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- Arrête de me mentir ! Je t’ai vue, vue de mes yeux vue, avec lui !
- Tu te trompes ! On n’a rien fait de spécial ! On discutait !
Les deux jeunes femmes d’une vingtaine d’années ne bronchèrent même pas quand le vortex apparut à quelques mètres d’elles.
- Discuter ! s’exclama la première avec un rire nerveux. Tu faisais la petite ingénue avec lui et tu appelles ça discuter ! Tu n’as plus à t’approcher de lui parce que tu le regretterais ! Il est à moi !
Sg-1 se retrouva au beau milieu de la dispute. Les deux jeunes femmes se tiraient les cheveux et se griffaient comme des tigresses. Jack se tourna vers son ami archéologue avec un air entendu.
- Daniel...
- Bonjour ! commença-t-il. Nous...
Mais elles ne semblèrent pas se rendre compte de sa présence. La première jeune femme prit l’avantage et fit se tordre de douleur la seconde sous la douleur.
- Daniel ! insista Jack. Vous devriez peut-être intervenir...
L’archéologue jeta un regard noir au chef de Sg-1. Cela se voyait qu’il n’était pas à sa place. Néanmoins, il retenta de nouer contact avec les deux jeunes femmes.
- Euh... Nous sommes de pacifiques explorateurs venus de la Terre. Je suis...
Il n’eut aucune réponse. C’était comme s’il n’existait pas.
- Il est à toi si tu veux ! céda finalement la deuxième
La première jeune femme consentit à lâcher sa rivale. Celle-ci reprit vite ses sens.
- Pour ce que tu en feras !! ajouta-t-elle en riant
Elle fut de nouveau attrapée par les épaules et jetée à terre.
- Je te défends de me parler comme ça !
- Il faudrait peut-être les séparer, mon colonel, fit remarquer Sam.
N’entendant aucune réponse, la jeune femme s’inquiéta.
- Mon colonel ? Daniel ? Teal’c ?
Les trois hommes ne répondirent pas, fascinés par le combat entre les deux autochtones. Sam leur jeta un regard aussi intrigué que surpris. Mais avant qu’elle ne puisse dire quelque chose, un jeune homme apparut.
- Mais qu’est-ce que vous faites encore là ? s’écria-t-il pour les deux jeunes femmes
Sans prêter attention à Sg-1, il releva ses deux congénères et les agrippa par le bras.
- Ne me dites pas que vous vous disputez encore pour ce gars ! s’exclama-t-il désespéré
- Mais...
- Silence ! interrompit-il violemment. Dépêchez-vous de vous rendre à la ville !
Jack poussa Daniel vers le jeune homme. L’archéologue se retourna vers lui avec étonnement.
- Allez-y ! On a enfin trouvé quelqu’un de censé ! expliqua le colonel
- Bonjour, salua Daniel. Nous sommes Sg-1, nous venons de la Terre et...
L’autochtone les remarqua alors. Il regarda successivement la Porte des Étoiles et le groupe de Terriens tandis que ses amies courraient dans la direction supposée de la ville.
- Vous êtes arrivés par ça ? demanda-t-il finalement en désignant l’anneau de pierre
- Oui ! s’écria Jack heureux qu’on les ait enfin écouté. Nous sommes...
- Venez à la ville ! ordonna le jeune homme
Il se mit en route et s’arrêta quand il vit Sg-1 immobile.
- Mais pressez-vous un peu !
*
Sg-1 put ralentir l’allure quand ils arrivèrent à la ville. L’endroit paraissait totalement livré à lui-même. Les constructions, probablement splendides autrefois, se délabraient par manque d’entretien, les rues étaient sales et la centaine d’habitants s’agitant dans les sens ne semblait ne rien remarquer.
- Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ici ? s’interrogea Jack en faisant un tour sur lui-même
- Je ne sais pas, Jack, répondit lentement Daniel. En fait, je ne suis pas très rassuré.
- Restez là ! exigea le jeune homme
Sg-1 le regardèrent disparaître parmi la foule bruyante. Ils avaient déjà perdu de vue les deux jeunes femmes.
- Il a un peu trop tendance à donner des ordres celui-là, constata Jack en grimaçant.
- Que fait-on, mon colonel ? demanda Sam
- Ben, vous l’avez entendu ! On l’attend ici ! répondit Jack avec évidence
La musique de fête autour d’eux devenait assourdissante. Pourtant, tous semblaient être comblés et leurs visages illuminés par la joie ou la béatitude. Sg-1 étaient des plus inquiets. Se consultant du regard, ils avaient constaté que la plupart de l’assemblée était jeune et qu’il n’y avait aucun enfant. D’un certain point de vue, cela rassura Jack car il ne savait pas si ces gens totalement ailleurs auraient pu éduquer des enfants.
Le jeune homme réapparut soudain accompagné d’un autre à l’air solennel malgré son accoutrement. Il portait en effet un longue toge multicolore et ses bras étaient couverts de dessins au henné. Quant à son visage, il paraissait totalement recouvert de talc sauf les pommettes de ses joues teintées de jaune.
- Alors, Unde, ce sont les gens que tu veux me montrer ? demanda-t-il
- Ils viennent de la Porte des Étoiles, Lakram ! annonça avec grandiloquence le jeune homme
- Oooooooooooooooooooooooh !
Mais qui était ce hurluberlu ? On aurait vraiment dit un drogué.
- Parler ! Parlez ! exhorta le jeune homme
Sg-1 resta quelques secondes surpris puis Jack prit la parole.
- Vous êtes qui ?
- Ce doit être un chef local, présuma Daniel.
Lakram semblait étonné et plein de curiosité. Il regardait les membres de Sg-1 comme s’il ne les avait pas entendus.
- Que fêtez-vous ? demanda Sam à titre informatif
Unde et Lakram restèrent muets et fixèrent la jeune femme avec des yeux ronds.
- Je ne crois pas qu’ils vont vous répondre, Carter, constata Jack intrigué.
- Je pense que vous avez raison, mon colonel.
Lakram éclata de rire bientôt suivi par le jeune autochtone. Les Terriens se regardèrent sans comprendre.
- Pourquoi riez-vous ? osa demander Jack
- Elle vous a appelé "mon colonel" ! répondit Unde
- Car je suis son colonel, répliqua Jack en haussant les épaules.
Lakram se tourna vers Sam.
- Alors il est vraiment à vous ?
- Mais non ! s’écria la jeune femme
- Pourtant vous l’appelez "mon" colonel, fit remarquer Unde.
- Mais c’est un colonel, c’est normal que je l’appelle ainsi !
- Pourquoi dîtes-vous alors qu’il est à vous ? s’interrogea Lakram
- Je n’ai jamais dit qu’il était à moi ! s’exclama la jeune femme
- C’est normal que je ne comprenne plus rien ? déclara Jack en faisant la moue.
- Mon colonel ! se lamenta Sam
- Ah ! Vous voyez ! dit Lakram en secouant la tête. Vous venez de dire qu’il est à vous ! Ne mentez pas !
- Mais... Vous ne comprenez donc rien ! désespéra Sam. Daniel ! Expliquez-leur !
L’archéologue était hilare et dut se calmer pour répondre.
- Je suis désolé, Sam, réussit-il à dire entre deux fous rires. Mais pour moi, "votre" colonel s’appelle Jack !
- Daniel ? demanda Jack. S’il vous plait, faites un effort... Daniel ?
Mais son ami était maintenant incapable de s’exprimer et s’accrochait à un Teal’c stoïque pour ne pas se rouler à terre.
- Ok, dit Jack en voyant qu’il ne pouvait plus compter sur ce membre de son équipe. Teal’c, tirez-nous de ce mauvais pas.
- Je ne vois pas en quoi le major Carter et vous pourriez être en danger, O’Neill, exposa calmement le Jaffa.
Lakram et Unde le regardèrent avec fascination.
- Carter ? Sam ? Major Carter ? répéta le premier
- "Son" colonel ? Jack ? O’Neill ? continua le second
- Vous êtes plusieurs dans la même personne ? demanda Lakram
- J’abandonne ! s’exclama Sam en fermant les yeux
- Ils sont demeurés, c’est pas possible ! renchérit Jack
Lakram s’apprêtait à poser une nouvelle question quand un roulement de tambours l’interrompit. Jack et Sam soupirèrent de soulagement.
- La chenille vient de produire son eau ! annonça Lakram. venez mes amis ! Vous méritez la première tournée ! Et toi aussi, Unde !
- Merci, Lakram !
Sg-1 dut se résoudre à suivre Lakram et Unde jusqu’à une bâtisse aux murs colorés dont l’intérieur était totalement vide mis à part une trentaine d’habitants devant une petite serre. Sam eut beau se tordre le cou mais elle ne parvint pas à voir ce qu’elle contenait.
Lakram claqua alors des doigts et une jeune femme apparut immédiatement portant une coupelle d’or.
- Occupe-toi d’Unde, pria-t-il ensuite.
Le chef s’avança parmi les villageois agenouillés devant la serre. Sam put alors distinguer une multitude de chenilles fluorescentes grouillant à l’intérieur. Elle remarqua également un système de tuyaux servant à recueillir une sécrétion blanche et à la mener jusqu’à un distillateur d’où sortait une eau. Lakram y remplit la coupelle.
- Voici nos chenilles et voici leur eau ! déclara-t-il avec fierté. Buvez !
Il tendait le récipient à Jack. Le chef de SG1 hésita. Qu’est-ce que c’était que ça ? Un alcool local douteux ?
- Il y a quoi là dedans ? osa-t-il demander
Lakram fronça les sourcils. Pourquoi cet homme refusait-il ce que tous voulaient tant ?
- Buvez ! insista-t-il en le forçant à porter la coupelle à sa bouche
- J’ai l’estomac fragile...
Lakram regarda Jack avec étonnement.
- Mais qui me parle en ce moment ? s’interrogea-t-il soudainement. Jack ? "Son" colonel ou O’Neill ? C’est confortable à l’intérieur pour trois ?
- Ok, je bois ! répliqua Jack sans hésiter
Il avala cul sec le contenu de la coupelle. Tous les regards étaient sur lui attendant sa réaction.
- Ben... C’était pas mauvais !
- Et vous allez bien, mon colonel ? s’inquiéta Sam
- Je pète la forme, Carter ! s’écria Jack
- Vous irez bien mieux ensuite, confirma Lakram d’un air entendu.
Tout en parlant, il remplissait de nouveau la coupelle qu’il tendit ensuite à Sam. La jeune femme la vida d’un trait tout en lorgnant Jack.
- Alors ? s’enquit Daniel
- Ça va aussi, répondit Sam tout naturellement. J’ai juste la tête qui tourne un peu. On dirait de l’alcool frelaté.
