Citations du moment :
«L'intelligence artificielle se définit comme le contraire de la bêtise naturelle.»
[ Woody Allen ]
Imagine

A sa place : Chapitre 2

Près de deux semaines étaient passées quand Sam revint chez elle avec Michael et Emilie.

 

Elle avait insisté pour que ses trois coéquipiers repartent pour Colorado Springs après l’enterrement. Jacob était reparti avec eux et avait passé la porte des étoiles le lendemain. Hammond espérait beaucoup que Selmak pourrait aider son ami, mais en doutait.

 

Sam avait passé tout son temps à s’occuper de Michael et Emilie tout en réglant la multitude de problèmes administratifs qui s’était présentée à elle. La maison était à présent en vente, et les inscriptions scolaires de ses neveux réglées. Elle voulait les renvoyer assez rapidement à l’école, afin qu’ils se fassent de nouveaux amis. De plus le fait de traîner avec elle dans leur ancienne maison ne faisait qu’exacerber la douleur des enfants. Sam était épuisée, elle passait ses nuits à courir de l’un à l’autre quand ils se réveillaient en pleurant.

 

Quand Sam arriva chez elle, les enfants et elle eurent l’excellente surprise de découvrir que les deux chambres d’amis avaient été entièrement décorées aux goûts des enfants.

 

Jack, Daniel et Teal’C avaient passé tout leur temps libre à courir les magasins de bricolage et retapisser les deux pièces. Jack avait confié sa carte bancaire à Cassandra en lui donnant crédit illimité, et la jeune fille avait choisi le mobilier et la décoration avec un goût irréprochable. La totalité des deux dernières primes de risque du colonel O’Neill y était passée, mais il ne manquait pas même la dernière console de jeux dans la chambre de Michael quand il y entra. 

 

Sam sourit en regardant son neveu et sa nièce s’extasier devant leurs nouvelles chambres, et elle remercia le ciel d’avoir un jour laissé une clé à O’Neill.

 

Sam appréhendait néanmoins énormément cette nouvelle vie à trois. A San Diego, elle avait été aidée par plusieurs cousins et amis de la famille, et s’était rarement retrouvée seule avec les enfants, sauf la nuit.

 

Et s’il y avait une seule chose au monde que le major Carter ne savait pas faire, c’était bien s’occuper d’enfants.

 

Dès le lendemain de leur arrivée, elle avait été avec eux visiter leur école. Ils reprirent la classe dès le jour suivant et Sam en profita pour se rendre au SGC.

 

 

Elle jeta un coup d’œil à la chemise cartonnée posée à côté d’elle dans la voiture.

La chemise qui contenait sa lettre de démission de SG1.

 

C’était fini. Elle ne repasserait plus la porte. Si seulement elle l’avait su en revenant de P7X534, elle aurait savouré chaque instant… Elle se serait imprégnée de cette sensation magique qui accompagnait chaque passage de la porte. Au lieu de cela, elle l’avait traversée sans y penser, blasée par l’habitude. Si seulement elle avait su… Elle avait, pendant sept ans, fait partie de l’infime minorité de terriens qui pouvait partager le plus grand secret de l’univers avec des races extraordinaires, et elle ne s’en était même plus rendu compte.

 

C’était fini. SG1, c’était fini. L’alliance sacrée, elle n’en faisait plus partie. C’en était fini des instants bénis où ils partageaient tous les quatre cette fabuleuse montée d’adrénaline. Où ils sauvaient l‘univers. Ces minutes magiques où ils agissaient de concert sans avoir besoin d’échanger la moindre parole pour se comprendre. Fini.

Elle se revit, à genoux dans l’herbe à l’autre bout de l’univers, à collecter des informations sur une civilisation extra-terrestre, avec Daniel, Teal’c et Jack à ses côtés.

 

Jack.

 

Ses mains se crispèrent sur le volant.

 

Elle avait toujours imaginé qu’il serait la seule personne qui pourrait un jour la faire renoncer au SGC. Elle pensait que la fin de SG1 signifierait qu’il aurait pris sa retraite... pour elle… pour eux…

 

Elle comprenait à présent que perdre SG1, c’était aussi perdre Jack. Que tout ce qui les séparait quand ils étaient dans l’armée les rapprochait en même temps. Que toutes les nuits où elle avait pleuré silencieusement dans son sac de couchage parce qu’elle ne pouvait pas le toucher alors qu’il dormait près d’elle, elle ne les aurait plus. Plus jamais. Que maintenant elle allait continuer de pleurer, mais qu’il serait à plusieurs centaines d’années lumière d’elle et qu’elle ne pourrait plus jamais contempler son visage endormi.

 

Une larme commença à couler sur sa joue. Elle l’essuya d’un revers de main rageur. Elle arrivait devant le premier poste de garde de Cheyenne Mountain.

 

 

Hammond reposa la lettre devant lui et regarda les yeux bleus de la jeune femme. Il savait que cela arriverait, la fin de SG1. Il savait, depuis des années, qu’un jour O’Neill viendrait le trouver pour démissionner, qu’il devrait refuser, leur trouver une solution, quelque chose qui puisse enfin leur permettre d’être ensemble, ou bien accepter le départ de son meilleur officier.

 

Il n’avait jamais pensé, jusqu’à ces dernières semaines, que ce serait Sam qui viendrait. Il savait les sacrifices personnels qu’elle faisait, à tous points de vue. Quel gâchis. Quel monstrueux gâchis.

 

Le général Hammond soupira.

-         Démission acceptée, Major.

-         Merci, mon général.

Sa voix était à peine un murmure. Hammond se leva, fit le tour de son bureau et serra la jeune femme dans ses bras. Il savait qu’elle luttait pour ne pas pleurer de rage. Il s’éloigna d’elle.

-         Cela a été un honneur de servir sous vos ordres mon général.

-         Pour moi aussi cela a été un honneur, Sam. Je suis sincèrement désolé.

-         Je sais. Moi aussi.

-         Ils doivent revenir dans quelques minutes. Voulez-vous les voir ?

Elle hésita un instant, puis acquiesça. Il fallait en finir avec tout cela.

 

Quand elle arriva en salle d’embarquement, le premier chevron s’enclenchait.

Elle se tenait seule, debout face à la porte gigantesque qui avait représenté toute sa vie.

 

Elle essayait de s’imprégner une dernière fois de cette ambiance quasi religieuse, de retenir chaque seconde de l’activation du vortex devant elle. Elle se souvenait de son premier passage. Du froid, de la vitesse vertigineuse, de l’impression de puissance et de vulnérabilité à la fois.

 

De la main de Jack dans son dos qui l’avait propulsée dans ce nouvel univers.

 

A cet instant le colonel O’Neill s’avança, sortant de la vague bleue, et se figea sur la rampe en apercevant la jeune femme debout face à lui. Daniel et Teal’C suivirent quelques instants plus tard, l’archéologue heurtant Jack qui ne sembla même pas s’en rendre compte. O’Neill descendit lentement la rampe pendant que la porte se refermait et se tint face à Sam. Daniel et Teal’C, ayant eux aussi aperçu la jeune femme, s’avancèrent à leur tour.

Daniel demanda :

-         Alors ?

-         J’ai remis ma démission au général Hammond. Il l’a acceptée.

Ils restèrent silencieux plusieurs secondes, puis Sam ajouta avec un petit sourire mal assuré :

-         Vous pensez que vous allez vous en sortir, sans moi ?

-         J’en doute, Sam, répondit Daniel avec le même sourire. Mais vous restez au SGC, non ?

-         Oui, j’ai même le droit de garder mon labo. J’ai un mois de congé pour m’occuper des enfants, tout cela… et après je reviens. Je…enfin je ne suis pas sûre d’arriver à travailler au SGC sans pouvoir repartir en mission, mais j’essayerai. Sinon je pourrai toujours demander une nouvelle affectation, repartir au Pentagone…

Daniel et Teal’C acquiescèrent. Jack ne bougea pas. Sam sourit à nouveau :

-         Je vous rappelle que vous avez rendez-vous avec l’infirmerie, messieurs !

-         On vous retrouve après ?

Elle hésita, mal à l’aise :

-         Non, je ne crois pas… je suis juste passée remettre ma lettre au général Hammond et reprendre mes affaires personnelles. Je dois rentrer, Michael et Emilie ne vont pas tarder à sortir de l’école, je dois absolument y être.

-         Bien sûr. Comment cela se passe avec eux ?

-         Bien. Très bien.

Teal’C, Daniel et Jack surent instantanément qu’elle mentait mais ne dirent rien. Daniel demanda :

-         On pourra passer vous voir, un de ces jours ?

-         Euh… oui… enfin, comme vous voulez…

Elle était manifestement gênée, ne sachant que répondre. Elle changea de sujet et sourit, franchement cette fois :

-         Merci pour les chambres. Merci beaucoup, c’est… parfait. Lequel a de tels talents de décorateurs ?

-         O’Neill a confié sa carte de payement à Cassandra pour qu’elle s’en occupe. Je doute que l’un de nous trois ait été capable de faire cela, major Carter.

La voix du jaffa était encore plus posée et douce qu’à l’ordinaire. Sam regarda Jack avec gratitude :

-         Mon colonel, vous me direz combien je vous…

Il l’arrêta d’un geste de la main et secoua la tête.

Ils restèrent à nouveau silencieux quelques instants. Sam sembla vouloir ajouter quelque chose, hésita, puis murmura dans un souffle :

-         Servir à vos côtés a été le plus grand honneur de ma vie, messieurs.

Sa voix se brisa sur le dernier mot. Elle tourna les talons et sortit rapidement de la salle. Très rapidement.

 

Daniel jeta son sac à terre et donna un violent coup de pied dedans. Puis les trois coéquipiers se dirigèrent lentement vers l’infirmerie.

 

Jack n’avait toujours pas prononcé un mot.

 

 

-         Elles sont nulles tes crêpes. Tu ne sais même pas cuisiner. T’es nulle. Maman elle faisait les meilleurs crêpes de la Terre.

