SUPERSTAR
Le général Hammond fut très surpris de trouver Teal’c et Jonas devant son bureau à son arrivée à la base. Les deux hommes devaient l’attendre depuis longtemps car Jonas eut un sourire encore plus immense que d’habitude.
- Bonjour messieurs, salua-t-il. Il y a un problème ?
- Oui, général Hammond, répondit Teal’c avec sa franchise habituelle. Mais nous pensons être en mesure de le régler.
Le chef du Sg-C parut décontenancé par la déclaration du Jaffa et invita donc les deux hommes à rentrer dans son bureau.
- Alors ? De quoi s’agit-il ? demanda-t-il quand ils furent tous installés
- De la situation dans laquelle le colonel O’Neill et le major Carter sont, répondit Jonas.
- Et de ce fait de la situation dans laquelle nous sommes, précisa Teal’c.
Le général eut un air gêné.
- Je sais que cela fait plus d’un mois que je n’ai pas confié de missions à Sg-1. Mais vous comprenez que ce n’est pas possible avec petit Jack.
- Il faut qu’il retourne sur Gè, décida Teal’c d’une voix sans appel.
- Le colonel O’Neill et le major Carter s’y emploient, rassura le général. Soyez patients. Tout reviendra bientôt à la normale.
Teal’c et Jonas firent la moue. Leur interlocuteur n’était pas convaincu non plus par ce qu’il disait.
- A voir Sam, je ne pense pas que la méthode utilisée soit efficace, fit remarquer le Kelownan.
- Qu’entendez-vous par là ?
- Elle est exténuée, lui apprit Jonas. Je doute que dans ces conditions elle arrive à quoi que ce soit avec petit Jack…
Le général Hammond devait avouer qu’il s’était occupé le moins possible de cette affaire. Trop de choses devant normalement ne pas avoir lieu se déroulaient. Il souhaitait juste voir petit Jack débarquer à la base pour demander à rentrer chez lui.
- Et vous avez des nouvelles du colonel O’Neill ? s’enquit-il
- Oui mais il est étrange ces derniers temps, répondit Teal’c soucieux.
Le général croisa les mains en signe de nervosité.
- Je crois malheureusement que tout ce que nous avons à faire est d’attendre.
- Et si un Goa’uld ou un ennemi s’en prenait à la base ou à la Terre alors qu’O’Neill et le major Carter n’étaient pas là ? insista le Jaffa
- Il faut espérer que cela n’arrivera pas, se résigna le chef du Sg-C. Je suis désolé mais je crains que nous ne puissions pas agir autrement.
- Teal’c et moi pensons que si, monsieur, répliqua Jonas.
*
Janet frappa à la porte et entra quand le général Hammond le lui permit. Elle dut trouver la présence de Teal’c et de Jonas normale car elle ne fit aucune remarque.
- Merci d’être venue si vite, docteur Frasier.
- J’ai cru comprendre que c’était urgent, mon général.
- En effet, confirma-t-il. Dans un peu plus d’une heure, Jonas et Teal’c vont retourner sur Gè…
- Pour ramener petit Jack ? espéra Janet
- Non, soupira le général. Il se trouve encore chez le major Carter. Mais là n’est pas l’important.
Janet semblait totalement perdue.
- Qu’y a-t-il alors ?
- Il faudrait absolument que vous nous y accompagniez, docteur Frasier, dit mystérieusement Teal’c.
- Pardon ? s’étonna la jeune femme
- Serait-il possible que vous confiez Cassandra à quelqu’un pendant au grand maximum une semaine ? poursuivit Jonas
- Peut-être même au major Carter ? proposa le Jaffa
- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, tempéra le général. Elle a déjà assez à faire avec petit Jack et grand Jack.
- Je suis sûre que Cassandra se fera une joie de se garder toute seule, intervint Janet. Mais en quoi avez-vous besoin de moi et quel est le but de ce voyage si petit Jack n’y participe pas ?
Jonas prit son air le plus solennel.
- Nous voulons retrouver petite Sam.
Janet resta bouche bée et regarda le jeune homme s’il était devenu fou.
- Quoi ? Le double de Sam ? Mais pour quelle raison ?