Daniel attendait légitimement son tour maintenant. Mais Lakram fit rappeler la jeune femme qui remporta la précieuse coupelle.
- Et nous ? demanda Daniel en associant un Teal’c surpris dans sa requête
- Non, répondit seulement Lakram.
- Non ? insista Daniel
- Non.
Lakram partit alors à la rencontre d’autres habitants à l’extérieur livrant Sg-1 à son propre sort. Ils rejoignirent les abords de la ville et Jack commença à secouer la tête.
- C’est normal que les cloches sonnent ?
- Et personne ne pourrait demander à ce bébé d’arrêter de pleurer ? poursuivit Sam
Teal’c et Daniel se regardèrent avec effroi. Jack, encore un peu lucide, secoua négativement de la tête.
- Non... Ne me dîtes pas qu’il n’y a aucune cloche qui sonne ?
- Jack, calmez-vous, dit Daniel en l’aidant à s’asseoir. Ils vous ont drogués. Mais ça va passer.
- Et tout ça, c’est de votre faute, Daniel ! déclara Sam rancunière
- Ah oui ! C’est de votre faute, Daniel ! répéta Jack. Si vous nous aviez aidés quand Lakram et Unde posaient toutes ces questions !
- Dorénavant, tout le monde m’appellera Carter, c’est décidé, décida la jeune femme.
Elle manqua de tomber par terre et Teal’c la rattrapa de justesse. Il l’installa aux côtés de Jack.
Le bruit de tambours de fête redoubla. Bientôt, tous les habitants convergèrent vers Sg-1 pour quitter la cité. Deux hommes robustes vinrent bousculer Daniel et Teal’c puis aidèrent Jack et Sam, à la limite de l’inconscience, à se déplacer.
- Eh ! Mais qu’est-ce que vous faites ? s’interposa l’archéologue
Les deux hommes tentèrent tant bien que mal d’intervenir mais les mouvements de la foule les en empêchaient et ils virent bientôt leurs amis disparaître à l’horizon.
Teal’c aperçut alors Unde qui déambulait parmi les autres habitants. Celui-ci regarda le reste de Sg-1 avec un sourire.
- Je suis désolé que vous n’ayez pas eu droit à de l’eau mais je dois que Carter et "son" colonel sont beaucoup plus drôles que vous !
- Qu’avez-vous fait à nos amis ? demanda peu aimablement le Jaffa
- Ne vous inquiétez pas, rassura Unde. Ils ne font que ressentir les premiers effets de l’eau. Ils vont bientôt se dissiper pour laisser place à un sentiment de bien-être intense.
Daniel était sceptique. Jack et Sam semblaient bien loin du nirvana quand on les avait enlevés.
- Je ne vous fais pas confiance, dit-il à Unde.
- Moi non plus, appuya Teal’c.
- De toutes façons, vous n’avez pas le choix, répliqua Unde en haussant les épaules.
- Dites-nous où ils sont ! exhorta Teal’c
- Je ne peux pas, répondit tout simplement Unde. Ce serait contraire à nos règles et vous mettriez la vie de vos amis en danger.
Le jeune homme s’était exprimé posément semblant ne pas se rendre compte de la menace dans les yeux de Teal’c. Daniel soupira. Il ne tirerait rien de lui. Il était depuis trop longtemps parti.
- Tout le monde remarquera que vous n’avez pas eu droit à l’eau et ils vous empêcheront d’approcher, expliqua Unde. Même vos amis refuseront de venir.
- Ils savent que vous les avez drogués, répliqua Daniel.
- Mais qui vous dit qu’ils n’aimeront pas cela ? lui rétorqua le jeune homme
Teal’c en avait assez. Ne pouvant retenir sa colère, il plaqua au mur le pauvre Unde faisant trembler les fondations de la maison.
Daniel jugea bon de calmer le jeu et s’interposa pour obliger le Jaffa à lâcher le jeune homme. Mais alors qu’il allait ouvrir la bouche, il vit quelque chose à travers la fenêtre grasse de l’habitation.
- Teal’c ! s’écria-t-il. Regardez !
Laissant Unde assis par terre comme une loque, les deux hommes entrèrent. Ils s’accroupirent tous deux devant la mystérieuse chose.
- Teal’c ? C’est bien ce que je pense ?
- Cela dépend à quoi vous pensez, Daniel Jackson, répondit Teal’c suspicieux.
- C’est une femme qu’il y a devant nous ? demanda l’archéologue
- Oui, Daniel Jackson. Et elle me semble morte. D‘un coup à la tempe.
Un cri de douleur ponctua la phrase du Jaffa. Unde, remis de ses émotions, s’était levé à la suite des deux hommes. Il se précipita vers le corps de la jeune femme et Teal‘c dut le retenir pour qu’il ne prenne pas le corps dans ses bras.
- Unde ? demanda Daniel. Vous savez qui c’était ?
- C’est Conta ! Ma sœur !
Les hurlements de désespoir du jeune homme étaient insoutenables. Teal’c et Daniel préférèrent le faire sortir.
- Oh mon Dieu, Conta !
- Vous croyez que c’est lui qui a fait ça, Teal’c ? demanda l’archéologue tandis qu‘ils observaient le corps. Il avait largement le temps d’accomplir ce forfait.
- Il est encore trop tôt pour le dire, Daniel Jackson, répondit prudemment Teal’c. Mais il me semble suspect qu’Unde soit encore ici qu’alors, d’après lui; il est de coutume de quitter la ville.
Le Jaffa se ragenouilla auprès du corps signifiant à Daniel qu’il lui incombait de poser toutes les questions. L’archéologue s’approcha du jeune homme.
- Que faisiez-vous ici, Unde ? Pourquoi n’étiez-vous avec tous les autres ?
- Je cherchais Conta ! Je ne l’avais pas vu depuis le début de la journée et je m’inquiétais. Pauvre Conta !
Teal’c sortit à son tour.
- Nous ne pouvons laisser le corps de cette jeune femme ici, déclara-t-il.
- On ne peut prévenir personne, fit remarquer Daniel. Même si on les retrouvait, ils refuseraient de nous écouter.
Le Jaffa se tourna vers le jeune autochtone.
- Unde ? Savez-vous où nous pourrions emmener votre sœur ?
Le jeune homme était de nouveau assis par terre et fixait l’horizon avec un air absent.
- Il ne vous sera pas utile à grand chose, dit alors une voix derrière eux.
Daniel faillit avoir une crise cardiaque en voyant un homme s’approcher. Sec, tout de noir vêtu et aussi pâle qu’un cachet d’aspirine, il faisait peur à voir. De ses lèvres craquelées sortaient un mince filet de sang contrastant fortement avec sa peau presque translucide. Quand il ôta les épais verres fumés qui protégeaient ses yeux, Teal’c et Daniel constatèrent que l’homme ne devait pas beaucoup dormir.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-il
- Nous sommes des explorateurs venus par la Porte des Étoiles, présenta Daniel. Je suis le docteur Daniel Jackson et voici Teal’c.
- Vous avez été épargnés de l’eau ? questionna l’homme soupçonneux
- Oui, répondit le Jaffa. Et vous ?
- Je ne tomberai jamais dans le vice de ces dépravés ! répliqua-t-il vexé. Je ne peux sortir que quand ils sont loin. Je vous conseille de rester avec moi si vous voulez survivre. Laissez ce pauvre diable rejoindre ses congénères.
A ces mots, Unde réagit. Le regard méprisant qu’il posa sur l’homme inquiéta Daniel et Teal’c.
- Je n’abandonne pas Conta ! s’écria-t-il en se levant. Je reste avec vous !
L’homme fronça les sourcils.
- Qui est Conta ?
- Sa sœur, lui apprit Daniel. Nous l’avons retrouvée morte.
L’archéologue s’attendait à de la surprise mais il n’en fut rien. L’homme suivit Teal’c auprès du corps. Il hocha lentement de la tête.
- Vivant comme une dégénérée, elle a eu une fin digne d’elle. Nous devons l’enterrer en ma paroisse.
- Vous êtes prêtre ? s’étonna Daniel
A bien y réfléchir, ce n’était guère surprenant. Mais il ressemblait tellement à une caricature d’ecclésiastique extrémiste que l’archéologue n’avait pas osé faire le rapprochement.
- Le titre de prêtre n’a plus vraiment de sens. Disons que je suis le seul être conscient des méfaits de ce peuple de mécréants sur cette planète ! Et pourtant je les avais prévenus !!
Avec l’aide de Teal’c, il souleva Conta. Unde prit la main de sa sœur et la pressa contre son visage. D’un geste sec, le prêtre le fit reculer.
- Vous pourrez peut-être nous aider à retrouver nos amis, pensa alors Daniel.
- Ils ont bu l’eau ? s’enquit l’homme.
- Oui, répondit Teal’c.
- Mais contre leur volonté ! s’empressa d’ajouter Daniel
- Volontaires ou pas, s’ils ont bu de l’eau, vous pouvez les considérer comme perdus !
2
Jack finit par retrouver Sam isolée et assise au pied d’un arbre gigantesque. A une dizaine de mètres de là, la fête battait son plein. Depuis qu’ils étaient arrivés ici, jamais Jack ne s’était senti aussi bien et aussi libéré. Il avait l’impression que tous ses problèmes s’étaient envolés et qu’ils ne reviendraient jamais. Il regarda avec attention l’oiseau multicolore qui survolait la foule ébahie. Il savait parfaitement que c’était encore une de ces hallucinations dont tous étaient victimes mais il était totalement sous le charme.
- Carter ? Vous avez un souci ? demanda-t-il à son major
La jeune femme releva la tête et eut un éclatant sourire en le voyant.
- Non, mon colonel, répondit-elle. A vrai dire, je ne me suis jamais sentie aussi mieux. C’est irréel !
Jack s’assit à ses côtés. Ils pouvaient admirer le magnifique paysage autour d’eux et toutes les transformations que l’eau avait faites sur lui. Les sapins devenaient des arbres tropicaux, les rouges-gorges de véritables fées et les rayons de soleil une pluie d’or.
- Je parie 10$ que cet éléphant bleu va tomber de cet arc-en-ciel, Carter ! dit alors Jack
- Je ne parie jamais, mon colonel, répliqua la jeune femme. Et je dois avouer que vu la manière dont il danse, il en a toutes les chances !
Jack cligna les yeux plusieurs fois.
- Tiens ! Je l’ai perdu !
Sam regarda Jack avec horreur.
- Moi aussi, je l’ai perdu ! Mais qu’est-ce qu’il se passe ?
- Rendez-nous l’éléphant bleu ! s’écria Jack
- Les effets de l’eau sont en train de se dissiper, mon colonel, comprit Sam paniquée. Mais je n’ai aucune envie que ça s’arrête !