Le garçon jeta son assiette par terre sans quitter Sam des yeux. La jeune femme se mordit la lèvre. Emilie se remit à pleurer doucement devant son déjeuner. Sam respira un grand coup, sortit la pelle de sous son évier et entreprit de ramasser la crêpe et les morceaux de porcelaine brisée. Elle demanda doucement :

-         Qu’est-ce que tu veux manger Michael ?

-         Je veux les crêpes de maman.

-         Ce n’est pas possible, Michael. Je suis désolée, ce n’est pas possible. J’essaye de suivre la recette, je suis désolée. Tu veux m’aider à les faire ?

-         NON. Je ne veux pas t’aider. Je te déteste. Et Emilie aussi je la déteste, je vous déteste tous !

 

Michael quitta la cuisine en courant. Sam entendit la porte de sa chambre claquer. Elle lâcha la pelle, se releva doucement et prit dans ses bras Emilie qui pleurait de plus belle.

-         Pour…pourquoi il me déteste ??

-         Chut ma chérie… Il ne te déteste pas, il t’adore. Il est juste très très malheureux, comme nous, et il ne se rend pas compte de ce qu’il dit. Mais je te jure qu’il t’aime. Au fond de son cœur, il nous aime beaucoup, mais il a trop mal pour le montrer.

-         Je veux maman…

Le cœur de Sam se serra et elle ferma les yeux un instant.

C’est à ce moment qu’on frappa à la porte d’entrée. Sam prit l’enfant dans ses bras et alla ouvrir.

 

Teal’C, Daniel et Jack se tenaient devant la porte. Teal’C tenait ce qui ressemblait à une boite de gâteau et Daniel avait le bras droit en écharpe.

 

Ils restèrent un instant sans voix devant le spectacle qui s’offrait à eux. La petite fille était en pleurs. Les cheveux de Sam étaient en désordre et ses traits tirés. Elle portait un simple jean et un T-Shirt blanc.

 

Daniel, après un instant d’hésitation, demanda :

-         Euh… on était passés vous voir avec un gâteau au chocolat… mais si vous préférez qu’on revienne à un autre moment…

Sam ferma les yeux un instant. Elle n’était pas en état de parlementer. Elle leur fit signe de la tête d’entrer et ils la suivirent dans la maison.

 

Le salon était sans dessus dessous. Le sol était jonché de jouets et de livres divers. Le canapé écru était recouvert de traces de feutre. Une canette de soda gisait sur un fauteuil. L’évier de la cuisine était rempli de plats sales. Les restes d’un repas s’étalaient sur la table de la salle à manger et il y avait une assiette brisée sur le carrelage. Avec une crêpe.

 

Les trois hommes s’entre-regardèrent : Sam avait toujours été un modèle de propreté et d’organisation. Ils étaient rarement venus prendre un verre chez elle, car ils avaient peur de ce qui pourrait leur arriver s’ils faisaient la moindre tâche sur la moindre parcelle de son si joli intérieur.

 

Elle ne semblait même plus se rendre compte de l’état de sa maison. Elle leur indiqua le salon du menton et se laissa tomber dans un fauteuil, la petite fille toujours dans les bras. Les trois hommes s’assirent en face d’elle. Emilie s’était arrêtée de pleurer et regardait Teal’C avec curiosité.

La voix de Sam s’éleva. Triste, fatiguée :

-         Emilie, je te présente Daniel, Teal’C et Jack. Ce sont des amis à moi. Je vous présente Emilie.

Daniel et Jack sourirent et firent un petit geste amical. Teal’C inclina doucement la tête et dit :

-         Bonjour, Mademoiselle Emilie.

-         Bonjour Monsieur Teal’C.

L’enfant sourit au grand jaffa, qui lui rendit son sourire.

-         Tu as une jolie casquette. Tu me la prêtes ?

-         Non, mais je pourrai t’en offrir une bientôt si tu es sage.

-         Moi je suis très sage. C’est Michael qui n’est pas sage. Il n’arrête pas de dire des choses méchantes à Sam.

Les trois hommes regardèrent leur amie qui sourit, gênée. Daniel se retourna vers la petite fille :

-         C’est vrai ?

-         Oui. Il dit qu’elle ne sait pas faire les crêpes. Ni le chocolat chaud. Et plein de choses très méchantes.

-         Et Sam, elle est sage ?

-         Oh oui. Sam elle est gentille. Et moi j’aime bien ses crêpes.

Sam sourit doucement et caressa les cheveux de la petite fille qui sauta à terre. Elle se planta devant Teal’C et lui prit la main :

-         Teal’C, tu viens voir ma chambre ?

-         Oui Emilie. Je te suis.

Sam, Jack et Daniel regardèrent en souriant le jaffa s’éloigner aux côtés de la fillette. Elle était minuscule à côté de lui. Sam se leva à son tour :

-         Je vous laisse une minute. Il faut que j’aille voir Michael, nous avons eu…un différent au sujet des crêpes.

Jack et Daniel acquiescèrent. Dès qu’elle eut disparu dans l’escalier, sans même se consulter, les deux hommes se levèrent et entreprirent de ranger la pièce. Daniel ramassa de sa main valide les différents journaux et les empila sur la table basse. Il rassembla les jouets dans la caisse de plastique manifestement prévue à cet effet. Jack était pendant ce temps parti dans la cuisine. Il ramassa rapidement la crêpe et les débris d’assiettes, débarrassa la table et remplit le lave-vaisselle.

Quand Sam redescendit, Daniel finissait de ranger les derniers plats que Jack avait lavés et essuyés. Les deux hommes se retournèrent vers elle. Elle sourit et dit simplement :

-         Merci.

Michael se tenait à côté de Sam et regardait les deux hommes d’un air soupçonneux. Ils lui sourirent.

-         Michael, voici Daniel et Jack.

-         Salut Michael, dirent-ils.

-         Salut.

Il était manifestement sur la défensive. Sam enchaîna :

-         Michael voudrait savoir s’il peut manger un peu de gâteau au chocolat.

-         Bien sûr ! C’est pour ta sœur et toi qu’on l’a apporté !

Daniel s’empressa de sortir une assiette pendant que Jack coupait une grosse part de gâteau. L’enfant sembla se détendre un peu, saisit l’assiette que O’Neill lui tendait et s’assit. Sam soupira et s’assit à son tour, suivie par ses deux amis. Ils regardèrent tous trois l’enfant manger. Michael, la bouche pleine, articula difficilement :

-         Vous êtes qui, vous ?

-         Ce sont des amis à moi et à Teal’C qui est avec Emilie, que tu as vu en descendant. Ils travaillent avec moi.

-         Alors c’est des collègues.

-         … et amis, ajouta Daniel. Surtout des amis.

L’archéologue sourit à Sam qui lui rendit son sourire.

-         Moi je suis archéologue, je fais des recherches sur les anciennes civilisations.

-         Comme les romains ? Ou les égyptiens ?

-         Oui, comme les égyptiens, c’est tout à fait ça.

-         Et t’as quoi au bras ?

Sam réalisa seulement maintenant que Daniel avait le bras plâtré.

-         Je me suis cassé le bras en tombant dans un trou, alors que je regardais des ruines.

-         C’est vrai ? demanda Sam en se tournant vers Jack.

O’Neill prit un air affligé et désabusé et acquiesça en soupirant. Le jeune garçon se tourna alors vers lui.

-         Et toi ? Tu fais quoi ?

-         Moi je suis dans l’armée, comme ta tante et ton grand père. Je suis colonel dans l’Air Force, répondit doucement Jack.

-         Woua ! Tu pilotes des avions ?

-         Cela m’arrive.

-         Colonel, c’est mieux que grand-père, Sam ?

Sam répondit en souriant :

-         Non, grand-père il est encore mieux que colonel. Mais colonel c’est très très bien.

-         C’est mieux que toi ?

-         Oui. C’est mieux que moi. Le colonel O’Neill - Jack -  était mon chef dans l’armée.

-         Ah.

Le petit garçon, manifestement satisfait des réponses, se remit à manger son gâteau. Puis il sauta sur ses pieds et demanda :

-         Je peux regarder la télé Sam ?

-         As-tu fini tes devoirs pour demain, Michael ?

Le visage du garçon se rembrunit. Jack et Daniel sentirent immédiatement venir la dispute.

-         Mais je… je n’ai rien à faire.

-         Si Michael. Nous avons regardé ton cahier de texte ensemble, tu as deux exercices et ta leçon d’histoire. Nous sommes dimanche après-midi, c’est pour demain, il faut les faire maintenant.

Sam aussi savait ce qui allait se passer. Et elle ne voulait pas que Daniel et Jack y assistent. Vraiment pas. Trop tard, le visage du garçon s’était empourpré de colère et il était parti en courant. La porte de sa chambre claqua, une fois de plus.

Sam soupira et se leva lentement. Elle murmura :

-         J’y vais. Désolée de vous faire assister à cela. Allez délivrer Teal’C avant que Emilie ne l’oblige à jouer à la poupée. Vous devriez partir et passer votre dimanche après-midi à des choses plus drôles.

-         Sam… commença Daniel.

Elle l’arrêta d’un geste de la main et partit rejoindre Michael. Jack et Daniel restèrent seuls assis à la table. O’Neill ramassa l’assiette du garçon. Daniel dit au bout de quelques minutes :

-         Cela va vraiment mal.

-         Oui.

-         Cela doit être la première fois de sa vie que Sam est dépassée.

-         Oui.

-         On ne peut rien faire, Jack ?

O’Neill soupira, sourcils froncés.

-         Je ne sais pas. J’ai peut-être une idée.

Des cris leur parvinrent depuis le haut de la maison. Ils ne comprenaient pas ce que le garçon disait. La voix de Sam répondit. Jack et Daniel se regardèrent.

 

La scène leur semblait surréaliste.

