. Ils se dévisagèrent un instant. L’homme fit un pas vers l’attroupement, s’arrêta quand il vit Sam et Jack avancer lentement vers lui, sembla hésiter, puis fit brusquement volte-face et repartit en courant vers le Palais. Jack murmura dans son micro, tout en fendant la foule, Sam sur ses talons :
- Colonel, on l’a repéré, un homme brun en costume sombre, 1m80 environ, la peau assez pâle, une cicatrice au dessus de l’arcade sourcilière droite, les cheveux coupés ras. Il se dirige vers les bâtiments pour s’enfuir, dites à vos hommes de le laisser entrer, il vaut mieux l’éloigner des jardins.
Ganimard dut donner les ordres qui convenaient car Deimos pénétra sans difficulté dans les bâtiments. Jack et Sam le suivirent en courant maintenant, traversant plusieurs salons plus richement décorés les uns que les autres. Ils firent irruption dans une galerie où des arcades tapissées de velours rouge faisaient face à de gigantesques glaces. Deimos se retourna vers eux et Jack n’eut que le temps de se jeter sur sa coéquipière pour qu’ils évitent le dangereux rayon. Une trentaine d’homme firent alors irruption dans la salle et encerclèrent le Goa’uld, brandissant des armes équipées de silencieux. Ils firent feu tous au même instant.
Les balles ricochèrent désespérément sur le bouclier de Deimos, qui sourit en attendant la fin des tirs. Les hommes baissèrent finalement leurs armes, bouches bées. Le Goa’uld partit d’un grand éclat de rire et dirigea lentement son arme vers les policiers qui se trouvaient près de lui.
Jack se rua alors vers lui en hurlant :
- Carter ! A vous !
Il se jeta sur le Goa’uld et le fit basculer à terre. Quand Jack releva la tête, Deimos le visait avec son arme. Mais c’est à cet instant que la paume de Sam, qui s’était précipitée, s’illumina. Le rayon frappa le Goa’uld en plein front avec une violence qui projeta son corps à plusieurs mètres contre un pilier. Les policiers effarés virent les yeux de l’homme s’illuminer d’un bref éclair, puis s’éteindre à jamais.
O’Neill se releva et regarda la jeune femme qui chancelait. Il la soutint et lui sourit. Elle lui rendit son sourire, retrouvant au contact de Jack l’énergie que l’arme lui avait prise.
- Je crois qu’on a encore réussi, Carter.
- Oui, mon colonel…
Ils se dirigèrent lentement vers la sortie, alors que l’immense salon grouillait maintenant de militaires. On leur demanda d’attendre quelques instants dans une autre pièce. Jack s’assit confortablement dans un superbe fauteuil ancien. Sam regarda le parc par les grandes fenêtres : la Garden Party continuait tranquillement, tous ces gens n’avaient rien su de ce qui venait de se jouer à quelques mètres d’eux. Tous ces gens n’en sauraient jamais rien.
Jack observait Sam à la dérobée et sourit pour lui-même. Sa décision était prise.
Au bout de quelques minutes, on vint les chercher pour les emmener à l’étage. Ils furent conduits dans un immense bureau dont les fenêtres donnaient sur le parc. Daniel et Teal’C les y attendaient déjà. L’archéologue se précipita :
- Tout va bien, vous n’êtes pas blessés ?
- Absolument pas. Carter est juste un peu... sonnée, c’est elle qui nous a débarrassé de Deimos avec l’arme de poing.
- … mais ne vous inquiétez pas Daniel, je me sens déjà parfaitement bien, assura la jeune femme.
Daniel semblait au comble de l’excitation et désigna d’un geste la superbe pièce :
- Vous vous rendez compte, c’est une chance inouïe, être reçus à l’Elysée ! Et ce mobilier, tout est d’époque, c’est sublime, je ne sais pas si vous êtes déjà allé à Versailles, mais…
- Mon bureau vous plait donc, Docteur Jackson ?
Deux hommes venaient d’entrer. Sam et Jack se mirent immédiatement au garde à vous devant les deux présidents.