- Moi non plus ! répliqua Jack. Il faut demander de l’eau à Lakram !
Sam était désemparée. Elle préférait mourir plutôt que de retourner à la vision normale des choses.
- Il ne nous en donnera jamais ! se lamenta la jeune femme. Nous ne sommes plus du tout intéressants à ses yeux !
Sam était sur le point de pleurer alors que Jack se creusait le cerveau pour trouver une solution.
- On va faire quelque chose d’extraordinaire ! déclara-t-il
- Mais quoi ? demanda Sam désespérée
- Que sommes-nous, Carter ? dit Jack avec confiance
Sam eut un commencement de sourire.
- De pacifiques explorateurs venus de la Terre...
Son visage s’illumina alors car elle venait de comprendre ce à quoi pensait Jack.
- Vous voulez que nous explorions quelque chose ! s’exclama-t-elle. Mais il faut que ça soit spécial !
Ils se concentraient intensément recherchant la meilleure idée.
- Il faudrait que ce soit quelque chose que nous n’avons jamais osé explorer, précisa Jack.
Sam, incrédule, regarda Jack.
- Mais on a été déjà été aux Enfers, en Antarctique et pire encore ! Qu’est-ce qu’on n’a jamais osé explorer ?
Jack et Sam restèrent silencieux quelques secondes à se fixer. Subitement, ils se désignèrent l’un l’autre du doigt.
- Vous !
Gênés, ils éclatèrent de rire. Comment n’y avaient-ils pensé plus tôt ? C’était évident !
- Il faut avouer qu’en effet vous êtes un endroit... très spécial, mon colonel, fit remarquer Sam.
- Je vous retourne le compliment, Carter.
- Mais ce ne serait pas contraire au règlement ? demanda la jeune femme sans innocence
Elle savait que Jack lui en voulait d’avoir posé cette question mais après tout il fallait bien que l’un d’entre eux parle de ce problème. Il fronça les sourcils : Sam avait raison. Mais, aidé par la sensation de manque qui commençait à le gagner, il trouva vite une parade. D’ailleurs, à regarder la jeune femme, il devinait que la moindre explication, même la plus farfelue, suffirait.
- Nous sommes des explorateurs, non ? demanda-t-il
Sam ne comprenait pas où il voulait en venir.
- Oui...
- Nous nous devons donc de tout explorer ! s’exclama Jack
Sam hocha de la tête saisissant parfaitement sa logique. Cela lui convenait.
- Vous avez raison, mon colonel ! Il faut que nous explorions tout !
- Je préfère quand vous parlez comme ça ! s’enthousiasma Jack. Nous accomplirons cette mission avec devoir, honneur et courage !
Sam pensait plutôt que c’était la mission la plus plaisante de toute sa vie. Travailler dans l’armée menait vraiment à tout...
Elle retint son souffle quand, avec un sourire gourmand, Jack se pencha sur elle pour lui voler un baiser. Le premier contact avec le territoire inconnu fut des plus agréables. D’un tacite accord, ils décidèrent d’approfondir leurs rapports déjà très chaleureux. Ils furent surpris quand on les sépara mettant fin à leur fort intéressant voyage touristique.
Lakram les regardait avec une stupéfaction teintée d’envie.
- Je comprends maintenant pourquoi vous l’appelez "mon" colonel... Vous devez être très possessive.
Sam essaya de protester mais Lakram la coupa.
- Mais malheureusement l’heure n’est pas à ce genre de divertissements, les amoureux ! ajouta-t-il. Et d’ailleurs il n’y a aucune heure pour ça ! Nous ne vivons que pour la fête ! Et qu’y a-t-il de mieux pour ça ? De l’eau !!
Jack et Sam battirent des mains comme des enfants tandis que Lakram leur faisait apporter deux grands bols remplis à ras bord d’eau. Ils burent immédiatement et redécouvrirent leur monde enchanté.
- Regardez ! s’écria Jack. L’éléphant n’est toujours pas tombé !
- Je crois qu’il saute même à la corde maintenant ! remarqua Sam
Ils se regardèrent mais aucun ne voulut avouer qu’ils étaient déçus de la fin si précipitée de leur mission d’exploration.
*
- Peu importe les turpitudes que tu as commises, ton âme est désormais avec les ancêtres qui sauront te guider de nouveau sur la bonne voie... Dire que j’avais pressenti ce malheur et que personne ne m’a écouté...
Teal’c, Daniel et Unde écoutaient le sermon du prêtre depuis un bon moment déjà. S’il ne s’était pas agi de l’enterrement d’une jeune femme assassinée, Daniel aurait pris ses jambes à son cou. Teal’c, d’habitude impassible, commençait à lever le sourcil un peu trop souvent. Quant à Unde, il gardait la tête baissée sur le linceul où on avait placé sa sœur.
- Qui aurait pu prévoir une telle décadence chez un peuple si brillant ? continua le prêtre. Nous avions tout et nous avons tout perdu ! Cinq longues années se sont écoulées depuis le jour funeste où l’eau de la chenille a été découverte ! Cinq longues années pendant lesquelles j’ai vu les miens tomber les uns après les autres dans le vice, la paresse, le déshonneur ! Cinq longues années où je fus la seule âme éclairée de ce village ! Cinq longues années de lutte contre mes frères transformés en bêtes !
Unde ne put rester sans réaction plus longtemps. Sautant par-dessus la fosse qui contiendrait sa sœur, il se précipita sur le prêtre et le jeta par terre.
- Vous n’avez pas le droit de nous traiter de cette façon ! Nous sommes comme vous ! Vous ne pouvez pas savoir ce que nous ressentons grâce à l’eau ! Vous rejetez tout ce qui vous ne sert pas !
Teal’c retint le poing du jeune homme au moment où celui-ci allait s’abattre sur le visage du prêtre.
- Arrêtez Unde ! ordonna-t-il
Le jeune homme se releva et fixa avec haine son congénère qui lissait son vêtement froissés par sa chute.
- Puisque vous aimez tant l’eau, qu’est-ce que vous faites là ? demanda le prêtre provocateur
- S’il vous plait, pria Daniel, n’envenimez pas les choses !
Mais Unde était décidé à ne pas laisser passer cette nouvelle pique.
- Pardon ? demanda-t-il au prêtre
- Que faites-vous là ? répéta celui-ci en haussant un peu plus la voix. Pourquoi n’allez-vous pas voir les autres pour avoir de l’eau ?
- Je viens enterrer ma sœur ! hurla Unde. Et je veux savoir qui l’a tuée ! Malgré tout ce que vous pensez, l’eau ne nous a pas fait tout oublié ! Je tenais à elle autant qu’elle tenait à moi !
Le prêtre eut un petit rire.
- Vous teniez tellement les uns aux autres que vous n’avez pas vu que certains de vos complices dans vos déviances avaient été tués ! répliqua-t-il moqueur
- Quoi ? s’exclamèrent Teal’c, Unde et Daniel en chœur
- C’est le treizième mort que j’enterre dans l’indifférence, confirma sombrement le prêtre.
Il jeta un regard noir à Unde.
- Je savais que cette eau allait vous amener à la pire bassesse mais personne n’a voulu me croire ! On m’a conspué, hué et raillé mais j’avais raison. Maintenant votre décadence vous pousse au crime !
Une bagarre éclata et les deux autochtones se retrouvèrent bientôt à terre. Après quelques difficultés et quelques coups, Teal’c et Daniel arrivèrent à les séparer.
- Pourquoi ne pas nous avoir dit tout de suite que nous étions face à un tueur en série ? s’étonna Daniel
- Cela n’a peu d’importance ! répondit le prêtre en haussant des épaules. Ils n’ont que le sort qu’ils méritent ! Ils mourront tous dans les pires conditions! Et vous ne pourrez rien y faire !
- Mais faites-le taire ! s’écria Unde indigné
Teal’c dut faire appel à toute sa force pour contenir Unde.
- Qui est-il pour nous juger ? dit-il d’un ton méprisant
- Je suis conscient contrairement à vous ! répliqua le prêtre. Jamais je n’ai bu l’eau, moi !
Daniel redressa ses lunettes que l’homme avait déplacées en se débattant.
- Ça suffit ! s’énerva l’archéologue. Je crois qu’il serait bon de vous séparer quelques temps !
Le prêtre acquiesça.
- Oui... Cela serait mieux pour tout le monde ! Rejoignez les pestiférés !
Unde serra les poings mais ne répondit pas à la provocation.
- J’aimerais que vous nous rendiez service en allant voir ce que font O’Neill et le major Carter, déclara Teal’c.
Après tout, Unde était le seul à pouvoir accéder à eux et le Jaffa commençait vraiment à se faire du souci pour ses deux amis.
- Nous vous occuperons de votre sœur, assura Daniel en voyant Unde hésiter.
- Très bien, se résolut le jeune homme. Je vous retrouve ici.
3
Unde marchait seulement depuis quelques minutes dans les rues désertes de la village quand il entendit des voix à une dizaine de mètres de lui.
- Vous croyez qu’ils seront fâchés de voir que nous leur avons faussé compagnie ?
Unde eut un sursaut de surprise en voyant Jack et Sam s’approcher. Que diable faisaient-ils par ici ? Leurs yeux troubles lui firent deviner qu’ils étaient sous l’emprise de l’eau. Il valait mieux ne pas les déranger. Leur réaction pourrait être violente.
- Nous devons faire notre devoir, Carter ! s’exclama Jack. La mission d’exploration d’abord, les festivités après !
Leurs regards se croisèrent et ils durent faire appel à leur volonté pour s’empêcher de commencer leur visite touristique sur place.
- C’est probablement la seule mission pour laquelle je ne ferai aucun rapport, murmura Sam sans le quitter des yeux.
- Je ne vous autorise à faire un rapport de mission qu’à une seule personne, lui répondit Jack quasiment hypnotisé
- Ah oui... Qui ?
- Moi ! Un très détaillé même...
Sam se mordit la lèvre. Mais qu’est-ce qu’il attendait ?
- Vous parlez, vous parlez mais nous ne sommes toujours pas partis ! osa-t-elle reprocher
Jack ouvrit la porte d’une maison un peu moins délabrée que les autres et ils y pénétrèrent. Unde les suivit alors qu’ils montaient jusqu’à la chambre principale. Il colla ensuite prudemment son oreille contre la porte.
A l’intérieur, Jack attira Sam contre lui le plus lentement possible jouant avec les nerfs de la jeune femme impatiente.
- Mon colonel ! supplia-t-elle
Il lui sourit avec amusement et se pencha sur elle. La jeune femme eut un soupir de soulagement quand elle sentit ses lèvres sur les siennes. Elle sourit quand il commença à parcourir son corps de ses mains.