 

Ils montèrent. Les portes des chambres des enfants étaient ouvertes. Dans l’une, Teal’C se tenait assis au milieu d’une vingtaine de poupées. Le jaffa les regardait, perplexe, se demandant ce qui se passait à côté. La scène aurait normalement du faire éclater de rire Daniel et Jack, mais ils se tenaient devant la chambre de Michael. Celui-ci était dos à eux, face à Sam et criait :

-         J’apprendrai pas ma leçon ! Je ne veux pas ! Je veux mourir comme papa et maman ! Et tu peux rien me dire, t’es pas ma mère ! De toutes façons je ne t’aime pas ! Personne t’aime ! T’as même pas d’amis, t’es trop nulle, trop méchante ! Tu connais que des gens de ton travail ! Même maman elle le disait que t’étais bonne qu’à travailler, que t’aurais jamais de mari ! Jamais d’amis ! Personne t’aime, et c’est bien fait !

-         Arrête ça immédiatement.

La voix du colonel O’Neill aurait glacé un bataillon de marines. Le garçon sursauta et se retourna, tétanisé. Jack serra le poing, prit une grande inspiration pour se calmer et s’accroupit pour se retrouver face au petit garçon. Michael le regardait en tremblant, les yeux écarquillés. La voix de Jack s’éleva à nouveau, calme et posée à présent. Mais déterminée.

-         Ce n’est pas vrai. Je sais que tu es malheureux, mais cela ne t’autorise pas à dire des mensonges. La vérité, je vais te la dire, moi. Ta tante est une femme exceptionnelle, tu le sais, et tu l’aimes. Et tout le monde l’aime. Elle travaille beaucoup, mais tous les gens qu’elle rencontre l’aiment, parce que non seulement elle est très intelligente, mais en plus elle est jolie, douce, gentille, patiente et drôle. Et moi je sais que tous les soldats de la base où on travaille sont amoureux d’elle, mais elle n’a pas de mari car elle n’a pas encore trouvé quelqu’un d’assez bien pour elle, parce qu’elle est extraordinaire. C’est tout. Alors à partir de maintenant tu ne dis plus jamais à Sam qu’elle est méchante et nulle sinon je viens te botter les fesses personnellement.

Jack avait dit ces derniers mots en souriant. L’enfant acquiesça fébrilement. Jack ajouta :

-         Et tu vas apprendre ta leçon d’histoire.

La voix de Daniel s’éleva :

-         Je peux même t’aider si tu veux. Moi je suis très très fort en histoire.

Sam regardait O’Neill et Daniel avec gratitude et étonnement. Puis, manifestement submergée par le trop-plein d’émotions, elle sortit de la pièce. Michael alla chercher son cahier sur son bureau pendant que l’archéologue s’asseyait sur le lit. Daniel regarda Jack et lui fit signe d’aller rejoindre Sam. Jack acquiesça et sortit à son tour.

 

Jack n’était jamais entré dans la chambre de Sam. Il hésita un instant puis poussa doucement la porte. La pièce était grande, avec un papier peint bleu pâle. Une penderie occupait l’un des murs de la chambre. En face une grande porte-fenêtre laissait entrer le soleil d’après-midi. Un grand lit occupait le centre de la pièce. Sur la table de nuit se trouvait une pile impressionnante de livres sur la psychologie infantile. Jack ne put s’empêcher de sourire. Sam était assise sur le lit, en tailleur. Elle leva les yeux vers O’Neill. Celui-ci s’approcha doucement, s’assit lui aussi sur le lit, et sourit en désignant les ouvrages du menton :

-         Tout ne s’apprend pas dans les livres, Carter. Et spécialement pas cela.

-         Michael a raison. Je ne peux pas les aider.

-         Il a tort. Et vous aussi. On ne résout pas le chagrin d’un garçon de dix ans comme un problème de maths, c’est tout. Mais vous êtes parfaite pour eux, Carter. Parfaite. Ils ont juste besoin de temps. De beaucoup de temps.

-         Je ne suis pas sûre… de tenir.

-         Bien sûr que si, vous tiendrez. Il est loin d’être arrivé, le jour où le major Carter baissera les bras devant une difficulté.

Il sourit. Elle sourit en retour, puis demanda :

-         Vous avez des nouvelles de mon père ?

-         Non. Hammond est très souvent en contact avec la Tok’ra. Il semble que votre père s’abrutisse de travail. C’est de famille.

 

Elle sourit à nouveau et s’allongea, fixant le plafond. Elle se sentait plus calme. Jack la regardait toujours en souriant. Tout était tellement plus simple dès qu’il était là.

-         Comment ça va au SGC ?

-         Bien. La routine. Cet abruti de Daniel a glissé sur un caillou plein de mousse, figurez-vous. Nous sommes bloqués ici pour deux semaines, au moins. J’aime beaucoup la nouvelle déco de votre salon, particulièrement celle de votre canapé. Très… coloré. Finalement, après toutes ces années, vous l’avez votre déco mino… miné…

Elle secoua la tête en souriant.

-         Minoenne mon colonel. Minoenne. Vous vous souvenez de cela, après tout ce temps ?

-         De cela quoi, Carter ? De Daniel en extase devant des statues de taureau, de Hammond avec une camisole de force, de votre T-shirt vert, ou du moment où vous vous êtes jetée sur moi dans les vestiaires ?

Elle rit. Cela faisait des semaines qu’elle n’avait pas ri. Elle sentit tout son corps se détendre et ferma les yeux un instant. Juste un instant.

 

Jack la regarda s’endormir en souriant lui aussi. Elle lui manquait. Mon dieu ce qu’elle lui manquait.

 

 

Quand Sam ouvrit à nouveau les yeux, la nuit tombait. Elle se dressa sur son lit, repoussant la mince couverture que O’Neill avait déposée sur elle. Elle regarda le radio-réveil : 19h15.

Elle bondit du lit et dévala l’escalier. Elle s’arrêta, stupéfaite.

 

Le salon et la cuisine étaient maintenant parfaitement rangés et propres. Teal’C était assis dans le fauteuil, Emilie sur ses genoux. La petite fille était en pyjama et regardait un dessin animé à la télévision. Jack sirotait une bière en feuilletant un magasine. Michael, en pyjama lui aussi, était assis à côté de Daniel qui lui commentait un livre.

 

Ils levèrent les yeux et les trois hommes sourirent devant l’air ahuri de Sam. Michael brandit le livre, un ouvrage sur l’Egypte ancienne qui traînait depuis des années sur une étagère de Sam.

-         Eh Sam ! Tu savais que Cléopâtre, la reine, elle s’était fait mordre exprès par son serpent ! Pour ne pas être la prisonnière des romains !

-         Non ??

Sam feignit l’étonnement, sourit et passa la main dans les cheveux du petit garçon qui s’était replongé dans son livre. « Sans prêter la moindre attention à l’écran de la télévision », remarqua Sam avec admiration. Elle s’assit à son tour à côté de Michael et Teal’C lui demanda :

-         Avez-vous bien dormi, major ?

-         Oh oui. Je crois que j’en avais besoin. Merci de vous être si bien occupés d’eux.

Les trois hommes sourirent de plus belle.

 

A cet instant on sonna à la porte. Avant que Sam ait pu bouger, Jack se leva et se dirigea vers l’entrée. Sam le regarda revenir avec cinq pizzas dans les mains :

-         Le dîner est prêt ! annonça-t-il fièrement en faisant un clin d’œil à Sam.

Les deux enfants se levèrent d’un bond et coururent se mettre à table. Daniel, Teal’C, Sam et Jack s’assirent avec eux. Le dîner fut très agréable, les enfants semblaient avoir parfaitement adopté les trois hommes. Après avoir avalé sa deuxième part de pizza, Michael dit :

-         Je suis désolé Sam, mais c’est quand même meilleur que ton gratin de chou-fleur !

-         Beurk ! renchérit Emilie.

Jack ouvrit de grands yeux étonnés :

-         Vous leur avez fait du gratin de chou-fleur ??

Sam haussa les épaules en riant :

-         Et bien oui ! Enfin, j’ai essayé… il paraît que c’est un légume excellent pour la santé.

Jack regarda Michael et dit d’un ton très solennel :

-         Michael, si jamais Sam vous refait du gratin de chou-fleur, vous m’appelez, et je viendrai moi-même le mettre à la poubelle. Et je jetterai Sam en prison.

Le petit garçon manqua de s’étouffer avec sa troisième part de pizza et tous éclatèrent de rire. Sam feignit d’être vexée et menaça en souriant :

-         Attention, si vous vous moquez de mon gratin, je vous fais tous réciter une leçon d’histoire !

Le visage de Michael s’éclaira encore davantage :

-         Et bien moi je m’en moque parce que je la connais super bien ma leçon d’histoire ! Même que Daniel il a dit que j’allais sûrement devenir un grand archéologue avec une mémoire pareille !

-         Tu parles d’un avenir… murmura Jack à qui Daniel lança un regard noir.

Le petit garçon enchaîna :

-         … et même que j’avais même pas besoin de l’apprendre, en fait, parce que demain on ne va pas à l’école !!

-         Pardon ???? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ??

Sam regarda l’enfant, stupéfaite. Emilie ajouta :

-         Oui Sam ! Même qu’on va tous en vacances avec des poissons !

-         Quoi ???

Daniel, Teal’C et Jack souriaient. O’Neill prit la parole.

-         Eh là, pas de précipitation. J’ai dit que je vous emmenais tous dans mon chalet uniquement si Carter était d’accord pour que vous ratiez l’école.

-         Oh s’il te plaît Sam ! Dis oui !

Emilie se jeta au cou de sa tante, qui regarda Jack en secouant la tête. Il lui fit un petit sourire désolé. Elle sourit à son tour :

-         Bon, c’est d’accord.

Ils n’étaient plus à une ou deux semaines d’école près. Et la montagne ne pourrait que leur faire du bien à tous.

-         OUAI !!!!

Les enfants finirent de manger rapidement et montèrent avec Daniel qui avait promis de leur raconter une histoire. Sam resta donc au salon avec Jack et Teal’C.

-         Mais, mon colonel, vous êtes sûr que cela ne vous dérange pas ?

-         Bien sûr que non, Carter. On sera un peu serrés, mais je suis ravi. C’est quand même la première fois que vous acceptez mon invitation !

Sam et lui se sourirent. La jeune femme se tourna vers Teal’C :

-         Emilie vous a adopté, Teal’C ! C’est incroyable, elle vous adore.