Le Président Hayes et son homologue français, le Président Constantin, s’avancèrent vers les quatre coéquipiers. Hayes sourit :
- Repos, Colonel O’Neill et Major Carter. C’est un plaisir de vous revoir.
- Voici donc la fameuse SG1, murmura le président français.
Hayes fit les présentations :
- Et oui, le fleuron de mon armée ! Voici le Colonel O’Neill, le Major Carter, le Docteur Jackson et… Teal’C
- Teal’C… répéta Constantin devant l’imposant jaffa, si je ne me trompe vous venez de…
- De la planète Chulak. Mais je suis fier de combattre au côté de votre peuple depuis plusieurs années.
- De la planète… Oui, bien sûr… Et bien je crois que tous les quatre nous vous devons une fière chandelle…
- … une fois de plus, acheva Hayes avec un sourire.
Jack répondit avec un petit haussement d’épaules :
- Bah… Vous savez, on a juste fait notre métier, Monsieur le Président.
- Que pouvons-nous faire pour vous remercier ?
Les quatre coéquipiers s’entre regardèrent, ne sachant que répondre. Jack finit par dire :
- Euh… Merci, mais… enfin c’est normal tout ça… Une petite augmentation peut-être ? Ah si, je sais ! Puis-je garder le costume ?
- JACK !!! cria Daniel, outré.
- Quoi encore Daniel ?
- Mais enfin, ce n’est pas possible, et puis, qu’en feriez-vous, vous…
- Quoi ? On ne sait jamais ! je peux en avoir besoin !
- Vous êtes insupportable…
Etonnement et amusement se lisait sur les visages des deux hommes qui observaient la scène en silence. Teal’C restait parfaitement impassible. Sam fixait le bout de ses chaussures sans pouvoir s’empêcher de rire doucement.
- Ah si, une deuxième chose, renchérit O’Neill !
Daniel ferma les yeux et soupira, ce qui n’arrêta en rien le colonel :
- … Si je peux garder ce superbe costume, je souhaite que le Major puisse, bien sûr, garder cette robe qui lui va à ravir !
Jack gratifia Sam d’un sourire éclatant. La jeune femme devint totalement écarlate et balbutia :
- Mais… mon colonel… enfin… je ne sais pas….
- Mais si Major, répondit le président français avec un sourire, le colonel O’Neill a raison, cette tenue vous sied parfaitement. Je vous en prie, vous offrir cela est le moins que je puisse faire !
Daniel s’éclaircit la voix et ils se tournèrent vers lui :
- Euh… Alors… Enfin, si cela ne dérange pas, bien sûr… J’ai quelques idées de manuscrits à la Grande Bibliothèque que j’aurais aimé emprunter pour mes recherches…
- Mais bien entendu Docteur Jackson, tout ce que vous voudrez ! Et vous Monsieur… Teal’C ? Nos deux gouvernements peuvent-ils en une quelconque façon vous exprimer sa gratitude ?
- Je souhaite que le combat contre les Goa’ulds trouve une issue favorable et que la paix règne sur nos deux mondes.
Les cinq terriens écarquillèrent les yeux puis éclatèrent de rire. Le jaffa leva un sourcil. Hayes répondit :
- Je vous promets qu’il en sera fait selon votre volonté, Teal’C. Je crains seulement que cela dépende plus de vous que de nous ! Quoi qu’il en soit, nous vous promettons d’étudier votre souhait.
- Je vous remercie, dit le jaffa en s’inclinant.
- Mais c’est nous qui vous remercions, SG1.
- Si vous le permettez, Monsieur le Président, nous allons peut-être nous retirer, nous avons eu un planning assez… chargé ces dernières 24 heures…
- Bien sûr Colonel O’Neill. Merci encore à vous quatre. Je ne veux même pas penser à ce que nous serions si vous n’étiez pas là.
Les quatre membres de SG1 sourirent. Teal’C, Sam et Daniel quittèrent la pièce, mais O’Neill ne les suivit pas. Sam lui demanda du regard pourquoi il ne venait pas, il sourit à la jeune femme et dit simplement :
- Je vous rejoins dans une minute.
Elle lui sourit en retour et referma la porte derrière elle. Les deux présidents regardèrent Jack, surpris. Hayes demanda :
- Et bien colonel ?
