-Et c’est seulement maintenant que vous me le dites ! Vous avez le téléphone de ses amies à Washington ?
-Non, mais je pense qu’on peut le trouver. Je ne connais que leurs prénoms, Hélène et Claire, mais elles travaillent au Pentagone.
-Ok Daniel je lance une recherche. Walter, vous pouvez venir dans mon bureau ? Appela t-il à l’interphone
-Tout de suite mon général.
Il donna à Walter Davis ses instructions.
Un quart d’heure plus tard celui-ci revenait avec les noms et les téléphones des amies de Sam.
-Allez-y Daniel dit O’Neill en montrant le téléphone de son bureau. Il vaut mieux que ce soit vous qui appeliez.
-Quelle heure est-il à Washington ?
-17 heures dit O’Neill, en consultant sa montre.
-Vous avez l’heure de Washington ? Dit Daniel en souriant.
-Il faut bien, si vous saviez comme ces messieurs les bureaucrates ont une pendule dans le crâne !
Daniel rit heureux de retrouver un semblant de sourire sur le visage de son ami.
Il n’y avait personne ni chez Claire ni chez Hélène, elles devaient être encore au travail.
Téléphoner au Pentagone ressemblait un peu au parcours du combattant. Daniel fut envoyé de services en services.
-Je crois Jack que vous devriez appeler vous-même.
Il prit le combiné.
-Ici le général O’Neill du SGC, je voudrais parler au major Claire Allias ou au major Hélène Houtomi.
Curieusement on trouva immédiatement Claire Allias et on lui passa le général O’Neill.
Celui-ci se présenta et demanda à la jeune femme si elle savait où l’on pouvait trouver Sam, car cela ne répondait pas à l’appartement.
-Non, mon général. Je n’en ai aucune idée.
-Elle revient ce soir chez vous ?
-Non, mon général elle a quitté Washington.
Silence au bout de la ligne. Puis reprise d’une voix un peu plus étouffée.
-Quand vous a-t-elle quitté et pour aller où ?
-Elle n’est restée que deux jours. Mais elle ne nous a pas dit où elle allait. Seulement qu’il lui restait encore trois semaines de repos. Elle a vaguement parlé des Seychelles. Tenez Hélène arrive je vous la passe mon général, c’est elle qui l’a raccompagnée à l’aéroport.
-Mon général, oui c’est vrai j’ai raccompagné Sam, elle m’a dit qu’elle repasserait par chez elle avant de s’envoler pour les Seychelles. Mais nous n’avons plus de nouvelles, depuis une semaine.
Après les avoir remerciées, O’Neill raccrocha.
-Vous croyez qu’elle est chez elle Jack ? Dit Daniel
-Il faut aller voir.
Le coup de fil du général avait beaucoup inquiété les deux amies de Sam.
-J’ai encore des congés à prendre dit Hélène, et toi ?
-Je n’ai que ce week-end, mais je peux t’accompagner.
-Ce général O’Neill, c’est son supérieur ?
-Je le pense répondit Claire.
-Tu en as entendu parler ?
-Pas beaucoup, je ne sais même pas ce que fait Sam, en fait j’ai cru comprendre qu’elle était souvent sur des missions secrètes.
-C’est vrai qu’elle ne parle jamais de son travail. Et puis on ne la voit pas souvent, elle est très prise, conclut Hélène.
-C’est dommage, qu’on se soit un peu perdue de vue.
Elles laissèrent un message sur le répondeur de Sam.
La maison de Sam était fermée, les journaux s’étaient accumulés dans le jardin, la pluie les avait détrempés. La boite aux lettres regorgeait de publicités. O’Neill avait sonné, attendu un long moment, visiblement il n’y avait personne.
Il fit le tour de la maison, c’était le silence. La porte était fermée à clé, mais ce n’était pas un problème pour le général.
Il fit quelques pas dans l’entrée, c’était un vrai capharnaüm, comme il en avait rarement vu. De la vaisselle sale, une bouteille de whisky renversée, des vêtements.
Oh mon Dieu que s’est-il passé ici ?
-Carter ! Carter ! Cria-t il
Pas un bruit, il fit le tour des pièces, la cuisine, le salon, la salle de bain, la chambre d’ami, et tout au bout du couloir une porte était fermée.
Il appela à nouveau.