Le jaffa sourit :

-         Malgré toutes ces années, j’ai peu été en contact avec des enfants de la Tau’ri. Ils sont attachants. Je serai ravi de m’occuper d’eux pendant les quelques jours que nous passerons ensemble.

-         Mouai, vous voulez surtout éviter d’avoir à pêcher, grogna Jack.

-         Pas seulement O’Neill. Pas seulement.

 

 

Le lendemain matin se passa à faire les bagages. Ils n’avaient pas vraiment décidé pour combien de temps ils partaient, mais c’était un détail sans importance. Pour la première fois depuis la mort de son frère, Sam s’était levée de bonne humeur et souriante. Son neveu et sa nièce courraient dans la maison, excités à l’idée de rater l’école pour partir dans le Minnesota.

 

Sam se dit que quand Teal’C, Daniel, Jack et elle étaient réunis, tout était définitivement plus simple. Pas seulement la lutte contre les Goa’ulds.

 

Quand Jack, Daniel et Teal’C arrivèrent dans le pick-up de O’Neill, la voiture de Sam était déjà chargée. Elle avait appelé l’école, la directrice n’avait fait aucune difficulté ; Michael était très dur en classe et l’instituteur fut aussi d’avis qu’un séjour à la montagne lui serait très bénéfique.

 

Emilie sauta dans les bras de Teal’C qui sourit. Jack et Daniel étaient passés acheter des provisions. Le jaffa s’installa dans la voiture de Sam avec les enfants et ils partirent pour le Minnesota.

 

Quand ils arrivèrent, il faisait déjà nuit noire et les enfants dormaient dans la voiture de leur tante. Sam se gara à côté du pick-up et descendit. Elle distinguait mal l’endroit, mais elle savait que la maison était isolée car cela faisait un moment qu’ils roulaient sur une piste sans croiser âme qui vive. Ils laissèrent Daniel avec les enfants et déchargèrent les voitures rapidement. Puis Jack fit faire à Sam et à l’archéologue une rapide visite des lieux, Teal’C étant déjà venu.

 

Sam ressentit une légère appréhension en entrant. Elle avait tant souhaité venir. Tant souhaité pouvoir enfin accepter les invitations de Jack. Et voilà, elle y était. Mais avec Daniel, Teal’C, et deux enfants dont elle avait la garde jusqu’à la fin de ses jours. Décidemment, rien ne se déroulait comme elle l’avait espéré.

 

Jack la regardait à la dérobée. Il avait lui aussi du mal à réaliser qu’elle était enfin là. Et que ce n’était pas du tout dans les conditions qu’il escomptait.

 

Le bas du chalet se composait d’un vaste salon avec une cuisine américaine, un coin repas et une première chambre avec deux lits jumeaux. Au premier étage se trouvaient la salle de bain, la chambre de Jack et une chambre d’enfant.

 

« La chambre de Charlie » pensèrent Sam et Daniel.

 

Jack ne fit aucun commentaire quand il leur ouvrit la pièce et annonça que c’est là qu’ils installeraient les enfants, il avait un épais matelas qu’on ajouterait à côté de l’unique petit lit. Michael y serait parfaitement bien. Sam murmura :

-         Mon colonel, si vous ne voulez pas qu’ils dorment ici, je peux…

-         Les enfants dormiront ici Carter. Cela ne me pose aucun problème.

Sa voix était déterminée. Presque froide. Sam ne répliqua pas.

Jack ouvrit la porte de sa propre chambre. Elle était meublée d’un grand lit, d’une armoire et d’un petit bureau en bois. O’Neill s’empressa d’expliquer :

-         Carter, vous dormirez ici à côté des enfants. Je prends le canapé.

-         Mais, mon colonel, c’est votre chambre, je peux très bien…

-         Pas question. Je dors souvent sur le canapé quand je viens ici, il est très confortable et j’y serai très bien.

Comme il vit que Sam allait répliquer il leva la main et ajouta :

-         … et ne m’obligez pas à vous donner un ordre, Carter ! Je ne suis plus votre supérieur, mais je suis toujours plus gradé que vous !

Jack s’arrêta, bouche bée. Sam aussi semblait pétrifiée.

 

Il n’était plus son supérieur.

 

Ils venaient de le réaliser au même instant tous les deux.

Ils n’y avaient même pas pensé avant, tellement ils avaient craint que les tragiques événements des dernières semaines ne les séparent à jamais.

 

Daniel sourit et s’éclaircit la gorge.

-         Et donc Teal’C et moi dormons en bas ?

-         Euh… oui, c’est ça… allons installer les affaires…

 

L’archéologue regarda en souriant ses deux amis descendre précipitamment l’escalier.

 

Ils firent en priorité les lits des enfants et Teal’C et Jack y déposèrent Michael et Emilie toujours endormis. Puis les quatre amis grignotèrent un morceau et allèrent se coucher à leur tour. Sam, à présent seule dans sa chambre, s’apprêtait à ôter les anciens draps du lit et à y mettre ceux que Jack lui avait donnés, quand elle se ravisa. En souriant elle rangea les draps propres dans l’armoire et se glissa dans le lit.

Et dans l’odeur de Jack.

Elle s’endormit quasiment immédiatement.

 

 

Jack se demanda s’il l’avait jamais trouvée plus belle qu’à cet instant.

 

La tête de la jeune femme reposait sur l’oreiller. La lumière dorée du soleil qui perçait entre les rideaux se reflétait dans ses cheveux blonds ébouriffés. Elle avait rejeté les draps et portait un T-shirt et un simple caleçon. Allongée sur le côté, elle souriait dans son sommeil.

Jack réalisa tout à coup que le café allait vraiment finir par être froid et s’arracha à sa contemplation. Il annonça doucement :

-         Le petit déjeuner de Madame.

Elle cligna des yeux et mit quelques secondes à réaliser où elle se trouvait. Puis elle découvrit O’Neill dans l’embrasure de la porte, un plateau à la main et le sourire aux lèvres.

Elle sourit à son tour et s’étira gracieusement.

 

Jack se mordit l’intérieur de la joue.

 

Elle s’assit en se passant la main dans les cheveux. Jack s’avança et plaça le plateau devant elle. Il demanda :

-         Bien dormi ?

-         Mon dieu oui. Quelle heure est-il ?

-         Un peu plus de dix heures. Les enfants sont avec Teal’C et Daniel, ils se promènent au bord du lac. On a décidé de vous laisser dormir un peu.

-         Merci. Je ne les ai pas entendus cette nuit. Ont-ils pleuré ?

-         A priori non. Le voyage les avait épuisés. Je vous laisse déjeuner. Descendez quand vous voulez.

-         Merci.

Ils se regardèrent en souriant un instant puis Jack se leva et sortit. Sam mordit à pleines dents dans un pancake délicieux.

 

Quand elle descendit un quart d’heure plus tard, en jean avec un pull couleur crème, la salle était vide. La pièce était plus grande qu’elle ne lui avait paru la veille. Le mobilier était simple, en bois, mais l’ensemble dégageait une impression de chaleur et de confort. Elle se figea quand elle découvrit le paysage par les larges fenêtres.

 

Elle sortit et se retrouva sur le ponton, face au lac.

Elle cligna des yeux plusieurs fois, tellement la lumière qui se reflétait à la surface était intense. Le lac était gigantesque, entièrement entouré par une épaisse forêt. Une grande partie des arbres était déjà en fleurs et toutes les couleurs se reflétaient dans l’eau limpide et parfaitement lisse.

 

Elle n’entendit pas Jack arriver derrière elle. Elle sursauta légèrement quand il demanda :

-         Cela vous plait ?

-         C’est… c’est magnifique.

 

Elle s’assit au bout du ponton, ôtant ses baskets pour toucher l’eau du bout des pieds. Jack s’assit à ses côtés et ils demeurèrent silencieux quelques minutes, jusqu’à ce que les voix des enfants se fassent entendre. Ils se levèrent et partirent à leur rencontre.

 

Teal’C avait les bras chargés de plantes diverses et Daniel paraissait en grande discussion avec Michael qui tenait un bâton. Emilie courait autour d’eux. Quand elle vit Sam, la petite fille se précipita dans ses bras :

-         Sam ! J’ai vu plein de plantes et de fleurs ! J’en ai ramassé pour toi !

-         C’est gentil ma chérie… et merci Teal’C, de les avoir portées !

Le jaffa jeta un coup d’œil blasé à Jack qui s’efforçait de ne pas rire. Ils rentrèrent dans le chalet et Daniel supervisa la préparation du déjeuner.

 

La fin de la journée se passa à se balader au bord du lac et dans la forêt. Jack connaissait bien sûr parfaitement les lieux et attirait l’attention des enfants là sur un animal, ici sur une fleur. Daniel semblait ravi de passer sa convalescence dans des telles conditions. Quand à Teal’C, du moment que Jack ne sortait pas les cannes à pêche, il adorait l’endroit.

 

Les enfants commencèrent à bailler vers huit heures et se couchèrent peu après. L’air vif les avait fatigués. Sam nota en éteignant la lumière dans leur chambre que Michael avait été adorable toute la journée, il n’y avait eu aucune dispute. Mais la jeune femme se doutait que cela ne serait pas si simple.

 

Teal’C avait aidé Jack à faire du feu, et les quatre adultes étaient restés un peu dans le salon à discuter devant la cheminée. Ils parlaient de tout et de rien, les trois hommes évitant soigneusement le sujet du SGC pour ne pas attrister Sam. Ils partirent tous se coucher vers 23 heures.

 

Sam fut réveillée par des pleurs. Ceux d’Emilie. Elle se leva et passa rapidement dans la chambre des enfants. La petite fille était assise sur son lit, de grosses larmes coulaient sur ses joues. Michael ne semblait pas s’être réveillé. Sam enjamba le matelas, s’assit à côté de la fillette et la prit doucement dans ses bras.

-         Je veux maman.

-         Je sais ma puce. Je sais.

-         Pourquoi elle est partie ? Pourquoi elle et papa ils nous ont laissés ?

-         Ils n’ont pas fait exprès. Ils n’auraient jamais voulu vous laisser.