- Et bien en fait j’ai une requête Monsieur. Très sérieuse celle-là.
- Dites.
- Je préfèrerais l’écrire en bonne et due forme, si vous n’y voyez pas d’inconvénient…
Les deux présidents se regardèrent, perplexes, puis Constantin désigna son bureau avec amusement :
- Mais je vous en prie Colonel O’Neill, faites comme chez vous !
- Merci Monsieur.
Et Jack alla s’asseoir dans le fauteuil du chef de l’état, saisit une feuille, un stylo, et se mit à écrire.
Les deux hommes politiques l’observaient toujours. Jack se releva et remit la lettre au Président Hayes, qui la parcourut rapidement et cessa de sourire. Il soupira en regardant Jack :
- Colonel, vous vous doutez que je vais avoir du mal à accéder à votre demande…
- De quoi s’agit-il, Henry ?
- Je demande à faire valoir mes droits à la retraite, Monsieur, expliqua Jack.
- Ah d’accord… je vois… murmura Constantin.
Hayes regardait Jack, manifestement ennuyé. Il s’exclama finalement :
- Mais enfin, vous avez le métier le plus extraordinaire au monde ! Plus passionnant que le mien même !
- Je sais bien Monsieur. Le SGC me manquera, beaucoup, mais il faut que je quitte l’armée. Le moment est venu pour moi de quitter l’Air Force.
Hayes soupira. La voix amusée du président français s’éleva alors :
- Cette requête n’aurait-elle pas un quelconque rapport avec la ravissante jeune femme qui a quitté la pièce il y a quelques instants ?
O’Neill ne répondit pas. Il se contenta de sourire. Hayes sourit à son tour et soupira :
- Je vois… je vous promets… d’étudier votre requête et de répondre au mieux à vos attentes, dans la limite de mes possibilités, bien sûr.
- Merci Monsieur le Président. Et bien, si vous permettez…
- Vous pouvez vous retirer Colonel. Merci encore.
- Monsieur le Président, euh… Monsieur le Président aussi….
Il salua et sortit.
Hayes soupira et tomba dans un fauteuil. Son homologue le regarda en riant :
- Henry, ne fais pas cette tête-la, tu vas bien lui trouver une solution, il le mérite ! Allons, viens boire un peu de champagne, ça ira mieux…
Sam marchait dans le couloir du SGC pour regagner son laboratoire. Ils étaient rentrés le 14 juillet même de Paris, voilà maintenant une semaine. Ils étaient juste passés récupérer leurs affaires à l’hôtel, et avaient fait un saut à la Bibliothèque Nationale prendre les manuscrits pour Daniel qui passait maintenant ses journées à s’extasier dessus dans son bureau.
O’Neill avait demandé à repasser au Louvre. Ses coéquipiers, qui attendaient surpris dans le taxi, l’avait vu revenir les mains vides. Il n’avait donné aucune explication.
Sam songeait encore plus à lui depuis leur retour. Et elle n’arrivait pas à se faire une idée sur leur situation… Jack et elle n’avaient pas reparlé de la nuit qu’ils avaient passée ensemble à Paris. Il faut dire qu’ils avaient eu très peu de temps à eux, devant presque immédiatement reprendre les missions. Elle avait espéré qu’il passerait la voir chez elle, qu’il vienne lui parler… Rien. Et pourtant son attitude avait changé vis-à-vis d’elle. Imperceptiblement, des détails qu’elle seule percevait, mais bien réels. Les sourires de Jack s’étaient faits plus doux, plus fréquents. Il était plus prévenant, attentif. Comme s’il avait quelque chose à se faire pardonner.
Certes, il avait quelque chose à se faire pardonner !
Et pourtant… C’était bien elle qui était venue à lui ce soir là. Oui, il avait cédé, mais elle l’avait voulu ! Oh mon Dieu oui elle l’avait voulu… Mais son attitude le lendemain… Sam frissonna : elle ressentait encore la honte, son regard si froid, sa fuite dans le couloir de l’hôtel comme une voleuse…
Et cependant maintenant elle n’avait plus honte. Non. Plus honte du tout. Au moins maintenant elle savait. Elle savait ce qu’ils avaient échangé tous deux cette nuit-là, elle savait le goût de ses baisers, elle savait la douceur de ses mains… Elle savait. Elle pouvait mourir, elle savait.