- Bon voyage, mon colonel, lui susurra-t-elle à l’oreille.
- A vous aussi, Carter...
Unde s’éloigna estimant qu’il en avait assez entendu.
* *
Teal’c se leva en voyant arriver Unde. Il dut attendre quelques secondes que le jeune homme reprit son souffle. Daniel, las d’entendre les plaintes du prêtre, s’approcha.
- Tout est OK, déclara Unde rassurant.
- Où sont-ils ? demanda Teal’c
- Carter et "son colonel" sont au village, répondit le jeune homme. Ils font une mission d’exploration.
- Une mission d’exploration ? s’étonna Daniel. Mais que peuvent-ils explorer ?
- La seule maison conservée un peu en état, expliqua Unde. Elle nous sert d’hôpital.
- Mais que comptent-ils trouver là-bas ? s’exclama l’archéologue
- L’essentiel est qu’ils ne pourront plus prendre de l’eau, Daniel Jackson, relativisa Teal’c.
- Ils sont en sécurité au moins ? s’inquiéta Daniel
- Oui, assura Unde. Tout est OK.
- De toutes façons, vos amis sont perdus !
Unde soupira en entendant la dernière gentillesse du prêtre. Son absence ne lui avait pas manqué. Mais il se devait de le supporter s’il voulait retrouver l’assassin de sa sœur.
- Nous partons voir les différents endroits où les victimes du tueur ont été retrouvées, annonça Daniel. Je suppose que vous voulez venir avec nous ?
- Bien sûr !
Les quatre hommes se mirent en route. Voyant que Teal’c était très concentré à compter le nombre de ses pas et le paysage environnant, Daniel s’approcha du prêtre.
- Les meurtres ont commencé depuis quand ? demanda-t-il
- Six mois environ, répondit-il sombrement. La fréquence a tendance à augmenter ces jours-ci. A ce rythme là, ils auront tôt fait de tous disparaître !
Daniel eut un sourire gêné devant toute cette haine. Soudainement le prêtre s’arrêta au beau milieu d’une cour. Il désigna du doigt un immense bac servant probablement pendant les vendanges.
- C’est là que j’ai trouvé le premier corps, déclara-t-il solennellement.
Unde préféra s’éloigner. Daniel devina qu’il devait beaucoup s’en vouloir de ne rien avoir remarqué.
- Qui était-ce ? demanda l’archéologue
- Une jeune femme, répondit le prêtre. Aussi pervertie que celle d’aujourd’hui.
- Il ne s’attaque qu’aux jeunes femmes ? s’enquit Daniel
- Non. Il y a eu des hommes aussi mais plus vieux. Des sages qui auraient dû détourner les jeunes âmes de ce fléau mais qui étaient aussi faibles qu’eux.
- Il préfère les cibles faciles, fit remarquer Teal’c opportunément. Il n’est probablement pas très fort.
Le prêtre fronça les sourcils.
- Mais il arrive tout de même à les tuer. Ils les libèrent de leur servitude malsaine.
Daniel ne put supporter ce dernier jugement
- Je ne crois pas que ce soit une bonne....
- Daniel Jackson, l’interrompit- Teal’c, vous devriez plutôt aller voir ce qu’il arrive à Unde.
A quelques mètres d’eux, le pauvre jeune homme claquait des dents recroquevillé dans un coin. L’archéologue se résigna à laisser Teal’c seul avec le prêtre.
- Comment s’y est-il pris ? demanda le Jaffa lorsque Daniel se fut éloigné
- Comme pour toutes ses autres victimes. D’un coup violent à la tête.
Teal’c opina du chef pensivement en voyant le prêtre serrer les poings. Ils avaient véritablement à faire à un tueur en série.
- Cet endroit n’est pas loin de votre paroisse, fit-il encore remarquer. Vous n’aviez rien entendu de suspect ?
- Cela fait bien longtemps que je ne vis plus dans cette paroisse. C’est trop dangereux. Les autres pourraient venir me tuer. Mais même si j’avais été là à ce moment comment aurais-je pu deviner ce qu’il se passait ? Les premiers temps, ils passaient la nuit entière à me harceler avec les jeux propres à leurs mœurs dissolues ! Mais je n’ai pas cédé ! Je savais que je ne devais pas me mêler à ces gens à l’esprit si faible et j’ai eu raison ! Je serai épargné par le tueur ! Je vivrai !
Un peu plus loin, Daniel se penchait vers Unde.
- Vous êtes sûr que ça va aller ? demanda-t-il. Nous pourrions demander au prêtre de l’aide. Il a peut-être quelque chose pour vous soulager. Il a un nom d’ailleurs ce prêtre ?
Unde referma ses bras autour de lui pour essayer de faire disparaître la sensation de froid qui l’envahissait.
- Même dans mes plus lointains souvenirs, il n’en avait pas, répondit le jeune homme. Avant l’eau, le culte des anciens périclitait et tous l’ignoraient. Il n’a toujours fait qu’annoncer le malheur et la tristesse pour nous. Comme si nous ne méritions d’avoir un peu de bonheur quel qu’il soit. En fait, ,notre changement n’a pas dû trop le déstabiliser. Je ne veux pas de son aide. Ce n’est qu’un vieux fou !
Unde ferma les yeux. Il aurait tout donné pour retrouver les hallucinations rassurantes procurées par l’eau.
- Vous n’allez pas tenir longtemps dans cet état là, s’inquiéta Daniel
- Ne vous en faites pas pour moi, dit Unde en rouvrant les yeux. Je survivrai et cela sans boire une goutte d’eau jusqu’à ce qu’on retrouve l’assassin de ma sœur.
Daniel acquiesça. Le jeune homme avait assez de volonté pour surmonter ce manque. L’archéologue se souvint alors d’un détail qui l’avait intrigué.
- Comment cela se fait-il qu’il n’y ait pas d’enfants ici ?
Unde secoua la tête, mal à l’aise.
- C’est peut-être mieux ainsi après tout, n’est-ce pas ?
Daniel n’osa pas lui répondre.
- En fait, c’est tout simple, Lakram ne veut pas.
- Lakram ne veut pas ? répéta bêtement Daniel. Et alors ? Ce n’est pas lui qui décide si vous pouvez avoir des enfants, non ?
- Lakram permet le transport des cellules reproductives des hommes jusqu’à celles des femmes ! répondit Unde avec évidence. Sans lui, nous ne pouvons rien !
Pour rien au monde, Daniel aurait laissé Lakram s’approcher de sa femme.
- Et comment fait-il ça ? osa-t-il demander
- Par apposition des mains.
- Pardon ?
- Par apposition des mains. C’est un pouvoir qui se transmet de père en fils, expliqua Unde. Mais ce n’est pas comme ça que cela se passe chez vous ?
- Euh... Non, pas vraiment... Quoique c’est déjà arrivé à des gens une fois... Ils s’appelaient Mulder et Scully... Mais c’est très très rare !
Unde semblait perdu. Ces visiteurs étaient vraiment étranges.
- Comment faites-vous alors ? demanda-t-il curieux
- Nous transmettons nous-mêmes nos petites affaires, répondit rapidement Daniel gêné.
- Je vois, répondit Unde. L’eau a sur nous un effet inhibiteur et il est très rare que nous...
- ...ayons ce genre de rapprochement, compléta pudiquement Daniel.
- Oui, insista Unde. Des missions d’ex...
- Daniel Jackson ! interrompit Teal‘c. J’aurai besoin de vous !
L’archéologue regarda successivement Unde et le Jaffa et le prêtre qui retenaient à grand peine le bac qu’ils avaient soulevé.
- Ne bougez pas ! Je reviens !
* * *
Daniel regarda Teal’c marcher en tête de leur convoi. Le Jaffa semblait pensif. Ils avaient visité toutes les scènes du crime et rien dans la physionomie de son ami ne pouvait laisser croire qu’il connaissait l’identité de l’assassin ou qu’il avait un commencement de début de piste.
L’archéologue se tenait entre Unde et le prêtre qui n’avaient pas résisté à l’envie de se battre une ou deux fois pendant leurs pérégrinations. Daniel devait avouer cependant que le prêtre, aussi frêle et fragile qu’il avait l’air, se défendait plutôt bien face au jeune homme qui paraissait reprendre ses moyens peu à peu.
Ils rejoignaient la paroisse quand ils furent surpris par un groupe de villageois se rendant jusqu’à la bâtisse où se trouvaient les chenilles. Pendant quelques secondes, les deux camps restèrent figés comme ne sachant pas quelle attitude adopter puis, presque naturellement, ce fut le prêtre qui lança les hostilités.
- Écartez-vous de notre passage, mécréants !
Daniel s’attendit au pire mais la foule en face d’eux resta étonnamment calme. Lakram apparut bientôt, jouant des coudes pour arriver au premier rang. Il tenait dans ses mains une chenille qui s’entortillait autour de ses doigts. Le prêtre eut un mouvement de recul.
- C’est encore toi ! Tu as peur de cette minuscule chenille ?
Il fit un pas pour s’approcher de lui mais celui-ci se dissimula derrière Teal’c, un peu surpris de servir de bouclier.
- Ne m’approche pas avec ta créature démoniaque ! cria le prêtre. Je ne céderai jamais. Je ne deviendrai pas comme vous car je sais tout ce que cela en coûte !!! Vous êtes tous perdus pour toujours mais je vous avais prévenus !
La foule éclata de rire mais Lakram leur fit signe d’arrêter.
- Unde ? Que fais-tu avec eux ? Ils ne sont pas comme nous. Reviens parmi ceux qui te respectent.
- Je ne peux pas, répondit le jeune homme tête basse.
- Comment ? hurla l’autre. Tu ne peux arrêter de prendre de l’eau !
- Ils sont les seuls à pouvoir m’aider. Je dois rester avec eux. Ma sœur a été tuée.
Lakram fronça les sourcils.
- Tuée ? Mais qui a pu faire ça ?
- C’est vous qui l’avez tuée ! répliqua le prêtre écumant de rage. Vous tous ! Avec cette eau malfaisante ! Ou peut-être est-ce toi; Lakram ?
Le chef serra les poings. Daniel regarda Teal’c pour mettre en place un plan de retraite mais le Jaffa semblait absorbé par l’affrontement entre les deux hommes.
- Peut-être que Conta ne voulait plus prendre d’eau et que tu ne pouvais pas supporter qu’elle sorte de ta dépendance. Et pour régler ce problème, tu l’as tuée !
- Vieux fou ! Tu racontes n’importe quoi ! C’est toi qui cherche plutôt à tous nous dominer !
