Citations du moment :
"Son menton a soudainement quitté la paume de sa main droite posée grâce à un coude et sa tête est venue frapper lourdement le bureau. Une fois de plus, un fonctionnaire s'est tué au travail."
Les Nuls
Imagine

Verdande : Chapitre 1

 

Titre : Verdande

Auteur : Lisa

Résumé : Le 17 février 1879, William Simpson laisse une note dans une amulette.

Statut : Complet

Catégorie : Aventure, Romance.

Spoilers : connaissances générales

Rating : G

Disclamers : Stargate SG-1 et ses personnages sont la propriété de MGM, Gekko Film Corp. et Double Secret Production. Je n’ai reçu aucune prime dans l’écriture de cette histoire. Toute ressemblance avec des personnes existantes est purement fortuite.

Note de l’auteur : Désolée pour les potentiels détails anachroniques ou même géographiques. Si vous avez comme moi des difficultés à vous retrouver dans les différents noms, il y a un index à la fin… N’y allez pas maintenant, ça gâcherait tout J  ! !

© Lisa, octobre 2002.

~*~

Jamais il n’avait apprécié les musées. Oh, ce n’était pas que toutes ces choses l’indifféraient, non, il était curieux de tout et bon nombre d’objets suscitaient son intérêt… Mais toutes ces antiquités, précautionneusement alignées et étiquetées, paraissaient avoir perdu le souffle de leurs origines. Elles semblaient crier leur nostalgie aux visiteurs muets, soucieux de ne troubler leur sanctuaire. Etouffant, tel était le mot qu’il utilisait généralement pour décrire ces galeries.

  • Daniel… 

Jack dansait d’un pied sur l’autre. Il se demandait ce qu’il avait bien pu faire pour se retrouver à la tête d’une équipe si folklorique. