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«Si c'est les meilleurs qui partent les premiers, que penser alors des éjaculateurs précoces ?»
[ Pierre Desproges ]
Imagine

Ennemis Intimes : Chapitre 1

Mars, 125 après J-C.

 

Phoebus regarde sa feuille de briefing. La mission est simple. Traquer et éliminer un agent ennemi soupçonné d’avoir participé à des actes de sabotage sur une de leurs bases lunaires.

Un baptême du feu qui se déroulera sans grosses difficultés en somme.

Elle salue son supérieur et sort la tête haute.

 

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Avril, 125 après J-C

 

Elle le tient en joue mais hésite à tirer. D’après ses informations, Thalan ne va pas tarder à effectuer une grosse transaction avec le receleur du coin. Des armes, sans doute, et pour elle une bonne occasion d’obtenir des renseignements utiles aux yeux de ses supérieurs.

Salopard, ce n’est que partie remise, pense t-elle en écartant son œil de la lunette de visée.

 

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Juin, 125 après J-C

 

Un blâme. Elle fixe la note administrative avec morgue. Les informations se sont révélées parfaitement erronées, et elle a laissé filer une occasion de l’abattre. D’où le blâme.

Elle attend que son supérieur ait fini de hurler, refoule une larme, et sort la tête basse.

 

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Décembre, 127 après J-C

 

Merde, merde, merde, merde. Elle parcourt le paysage avec ses électrobinoculaires longue portée, mais ne distingue rien d’autre que des cactus et du sable. Il était là il y a deux minutes, bon sang. Allongée parmi le sable et les gravats, elle manque de fondre en larmes. 1 an et demi qu’elle a repris la traque, tout ça pour le perdre à nouveau comme une débutante.

Une main douce mais ferme se posa sur son épaule.

 

-         Un problème ? demande une voix masculine derrière elle.

 

Exactement comme sur les photos d’identifications. Deux magnifiques yeux bleus à damner un saint, quelques mèches rebelles ça et là, un visage souriant.

Elle reste muette de stupéfaction.

 

-         La prochaine fois, essayez de ne pas faire un feu, ironise t-il, ça fait deux jours que je vous surveille.

 

Il part sans rien à ajouter.

 

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Février, 130 après J-C

 

La guerre fait rage, et plus personne au QG ne se soucie de l’affectation d’une jeune fille inexpérimentée comme elle. Peu importe. Elle le tuera, quel qu’en soit le prix.

Phoebus regarde la blessure sanglante sur son bras gauche. Cette fois-ci il ne l’a pas laissée partir sans compensation. La douleur l’oblige à serrer les dents pour ne pas hurler.

 

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Juillet, 131 après J-C

 

Ca y est, elle a atteint son but. Elle le regarde avec un sourire sadique tout en pointant son Wraith Stunner droit au cœur. A bout portant, pas de doute que le coup sera mortel.

 

-         Qu’est-ce que vous attendez ? demande t-il, toujours ce petit sourire narquois au coin des lèvres. 

Abattez-moi, votre mission sera accomplie. Phoebus.

 

Il connaît son nom. Il a dû se renseigner à son sujet. Merde, et si c’était elle qui était traquée, en fait ?

Elle doit juste appuyer sur la détente et ne pas se soucier de quoique ce soit. Dans cet immonde tripot, personne ne l’empêchera de sortir. Ils balanceront son cadavre dans une poubelle, et elle ne sera pas inquiétée. Elle aura accompli sa mission.

 

-         Taisez-vous, siffle t-elle entre ses dents.

 

Elle raffermit sa prise sur son arme de poing. Juste appuyer sur la détente. Une légère pression de l’index, et c’est finit. Il est fini.

Mais elle a le malheur de croiser le regard des deux yeux bleus perçants. Sa cicatrice au bras, quasiment invisible désormais, redevient douloureuse.

Il lui sourit. Il se penche. Et il l’embrasse.