- Mon raisonnement est un peu tiré par les cheveux, expliqua Jonas, mais je pense que c’est la seule solution pour nous débarrasser de petit Jack.
- Ah oui ? put seulement dire la jeune femme
Jonas se tourna exclusivement vers le docteur pour mieux lui faire comprendre son idée.
- Si j’ai bien compris le lien entre Gè et la Terre, il semble se passer obligatoirement sur ces deux planètes les mêmes événements ou du moins assez de choses pour que l’identité de la population soit la même.
Janet était concentrée mais secoua négativement la tête.
- Je ne vois pas très bien le rapport avec nous, avoua-t-elle.
- Vous savez que Jack et Sam ressentent quelque chose l’un pour l’autre ? demanda Jonas un peu lassé de devoir rentrer dans les détails
Janet eut un regard insistant vers le général Hammond mais Jonas ne comprenait pas qu’il devait se taire.
- Ils ont des relations… disons… amicales…
Le chef du Sg-C eut un petit rire qui fit sursauter la jeune femme.
- Oui, comme vous dites… De toute façon, rien de cette conversation ne doit sortir de la pièce.
Il eut un clin d’œil complice tandis que Janet se demandait comment son supérieur avait pu être au courant de cela en restant perpétuellement enfermé dans son bureau ou dans la salle de briefing.
- Poursuivez, Jonas, indiqua-t-il ensuite.
- Supposons donc que ces relations soient un événement déterminant dans le lien entre Gè et la Terre…
Devant le regard vide de Janet, Teal’c dut se montrer plus explicite.
- Il suppose par là que O’Neill et le major Carter auront des enfants qui vivront assez longtemps pour avoir eux-mêmes des enfants.
- De la science-fiction ! ironisa le général
Janet eut un petit sourire qu’elle fit disparaître rapidement devant le sérieux, relatif, de la situation.
- Si cela est vrai, continuait Jonas, et personnellement je crois que oui, petit Jack s’est trompé en jetant son dévolu sur Sam. Certes, elle est bien sa femme idéale mais celle qu’il lui faut est celle de Gè.
Janet digéra lentement l’information. Autour d’elle, les trois hommes attendaient son verdict.
- Donc vous pensez que si nous ramenons petite Sam à petit Jack, il oubliera instantanément notre Sam et repartira chez lui ?
- Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… loin de ma base ! épilogua le général avec le plus grand sérieux
Tout ceci commençait vraiment à l’épuiser et cela jouait un peu sur ses nerfs et son sens de l’humour.
- Je ne vois toujours pas en quoi je pourrais vous aider, fit remarquer Janet.
Teal’c et Jonas se regardèrent et le Jaffa finit par se racler la gorge.
- Je pense qu’il serait mieux que vous le constatiez par vous-même quand nous serons là-bas, se défila-t-il.
Janet fronça les sourcils. Elle était à la fois intriguée et peu rassurée par le silence de son ami.
- Disons que vous êtes la personne disponible la plus proche de Sam, ajouta rapidement Jonas. Je pense aussi que vous êtes la mieux à même de la comprendre et de la convaincre de venir avec nous.
- Et surtout vous êtes la seule qui connaissiez assez le major Carter pour savoir où elle pourrait être, renchérit Teal’c.
- Si elle est la copie aussi fidèle de Sam que petit Jack l’est du colonel O’Neill, je ne vous serai d’aucune utilité, nota Janet.
A les voir, cet élément ne semblait pas atteindre leur détermination à l’associer à ce voyage.
- Et qui vous dit que Sam n’est pas déjà morte ou soit encore une adolescente ou pire un bébé ? réalisa la jeune femme
Apparemment, les trois hommes n’avaient pas envisagé cette possibilité.
- Il faut espérer que le major Carter et le colonel O’Neill soient vraiment liés, relativisa le général Hammond.
Tous restèrent pensifs quelques secondes.
- Enfin, reprit-il, quelle est votre décision, docteur Frasier ?
- Laissez-moi une demi-heure et je viens, répondit-elle.
*
Teal’c, Jonas et Janet se dirigeaient vers la ville depuis cinq bonnes minutes. Dès leur arrivée, la jeune femme avait senti l’attitude des deux hommes changer. Silencieux, ils n’avaient rien voulu dire sur la réelle raison de sa présence sur Gè et s’étaient plus appliqués à observer la réaction des rares personnes qu’ils rencontraient sur leur passage.
D’ailleurs, Janet devait avouer que le comportement des autochtones était des plus étonnants. C’était simple : soit ils restaient bouche bée d’admiration, soit ils partaient en courant vers la ville comme persuadés d’avoir vu le diable. Janet avait bien interrogé du regard ses deux compagnons de voyage mais ils n’avaient même pas daigné répondre.
Elle fronça les sourcils en apercevant une foule compacte aux abords de la ville. En se rapprochant, elle put constater que la masse des gens rassemblés attendait les trois membres du Sg-C.
- C’est l’heure de vérité, déclara solennellement Jonas.
Le jeune homme prit une grande inspiration et incita Janet à rejoindre l’attroupement qui semblait retenir son souffle. Surprise, la jeune femme se laissa faire et fut engloutie rapidement. Insensibles à ses appels de détresse, Teal’c et Jonas se tenaient à l’écart observant ce qu’il allait se passer. D’abord paniquée, Janet se calma lorsqu’elle lut avec stupéfaction toute l’incrédulité et l’admiration emplissant les yeux des Géiens. Mais que lui voulaient-ils ? Et pourquoi Jonas et Teal’c n’étaient-ils pas sources d’autant d’intérêt ?
- Je pourrais avoir un autographe, s’il vous plait ?
Une jeune femme à peine plus âgée que Janet lui tendait d’un air suppliant un papier et un crayon. Elle la regarda comme si elle était folle. Mais à quoi rimait toute cette mascarade ? Elle les observa tous et vit que leur engouement semblait sérieux. Elle voyait déjà d’autres crayons se tendre timidement vers elle. Etait-ce une coutume locale ? Devant la posture attentiste de Teal’c et Jonas, cela devait être le cas. Malgré tout, son âme rationnelle ne pouvait se prêter à ce jeu.
- Mais vous ne savez même pas qui je suis !
Un rire se fit entendre dans l’assistance troublant d’autant plus la jeune femme.
- Désolée mais on vous a reconnue ! Vous êtes Janet Frasier ! La plus grande actrice de Gè !
- La plus grande actrice de Gè ? répéta le médecin en chef du Sg-C. Vous plaisantez ? Je ne peux pas être actrice !
A entendre les nouveaux éclats de rire, ils pensaient réellement ce qu’ils disaient. Plissant les yeux d’un air mauvais en direction de Teal’c et Jonas, elle remit lentement en place les pièces du puzzle. Elle ignora le crayon qu’on lui destinait et joua des coudes pour rejoindre les deux hommes.
- C’est pour ça que vous m’avez emmenée ? demanda-t-elle atterrée
- Votre double est la personne la plus influente de cette planète, expliqua Jonas. Elle est adulée comme une déesse et a la plus grande fortune ! Ce qui fait que personne ne peut vous refuser quelque chose !
Janet, mécontente, croisa fermement ses bras contre elle. Cette soudaine notoriété ne lui plaisait pas du tout.
- Il n’y a que vous qui pourriez nous faire accéder aux fichiers d’état civil ou autres qui nous permettraient de savoir où est le double du major Carter, ajouta Teal’c plus pratique.
Janet leva les yeux au ciel. Le général Hammond devait être réellement à bout pour autoriser une mission aussi délirante !
- Mais que voulez-vous que je fasse ? se lamenta-t-elle. Qu’entre deux autographes, je demande si par hasard quelqu’un connaîtrait une certaine Samantha Carter ?
- Pensez aussi à leur demander où on pourrait trouver un coin pour manger et passer la nuit, indiqua Jonas sérieusement.
C’était totalement insensé ! De quel droit osait-elle se servir de la célébrité de son double ?
- Je ne peux pas faire ça ! Ce serait les tromper !
Teal’c la fixa gravement.
- Vous êtes notre seul moyen de trouver le double du major Carter et de la libérer de petit Jack, lui révéla-t-il. Nous n’avons aucune autre alternative en si peu de peu de temps.
Janet fit la moue. Jouer ce rôle ne l’enchantait pas mais c’était l’unique solution. Elle acquiesça finalement.
- Allez-y, docteur Frasier, l’encouragea le Jaffa. Chaque seconde est précieuse.
Vaillamment, Janet réintégra la foule et retrouva sa première fan. Elle prit le crayon entre ses doigts.
- Alors ? Quel est votre nom ?
*
Jonas faisait une sieste bien méritée dans le mœlleux canapé de la suite somptueuse que Teal’c, Janet et lui partageaient quand la jeune femme débarqua comme une furie suive de près par le Jaffa.
- Quelque chose ne va pas ? demanda innocemment Jonas
Le sourcil relevé de Teal’c ne prévoyait rien de bon. L’air furibond de Janet non plus.
- Comment avez-vous osé faire cela ? hurla-t-elle. Comment ?
Elle se serait jetée sur lui si Teal’c ne l’avait pas retenue. Jonas ressassa toutes les choses répréhensibles qu’il avait pu faire et pâlit en trouvant la raison du courroux de Janet.
- Les photos…
- Oui ! confirma Janet. Les photos ! Vous pouvez dire que vous manquez cruellement de chance, Jonas ! J’aurais pu ne rien savoir si vous ne m’aviez fait pas ce compliment à votre retour sur Terre !
Teal’c opina du chef.
- Nous vous avions conseillé de ne rien dire, Jonas Quinn, rappela-t-il.
- « Je ne m’étais jamais rendu compte à quel point vous étiez belle » ! se souvint Janet. Et moi, comme une idiote, j’ai trouvé ça mignon !
Elle se libéra violemment de Teal’c et fit les cent pas sans quitter le jeune Kelownan des yeux.
- Je n’arrive pas à croire que vous ayez pu regarder !
- Qu’auriez-vous fait à ma place ? se défendit Jonas
- Personnellement, on m’a proposé et je n’ai rien regardé, indiqua Teal’c.
Son ami rit jaune.
- Merci de votre aide, Teal’c.
- Mais je vous en prie, Jonas Quinn.
Après tout, le jeune homme avait été prévenu. Personne, pas même Sam, ne devait regarder. Ils devaient faire cela par respect pour la Janet qu’ils connaissaient et occulter totalement la présence du si célèbre double de leur amie. C’était d’ailleurs pour cela qu’ils s’étaient installés au labo de petit Jack. Cet endroit, véritable paradis pour tous les gens un tant soit peu curieux, était totalement fermé à l’idolâtrie envers Janet. Mais Jonas avait transgressé l’interdiction de ses équipiers en regardant, croyant que ce serait sans conséquence. Comment aurait-il pu prévoir que Janet aurait à venir sur Gè ?
- Il y a vraiment des gens tordus, je vous assure ! poursuivait la jeune femme. Oser me montrer ça ! Et me demander de le signer ! Je me demande encore comment mon double a pu faire une chose pareille !
- Mais vous êtes très bien là-dessus, rassura Jonas.
Les éclairs qui brillèrent dans les yeux de Janet lui apprirent qu’il aurait mieux fait de se taire. Le jeune homme soupira. Il voulait seulement apaiser son désarroi.
- Mettez-vous bien ça dans le crâne, Jonas ! lui asséna Janet. Ce n’est pas moi sur ces photos ! Ça y ressemble beaucoup mais même sous la torture des Goa’ulds, je ne poserais jamais nue ! J’ai une fille et une vie respectable !
Teal’c laissa Janet se complaire dans le rôle d’une femme propre sur elle. Tous ces changements devaient la troubler et il était normal qu’elle évacuât son stress d’une manière ou d’une autre. Dommage pour Jonas, c’était tombé sur lui.
Le Jaffa s’approcha de la baie vitrée menant au balcon. Bougeant très légèrement le rideau, il observa le pied de l’hôtel. Noir de monde comme depuis leur arrivée. Scrutant la foule des anonymes, il tenta de voir lequel d’entre eux leur livrerait le commencement d’information qu’ils attendaient. Cinq jours étaient déjà passés et ils n’avaient rien.
- Ils sont de plus en plus nombreux, fit-il remarquer.
A ces mots, Janet arrêta ses jérémiades et le rejoignit. Instinctivement, elle massa son poignet encore douloureux.
- Je vais quand même y aller, Teal’c, déclara-t-elle. Ne vous inquiétez pas.
Jonas fronça les sourcils devant cette affirmation. Est-ce que par hasard Janet prenait plaisir à jouer à la star ?
- Vous pouvez faire une pause, proposa le jeune homme.
- Vous ! Taisez-vous ! cria-t-elle immédiatement. Jusqu’à présent, c’est moi le médecin ici et je sais où sont mes limites !
- Ecoutez, docteur Frasier, tempéra Teal’c, Jonas Quinn a raison. Cela fait cinq jours que vous n’arrêtez pas.
- Je vous assure que je vais bien, dit-elle d’un ton déterminé. Il faut que j’y aille.
Le Jaffa et le Kelownan acquiescèrent mollement. Il devenait un peu trop facile de persuader la jeune femme de rejoindre ses fans. Remarquant la crainte de ses deux amis, Janet prit son air le plus sérieux.
- Si je le fais, c’est seulement pour Sam et le Sg-C.
Jonas haussa les épaules et regarda Teal’c. Celui-ci semblait d’accord.
- Bon, ben, on vous accompagne alors, ajouta le jeune homme.
*
Janet se sentit immédiatement mieux quand elle passa la porte la séparant de la foule en délire. Jamais elle n’avait été l’objet de tant d’attention. Jamais elle n’avait espéré être si respectée et adulée. Bien sûr, son statut au Sg-C était très gratifiant mais ici elle avait l’impression de recevoir enfin toute la gratitude qu’elle méritait pour participer chaque jour à la sauvegarde de la Terre. Il lui semblait que tous ces gens rassemblés dans l’espoir de la voir et la toucher était sa récompense, son dû.
Elle s’avança parmi eux avec ravissement, un sourire des plus étincelants aux lèvres, se laissant frôler dans une caresse éternelle. Probablement inquiet de la voir disparaître complètement, Jonas l’agrippa fermement. La jeune femme se dégagea délicatement afin de ne pas brusquer ses fans. Elle se tourna vers son ami en gardant son visage radieux.
- Lâchez-moi, dit-elle en retenant sa rage. J’ai une mission à accomplir.
Son ton si péremptoire le pétrifia et la jeune femme reporta toute son attention sur la foule. Jonas, hébété, décida de regagner le haut des marches où se tenait Teal’c. D’ici, ils pouvaient suivre le moindre fait et geste de Janet. Le Jaffa paraissait préoccupé.
- A votre avis, demanda Jonas, de quelle mission parlait-elle ?
- Souhaitons que ce soit celle de retrouver le double du major Carter et non pas celle de contenter ses admirateurs, eut Teal’c pour seule réponse.
Jonas soupira en regardant la foule se presser autour de leur amie. Jusqu’à présent, tous étaient restés calmes, peut-être trop timides pour oser quelque chose de dangereux contre Janet. Les deux hommes observaient la scène depuis quelques minutes quand une femme, s’extrayant difficilement de la masse, s’approcha d’eux.
- Bonjour, bredouilla-t-elle intimidée.
- Janet Frasier est juste derrière vous, indiqua Teal’c.
- Oh ! Je sais, répliqua la jeune femme. Mais c’est vous que je venais voir.
Teal’c et Jonas se regardèrent avec surprise.
- Nous ? dirent-ils en chœur
La jeune femme acquiesça et sortit avec précaution deux magazines de son sac.
- Au début, je n’était venue que pour voir Janet Frasier mais quand je vous ai aperçus, j’ai failli m’évanouir ! Teal’c et Jonas Quinn sur Gè avec notre Janet Frasier ! Ça c’est étonnant ! Dire que j’allais finir par croire que tout ce que racontaient ces journaux était des canulars !
Elle rougit comme une pivoine et leva des yeux timides vers eux.
- Je peux vous toucher ? demanda-t-elle misérablement. Comme ça, je verrai si vous êtes réels.
Teal’c avait énormément de mal à évaluer la situation. Comment pouvait-elle les connaître ?
- Oui, répondait Jonas aussi gêné qu’elle. Nous verrons nous aussi si vous êtes réelle.
Le contact fut bref mais leur ôta tout doute. Ils étaient bien tous ensemble dans la même réalité. La jeune femme gloussa sottement.
- Quand je dirai ça à mes amies, elles n’en reviendront pas ! Dire qu’elles me trouvent stupides d’attendre chaque semaine les numéros du Tauri-Match et du SgC-Inquire !
- Le Tauri-Match ? répéta Teal’c
- Le SgC-Inquire ? ajouta Jonas
La jeune femme parut surprise et regarda tour à tour les deux hommes.
- Vous ne connaissez pas le magazine dont vous êtes les héros ? s’étonna-t-elle. Je sais que sur Gè nous ne sommes pas très nombreux comme fans mais on s’arrachait tous les numéros sur Netu !
- Quoi ? s’écria Jonas
- Sur Netu ? reprit Teal’c interdit
La jeune femme leur tendit les deux magazines en question. Le Jaffa faisait la couverture du SgC-Inquire dans un article intitulé « Cartographie des différents levers de sourcils de Teal’c » et Jonas était à la une du Tauri-Match à l’occasion de son entrée dans Sg-1. Fébrilement, Teal’c feuilleta le journal et découvrit avec horreur une multitude d’informations sur la vie privée du personnel du Sg-C. Faisant de même de son côté, Jonas s’arrêta sur la double page centrale.
- Un poster du général Hammond, lui indiqua la jeune femme au cas où il ne l’aurait pas reconnu. Il est adoré comme un dieu à Ginetteland. Mais rassurez-vous, vous avez des fans fidèles vous aussi.
- Super ! s’exclama le Kelownan
La jeune femme se mit entre ses deux idoles et leur commenta les deux magazines.
- Comme vous le constatez, contrairement à son nom, le SgC-Inquire fait plus dans l’investigation. Ses journalistes font d’amples recherches pour leurs articles. Le Tauri-Match est plus basé sur l’événementiel et les interviews.
Teal’c paraissait profondément ébranlé. A en croire la jeune femme, ceci durait depuis des années.
- Quel est votre nom ? demanda-t-il alors
- Antéa.
Avant qu’il eût pu protester, elle lui tendait un stylo. Il ne put rien faire devant ce sourire si charmant et signa. Elle en fit de même pour Jonas puis gloussa de nouveau.
- Excusez-moi mais je n’arrive pas à y croire !
- Antéa, demanda Jonas, comment vous êtes-vous procurés ces magazines ?
- Un jour, quelqu’un m’en a proposé un, raconta la jeune femme. J’ai trouvé ça marrant de voir une de mes connaissances vivre de telles aventures et ensuite je me suis laissée prendre au jeu. Je me suis abonnée et chaque lundi à neuf heures pile, les magazines apparaissent devant moi, peu importe l’endroit où je suis.
Antéa fit une grimace.
- Je vous déconseille de prendre une douche à ce moment là. Ils ne sont pas imperméables.
Jonas prit les mains de la jeune femme dans les siennes. L’heure était grave.
- Antéa, demanda-t-il avec le plus grand sérieux, pouvez-vous nous permettre de nous abonner ?
Teal’c regarda Jonas avec stupéfaction. Avait-il donc perdu la tête ?
- Je cherche tout simplement à savoir s’il y a ou a eu des informations compromettantes qui ont filtré.
- Vous pouvez en plus commander tous les anciens numéros, précisa Antéa. Je serai ravie de vous aider. Pour un parrainage, on reçoit un exemplaire de la photo de mariage des Jack et Sam de la réalité alternée.
- Les Jack et Sam de la réalité alternée étaient mariés ? s’écria Jonas sous le choc. C’est pas vrai !
- Quoi ? Ne faites pas l’étonné, ce n’était pas la première fois !
- Ce n’était pas la première fois ? répéta Jonas traumatisé. Mais les rapports du docteur Jackson sont très lacunaires !
Teal’c leva les yeux au ciel. Si Jonas s’abonnait, ce ne serait probablement pas les données compromettantes pour la Terre qu’il chercherait à trouver en premier.