- Moi ! Je ne pourrais dominer une bande de dégénérés comme vous ! Vous êtes trop occupés à vos hallucinations collectives pour ouvrir les yeux vers les vraies réalités de la vie ! Et pour avoir fait cette erreur, vous mourrez tous ! Vous verrez que j’avais raison de me méfier de cette eau ! Je suis plus fort que vous !
Ce que Daniel prévoyait depuis quelques secondes arriva. Une bataille rangée éclata engloutissant le prêtre totalement. A l’écart, Unde, Teal’c et lui observaient la scène avec un certain détachement.
- Je savais que j’avais raison ! Vous voulez me faire taire mais vous n’y arriverez pas ! Je serai la voix de la conscience parmi le tas de faibles crédules que vous êtes ! s’écria la voix du prêtre parmi les coups et en se débattant tant qu’il le pouvait
- A force de le secouer comme ça, il va devenir rouge, fit remarquer Teal’c.
- Mais pourquoi est-il si méchant ? se demanda Daniel
Unde eut une moue peu rassurée.
- Je crois qu’il n’est plus l’heure de se poser des questions car je crois que nous allons être leurs prochaines victimes.
Il désigna du menton un groupe d’hommes chauffés à blanc et qui se dirigeait vers eux. Daniel avala sa salive.
- Très bien, dit Teal’c lentement. Daniel Jackson et moi allons récupérer le prêtre. Vous, tentez de retrouver O’Neill et le major Carter. Ils vont peut-être pris à parti.
Unde hocha la tête et disparut rapidement. Daniel soupira en voyant la foule agressive face à lui.
- Allons-y, Daniel Jackson ! encouragea Teal’c
4
Jack émergea des couvertures et se laissa tomber aux côtés de Sam. La jeune femme à ses côtés eut un soupir mêlant ravissement et fatigue. Ses yeux croisèrent ceux de son supérieur et s’y plongèrent longuement.
- Major, au rapport, ordonna-t-il.
- Permission de parler librement, mon colonel ?
- Je vous en prie, faites.
Jack oublia toute son inquiétude quand il vit le sourire radieux de la jeune femme.
- Je crois que je n’ai jamais exploré un si bel endroit, mon colonel !
- Je crois aussi, major, que vous avez parfaitement compris l’écosystème du lieu, répliqua Jack. Vous avez trouvé le moyen d’en tirer le meilleur de lui-même.
- Sûrement la période de l’année, supposa la jeune femme.
- Sûrement la délicatesse et la curiosité de la touriste, rectifia son colonel.
La jeune femme rougit. De plus, Jack la regardait d’une manière si indécente qu’elle ne savait plus où se mettre.
- Et vous ne me demandez pas comment c’est passé ma mission d’exploration ? la taquina-t-il. A moins que vous ne sachiez déjà ce que j’en pense...
- Vous avez fait bon voyage ? interrogea Sam timidement
- Excellent, murmura Jack avec un sourire charmeur. Très beaux territoires. Mais...
- Mais quoi ? paniqua Sam. L’accueil n’a pas été chaleureux ?
- Oh non ! la rassura-t-il. Il a été plus que chaleureux ! Il a été TORRIDE ! Justement, c’est à cause de cela que je me demande si je... enfin si cela vous intéresserait d’approfondir cette mission par une nouvelle exploration...
Sam acquiesça d’un air entendu de la tête. Elle glissa lentement jusqu’à lui.
- Histoire de voir si on n’a rien oublié, compléta-t-elle. Une curiosité, un monument perdu...
Il l’attira au plus près contre lui et put la sentir frissonner.
- Oui, renchérit-il, il ne faudrait pas que nous fassions notre métier à moitié. Nous sommes payés cher pour cela. Pour être honnête avec vous, il faudrait même que nous en inspections le moindre recoin. Ou mieux encore : le moindre millimètre carré.
Il laissa errer ses lèvres sur les siennes et sentit plus fortement en lui cette nouvelle envie de partir vers ces contrées qui, heureusement, ne lui étaient plus si inconnues.
- Vous avez raison, mon colonel, répondit Sam alors que Jack l’embrassait dans le cou. Après tout, Christophe Colomb et Marco Polo ont fait plusieurs voyages. C’est tout à fait nécessaire pour bien connaître un endroit.
- Et je veux connaître ce lieu par cœur, Carter, avoua Jack.
- Moi aussi, mon colonel. Et peu importe le nombre de voyages qu‘il me faudra...
La jeune femme passa ses bras autour de lui.
- Je peux envisager que vous vous y installiez, Carter, si vous le désirez.
- C’est une offre intéressante, je vais y réfléchir.
- Le mieux est que vous réfléchissiez sur place.
Elle éclata de rire quand Jack bascula pour la laisser prendre le dessus puis se consacra entièrement à sa mission.
De l’autre côté de la porte, Unde était un peu dubitatif. Les Terriens étaient vraiment constitués d’une autre manière qu’eux ! Et ils avaient des expressions tellement étranges pour parler de certaines choses ! Enfin, le major Carter et "son" colonel semblaient parfaitement se comprendre...
*
Teal’c ouvrit la porte quand il fut sûr qu’Unde se trouvait de l’autre côté. Avec Daniel et le prêtre, ils avaient échappé de peu à la foule furieuse et avait réussi à se réfugier dans une des dépendances de la paroisse.
Le jeune homme fut frappé par la noirceur qui y régnait. Les fenêtres étaient toutes recouvertes d’un épais rideau empêchant toute lumière d’illuminer naturellement la pièce et les bougies ne permettaient qu’à une lueur blafarde d’éclairer les lieux.
- Où est le prêtre ? demanda Unde
- Il dort, répondit Daniel en entrant. Il était agité.
Unde et Teal’c froncèrent les sourcils.
- Enfin plus que d’habitude, rectifia l’archéologue. Comment vont Jack et Sam ?
- Tout est OK, rassura Unde. Ils sont repartis en mission d’exploration. Apparemment ils ont beaucoup de choses à découvrir.
Teal’c parut satisfait mais Daniel était intrigué.
- Je ne vois quel plaisir ils peuvent avoir à explorer cet hôpital. Comme si c’était la première fois que nous en explorions un !
- Ah ! Parce que vous avez déjà fait des missions d’exploration avec le major Carter et "son" colonel ? demanda Unde étonné
- Oui, répondit Teal’c avec évidence.
- Ah ! Parce que vous aussi ? s’écria Unde estomaqué
- Nous sommes une équipe d’explorateurs, expliqua Daniel. C’est notre métier.
Unde le regarda avec un air entendu. Ces Terriens avaient vraiment de drôles de professions. Si Lakram avait su cela, ils seraient tous à l’heure qu’il est tous noyés sous l’eau.
Daniel, loin de comprendre ce que supposait le jeune homme, se dirigea vers la bibliothèque qu’il avait cru distinguer. Teal’c s’installa à la large table et invita Unde à s’asseoir.
- Pouvez-vous me dire comment l’eau est apparue ?
- C’était il y a si longtemps ! Je ne m’en souviens plus très bien. Il me semble qu’un des villageois s’était perdu dans la forêt un jour et qu’assoiffé, il a bu l’eau de la chenille.
- Mais cette chenille avait toujours existé ?
- Maintenant que vous me le dites, non. Elle est arrivée au bon moment apparemment. Tout le monde a tout de suite adoré. C’était si drôle de voir toutes ces choses délirantes surgir devant nos yeux ! Petit à petit, nous avons organisé notre vie autour de la récolte de cette eau et jusqu’aux meurtres, nous étions parfaitement heureux.
Teal’c acquiesça alors que Daniel attrapait une bougie pour s’approcher des livres.
- C’est vraiment très étrange, commenta-t-il.
- Que se passe-t-il, Daniel Jackson ? demanda Teal’c
- Notre ami le prêtre a l’air de beaucoup s’intéresser aux chenilles et à la chimie, expliqua l’archéologue. Il a là à sa disposition tout ce qui pourrait expliquer l’apparition des chenilles et peut-être le moyen d’arrêter votre dépendance.
Il s’approcha encore un peu plus des livres manquant de peu d’en brûler un.
- Il me faudrait plus de lumière, demanda-t-il.
Teal’c et Unde s’empressèrent de détacher tous les lourds rideaux couverts de poussière. La pièce sortit de la pénombre et le soleil les éblouit. Ils étaient dans le bureau du prêtre où celui-ci avait passé des heures à faire des recherches sur les chenilles.
- Mais pourquoi n’a-t-il rien dit ? s’étonna Unde en regardant tout autour de lui.
- Parce que vous ne m’auriez jamais écouté, répondit le prêtre sur le seuil de la porte en se protégeant les yeux. Vous étiez totalement pris par cette eau démoniaque ! Vous étiez déjà tous perdus ! Vous ne pouviez plus guérir !
- Vous parlez comme s’ils étaient malades, remarqua Teal’c. Mais ils ne le sont pas. Ils prennent de l’eau de leur propre chef.
- Mis à part Sam et Jack, précisa Daniel.
Le prêtre ne broncha pas. Teal’c vit qu’il semblait beaucoup plus calme. Il finit par affronter les rayons du soleil et s’assit à ses côtés.
- Il n’y a pas de solution pour les sauver, continua-t-il. Ils sont condamnés, tous, à mourir !
Unde serra les poings. Ce comportement commençait à l’insupporter.
- Mais c’est vous qui nous tuez ! répliqua-t-il furieux. Vous nous laissez sans défense face à ce tueur ! Vous participez à son crime ! J’ai compris que nous n’étions pas si normaux et conscients que nous voulions le croire mais vous devez nous aider au lieu de nous raillier !
- Quand comprendrez-vous que je n’en ai aucune envie, dit simplement le prêtre. Je vous ai dit que cette eau n’était pas bonne pour vous mais vous ne m’avez pas écouté. Vous ne voulez tout simplement pas reconnaître que j’ai eu raison. Débrouillez-vous maintenant.
Le regard conciliant que Daniel posa sur Unde persuada celui-ci de ne pas répondre à cette nouvelle provocation. Teal’c, qui jusqu’alors avait les yeux fixés sur la table, releva la tête.
- Il faudrait que nous allions revoir quelque chose, décréta-t-il. Je crois que nous avons raté un indice très important.
- Vous pensez qu’il est raisonnable de sortir dès maintenant ? demanda Daniel peu rassuré
Mais déjà le Jaffa, Unde et le prêtre se levaient.
- Ok, je n’ai rien dit.
Il suivit les trois hommes à l’extérieur. Les rues avaient retrouvé leur calme. Pourtant Daniel ne comprit pas quand ses compagnons s’immobilisèrent sur le perron de la paroisse.
- Qu’est-ce qu’il se passe ?
Unde s’écarta et l’archéologue put voir le corps inanimé d’une jeune femme dans les ruines de la maison d’en face.