-         Tu vas nous laisser, toi aussi ?

Sam ferma les yeux et serra un peu plus fort l’enfant contre elle.

-         Jamais ma chérie. Jamais. C’est promis.

Sam resta encore quelques minutes dans la chambre, le temps qu’Emilie se rendorme. Puis elle sortit en silence et descendit l’escalier pour aller boire un verre d’eau. Elle ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil sur le canapé, où Jack dormait. Son sommeil semblait agité, il avait les sourcils froncés et se tournait sans cesse. Sam le regarda un instant et passa dans la cuisine. Elle faillit laisser échapper son verre quand Jack se redressa soudain avec un cri étouffé. Elle se précipita.

 

Il était assis sur le canapé, couvert de sueur. Il tremblait de tous ses membres. Sam fut épouvantée par son regard : c’était celui d’un enfant de dix ans. Celui de Michael quand il se réveillait en hurlant en pleine nuit. Sam s’approcha et s’agenouilla près de lui. Jack ne sembla tout d’abord pas avoir conscience de sa présence, il tentait de calmer sa respiration anarchique. Puis il leva les yeux et rencontra le regard inquiet de Sam. La détresse fit place à la honte dans ses yeux bruns et il détourna la tête pour éviter de regarder la jeune femme en face.

-         Retournez vous coucher Carter.

-         Ca va aller ?

Il leva la main dans un geste d’agacement. Elle la prit dans la sienne et la serra. Surpris, il tourna à nouveau son visage vers elle et sut qu’elle ne partirait pas. Il sourit amèrement.

-         Vous avez déjà assez à faire avec les cauchemars de vos neveux, Carter. Ne vous occupez pas de ceux d’un vieil homme.

Elle sourit, se releva et s’assit sur le bord du canapé. Elle demanda très doucement :

-         Baal ou l’Irak ?

O’Neill hésita un instant puis murmura dans un souffle :

-         Charlie.

Elle ferma les yeux un instant et serra un peu plus la main qui tremblait toujours légèrement dans la sienne. Elle dit doucement :

-         Je suis désolée. Ce n’était peut-être pas une bonne idée de venir ici avec Michael et Emilie. Cela doit être difficile de les …

-         Non. C’était mon idée, et je ne le regrette pas. Cet endroit est fait pour accueillir des enfants. Il est temps… Il est temps que je m’y fasse.

-         Vous n’avez jamais fait de cauchemars en mission.

-         Mon sommeil est beaucoup plus léger. Alors qu’ici… ici je suis chez moi. Seul avec mes démons.

Elle secoua la tête et sourit :

-         Non. Pas seul.

Il sourit à son tour.

-         C’est comme cela que vous faites avec vos neveux ? C’est efficace.

-         Pas toujours.

-         Et qu’est-ce que vous faites dans les cas désespérés ? Un verre de lait chaud avec du miel ? Je vous préviens je déteste.

Il la sentit hésiter un instant. Elle redevint plus sérieuse et murmura :

-         Non. Quand cela ne va vraiment pas, je fais ça.

Sans un mot, elle se glissa à côté de lui sur l’étroit canapé et, très doucement, attira Jack contre elle, de telle sorte que le visage de O’Neill se trouva blotti dans le cou de la jeune femme. Elle passa une main dans les cheveux poivre et sel et serra contre elle l’homme qu’elle aimait.

Jack ne résista pas. Il entoura de ses bras le corps mince de Sam et se laissa enivrer par son parfum. Ils restèrent ainsi quelques minutes, cramponnés l’un à l’autre. Puis Sam murmura très doucement :

-         Je croyais… j’avais peur de vous avoir perdu vous aussi.

-         Jamais Sam. Vous ne me perdrez jamais.

Cela résonna comme une promesse. Comme celle qu’elle venait de faire quelques minutes plus tôt à Emilie. Sam sourit et s’endormit quelques secondes plus tard, alors qu’elle s’était juré de regagner sa chambre au plus vite.

 

Quand Emilie descendit tôt le lendemain matin, en se frottant les yeux, elle découvrit Sam et Jack toujours enlacés sur le canapé. Elle les regarda quelques instants. Teal’C, qui était déjà dans la cuisine, s’approcha de la petite fille et posa sa grande main sur la frêle épaule. Elle leva les yeux vers lui :

-         Ils sont amoureux ?

-         Oui.

-         Depuis longtemps ?

-         Oui.

-         Pourquoi ils ne le disent pas ?

-         Parce que c’est un secret. Même pour eux c’est un secret.

-         Ah.

La petite fille mit sa main dans celle du jaffa. Ils prirent de quoi manger dans la cuisine, Teal’C enfila un pull à la fillette et ils sortirent déjeuner dehors.

 

Jack ouvrit alors les yeux et sourit.

 

Il resta quelques minutes à regarder Sam dormir dans ses bras. Puis il caressa une dernière fois les boucles blondes et, très lentement, se détacha d’elle et quitta le canapé. Elle se retourna mais ne se réveilla pas. Jack alla se verser une tasse de café, enfila un jean par dessus son caleçon et sortit.

 

Quand Sam ouvrit les yeux à son tour, elle découvrit Daniel devant elle, une tasse de café chaud à la main et un sourire goguenard sur le visage. Elle réalisa qu’elle était encore sur le canapé et soupira :

-         Ca va. Aucun commentaire.

-         Mais je n’ai rien dit, Sam.

Il lui tendit la tasse de café qu’elle prit en s’asseyant et se dirigea vers la cuisine en ajoutant :

-         Mais bon, à deux vous seriez mieux dans votre lit, si vous voulez mon avis.

-         Je ne le veux pas, Daniel.

-         Ok, ok…

 

 

Sam et Jack ne reparlèrent pas de cette nuit.

 

Une semaine s’était maintenant écoulée depuis leur arrivée au chalet. Chacun profitait pleinement du temps passé avec les autres. Les enfants étaient détendus. L’autorité naturelle de Jack avait désamorcé les débuts de colère de Michael, et la douceur de Sam avait fait le reste.

 

Sam avait maintenant compris que, même s’ils ne travaillaient plus tous les quatre comme avant, Daniel, Teal’C, Jack et elle resteraient toujours unis. Que leur amitié était une évidence et allait bien au delà de leur vie professionnelle. Elle se sentait rassurée, un poids s’était envolé. Ils seraient toujours là. Quoiqu’il advienne ils seraient toujours là, tous les quatre. Comment avait-elle pu penser un seul instant qu’ils la laisseraient seule, qu’ils l’abandonneraient ? Que le fait de ne plus faire partie de SG1 allait anéantir tout ce qui les avait rapprochés au cours de ces années ?

 

Sam sourit en regardant Emilie rire sur les épaules de Teal’C. Le jaffa et l’enfant étaient inséparables.

 

Michael avait une grande admiration pour Daniel qu’il pouvait écouter des heures. Mais il s’était petit à petit rapproché de Jack, qui lui inspirait un profond respect. Jack s’était tout d’abord tenu un peu en retrait, n’osant pas trop aller vers le jeune garçon qui lui rappelait tant Charlie.

 

Michael appréciait cette réserve, et passa de plus en plus de temps avec O’Neill. Ils faisaient de longues ballades en forêt et Michael partit même pêcher avec Jack, au grand bonheur de Teal’C qui n’avait plus à redouter cette épreuve. Le petit garçon et le militaire étaient restés de longues heures assis au bord de l’eau, sans parler, à regarder les bouchons de leurs cannes à pêche rester désespérément immobiles. Michael avait demandé :

-         Dis Jack, elle nous en veut, Sam ?

-         Vous en vouloir ? Pourquoi ?

-         Parce qu’elle est obligée de s’occuper de nous.

Jack se retourna vers le garçon et le considéra gravement.

-         Sam ne vous en veut pas. Ce n’est pas de votre faute. Et elle vous aime ta sœur et toi, je te l’ai déjà dit. Elle n’aurait laissé personne d’autre s’occuper de vous. Elle n’y était pas obligée, elle aurait pu chercher une autre solution. Mais elle ne voulait pas.

-         Mais elle va changer de travail ?

-         Oui. Un peu.

-         Papa disait toujours qu’elle adorait son travail.

-         C’est vrai. Mais elle vous adore aussi, vous.

-         Et toi ?

-         Quoi moi ?

-         Elle t’aime aussi ?

-         Bien sûr. Elle aime Teal’C, Daniel et moi. Nous sommes une famille.

-         Et bien moi je crois qu’elle t’aime plus que Teal’C et Daniel.

-         Peut-être, répondit Jack en souriant.

L’enfant sourit aussi et ils se remirent à pêcher en silence.

 

 

Le jour commençait à décliner. Sam, Daniel, Jack et Teal’C étaient sur le ponton. Emilie se trouvait avec eux, jouant avec à la poupée. Michael avait préféré rester à l’intérieur un moment pour jouer à la Gameboy. Après avoir perdu, il jeta la console avec rage à côté de lui et fit ainsi tomber la veste de Jack qui était posée sur le canapé. L’enfant la ramassa. Il avisa la poche, et mu par une curiosité enfantine, l’ouvrit. Les clés du pick-up et celles du chalet s’y trouvaient.

 

Michael n’était jamais monté dans un pick-up. Son père avait eu une grande voiture familiale, et pour venir au chalet il avait fait la route dans la voiture de Sam. Il prit les clés et sortit tranquillement du chalet, remontant le chemin de terre jusqu’à l’endroit éloigné où étaient garées les voitures.

A l’extérieur, au bout du ponton, de l’autre côté de la maison, les autres ne s’étaient même pas rendu compte que le petit garçon n’était plus dans le salon.

 

Michael ouvrit sans peine la porte et s’installa fièrement à la place du conducteur. Il posa les mains sur le volant. Il arrivait à peine à voir au travers du pare-brise et ne pouvait pas même effleurer les pédales. Il voulut faire mine d’enclencher le contact, mais les clés lui échappèrent des mains et tombèrent sur le sol. Il se pencha pour les ramasser, tâtonnant sous le siège. Ses doigts rencontrèrent un objet froid. Il le tira de sous le siège et contempla ébahi le lourd trésor qu’il venait de découvrir.