- Ça m’a fait bizarre de voir Sam mariée, leur apprit Antéa. En fait, c’était bizarre de voir Sam tout court. Elle est tellement différente de celle que je connais !
Les cœurs de Teal’c et Jonas ne firent qu’un bond.
- Antéa ? articula lentement le Kelownan. Vous connaissez petite Sam ?
- Qui ?
- Le double sur Gè du major Carter ! rectifia Teal’c un peu agacé
- Bien sûr ! répondit Antéa avec évidence. Nous étions dans la même école. Elle a quelques années de moins que moi mais nous nous sommes toujours bien entendues.
Si la jeune femme disait vrai, petite Sam devait avoir une vingtaine d’années. Elle était donc parfaite pour petit Jack.
- Vite ! s’agita Jonas. Il faut prévenir le docteur Frasier !
Il se tourna vers la foule et chercha désespérément leur amie. Antéa le regarda avec étonnement.
- Elle a dû partir avec ses gardes du corps.
- Quels gardes du corps ? demanda Teal’c inquiet. Et pourquoi tous ces gens restent là si elle n’est plus là ?
- Elle reviendra après l’enregistrement de son show hebdomadaire, indiqua la jeune femme. Maintenant qu’elle est rétablie, il va enfin reprendre. Ça faisait déjà trois mois que ça durait !
Jonas pâlit dangereusement tandis que Teal’c restait impassible.
- Ils ont kidnappé le docteur Frasier pour qu’elle remplace leur…
Le Jaffa fit signe à son ami de se taire. Là où elle était, Janet ne serait pas maltraitée. Ils devaient se concentrer sur le double de Sam.
- Cela vous plairait de monter dans notre suite, Antéa ? demanda-t-il en s’inclinant devant la jeune femme déjà prête à dire oui. Nous voulons en savoir plus sur votre major Carter.
- Et sur l’abonnement au Tauri-Match et au SgC-Inquire ! ajouta Jonas
*
Janet enleva lentement sa veste militaire. Elle regarda autour d’elle le souffle coupé. Tout ce qu’elle avait cru être beau jusqu’à présent n’était rien à côté de ce qui se trouvait dans l’immense pièce : un doux tapis ocre au sol, une peinture immaculée et vierge de tout ornement, un mobilier ivoire constitué d’une longue table, six chaises matelassées, un profond canapé de cuir et deux fauteuils. Le moindre objet était blanc et Janet se sentait comme sale dans cet environnement si pur.
- La ressemblance est frappante.
Janet se retourna brusquement en entendant la voix. Sur le pas de la gigantesque porte de bois blanc, trois personnes l’observaient. C’était l’unique homme qui avait parlé. La quarantaine élégante, il avança vers elle avec un regard suspicieux. Il fit un tour autour d’elle comme si elle était une bête curieuse. Les deux femmes, l’une aussi rousse que l’autre était blonde, restaient au loin attendant vraisemblablement le verdict de l’homme.
- C’est sa copie conforme.
Janet plissa les yeux de mécontentement. L’homme eut un sursaut.
- Vous reproduisez ses mimiques à merveille, constata-t-il. Il me faut absolument le nom de votre chirurgien.
- Je suis Janet Frasier, affirma la jeune femme outrée par ces remarques
- Mais oui, mon petit, répondit-il sur un ton compatissant. Si nous n’avions pas autant besoin de vous, je vous aurais déjà fait arrêter pour usurpation d’identité.
- Ken !
La jeune femme rousse les rejoignit à pas lents. Janet remarqua alors qu’elle était enceinte et pratiquement sur le point d’accoucher. Elle eut un sourire chaleureux pour la future maman qui le lui rendit.
- Je suis Laura, l’assistance de Janet, se présenta-t-elle. Et voici Ken, son manager. Excusez-le mais il est un peu nerveux.
Ses mains se tordirent tant elle était gênée.
- Je ne sais pas comment vous le dire sans vous brusquer mais vous devez nous aider.
- Je ne vois pas pourquoi je vous aiderais, répliqua Janet plus sèchement qu’elle ne le pensait. Vous m’avez pratiquement enlevée.