- Oh... non...
- Vous mourrez tous ! commenta le prêtre les dents serrées
Teal’c osa le premier s’approcher du cadavre. Il resta quelques secondes accroupi près de lui puis se tourna vers les trois autres.
- C’est le tueur, conclut-il. Elle a été frappée à la tête comme toutes les autres victimes. Cela ne remonte qu’à une dizaine de minutes. Unde, vous ne vous souvenez pas de l’avoir vu en arrivant ?
- Non, répondit le jeune homme perdu. Enfin, je ne sais plus.
- Vous ne pouvez pas vous fier à lui, il est encore sous l’emprise de l’eau, répliqua le prêtre.
- Mais comment se fait-il que nous n’ayons rien entendu ? s’étonna Daniel en le rejoignant. Tout ça ne s’est passé qu’à quelques mètres de nous !
- Cela veut peut-être dire que le tueur est l’un de nous, en déduit le prêtre en fixant Unde avec insistance.
- Ou plutôt l’un de vous deux, rectifia Teal’c. Daniel Jackson et moi ne sommes pas sur cette planète depuis assez longtemps pour avoir commis ce forfait.
- Il n’y a qu’Unde qui soit sorti, continua le prêtre. A chaque fois que vous l’envoyez surveiller vos amis, il a largement le temps de tuer quelqu’un.
- Mais il raconte n’importe quoi ! Comment aurais-je pu tué ma propre sœur ? Vous, vous aviez toutes les raisons de tuer tous ces gens. Vous nous haïssez ! Et puis vous pouvez traîner toute la journée dans la ville !
- Je me terre en espérant que vous ne me retrouviez pas ! Vous ne me ferez jamais boire de l’eau. Mais vous ! Vous, vous êtes dans un tel état que vous pourriez tuer quelqu’un sans même vous en souvenir !
- Je n’ai tué personne ! J’étais allé voir le major Carter et "son" colonel !
- Je n’ai tué personne non plus ! Nous échappions à vos congénères dégénérés qui voulaient notre mort !
- Alors si ce n’est pas nous, qui est-ce ? demanda Unde
Le prêtre se tourna alors vers Teal’c et Daniel.
- Êtes-vous sûrs de vos amis ? demanda-t-il. Après tout, ils ont bu de l’eau...
- Jack et Sam seraient incapables de faire cela, répliqua l’archéologue. Et ils sont arrivés en même temps que nous.
- Mais qui veut dit qu’ils n’ont pas copié le tueur ? proposa le prêtre
- Je vous certifie qu’ils sont en mission d’exploration, crut bon d’intervenir Unde. Il leur est impossible de bouger de l’hôpital.
Daniel et Teal’c regardèrent le jeune homme avec étonnement.
- Impossible ? répéta l’archéologue
- Ils sont très concentrés sur leur mission, ajouta Unde sûr de lui.
Le prêtre haussa les épaules.
- Que vaut donc la parole d’un drogué ? dit-il d’un ton méprisant aux deux membres de Sg-1. Vos amis avaient le temps et la possibilité de tuer cette pauvre créature. Je propose que vous alliez voir personnellement ce qu’ils font.
Daniel et Teal’c se consultèrent du regard. Même si constater par eux-mêmes que Jack et Sam ne faisaient rien de répréhensible était tentant, il serait fou de laisser les deux autochtones seuls pendant plus d’une demi-seconde.
- Il est mieux qu’Unde aille là-bas, déclara Teal’c. Nous vous aiderons à transporter le corps jusqu’à la paroisse.
Le prêtre était sur le point de protester mais Daniel l’interrompit.
- Nous faisons entièrement confiance à Unde.
Le jeune homme, touché par ces paroles, se mit immédiatement en route. Tea’lc, qui regardait la énième victime, fronça les sourcils.
- Elle a été déplacée, affirma-t-il.
- Et à votre avis, qu’est-ce que cela signifie, Teal’c ? demanda Daniel curieux de savoir enfin le dénouement de cette affaire
- Chaque chose en son temps, Daniel Jackson, répondit simplement le Jaffa. Chaque chose en son temps.
5
Sam s’étira longuement. De mémoire de soldat, jamais une mission d’exploration l’avait fatiguée à ce point ! Pour preuve, elle commençait déjà à sentir les premières courbatures. Elle jeta à un coup d’œil à Jack, endormi tout près d’elle. Elle se souvenait parfaitement d’avoir parcouru son corps encore et encore sans ressentir du désintérêt ou même de l‘ennui. A vrai dire, il y avait beaucoup plus de choses à découvrir que dans le guide touristique. Il fallait avouer quand même que celui-ci était assez incomplet et principalement fondé sur des rumeurs. Elle se rappelait avec quel plaisir elle avait trouvé elle-même des merveilles que nul n’aurait pu deviner, comment elle avait réussi à mettre en évidence le moindre relief, à surprendre le plus petit trésor qu’il recelait et dévoiler ce qu’il avait de plus beau.
Elle s’arrêta sur les doux contours de son visage sans pouvoir en détacher le regard : sa bouche si adorable, son nez si droit, ses si petites oreilles ! Elle en était folle ! Elle lui fit le plus beau de ses sourires quand il ouvrit les yeux. Ses yeux ! Ses yeux si extraordinaires ! Elle les adorait aussi !
Elle ne lui laissa même pas le temps de dire un mot et l’embrassa passionnément.
- Voilà un réveil comme je les aime, Carter, murmura-t-il après avoir interrompu à regret leur baiser. Comment allez-vous ?
Ses doigts glissaient sur la peau de Sam et se dirigeaient naturellement vers ses points préférés. Ce territoire était le sien désormais et à tout jamais. Il en avait rebaptisé chaque partie tel un évangélisateur.
- J’ai faim ! soupira la jeune femme en se retenant pour ne pas céder immédiatement à cette nouvelle invitation au voyage.
Jack sourit et Sam sut exactement ce qu’elle avait envie de consommer : sa bouche si adorable, son nez si droit, ses si petites oreilles, ses yeux si extraordinaires !
- Vous avez goûté les spécialités locales ? lui demanda alors Jack
Elle fit lentement non de la tête et se lécha pensivement les lèvres. Elle sentait qu’elle allait en redemander.
*
Daniel observa avec étonnement Unde venir vers lui avec un sourire jusqu‘aux oreilles. Que pouvait bien mettre le jeune homme dans un tel état ?
- Unde ? Il se passe quelque chose là-bas ?
Le sourire du jeune homme s’agrandit à la plus grande surprise de Daniel.
- Je commence à maîtriser votre langage, répondit-il sibyllin.
- Mais nous parlons de la même manière que vous ! répliqua l’archéologue en suivant Unde entrant dans la paroisse
Le jeune homme secoua la tête d’un air entendu.
- En tout cas, ne vous inquiétez pour le major Carter et "son" colonel, ajouta Unde. Tout est OK. Ils sont toujours en mission d’exploration. Ils en sont aux spécialités locales...
- Spécialités quoi ? répéta Daniel sans comprendre
- Vous savez très bien ce que je veux dire, lui dit Unde sur un ton confidentiel.
Daniel voulut poursuivre cette conversation pour le moins déstabilisante mais Teal’c et le prêtre les rejoignirent.
- Daniel Jackson, Unde, nous partons, annonça solennellement le Jaffa.
- Où ??? s’étonna l’archéologue
- Sur les lieux du meurtre de l’assassinat de la sœur d’Unde, répondit le prêtre. Votre ami est sûr qu’il va trouver là la clé de l’énigme.
- Mais pourquoi ne pouvons-nous pas venir avec vous ? demanda Daniel presque vexé
- Mais oui, pourquoi...
Le regard que Teal’c jeta à Daniel et Unde un regard si noir que ce dernier préféra dès maintenant stopper ses revendications.
- Et alors qu’allons-nous faire en vous attendant ? demanda Unde sur un ton enjoué
- Nous pourrions peut-être...
Les yeux de Daniel étaient plongés dans ceux de Teal’c car le Jaffa semblait vouloir lui faire comprendre quelque chose.
- ... enterrer cette nouvelle victime ? proposa-t-il sous l’influence oppressante de son ami
A ces mots, le prêtre pâlit.
- Vous... vous ne pouvez pas... vous pouvez pas faire ça ! bégaya-t-il. Je suis le seul habilité à mettre en terre ces âmes perdues !
- Mettez cette âme mécréante sur le chemin des Anciens qui lui montreront la voie du bonheur, imita Daniel doctement. C’est dans mes cordes.
Le prêtre ne paraissait pas convaincu. Unde, lui, notait dans un coin de son cerveau cette nouvelle expression terrienne.
- Vous êtes le seul à pouvoir m’aider, dit Teal’c en se tournant vers le prêtre. Vous seul avez tout suivi dès le début. Grâce à vous, nous pourrons arrêter ce tueur.
Le prêtre sembla hésiter quelques secondes mais les dernières flatteries de Teal’c finirent par le décider.
- Très bien, je viens avec vous, céda-t-il. Mais ne croyez pas que revoir cet endroit va vous aider ! Il les tuera tous !
Daniel ferma les yeux en écoutant pour la millième fois le refrain indémodable du prêtre.
Unde et lui regardèrent leurs deux autres compagnons d’infortune s’éloigner.
- Au fait, quand revenez-vous ? demanda l’archéologue
- Je ne sais pas, indiqua Teal’c.
- Si vous n’êtes pas là dans vingt-quatre heures, je commencerais à m’inquiéter.
Le Jaffa fronça les sourcils devant la soudaine plaisanterie de l’archéologue. Unde et le prêtre étaient eux aussi dubitatifs.
- Je faisais référence à nos missions d’exploration, expliqua Daniel.
- D’un certain point de vue, ce que nous allons faire peut en représenter une, Daniel Jackson. Votre blague était à propos.
- Merci et soyez prudents.
Daniel retroussa ses manches. Cet enterrement n’allait pas être une partie de plaisir. Il se demandait pourquoi Teal’c voulait se retrouver face à face avec le prêtre. Il se retourna finalement vers Unde et fut surpris par la moue dégoûtée qu’il affichait.
- Quelque chose ne va pas, Unde ?
- Non, non, répondit rapidement le jeune homme. Tout va bien.
Décidément, ces Terriens avaient des occupations très spéciales et à des moments très spéciaux.
*
Teal’c et le prêtre marchaient maintenant depuis quelques minutes dans la ville. Ils étaient tous les deux silencieux et progressaient tout entiers concentrés à leurs pensées.
Ils s’arrêtèrent dans un mouvement similaire devant la maison où ils avaient retrouvé Conta. Le prêtre, fixant Teal’c d’un air sombre, prit enfin la parole.