-Carter, mais d’une voix beaucoup plus douce. Quand il ouvrit la porte il eut un mouvement de recul puis se précipita vers le lit. Elle n’était même pas déshabillée, couchée en travers du lit, toute pâle, les bras en croix. Elle était sale, ses vêtements tâchés, une odeur de d’alcool et de médicaments flottait dans la pièce.
Il prit peur, son pouls était faible et elle respirait à peine.
Prenant son portable il appela une équipe médicale de la base.
-De toute urgence chez le colonel Carter dit –il.
Puis il revint dans le séjour, Daniel commençait à ranger. Jack écouta les messages de Sam. Il n’y en avait qu’un celui de ses deux amies qui prévenaient de leur arrivée.
-Restez près d’elle Daniel. Je rentre à la base.
-Vous n’attendez pas l’ambulance ?
-Non, désolé.
Daniel se sentait pris de colère mais devant le visage fermé de son ami il se contint. Ce n’était pas le moment car il lisait sur le visage de Jack toute une souffrance que celui-ci ne montrait pas souvent, tellement sa maîtrise de caractère était grande. Mais là il était au bord de l’effondrement, et Daniel ne voulut pas l’accabler davantage.
Il se contenta de hocher la tête et d’attendre l’ambulance près du lit de Sam.
Une heure plus tard Sam était à l’infirmerie, dans une chambre isolée. Elle dormait toujours, mais elle avait meilleure mine.
Le docteur Bright donnait au général des nouvelles toutes les heures.
Il était 23 heures quand Claire et Hélène arrivèrent à l’aéroport de Colorado Springs. Elles furent surprises de voir qu’elles étaient attendues. Une voiture de l’armée les conduisit à la base de Cheyenne Mountain.
Elle suivirent le garde et descendirent dans les profondeurs de la base. On leur fit signer plusieurs documents engageant leur responsabilité si elles avaient accès à des informations secrètes.
-C’est vraiment secret le boulot de Sam ! Dit Claire. Tu sais ce qu’ils font dans cette montagne ? Souffla t-elle à son ami.
-Je crois qu’elle travaille dans les radars, répondit son amie.
-Les radars ? Etonnant !
Après avoir traversé plusieurs couloirs gris et tristes, elles furent conduites dans le bureau du général, commandant de la base.
Elles se mirent aussitôt au garde à vous.
-Repos, dit-il. Je suis le général O’Neill, je suppose que vous êtes les amies du colonel Carter ?
-Oui mon général.
O’Neill les mit au courant de la situation, Sam était malade et avait besoin de rester chez elle, mais surtout pas seule. Il avait pensé qu’elles pourraient peut être l’aider.
-Mais nous n’avons pas de congé ? Dit Hélène.
-Ce n’est pas un problème avait-il répondu. La question est déjà réglée, vous êtes en service ici sur Colorado Springs, détachées à la base de Cheyenne Mountain.
Elles avaient accepté, un peu surprise de la rapidité avec laquelle tout cela avait été organisé.
La conversation avait été très brève. O’Neill leur avait paru tendu et fatigué. Mais elles furent impressionnées par sa prestance, sa haute taille, ses traits sévères. Sa façon de parler à la fois sèche mais chaleureuse dès qu’il prononçait le nom du colonel. Oui, Le général O’Neill pouvait être très intimidant.
Sur le chemin de l’infirmerie les deux jeunes femmes échangeaient leurs impressions à voix basse.
-Séduisant le général ! dit Claire.
-Et tu as remarqué son visage quand il parle de Sam ?
-Oh oui, je dirais qu’il apprécie beaucoup notre amie le colonel ! D’ailleurs pour nous demander d’être ses baby-sitters !
Sam resta deux jours à l’infirmerie et put rentrer chez elle. Ses amies étaient là, et à tout moment il y avait quelqu’un auprès d’elle, qui veillait à ce qu’elle s’alimente correctement, se repose et se détende.
Claire et Hélène essayèrent bien de la cuisiner au sujet du général, mais Sam ne voulut rien leur dire. D’ailleurs qu’ y avait-il à dire ? A part un désert affectif, une souffrance sans nom et parfois une terrible envie de se laisser aller.
Elle leur parla tout de même de leurs relations, à tous les quatre. Naturellement elle parlait de vagues missions sur terre, parfois dangereuses, où ils avaient crées des liens de respect mutuel et de profonde amitié.
Durant les quinze jours de leur séjour, elles rencontrèrent Teal’c et Daniel avec qui elles sympathisèrent.