 

L’enfant sourit. Il allait bien s’amuser. Maintenant, il faisait presque partie de l’Air Force. Comme son grand-père, comme Sam, et comme Jack.

 

 

 Michael revint immédiatement dans le chalet, monta rapidement jusqu’à sa chambre et dissimula sa trouvaille sous son oreiller. Puis il redescendit et se rassit sur le canapé, remettant les clefs dans la poche de Jack.

 

Tout cela n’avait duré que quelques minutes.

 

Sam se leva et décida d’aller regarder le soleil se coucher sur le lac. Elle proposa à Emilie de l’accompagner, mais la fillette, qui montrait déjà des signes de fatigue, préféra rester près du chalet. Sam partit donc seule. En passant près de la maison, elle y jeta un rapide coup d’œil : Michael était toujours assis sur le canapé, sa Gameboy à la main. Il pouvait y passer des heures, si personne ne l’arrêtait.

 

Quand Sam eut disparu, Daniel se tourna vers Jack en souriant. O’Neill se renfrogna, se doutant de ce qui l’attendait.

-         Quoi, Daniel ??

-         Rien. Rien du tout. J’ai dit quelque chose, Teal’C ?

-         Non Daniel Jackson. Mais vous étiez sur le point de conseiller à O’Neill de suivre le major Carter.

Daniel sourit de plus belle et Jack leva les yeux au ciel. Emilie ajouta :

-         En plus Sam elle n’a pas son pull. Elle va attraper froid.

Cette fois le jaffa sourit à son tour et Jack se leva.

-         Ok, c’est bon, j’y vais, mais c’est seulement pour lui apporter un pull…

-         Bien sûr, répondirent en cœur Daniel et Teal’C.

O’Neill les foudroya du regard et rentra dans le chalet, ravi d’avoir une excuse pour rejoindre Sam. En s’approchant du portemanteau il ne vit pas sa veste et se rappela l’avoir jetée sur le canapé. Il avisa alors Michael, qui jouait toujours. Il saisit la veste qui reposait à côté de l’enfant et, fronçant les sourcils, plongea la main dans sa poche droite : les clés étaient bien là. Il soupira, sourit, et passa la main dans les cheveux de Michael qui sourit à son tour sans lever les yeux de l’écran. Puis Jack mit sa veste, prit le pull de Sam sur la chaise et sortit la retrouver.

 

Il marcha à peine dix minutes au bord de l’eau avant d’apercevoir la jeune femme, immobile devant la surface étincelante et dorée. Elle l’entendit arriver mais ne se retourna pas. Elle frissonna quand il déposa doucement le pull sur ses épaules.

-         Je suis envoyé par votre nièce pour que vous n’attrapiez pas froid.

-         C’est une idée de ma nièce ?

-         Daniel et Teal’C l’ont aidée.

-         Je me disais, aussi…

Jack se tenait toujours derrière Sam. Elle murmura :

-         C’est vraiment magnifique.

-         Oui, répondit Jack, comme absent.

Elle se retourna et vit qu’il l’observait. Elle sourit :

-         Je parlais du lac.

Il sourit à son tour, feignant l’innocence :

-         Mais moi aussi, Carter !

Elle se tourna à nouveau et ils restèrent quelques instants à observer le paysage en silence, Jack toujours debout à deux pas derrière Sam.

 

Le cœur de la jeune femme battait à tout rompre dans sa poitrine. Son estomac était noué. Il fallait qu’elle fasse quelque chose. Maintenant. Il fallait agir, profiter de cet instant magique et éphémère.  Faire quelque chose. Vite.

 

C’est à cet instant que Sam sentit des bras l’enlacer et que le visage de Jack se blottit dans le cou de la jeune femme.

 

Elle crut un instant que son cœur venait de s’arrêter.

 

Elle ferma les yeux, posa ses mains sur celles de O’Neill et se laissa aller contre lui. Ils demeurèrent ainsi de longues minutes. Puis Jack sentit Sam se détacher tout doucement de lui. Il ouvrit les bras pour la laisser partir, mais elle se retourna juste et se retrouva face à Jack, toujours blottie contre lui. Elle leva ses magnifiques yeux bleus vers Jack et sourit. Il lui sourit à son tour, se pencha vers le visage qui s’offrait à lui et, sans plus la moindre hésitation, ferma les yeux et posa ses lèvres sur celles de la jeune femme avec une extrême douceur.

 

Le temps s’arrêta. Tout s’arrêta. L’univers disparut autour d’eux. Seuls comptaient les lèvres de l’autre, le souffle de l’autre, les mains de l’autre.

 

Et tout était si parfait. Tout était enfin si parfait.

 

Quand ils se détachèrent enfin, la nuit était presque tombée. Ils étaient toujours debout au bord du lac. Sam enfila son pull. Jack attrapa soudain la main de la jeune femme et murmura, comme inquiet :

-         Je t’aime Sam, tu le sais, non ?

Elle sentit les larmes monter dans ses yeux, mais elle sourit et murmura dans un souffle :

-         Oui. Je le sais. Tu le sais aussi, non ?

-         Quoi ? demanda-t-il en souriant malicieusement.

Il voulait l’entendre. Il fallait qu’il l’entende. Bien sûr qu’il le savait. Mais il fallait qu’il l’entende.

-         Que je t’aime, Jack.

Il la prit à nouveau dans ses bras et la serra contre lui comme si sa vie en dépendait.

 

Sans une parole de plus ils reprirent le chemin du chalet, main dans la main, sans presque se quitter des yeux. Ils se détachèrent en arrivant en vue de la maison. Emilie bondit dans les bras de Sam quand elle entra ; la fillette semblait affolée :

-         Michael il a dit que t’avais été mangée par des loups !

Sam fronça les sourcils et regarda son neveu.

-         Tu es fier de raconter de telles bêtises à ta sœur pour lui faire de la peine ?

Le petit garçon se renfrogna, marmonna des excuses et partit bouder devant la cheminée. Sam prit Emilie dans ses bras et s’approcha de la cuisine où le repas commençait à cuire. Jack s’approcha de Michael et lui demanda :

-         Tu veux un gâteau au chocolat pour le dessert ?

-         On n’en a pas.

-         Non, mais je peux en faire un.

Sam et Daniel écarquillèrent les yeux et Teal’C haussa un sourcil. Le petit garçon sourit :

-         On vous apprend à faire des gâteaux dans l’Air Force ?

-         On nous apprend plein de choses, dans l’Air Force. Alors ?

Le petit garçon acquiesça en souriant. Il suivit Jack à la cuisine et, sous les regards éberlués des coéquipiers du colonel O’Neill, l’aida à préparer un délicieux gâteau.

Jack et Sam ne pouvaient s’empêcher de se jeter quelques coups d’œil en souriant, chose qui n’échappa bien sûr pas à Daniel et Teal’C. L’archéologue sembla bientôt aussi radieux que ses deux amis.

Quand ils passèrent tous à table un peu plus tard, le gâteau finissait de cuire et chacun d’eux rayonnait de bonheur. La soirée – et le gâteau – furent délicieux. Ils profitaient de l’harmonie enfin trouvée, enfin retrouvée, enfin parfaite.

 

Quand Jack, Teal’C, Daniel et Sam partirent se coucher, quelques heures après les enfants, la jeune femme jeta un coup d’œil hésitant à Jack qui installait son oreiller sur le canapé. O’Neill la vit, lui sourit et, profitant d’un moment d’inattention de Teal’C et Daniel, lui embrassa rapidement la main en murmurant :

-         A demain, Sam.

-         A demain.

Elle sourit et monta se coucher.

 

 

Jack était à présent allongé sur le canapé, dans le noir, regardant le plafond avec un sourire aux lèvres depuis une heure. Il était parfaitement détendu, parfaitement… heureux.

Heureux. Il ne pensait jamais revivre cela. Jamais. Il pensait tellement ne plus en être capable. Ne plus y avoir droit.

 

Ce n’était pas possible. Tout était tellement… si… trop… Une ombre passa sur son visage et il se leva. Il regarda autour de lui ce chalet comme s’il le découvrait. Comme s’il le redécouvrait.

 

Il regarda la porte de la chambre d’amis, où dormaient Teal’C et Daniel.

Ses amis. Les meilleurs.

 

Il monta l’escalier sans bruit et s’arrêta devant la porte ouverte de la chambre de Charlie. La chambre d’enfant. Emilie était tournée contre le mur, emmitouflée dans sa couverture. Michael souriait dans son sommeil, une main passée sous son oreiller. Jack sourit en regardant le petit garçon.

Une chambre d’enfant. Habitée. Vivante. Enfin.

 

Il regarda enfin la porte de sa propre chambre, que Sam laissait ouverte pour pouvoir entendre les enfants pleurer. Il avança très lentement, comme hypnotisé, et s’arrêta sur le pas de la porte.

 

Elle était bien là, tournée vers la fenêtre. Il devinait la courbe de ses hanches et la blondeur de ses cheveux.

 

Son chalet du Minnesota.

Teal’C et Daniel dans la chambre d’amis.

Un petit garçon et une fillette dans la chambre de Charlie.

Et Sam dans sa chambre. Sam dans son lit.

 

Tout était à sa place.

 

Tout était, enfin, à sa place.

 

Un frisson parcourut Jack qui sentit ses mains trembler.

 

C’est à cet instant que Sam s’assit sur son lit et se tourna vers lui. Il se tenait toujours dans l’embrasure de la porte. Ils se regardèrent un moment, devinant l’autre à la clarté des étoiles. Puis Sam murmura :

-         Viens.

Jack entra dans la chambre et ferma la porte derrière lui.

 

 

Quand Jack se réveilla le lendemain matin, sa première pensée fut qu’il avait rêvé. Puis ses sens s’éveillèrent et il la sentit allongée contre lui. Il se détacha un peu d’elle pour la regarder dormir, allongée nue sur le matelas, souriante, sereine, tellement belle.