- Pourquoi vouliez-vous que je vienne ? demanda-t-il. Vous étiez tout à fait capable de retrouver cet endroit seul.
Teal’c regarda le prêtre de la même manière puis pénétra dans la bâtisse à moitié effondrée. Il s’agenouilla là où le corps avait reposé.
- Je sais, répondit mystérieusement le Jaffa.
Le prêtre ne broncha pas et préféra observer Teal’c humant la terre mêlée de sang avant de se relever brusquement.
- Mais je tenais à vous dire quelque chose, poursuivit-il alors.
Le prêtre eut un mouvement de recul quand le Jaffa s’approcha dangereusement de lui.
- Vous pouviez me le dire à la paroisse, murmura-t-il presque effrayé. Je ne vois pas en quoi ce que vous avez à me dire requiert que nous soyons seuls...
L’air du Jaffa ne promettait rien de bon.
- Il s’agit de quelque chose que ni Daniel Jackson, ni Unde ne doivent entendre précisa Teal’c. Enfin, pour l’instant.
Le prêtre avala lentement sa salive. Aucune de ses lectures ne lui avait appris comment réagir dans une telle situation.
- Ah oui ? réussit-il à dire en sentant la peur monter rapidement en lui. Et qu’est-ce que c’est ?
Le Jaffa laissa le silence planer quelques instants. Jamais le temps ne parut passer aussi lentement.
- Je sais qui est l’assassin, annonça-t-il alors.
6
Sam sortit la tête de son oreiller et se remit sur le dos mais en refusant d’ouvrir les yeux. Elle avait la tête si lourde et elle se sentait si lasse ! Mais étrangement, cela semblait être de la bonne fatigue car elle se sentait légère comme soulagée d’un grand poids. Elle avait l’impression d’avoir enfin résolu un problème qui la tracassait. Elle passa lentement ses mains sur son visage pour essayer de ramener à elle les souvenirs des dernières heures. Elle eut un sursaut de peur quand elle vit apparaître subrepticement devant elle un éléphant bleu malgré ses paupières closes. Elle sourit pour se rassurer. Elle se rappelait maintenant : l’arrivée sur cette planète, l’impossible dialogue avec les autochtones et l’ingestion de l’eau de la chenille. Elle devait tout simplement subir les derniers effets de la drogue.
Elle ouvrit les yeux en entendant un grognement à côté d’elle. En voyant le colonel O’Neill s’agiter dans son sommeil à quelques centimètres d’elle, elle se pinça violemment la main. Elle recommença l’expérience à plusieurs reprises et rit doucement en constatant qu’elle rêvait. C’était un doux rêve, un de ceux qu’elle ne se permettait d’avoir que le premier samedi du mois mais que son inconscient lui faisait vivre bien plus souvent.
Elle fit alors comme à son habitude et réveilla son compagnon en parsemant sa nuque et ses larges épaules de tendres baisers.
- Mon colonel, debout.
Jack ne réagit pas tout de suite mais commença à sourire dans son sommeil tandis que la voix mélodieuse de la jeune femme résonnait dans son oreille. Il finit par se rendre et regarder Sam. Il eut un sourire aussi ému et émerveillé qu’il l’aurait été si ce qu’il vivait était vrai. Malheureusement, il savait que cela n’aurait jamais lieu. D’habitude, il se serait réveillé en sursaut mais aujourd’hui, il voulait savoir jusqu’où son imagination pouvait aller.
- Je ne veux pas m‘arrêter de rêver, se résolut-il à voix haute.
- Mais vous ne rêvez pas, répliqua Sam. Je suis là. Bien là.
Le long baiser qu’ils échangèrent acheva de le persuader que la jeune femme avait raison et il trouva nécessaire d’approfondir son rêve.
*
- Alors ? demanda le prêtre après avoir repris sa respiration. Qui est donc cette personne qui punit ces pauvres âmes crédules ?
- C’est vous ! désigna Teal’c du doigt
Le prêtre eut un éclat de rire nerveux.
- Mais pourquoi voulez-vous que je m’occupe de ces mécréants ! S’il y a une victime ici, c’est moi ! Ils n’ont obtenu que ce qu’ils méritaient : la mort !
Teal’c resta de marbre.
- Comment en êtes-vous arrivé à créer cette chenille ? lui demanda-t-il. Pourquoi avez-vous drogué tous les gens de votre village ? Quel mal vous avaient-ils fait ?
Le prêtre devint rouge de colère et serra les poings. Teal’c décida de le pousser à bout pour obtenir la vérité.
- Ils vous maltraitaient, ils se moquaient de vous et de vos croyances imbéciles ? Et vous n’osiez pas répondre ?
Le prêtre semblait sur le point d’exploser.
- Oui, continua-t-il. C’est ça. Vous étiez lâche. Vous ne saviez même pas vous défendre. Vous étiez si faible et eux si fort. Mais c’était injuste. Vous étiez seul contre tout le village. Et vous avez décidé de vous venger.
- Vous ne comprenez pas ! hurla le prêtre d’une voix féroce. Ils ne savaient pas qu’ils se trompaient en se me traitant de cette manière. Il fallait que je les sauve, il fallait que je leur montre le bon chemin. Mais ils ne voulaient jamais m’entendre. Alors, j’ai fait en sorte qu’ils m’écoutent.
- C’est là que vous avez créé la chenille, devina Teal’c. Tous ces documents que nous avons trouvé chez vous n’étaient pas là pour trouver une solution pour les villageois mais pour les intoxiquer avec cette eau.
Le prêtre se prit la tête entre les mains.
- Ils devaient seulement être plus dociles, dit-il d’une voix timide. Je ne savais pas qu’ils verraient toutes ces choses étranges. Je devais juste leur montrer le bon chemin pour qu’ils soient heureux. Mais ils ont préféré l’eau de cette chenille à moi ! Encore une fois, ils m’ont raillié, maltraité, brutalisé !
Le prêtre frappa du poing une des bâtisses. Sa main en fut couverte de sang mais il ne semblait ne plus rien sentir.
- C'était encore pire qu’avant ! Alors, j’ai décidé de changer... Ils ne voulaient pas m’entendre ? Très bien. Mais plus jamais je ne me laisserai traiter encore une fois comme un moins que rien ! Tout est de la faute de cette femme ! Si elle avait cessé de rire alors que je lui parlais, si seulement elle m’avait écouté, rien ne se serait passé. Mais son rire m’a rendu fou et il m’a fallu la faire taire. Pour toujours.
- Mais tous ne se moquaient pas de vous, répliqua Teal’c. Pourquoi faire payer à tous la sottise de quelques-uns ?
- Tous ! Tous, ils se parlaient et riaient dans mon dos, je les entendais ! Tous ! Tous, ils devaient mourir !
Teal’c n’eut pas le temps de réagir quand le prêtre leva sur lui une pierre.
- Ils mourront tous et vous mourrez avec eux !
Le Jaffa n’avait absolument rien pour se protéger et il sentait la mort approcher. Pourtant, il ouvrit les yeux quand il entendit le bruit d’une bagarre. Il vit alors Daniel et Unde se battant avec le prêtre pour lui faire lâcher son arme. Reprenant rapidement ses esprits, il aida ses deux compagnons à maîtriser l’assassin.
- Teal’c ? Vous allez bien ? demanda Daniel essoufflé. Nous sommes venus aussi vite que nous l’avons pu. Nous avons trouvé des choses en fouillant dans la bibliothèque du prêtre.
Unde regarda l’homme à terre avec haine.
- C’est lui...
- C’est lui le tueur, compléta Teal’c.
Unde et Daniel regardèrent le Jaffa avec stupéfaction.
- Mais comment avez-vous su ? s’étonna l’archéologue
- Élémentaire, docteur Jackson ! s’écria Teal’c. J’ai commencé à me poser des questions quand je me suis rendu compte que nous avions rencontré le prêtre sur les lieux du meurtre. Que faisait-il ici alors qu’il disait ne jamais sortir ? Mes soupçons se sont confirmés en constatant que les meurtres étaient tous commis à une distance à peu près égale de la paroisse.
- Et pour le dernier meurtre ? questionna Unde
- Il est sorti par la fenêtre, répondit Daniel à la place du Jaffa. Il a pu aisément sortir de sa chambre alors que nous croyions qu’il dormait. En vous entendant revenir, il a déplacé le corps et nous a ensuite rejoints.
Les trois hommes se regardèrent avec un air satisfait.
- Unde, déclara alors Teal‘c, il faudrait que vous décidiez d’un sort pour cet homme. Je crois qu’il ne pourra jamais guérir des maux qu’ils le rongent.
Le jeune homme hocha de la tête. En tant que seul être conscient du village, il se devait de prendre les décisions.
- Il y a un puits plus loin, dit-il. Je crois que nous allons le mettre là en attendant que j’informe les autres de ce qu’il s’est passé.
Daniel était fier d’Unde car il avait sur dépasser le stade de la vengeance gratuite.
- Vous allez reprendre de l’eau ? demanda-t-il
Le jeune homme fit la moue.
- Peut-être de temps en temps mais plus jamais comme avant et je ferai en sorte que chacun ici agisse de la même façon.
Les trois hommes restèrent silencieux pendant tout le trajet jusqu’au puits et pendant la descente du prêtre inconscient jusqu’à son fond.
- Bien, dit lentement Teal’c lorsqu‘ils eurent terminé. Je crois qu’il est temps pour nous de regagner le Sg-C.
- Oui, rentrons chez nous ! dit Daniel soulagé à quitter cette planète.
Ils s’apprêtaient à partir quand Unde les arrêta pour leur serrer la main.
- Merci à vous, dit-il chaleureusement. Merci pour tout.
- Vous avez votre destin entre vos mains désormais, déclara Teal’c. Prenez-en bien soin.
Le jeune homme acquiesça et les deux membres de Sg-1 s’éloignèrent. Lorsqu’ils atteignirent la limite du village, Daniel s’arrêta brusquement.
- J’ai l’impression que nous avons oublié quelque chose...
Le Jaffa fronça les sourcils.
- Effectivement, Daniel Jackson, je ressens une sensation de manque.
- JACK ET SAM ! s’écria l’archéologue en retournant sur ses pas aussi vite que possible
* *
Unde s’arrêta devant la porte de la chambre de Jack et Sam. Il perdit son sourire quand il vit les mines effarées de Teal’c et Daniel.
- C’est là que le major Carter et O’Neill ont fait leurs missions d’exploration ? demanda Teal’c
- Oui ! Ils n’ont pas bougé !
Teal’c et Daniel restèrent stoïques. La poignée de la porte semblait très facile à tourner mais cela leur paraissait impossible à faire.
- Quoi ? Tout est OK ?