O’Neill ne vint jamais la voir.
Quand Sam revint à la base après son congé, rien n’était résolu. Elle avait pris la décision de ne rien espérer, d’attendre, mais elle savait qu’à la première occasion elle partirait. Pour le moment elle ne pouvait pas. Rien que de le voir, ou de l’apercevoir la mettait dans tous ses états, c’était comme une drogue, elle ne pouvait plus s’en passer.
O’Neill était seul dans son bureau quand il reçut un coup de fil de la maison Blanche. Il était attendu à Washington pour le lendemain et serait reçu par le président.
Il ne put fermer l’œil de la nuit, tellement l’anxiété lui serrait la gorge. Il imagina tous les scénarios possibles au cours de cette nuit blanche. Même celui le plus terrible où il lui faudrait renoncer définitivement à Sam. Il n’était pas maître de sa carrière, ni des règlements. Il avait un haut sens des responsabilités et savait qu’il ne pourrait quitter le SGC avant longtemps. Et puis le président le faisait peut être venir pour tout autre raison. Ce ne serait pas à lui de demander, mais d’écouter et d’obéir.
Sam s’était levée un peu moins fatiguée ce matin là. Elle avait repris son travail à la base depuis quelques semaines, mais restait pour l’instant cantonnée dans son labo. Le médecin ne l’avait pas encore autorisée à reprendre les missions. Mais cela ne la dérangeait pas, elle aimait la paix de son labo et pouvoir s’y retirer et y travailler seule lui apportait aussi de grandes satisfactions. Elle était souvent avec Daniel et Teal’c, prenait ses repas avec eux, ils la raccompagnaient souvent chez elle, et de temps à autres ils se faisaient une petite soirée. Un moment de détente pour Sam qui pouvait entendre parler d’O’Neill sans en avoir à en parler elle-même. Elle redoutait les questions de Daniel, mais celui-ci avait compris qu’on pouvait en parler mais pas directement. Alors il lui racontait ce qui se disait sur lui, lui parlait de sa santé. Jamais à la base elle ne voyait le général en privé, et c’était beaucoup mieux. Ils s’évitaient, mais elle, elle aimait l’observer de loin. Elle le regardait parler, donner des ordres. Mais jamais plus il ne riait ou ne plaisantait. Elle s’en était rendue compte et cela lui faisait mal.
Elle était seule ce matin là quand on sonna.
C’était lui, le cœur battant elle voulut refermer la porte mais il avait déjà glissé son pied dans l’embrasure.
-Il faut qu’on se parle Carter.
-C’est pour le travail Monsieur ? demanda t-elle hautaine en le regardant droit dans les yeux.
-Si cela avait été pour le travail je ne serais pas venue chez vous un dimanche matin, Carter dit-il doucement. Laissez moi entrer.
Elle ouvrit grand sa porte et s’effaça pour le laisser passer. Elle ne le fit même pas asseoir.
-Je vous écoute mon général.
Il sourit :
-Qu’est ce que j’ai dit de drôle ?
-Rien Carter, mais ne m’appelez plus « mon général »
Elle réagit à peine :
-Je ne comprends pas.
-Je ne suis plus général Carter, mais civil.
-Vous avez démissionné, mais pourquoi ?
-Vous me demandez pourquoi ? Dit-il, étonné et avec une nuance de déception dans la voix.
Elle ne répondit pas, elle ne le pouvait pas. Cela impliquait tellement de choses.
-Est-ce qu’on peut s’asseoir, dit-il seulement, ça risque d’être long.
Elle lui montra d’un geste le canapé et prit le fauteuil en face de lui. Une petite table basse les séparait.
Alors il lui raconta tous les évènements depuis le jour où il avait été enlevé et blessé, et le chantage qu’on exerçait sur lui. L’implication du NID et de Kinsey. L’obligation de nier farouchement toute relation personnelle avec elle, de la mettre sur la touche.
Elle blanchissait au fur et à mesure de son récit. Des larmes se mirent à couler elle ne les essuya même pas.
Il conclut en disant que cela avait duré très longtemps car il fallait du temps pour que les hommes du NID soient arrêtés, que Kinsey soit définitivement rayé de la carte. Et il attendait le feu vert du président.