- Si vous ne le faites pas, on vous livrera à la police, menaça Ken avec toujours autant de tact.
Laura posa doucement sa main sur l’épaule de son ami.
- Nous ne ferons pas ça, Ken, tu le sais bien.
- De toute façon, vous pouvez me faire arrêter, déclara Janet déterminée. Je suis Janet Frasier. J’ai son ADN.
Ken et Laura se regardèrent interloqués. La jeune femme vit là sa seule chance de s’expliquer.
- Je suis originaire de la Terre, la planète d’où sont issus vos ancêtres. Pour une raison que j’ignore, nos populations sont les mêmes. Je suis donc Janet Frasier au même titre que celle que vous connaissez.
Ken et Laura s’écartèrent pour échanger leurs impressions mais sans grande discrétion.
- Elle est folle ! lança l’homme
- Peu importe qui elle prétend être, relativisa Laura. Nous avons besoin d’elle !
Elle se tourna vers Janet. Le docteur se sentait étrangement à l’aise avec elle.
- Si vous êtes Janet alors vous serez prête à lui rendre service.
Janet ne répondit pas et Laura poursuivit.
- Sa vie n’a pas été facile et tout ce qu’elle a aujourd’hui, elle ne le doit qu’à elle seule. Pour cela, elle a tout sacrifié à ses fans. Un peu trop même. Maintenant elle est à bout de forces. Nous avons pu suspendre le show hebdomadaire mais ses autres prestations sont catastrophiques. Il lui faut donc un repos total. Mais le statut de star, même à son niveau, n’est pas acquis. Compte tenu de tout ce qu’elle a donné, personne ne comprendrait et cela lui serait très dommageable.
- Vous voulez que je la remplace ? devina Janet
- Elle vous en serait éternellement reconnaissante, ajouta Laura.
- Oui et ce ne serait que pour quelques jours, renchérit Ken. Le temps d’enregistrer assez d’émissions pour tenir pendant un bon mois. Ensuite vous pourrez rejoindre votre planète !
Laura lui lança un regard noir.
- Naturellement, vous serez rémunérée, précisa-t-elle.
Laura s’assit lourdement dans le canapé. Elle paraissait épuisée. Elle devait fournir plus d’efforts que d’habitude pour pallier la maladie de son amie. Dans son état, cela n’était pas du tout recommandé.
- Vous savez que vous devez vous ménager à ce stade de votre grossesse ? lui rappela Janet.
Elle surprit le regard inquiet de Ken sur Laura qui respirait profondément.
- Elle a raison, appuya-t-il. Henry me tuerait s’il arrivait quelque chose à toi ou à notre mascotte.
- Ça va, affirma la jeune femme avec véhémence. Je vous assure que ça va.
- C’est pour quand précisément ? demanda Janet
- Dans une semaine, répondit Laura avec un grand sourire. J’attends ça avec impatience mais je ne sais plus si c’est pour voir le bébé ou pour retrouver une taille normale !
- Les deux se valent ! répliqua Janet en riant. C’est un garçon ou une fille ?
- On n’a pas voulu le savoir. Mais ce sera Miranda ou Georges.
- Mme Hammond ! appela alors une voix
Janet sursauta en entendant ce nom et resta bouche ouverte quand elle vit Laura se retourner. Georges ou Miranda… Mme Hammond… Elle était tout simplement en face de la mère du chef du Sg-C et même devant son supérieur mis à part qu’il nageait encore dans son liquide amniotique.
La jeune femme blonde, qui avait disparu depuis un moment, s’élança vers eux.
- Mme Hammond ! Mme Frasier s’est réveillée et ça n’a pas l’air d’aller mieux !
Ken soupira et aida Laura à se lever.
- Je vais aller chercher un médecin, décida-t-il. Reste à son chevet en attendant.
- Ce ne sera pas la peine, intervint Janet. Je suis docteur.
Ken mit ses mains sur ses hanches en signe de désespoir tandis que Laura souriait.
- C’est la Providence qui vous envoie !
Janet ne savait pas si elle supporterait de se voir malade et diminuée. Cependant une voix intérieure lui soufflait de soigner son double. Qui pourrait mieux qu’elle comprendre ses maux ?