Il voulut effleurer sa peau à nouveau, mais retint son geste. Il ne voulait pas la réveiller. Il était encore tôt et ils avaient dormi… quoi… deux heures peut-être ? Jack sourit à cette pensée.

 

Il se leva, enfila son caleçon et son T-shirt, sortit très doucement de la chambre et referma la porte.

 

Il  ne savait pas depuis combien de temps il n’avait plus été d’aussi bonne humeur un matin.

 

En passant devant la chambre des enfants, il constata qu’ils dormaient encore. Parfait, comme cela ils ne le verraient pas sortir de la chambre de Sam.

 

Sam.

 

Il sourit encore davantage et descendit lestement l’escalier. Quand il entra dans la salle, Teal’C et Daniel, leur tasse de café à la main, se retournèrent vers lui.

 

« Zut » pensa Jack. Il alla tranquillement à la cuisine se verser à son tour une tasse de café. La voix de Daniel s’éleva dans la pièce :

-         Vous avez passé une bonne nuit, Jack ?

-         Excellente Daniel.

-         Bien dormi ?

Jack ignora la dernière question et sortit boire son café sur le ponton.

 

Sam se leva vers dix heures. Alors qu’elle se versait son café, Daniel entra dans la pièce pour prendre un livre. Il sourit, et Sam lui rendit son sourire.

-         Bonjour Daniel.

-         Bonjour Sam. Heureux de voir que vous avez suivi mon conseil.

-         Quel conseil ?

-         A propos du lit qui serait mieux que le canapé.

Daniel reçut un torchon en pleine figure et repartit en souriant de plus belle.

 

 

La journée fut splendide.

Ils partirent tous faire une grande ballade, ayant emporté de quoi pique-niquer. Emilie finit rapidement sur les épaules de Teal’C. Le temps était très agréable pour un début de printemps et la montagne en fleurs ravissait chacun.

Sauf peut-être Daniel qui passait son temps à éternuer en pestant contre le pollen.

 

Michael avait parlé plusieurs fois d’organiser un « jeu de guerre » en rentrant le soir. Mais Emilie n’avait aucune envie de participer à un jeu de garçon et les quatre membres –ou ancien membre- de SG1 n’avaient pas envie de passer leurs vacances à reproduire ce qu’ils avaient vécu au quotidien dans des conditions souvent dramatiques.

 

Michael ne réussit donc à convaincre personne. Il bouda un moment et se promit d’y jouer malgré tout.

 

Ils rentrèrent au chalet en fin d’après-midi. Emilie resta à jouer tranquillement dans le salon, avec Teal’C et Daniel qui s’était installé pour lire devant la cheminée. Michael monta dans sa chambre.

 

Sam et Jack n’avaient pas pu être très proches durant la journée qu’ils avaient passée avec les enfants. Quand ils annoncèrent qu’ils partaient se promener le long du lac un peu plus loin, personne ne fit le moindre commentaire. Daniel se contenta de sourire largement, et Jack sortit rapidement pour ne pas céder à la tentation de frapper l’archéologue.

 

Michael descendit quelques secondes plus tard et demanda où étaient Jack et sa tante, et s’il pouvait les rejoindre. Daniel et Teal’C s’entre regardèrent, hésitèrent, mais Michael insista et Daniel soupira :

-         Tu es sûr ? Bon, alors vas-y, mais ne les ennuie pas, hein !

Les yeux de l’enfant brillèrent de joie. Il remonta l’escalier quatre à quatre en prétextant avoir oublié son pull. Daniel se dit que Jack le tuerait quand il saurait que c’était lui qui avait autorisé l’enfant à les rejoindre.

Michael prit son lourd trésor sous son oreiller et le coinça à l’arrière de son jean, comme il l’avait si souvent vu faire dans les films. Il dut resserrer sa ceinture pour que son pantalon ne baisse pas trop, entraîné par le poids de l’objet. Il enfila un pull ample et redescendit l’escalier calmement. Il passa devant Daniel et Teal’C et sortit. L’archéologue ne leva pas les yeux de son livre. Teal’C suivit l’enfant du regard puis se replongea dans la contemplation du feu de bois.

 

 

Le jour déclinait. Sam et Jack s’étaient retrouvés enlacés dès qu’ils avaient été hors de vue du chalet. Ils étaient à présent debout face au lac, Jack enserrant Sam devant lui, au même endroit où la veille ils avaient échangé leur premier vrai baiser. Ils parlaient de tout et de rien. Jack était en pleine forme, il sortait des bêtises toutes les deux minutes et ne se lassait pas d’entendre le rire de Sam. Le temps semblait s’être arrêté encore une fois. La vie s’offrait à eux. Une vie à deux, enfin. Ils plaisantaient sur la façon dont ils allaient l’annoncer au général Hammond. Sam espérait que savoir sa fille si heureuse aiderait un peu son père à refaire petit à petit surface. Elle n’avait plus peur de s’occuper de ses neveux, plus peur de ne plus faire partie de SG1. Avec Jack à ses côtés, elle savait qu’elle pourrait tout supporter, tout accepter.

Jack redécouvrait le bonheur d’avoir un but dans la vie. Un but autre que de détruire une race extra-terrestre. Le colonel O’Neill avait toujours été stimulé par les défis, et une famille n’était-il pas le plus beau d’entre eux ?

 

 

Le lac n’avait jamais été plus calme, la soirée plus douce.

 

 

C’est alors que retentit la voix à côté d’eux :

«  Haut les mains colonel !! »

 

Ils se retournèrent d’un bond.

 

Et Jack découvrit son propre revolver que pointait sur lui un garçon de dix ans.

 

Et Jack revit immédiatement un autre petit garçon, presque du même âge, avec un revolver presque semblable.

 

Le militaire réagit instantanément. En une fraction de seconde il fut sur l’enfant et poussa violemment le poignet d’une main tout en saisissant l’arme de l’autre. Michael tomba en arrière et se retrouva assis dans l’herbe, les yeux écarquillés, sans réaliser ce qui venait de se passer.

 

Sam recula d’un pas en découvrant le visage de Jack : un mélange de terreur et de rage déformait ses traits. Il hurla en montrant l’arme :

 

-         OU AS-TU PRIS CELA ???

 

L’enfant le regardait sans comprendre, sans le reconnaître, et se mit à trembler de tous ses membres.

 

Sam n’avait jamais vu Jack dans cet état. Jamais. Elle n’avait même jamais imaginé qu’il puisse se mettre dans un tel état. Elle avait peur. Vraiment peur.

 

Le colonel avança d’un pas, brandissant toujours l’arme. Son visage était livide, ses yeux creusés par la colère. Il cria à nouveau :

 

-         OU AS-TU PRIS CELA ???

 

Il fallait l’arrêter. Michael était prostré par terre, tétanisé. Peu de militaires auraient supporté le regard de Jack, alors un petit garçon de dix ans…

Sam s’avança vers O’Neill :

 

-         Mon colonel… je vous en prie…

 

Elle était instinctivement revenue en mode militaire. Il fallait faire appel à l’homme raisonnable et maître de lui que le colonel de l’Air Force Jack O’Neill avait toujours été. C’était sa seule chance.

 

-         LA FERME, CARTER !!!

 

Il ne l’avait même pas regardée. Il gardait son regard haineux fixé sur l’enfant. Celui-ci finit par se relever et partit en courant. Sam se retourna vers Jack qui dit d’un ton glacial :

 

-         Partez. Allez le rejoindre.

-         Et vous ?

 

Jack ne répondit pas et s’éloigna à grands pas dans la forêt, son arme toujours à la main.

 

Sam hésita un instant puis courut à la recherche de l’enfant. Elle le trouva quelques dizaines de mètres plus loin, allongé face contre terre, son corps secoué par les sanglots. Il avait manifestement butté contre une souche mais ne s’était pas blessé. Sam tomba à genoux près de lui et le prit dans ses bras. L’enfant tremblait de tous ses membres. Il réussit à articuler entre deux hoquets :

-         Je suis… désolé Sam… je... Jack me déteste…

-         Chutt… Non… il ne te déteste pas… Il a juste eu très très peur…

-         Mais je ne lui aurais pas tiré dessus… c’était pour jouer…

-         Il n’avait pas peur pour lui mon chéri… Il avait peur pour toi, peur que tu te fasses du mal.

-         Mais je ne pouvais pas, c’est moi qui avais le revolver… Je suis désolé Sam…

-         Je sais Michael, je sais. Je ne t’en veux pas, ne t’inquiète pas, tout ira bien.

 

Sam serra l’enfant davantage et sentit ses propres larmes couler sur ses joues. Elle continua de tenir Michael contre elle en silence.

 

Tout n’irait pas bien. Elle avait menti, elle savait que tout n’irait pas bien.

 

La porte du chalet s’ouvrit. Daniel et Teal’C se levèrent d’un même élan quand ils virent le visage de Sam. Elle leva la main pour prévenir toute question et s’agenouilla devant Michael qui était toujours cramponné contre elle.

-         Michael, écoute moi. Tu vas aller te coucher dans mon lit, je viendrai te voir tout à l’heure. Tout ira bien, ne t’en fais pas. Je vais rester avec Teal’C et Daniel un moment.

L’enfant acquiesça et monta en silence. Sam se tourna alors vers Emilie, qui regardait la scène avec des yeux ronds.

-         Ma chérie, va un peu jouer dans ta chambre s’il te plait. Je dois parler à Teal’C et Daniel.

-         Ca va Sam ? demanda l’enfant, inquiète.

-         Oui. Tout va bien. Vas-y.

Elle ramassa sa poupée et monta à son tour. Dès qu’elle eut entendu les deux portes se refermer, Sam s’effondra en pleurant sur le canapé. Daniel s’assit près d’elle et la prit dans ses bras. Teal’C s’agenouilla en face d’eux. L’archéologue demanda :

-         Mon Dieu, Sam, qu’est-ce qui se passe ? Où est Jack ?

-         Michael a trouvé un revolver je ne sais où et l’a pointé sur Jack.

-         MICHAEL A FAIT QUOI ???? hurla Daniel.