- Non ! s’écria l’archéologue désespéré. Tout n’est pas OK ! On ne fait pas de mission d’exploration dans une chambre à coucher ! Mais quelle idée farfelue de les faire surveiller par un drogué !
Jack et Sam ne lui pardonneraient jamais de les avoir laissés faire de telles choses.
- Daniel Jackson, commenta Teal’c, vous vous laissez aller. Unde, ouvrez !
Le jeune homme resta quelques secondes muet.
- Allez, ouvrez ! répéta Daniel. Après tout, tout est de votre faute !
- Mais et s’ils sont en pleine mission d’exploration...
L’archéologue ferma les yeux rien qu’à cette idée. Teal’c, plus pratique, colla son oreille contre la porte.
- Ils sont réveillés mais...
- ... inactifs, compléta Daniel.
Unde se résigna à exécuter les ordres. Il entrebâilla doucement la porte et Daniel osa mettre le pied dans la pièce.
- Jack ? Sam ? appela l’archéologue timidement
- DEHORS ! hurlèrent les deux militaires comme seule réponse
- Mais...
- DEHORS !!
Il reçut un projectile en pleine face et dut se résoudre à battre en retraite. Il se posa des questions quand Teal’c et Unde le regardèrent avec insistance. Il prit conscience alors de la nature de l’objet qu’on lui avait envoyé.
- Et rendez-moi ce sous-vêtement, Daniel ! exhorta Jack
- Je doute que cette petite culotte vous appartienne, O’Neill, fit remarquer Teal’c.
Un mouvement de panique se fit entendre dans l’autre pièce.
- Eh bien, rendez ce sous-vêtement à Carter !
* * *
Jack ne comptait même plus combien de fois il avait soupiré depuis que Sam et lui avaient quitté la chambre. Assis sur les marches menant à la Porte des Étoiles, il attendait patiemment avec la jeune femme le retour des leurs deux amis. Mais apparemment, ceux-ci avaient décidé de leur laisser du temps pour mettre leur situation au clair.
- Qu’est-ce qu’on fait ? demanda-t-il pour briser le silence
Il eut un sourire ironique.
- Je crois que cette fois le coup de "tout ce qui s’est dit ici ne doit pas sortir de la pièce" ne va pas marcher ! Parce qu’il ne s’est pas dit que des choses...
- Oh non ! soupira la jeune femme. Il s’est fait beaucoup de choses... Trop de choses. Et l’oublier est impossible.
- Mais il faut oublier, Carter ! insista Jack. Je ne pourrais pas continuer. Pas après avoir vécu ça !
Sam regarda Jack avec désolation. Elle venait de trouver quelle serait la situation qu’elle voulait éviter à tout prix. Sauf qu’elle ne l’avait pas évitée.
- Je suis comme vous, mon colonel. Je serais incapable de faire face au changement.
Ils restèrent silencieux quelques secondes.
- Vous croyez que nous pourrions tout oublier naturellement ? proposa alors Jack
- Non.
- Après tout, nous étions sous l’emprise d’une drogue...
- Oui ! s’enthousiasma Sam. Et peut-être que tout ce que nous avons fait n’est que le fruit...
Ils se regardèrent et revirent immédiatement les derniers moments qu’ils avaient passé ensemble. Le seul hasard était que la drogue provoquait une totale insensibilité de la main.
Ils furent sauvés du désespoir par l’arrivée d’Unde. Le jeune homme semblait affreusement déboussolé parce qu’il venait de se passer.
- Je suis désolé, s’excusa-t-il pour le millième fois. Tout est de ma faute. Je n’avais pas compris ce qu’il se passait.
- Vous êtes pardonné, Unde, affirma Jack avec un geste de la main. Nous étions loin d’être clairs.
- Ce n’est pas grave, vraiment, insista Sam. Même si vous nous aviez chassé de la maison, nous aurions trouvé un autre endroit pour nos "missions d’exploration".
Jack soupira et se surprit à fixer Sam tendrement.
- Nous serions allés dans la forêt...
- Ou près d’un lac, ajouta la jeune femme avec frustration.
- Dans un parc...
- Dans les ruines d’une maison...
Ils soupirèrent de concert s’attirant par là de nouveau la stupéfaction d’Unde. Ces Terriens étaient vraiment fous ! Mais ils semblaient si malheureux qu’il se décida à agir.
- Je crois que j’ai une solution pour vous, leur confia-t-il.
7
- Et voilà ! finit Daniel à Janet. Vous savez tout !
Le docteur opina lentement du chef. Heureusement que l’archéologue et Teal’c étaient venus lui raconter la vraie version de cette mission parce que sinon elle n’aurait rien deviné.
- Grâce au major Carter et O’Neill, l’expression "vivre d’amour et d’eau fraîche" a pris tout son sens, fit remarquer Teal’c.
Janet et Daniel eurent un commencement de sourire.
- Je vous expliquerai plus tard les subtilités de notre langue, Teal’c.
- C’est d’ailleurs à cause d’elles que Jack et Sam se sont retrouvés dans une situation pareille ! précisa Janet. Enfin, tout est rentré dans l’ordre !
Teal’c et Daniel se regardèrent. Le Jaffa gagna leur duel car ce fut l’archéologue qui prit la parole.
- En fait, Janet, dit-il timidement, il se peut que, bien qu’Unde ait fait tout oublié à Jack et Sam par l‘hypnose, il reste... disons... quelques traces de leurs "missions d’exploration"...
La jeune femme fronça les sourcils.
- Je veux dire, poursuivit vaillamment Daniel, qu’il faudrait... surveiller Sam.
- Pourquoi ?
L’archéologue se demanda où Janet avait bien pu obtenir son doctorat.
- Il n’y avait guère de moyens de contraception sur cette planète, Janet ! finit-il par s’exclamer
- Aaaaaaaah !
- Il ne faudrait pas que le major Carter ait à pâtir d’une situation qu’elle n’a pas voulu, justifia Teal’c.
Daniel fit la moue.
- Quoique cela ferait avancer le schlimblick...
- Daniel ! dit Janet. Respectez leur choix. Ils ont voulu tout oublier, nous devons faire en sorte qu’il en soit ainsi.
Mais Daniel n’était pas convaincu.
- Ils ne font que reculer, reculer et reculer sans jamais...
- Ah ! Mais c’était là que vous étiez tous cachés ! s’écria Jack en entrant dans l’infirmerie.
Teal’c, Janet et Daniel se retournèrent comme des enfants pris en faute.
- Nous vous cherchons depuis une bonne demi-heure ! ajouta Sam à ses côtés
- Ah ! Vous étiez ensemble ! commenta Janet
Un regard noir de Daniel lui fit perdre tout envie de plaisanter sur ce sujet. Les deux militaires en face d’eux ne comprirent pas mais préférèrent ne pas relever.
- Nous racontions au docteur Frasier comment nous avions pu démasquer le tueur en série, expliqua Teal’c.
Jack congratula ses deux amis d’une bonne tape dans le dos.
- Voilà une affaire rondement menée ! Je suis fier de vous !
Sam fut la seule à sourire. Jack remerciait chaque jour le Ciel de l’avoir envoyée auprès d’elle pour l’empêcher de se jeter d’un pont suite aux échecs de ses blagues.
- Pour tout vous avouer, dit alors la jeune femme, nous sommes venus vous donner rendez-vous au mess dans une heure pour que vous nous racontiez quelque chose à nous aussi.
- Quoi ? demanda Daniel en masquant sa panique
- Nous avons vraiment fait la fête pendant que vous courriez après un tueur ? demanda Jack gêné
Teal’c et Daniel ne surent pas quoi répondre. Heureusement, Janet prit le relais.
- Eh oui, colonel O’Neill ! dit-elle avec un sourire. Vous ne pouvez pas être le héros tout le temps !
Elle s’approcha de lui et attrapa la plaque autour de son cou.
- Voilà probablement un souvenir de la fête, dit-elle. C’est à Sam.
Les deux militaires rougirent comme s’ils savaient ce que supposait cet échange.
- Eh bien, je crois que je vais y aller, déclara alors Sam en se reculant vers la sortie. J’ai encore beaucoup de travail à faire. A tout à l’heure !
- A tout à l’heure !
Jack sembla hésiter deux secondes puis courut hors de l’infirmerie à son tour.
- Vous croyez qu’ils se doutent de quelque chose ? demanda Janet
- Non, c’est impossible ! affirma Daniel
- En tout cas, nous n’avons qu’une heure pour imaginer une version réaliste de leur journée à leur présenter, fit remarquer Teal’c.
- Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour ses amis ? soupira Daniel
*
- Carter ! Carter !
- Mon colonel ?
La jeune femme se retourna et tomba presque nez à nez avec Jack qui tenait dans sa main les plaques reconnues par Janet.
- Je voudrais récupérer mon bien, Carter. S’il vous plait.
Sam enleva de son cou la chaîne où se balançaient les deux plaques argentées. Pendant un instant, leur mouvement capta toute l’attention des deux militaires.
Un jeune soldat passa alors près d’eux.
- Colonel O’Neill ! Major Carter ! Quel plaisir de vous voir de retour de mission d’exploration !
Ne les voyant pas répondre, le soldat en déduit qu’ils devaient être mal lunés et ne porta pas attention à la lumière qui illumina les yeux de Jack et Sam.
- LES MISSIONS D’EXPLORATION !!!
FIN
Annexe documentaire : (ça tape comme nom, hein ?)
Si tu crois que j’tai pas vue
Faire ta petite ingénue
Avec Pierrot dans le tunnel.
Allez sois pas jalouse,
C’est qu’un copain, c’est tout,
Tu sais qu’nous deux, c’est pas pareil.
Et vous deux les piplettes
Lachez-nous les baskets
Avec vos histoires de nana.
On va être en retard
Voilà le chef de gare
Qui nous fait signe pour le départ.
Pose tes deux pieds en canard,
C’est la chenille qui se prépare,
En voiture les voyageurs,
La chenille part toujours à l’heure
Accroche tes mains à ma taille
Pour pas que la chenille déraille
Tout rira bien et si tu veux
Prie la chenille et le bon Dieu
Regarde l’éléphant bleu
Qui danse sur l’arc-en-ciel
Sous les bravos des hirondelles
Viens là le troubadour
Je vais lire dans ta main
Tes joies, tes chagrins, tes amours
Et vous les amoureux
Remuez-vous un peu
C’est pas le moment de roucouler.
A la prochaine station
Restez dans le wagon
Et n’essayez pas d’en profiter.
Pose tes deux pieds en canard
C’est la chenille qui redémarre
En voiture les voyageurs
La chenille part toujours à l’heure
Accroche tes mains à ma taille
Pour pas que la chenille déraille
Tout ira bien et si tu veux
Prie la chenille et le bon Dieu