Il raconta succinctement son entrevue avec le président qui avait accepté sa démission de l’armée, suite à une demande favorable de l’état major. Mais il avait refusé qu’il quitte le SGC. Il deviendrait donc commandant civil de la base de Cheyenne Mountain.
Sam le voyait arriver la bouche en cœur. Il lui avait débité toute son histoire. Elle était parfaite ! Mais elle continuait à lui en vouloir car il lui avait fait trop mal et elle avait du mal à croire qu’il ait pu montrer si longtemps une telle indifférence. Elle ne devait pas peser bien lourd dans la balance.
-Pourquoi avoir démissionné ? Demanda t-elle. Elle avait dit cela d’un ton négligent comme si c’était un détail sans importance. Quelque chose de banal, une question que l’on poserait comme ça. Mais il était très fort à ce petit jeu, elle aurait du se rendre compte qu’elle ne gagnerait pas. Car sa réponse ne fut pas forcément celle qu’elle attendait.
-Pour être plus libre de mes mouvements comme je l’entends. Il lui avait répondu sur le même ton totalement dépassionné.
Elle continuait de le fixer comme si elle ne comprenait pas, comme frappée de stupeur.
-Bon, il va falloir passer à autre chose, dit-il seulement.
Le mouvement qu’il fit fut si rapide qu’elle n’eut pas le temps de réagir, que déjà elle se trouvait dans ses bras, à sangloter contre sa poitrine sans pouvoir s’arrêter.
-J’ai tellement peur dit-elle entre deux sanglots. Je ne veux plus souffrir, je ne veux plus rien, de peur de me réveiller encore seule et abandonnée.
Il la berçait dans ses bras, mais elle souffrait tellement qu’elle n’arrivait pas à se dominer. Il lui passa la main sur le visage pour essuyer ses larmes et il commença à l’embrasser, sur les joues, le front, les lèvres. Elle pleura longtemps, il ne la pressait pas et comprenait qu’il lui faudrait du temps pour évacuer huit ans de frustration et quelques mois d’une dérive morale pire que la mort. Il était lui aussi dans le même état et avait grand besoin de ses bras à elle. Quand elle commença à se calmer il prit sa bouche et l’enflamma par un long baiser.
Il lui murmura à l’oreille
-Vous vous souvenez de votre rêve Sam ? Vous m’avez dit un moment que vous ne saviez plus très bien ce qu’on avait fait. Et si on allait clarifier ce que vous trouviez « un peu flou » dans ce rêve ?
Elle le serra un peu plus fort contre elle, elle nichait la tête au creux de son épaule.
-Et que doit-on faire ? Murmura t-elle, en levant les yeux sur lui.
-C’est ton rêve, Sam.
Il l’avait tutoyée, elle le regarda au fond des yeux en réalisant que c’était LUI et que c’était ELLE.
Elle lui sourit.
Un peu plus tard, elle replongea dans son rêve
La soirée se déroulait toujours de la même façon, après la bière elle voulait prendre congé, mais il ne l’entendait pas de cette oreille. Il se rapprochait à la frôler, elle sentait la chaleur de son corps si près du sien. Puis ensemble ils osaient ce qui leur était interdit depuis huit ans, ils se touchaient, d’abord timidement, puis de manière plus pressante. Leurs mains commençaient alors un ballet fantastique de mouvements désordonnés, ils perdaient le contrôle et l’entendement. Elle sentait le contact de lèvres chaudes et douces sur sa peau.
Beaucoup plus loin dans la nuit, elle se voyait alors allongée près de lui, il dormait sur le ventre, nu. Alors elle passait une main dans son dos, et sentait sous ces doigts les cicatrices de blessures ou de tortures.
Elle descendait plus bas sur sa peau et sentait une marque qu’elle connaissait bien. Elle l’avait rêvée et maintenant elle était là. C’était une crevasse profonde d’une quinzaine de centimètres de long, elle était rouge et violacée sur une partie, moins profonde et plus rose vers le bas, elle s’étalait sur ses reins et descendait loin sur la hanche droite. Elle passa son doigt dessus comme pour bien s’assurer de sa présence.
Il reposait le visage tourné vers elle, elle le regardait et ne s’en lassait pas. Elle passait sa main dans ses cheveux, dormait-il ? Pas sûr, car de temps à autre un léger sourire étirait ses lèvres.
Irrésistiblement elle était attirée par la grande cicatrice et la caressait encore, et encore, et cette fois-ci ce n’était pas en rêve.
FIN