Un baiser qui dure une éternité. Personne ne les regarde. Le temps s’est arrêté, l’espace a cessé d’exister. Elle libère la pression exercée sur son arme de poing. Il la prend et la glisse dans sa poche comme si de rien n’était. Puis il passe ses deux mains autours de son visage et continue de l’embrasser, avec douceur.

1000 fois Merde. Il rompt lentement le baiser, se recule. Elle ferme les yeux et le laisse partir.

Il vient de lui infliger une blessure qui ne guérira pas.

 

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Octobre, 131 après J-C

 

Elle n’a pas été totalement oubliée par ses supérieurs en fait. Maintenant elle pourrit au fond d’une geôle, en attendant son jugement pour haute trahison. Elle n’était pas le seul agent dans les parages, ce jour-là. Ce jour-là…

Elle hait Thalan. Elle le hait pour savoir embrasser avec tant de douceur, elle le hait pour être aussi beau, et elle le hait parce qu’elle ne peut pas l’aimer. Il est l’Ennemi.

Elle entend les bombardements qui se rapprochent, et sourit.

 

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Janvier, 132 après J-C

Sous une fausse identité, elle s’engage dans la flotte ennemie. Les deux camps ont besoin de chair à canon, et personne ne se soucie des motivations et des origines de ceux qui, de toutes manières, ne vont pas tarder à mourir.

Elle sait que lui aussi est affecté sur ce croiseur, avec le grade de Major. Il doit probablement penser qu’elle est morte dans les bombardements qui ont rasé la moitié de sa planète. Il ne peut pas se douter qu’elle est là.

 

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Août, 132 après J-C

 

Si c’est possible, il est encore plus beau dans son uniforme blanc. Elle assiste à sa cérémonie de promotion au grade de Lieutenant Colonel, et elle applaudit avec les autres.

Il commence son discours, promet de consacrer toute son énergie à gagner la guerre contre les salauds d’en face, prononce quelques blagues de circonstances qui provoquent des rires amusés dans l’assistance. Il s’apprête à achever quand son regard croise celui de Phoebus. Il fronce les sourcils, puis se reprend.

Merde, il l’a retrouvée.

 

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Septembre, 132 après J-C

 

Il n’a pas tenté quoique ce soit. Il n’est pas venu la voir, il ne l’a pas fait abattre, il n’a rien fait. Elle préfère presque mourir plutôt que de subir cette indifférence. Elle ne sait plus vraiment ce qu’elle fait ici.

Veut-elle le tuer ? Elle l’ignore, en fait.

Elle apprend que le camp de Thalan a gagné la guerre. Tout le monde est mort. Tous les siens sont morts. Ou tout du moins c’est ce qu’ils croient. Il reste encore une personne pour prouver le contraire.

 

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Novembre, 132 après J-C

 

L’euphorie de la victoire a été de courte durée. A la guerre contre les salauds d’en face la guerre contre les Wraiths a succédé. Elle se dirige en courant vers les modules de secours. Il n’en reste que deux. L’éclairage saute, mais elle a le temps d’entrapercevoir une silhouette qui se rue vers le second module. C’est lui. Elle voudrait lui dire au revoir, mais l’explosion imminente du vaisseau l’en empêche. Elle s’allonge dans le module et  introduit le code de lancement. Elle ferme les yeux.

 

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Décembre, 2005 après J-C

 

« Une dernière chance… de dire au revoir à mon mari. »

Il a sans doute compris son stratagème, et elle le sait. Il la regarde, puis apostrophe le militaire à sa gauche. Il n’a pas tout compris, vraisemblablement. Ou peut-être a-t-il du mal à maîtriser les mouvements et les expressions de son hôte, elle l’ignore.

Pour étayer sa déclaration, elle s’avance et l’embrasse passionnément. Œil pour œil, dent pour dent.

Elle sourit intérieurement. Elizabeth Weir, son hôte, a cessé de hurler et la remercie, même si elle la prie de ne pas faire de mal à Thalan et à son hôte John Sheppard.

Thalan lui sourit, elle fait de même.

Sa vengeance sera bientôt accomplie… Elle se retourne et commence à courir.

 
 
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