-         Jack l’a désarmé immédiatement… mais après…je ne l’ai jamais vu comme cela… Jamais… Il était… méconnaissable, de la rage pure. Il est parti. Je n’ai rien pu faire… J’ai été rattraper Michael.

 

Daniel ferma les yeux.

Lui avait déjà vu Jack comme cela. Les premières fois qu’ils s’étaient rencontrés. Juste après la mort de Charlie. Quand Jack O’Neill n’était que fiel, froideur et colère.

 

L’archéologue se leva doucement. Teal’C prit sa place sur le canapé et passa un bras autour de Sam. Daniel prit sa veste et une lampe torche.

-         Je vais essayer de le trouver. Ne m’attendez pas.

Il sortit et commença à longer le lac dans l’obscurité.

 

Sam sécha ses larmes et resta un moment avec Teal’C. Puis elle monta dans sa chambre. Elle savait que le jaffa s’occuperait de faire manger Emilie et de la coucher. La jeune femme rejoignit donc sa propre chambre. Michael s’assit sur le lit en l’entendant entrer. Il pleurait toujours. Sam s’assit près de lui et le prit à nouveau dans ses bras. Il hoqueta :

-         Mais je ne me serais pas fait mal ! Je ne risquais rien ! Je suis désolé !

Sam caressa doucement les cheveux bruns et se mit doucement à parler.

-         Si Michael. Tu aurais pu te faire mal, sans le vouloir. C’est pour cela que Jack a eu peur. Il a cru que tu allais te faire mal. Il a déjà vu un petit garçon se faire mal comme ça.

-         Qui ?

-         Il y a longtemps, Jack a eu un fils.

-         Comment il s’appelle ?

-         Charlie. Et Charlie a un jour trouvé l’arme de Jack, comme toi. Et lui aussi pensait qu’il ne pouvait pas se blesser. Mais c’est arrivé.

-         Et comment il va ?

Sam prit une grande inspiration pour empêcher sa voix de se briser.

-         Il est mort mon chéri. Jack a essayé de le sauver mais c’était trop tard. Charlie est mort. Et c’est pour cela que Jack a eu très peur quand il t’a vu avec l’arme. Il a repensé à son petit garçon et a eu peur qu’il t’arrive la même chose.

Michael garda le silence un moment. Sam savait que tout cela était compliqué pour un petit garçon de dix ans. Mais il fallait qu’il sache, il fallait qu’il comprenne pourquoi Jack avait réagi ainsi.

-         Jack me déteste.

-         Non Michael. Mais… il faut lui laisser du temps. Il ne t’en veut pas, il s’en veut à lui, d’avoir laissé l’arme à ta portée et d’avoir failli te perdre.

-         Non, c’est de ma faute, j’ai pris les clés dans sa veste hier… je voulais voir sa voiture, et j’ai fouillé, j’ai trouvé le revolver… mais il était caché, c’est de ma faute… Oh Sam je voudrais tellement que papa et maman soient là !!

-         Je sais. Moi aussi, je voudrais vraiment qu’ils soient là pour nous consoler tous les deux.

 

Sam s’allongea aux côtés du petit garçon et le garda contre lui pour qu’il trouve enfin le sommeil.

 

 

Daniel marchait depuis maintenant plus d’une heure. Comme il longeait le bord de l’eau, il vit les lumières du chalet s’éteindre petit à petit, seule la salle semblait rester allumée. Teal’C attendait très certainement leur retour.

 

Ce fut un éclat métallique qui attira l’attention de l’archéologue. Le revolver. Et Jack assis à côté, face au lac, face au chalet, qui ne sembla prêter aucune attention à la lumière de la lampe torche. Daniel l’éteignit et s’assit à son tour. Ils restèrent un long moment silencieux dans l’obscurité, regardant la faible lueur du chalet au-delà de l’étendue noire du lac.

Puis la voix de Daniel s’éleva doucement :

 

-         Je crois… Je crois que je sais un peu ce que vous ressentez Jack.

-         Je crois que non.

 

La voix de Jack était sèche, froide, glaciale même. L’archéologue eut l’impression d’être projeté neuf ans en arrière.

 

-         J’étais là juste après la mort de Charlie, Jack. C’est à ce moment que nous nous sommes rencontrés je vous rappelle.

 

Jack ne répondit pas. Daniel enchaîna :

 

-         Tout va bien, Jack. Michael va bien. Il n’a rien. Cela ne s’est pas reproduit. Cela ne se reproduira plus.

-         Non. Tout ne va pas bien. Tout n’ira jamais bien. J’ai eu la faiblesse de le croire, l’espace d’une journée.

-         Tout n’est pas perdu Jack. Vous avez Sam. Elle a besoin de vous…

-         Carter n’a jamais eu besoin de personne.

 

« Carter ». Daniel soupira.

 

-         Si elle a besoin de nous, de vous. Vous le savez Jack, vous l’avez toujours su. Surtout maintenant qu’elle a Michael et Emilie… Vous pouvez avoir une famille Jack.

-         J’ai déjà eu une famille. Je n’en veux pas d’autre.

-         Michael s’en veut Jack. Il s’en veut terriblement.

-         Carter lui parlera.

 

Daniel comprit qu’il n’arriverait à rien de plus. Jack se leva, ramassa le revolver et le coinça dans son jean comme Michael l’avait fait un peu plus tôt. Daniel et lui prirent le chemin du chalet en silence.

 

Jack ne regarda même pas Teal’C en rentrant. Le jaffa se leva et regagna sa chambre sans un mot, suivi par Daniel. O’Neill s’allongea sur le canapé. Quand il se leva le lendemain vers 6 heures, il n’avait quasiment pas dormi.

 

Comme la nuit précédente. Pas pour les mêmes raisons.

 

Sam descendit quelques minutes plus tard et l’aperçut debout sur le ponton. Elle prépara le café et sortit avec deux tasses. Jack ne la regarda pas s’avancer. Il ne bougea pas quand elle lui tendit un café. Elle hésita, puis posa la tasse sur le sol.

-         Michael est désolé. Je suis désolée.

Il ne répondit pas. Son visage était parfaitement inexpressif. Sam se sentit plus loin de lui qu’elle ne l’avait jamais été. Les larmes montèrent dans les yeux bleus de la jeune femme.

-         Parle moi Jack. Dis quelque chose. Je ne sais pas… quoi faire… quoi dire… C’était une bêtise, une terrible bêtise d’enfant, Michael est…

-         Une BETISE, Carter ?

Jack avait tourné son visage vers elle. A nouveau il était pâle de colère. A nouveau Sam recula. Il continua, un doigt pointé vers elle.

-         Vous appelez cela une BETISE Carter ? MON FILS EST MORT DE CETTE BETISE CARTER !!! MORT !!!!

-         Mais Michael est vivant lui ! Vivant et malheureux ! Il vous aime Jack ! Il vous admire ! Il…

-         Il n’est pas Charlie. Personne ne sera plus jamais Charlie.

 

Sam sentit tout à coup la colère monter en elle. Elle s’avança d’un pas. Elle n’avait plus peur de lui.

 

-         Vous vivez dans le passé. Vous avez toujours vécu dans le passé. J’ai essayé désespérément de vous offrir un avenir, mais en fait vous n’en voulez pas, colonel O’Neill. La souffrance des autres ne vous préoccupe pas, seule la vôtre vous intéresse. Et bien moi je dois penser à l’AVENIR. J’ai deux enfants, moi, maintenant, deux enfants bien vivants, contrairement à ma mère, à mon frère, à Janet, à tous ceux qui sont MORTS et qui ne reviendront PAS. Je dois penser à l’avenir, avec ou sans vous.

 

Ils étaient face à face, tous deux pâles de colère. Les yeux bruns rivés aux yeux bleus. Tous deux pleins de haine et d’amertume. Jack articula lentement :

 

-         Nous avons juste couché ensemble, Carter. Il n’a jamais été question d’avenir.

 

Elle reçut la réplique comme une gifle mais ne cilla pas. Elle tourna les talons. Daniel et Teal’C étaient immobiles devant la porte du chalet et s’écartèrent pour la laisser passer. Elle posa sa tasse encore pleine sur le bar et partit réveiller les enfants. Une heure plus tard, les valises étaient chargées dans la voiture. Jack n’avait pas bougé du ponton. Teal’C et Daniel avaient aidé Sam à tout préparer et à faire déjeuner les enfants. La jeune femme et ses deux amis essayaient de rester souriants mais Emilie, et surtout Michael, n’étaient pas dupes. Cependant ils ne posèrent pas de question.

 

Au moment de partir, Michael prétexta avoir oublié quelque chose et rentra en courant dans la maison. Sam voulut l’accompagner mais Teal’C la retint en posant sa main sur son bras.

 

Michael avança doucement sur le ponton et dit :

-         Je suis désolé Jack. Je sais… je sais que c’est à cause de moi qu’on s’en va. A cause de ce que j’ai fait. Je ne voulais pas… je ne savais pas pour Charlie. Je sais que tu me détestes, mais je voulais juste m’excuser.

Jack se retourna et regarda le garçon. Des larmes coulaient sur les joues de l’enfant. O’Neill se baissa et l’attira contre lui. Il murmura :

-         Je ne t’en veux pas. Tu n’y es pour rien, Michael. Ce n’est pas à cause de toi, tout ça. C’est à cause de moi. Ce sont des histoires de grandes personnes. Je ne te déteste pas. Pas du tout.

Il sourit doucement et ajouta en passant la main dans les cheveux de l’enfant :

-         Vas-y maintenant, Sam t’attend. Sois gentil avec elle, elle en a besoin. Elle a besoin de ta sœur et toi.

-         On va se revoir bientôt ?

-         Je ne crois pas Michael. Mais souviens-toi que ce n’est pas de ta faute et que je vous aime, Emilie et toi. Allez, sauve-toi.

 

L’enfant sourit et partit en courant. Jack le regarda un instant puis s’assit face au lac.

Daniel et Teal’C louèrent une voiture et partirent l’après-midi même. Ils ne reparlèrent pas à O’Neill. Il était impardonnable. Ce qu’il avait dit était impardonnable.
 
 
Conçu par Océan spécialement pour Imagine.
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