Et, parce qu’elle savait, elle n’avait qu’une envie : recommencer. Mais cela c’était impossible. Ces deux semaines en France avaient été… une parenthèse exceptionnelle, un moment hors du temps... qui n’arrive qu’une fois.
C’était arrivé. C’était fini. Il était redevenu le colonel O’Neill, son supérieur. Il le lui avait fait comprendre ce matin-là dans la chambre d’hôtel. Durement. Mais elle le connaissait, elle savait qu’il avait agi ainsi pour se protéger lui… et surtout pour la protéger elle. Il s’en voulait, c’était manifeste dans l’attitude qu’il avait depuis envers elle. Soit.
Elle soupira en entrant dans son laboratoire : d’accord, ce n’était plus comme avant… mais ce n’était pas non plus très différent !
Son œil fut attiré par une enveloppe sur son bureau. Elle s’approcha et reconnut immédiatement l’écriture de Jack sur l’enveloppe : « Sam ».
Sam…
Elle déchira fébrilement l’enveloppe. Elle contenait une carte postale : la reproduction de la statue de Canova, au Louvre : « Psyché ranimée par le baiser de l'Amour ». Le cœur de la jeune femme se mit à battre plus rapidement dans sa poitrine et ses doigts tremblèrent quand elle retourna lentement la carte. Elle lut les quelques mots inscrits au verso :
« Vous voyez Carter, j’avais raison : Zeus n’a pas accepté. J’ai démissionné. Minnesota ? »
Elle tomba sur sa chaise, les joues en feu. Elle sourit. Démissionné… Il avait….
DEMISSIONNE ! Mais c’était hors de question ! Elle bondit sur ses pieds, réalisant ce que signifiait ce simple mot. C’était inconcevable. Le SGC sans lui, c’était inconcevable, pour lui, pour elle, pour tout le monde ici… pour le Monde tout court !
Elle courait maintenant dans les couloirs de la base, sa carte à la main. Il fallait qu’elle le trouve, peut-être n’était-il pas trop tard, peut-être…
Elle fit irruption en salle d’embarquement.
Teal’C s’y trouvait, prêt à partir pour Chulak passer la semaine de congé que SG1 avait enfin obtenue. Daniel et Hammond étaient avec lui.
Pas Jack.
Les trois hommes se tournèrent vers elle et regardèrent avec étonnement la jeune femme essoufflée qui brandissait une carte postale. Le général demanda :
- Major, qu’y a-t-il ?
- Mon… Mon général… Est-ce que c’est vrai… le colonel O’Neill a… démissionné ?
- Démissionné ? répéta Daniel, incrédule.
Teal’C haussa un sourcil.
- Oui. Il en a fait la demande au Président qui a finalement accepté. Il attendait la réponse depuis une semaine et elle nous a été transmise ce matin : il n’est plus en service actif. Je suis surpris qu’il ne vous en ait pas parlé.
- Mais non… mais… il n’a rien dit… murmura Sam. Où est-il ??
- Il a parti en congé il y a deux ou trois heures je pense…
Une lueur s’alluma dans les yeux de la jeune militaire :
- Mon général, puis-je quitter la base ?
- Bien sûr, vous êtes en congé aussi Major ! Mais je devrais peut-être vous dire…
- Merci mon général.
Elle quitta la pièce au pas de course, laissant les trois hommes immobiles devant la Porte des Etoiles. Daniel s’anima soudain :
- Mais… Démissionné ! Mais pourquoi ne nous en a-t-il pas parlé ! Nous sommes son équipe quand même ! Ses amis ! Comment a-t-il pu… Ce type est vraiment…
Le général Hammond sourit et interrompit l’archéologue.
- Docteur Jackson, Teal’C, suivez-moi un instant dans mon bureau. Je dois vous expliquer certaines choses, mais je préférerais pour l’instant que cela reste entre nous.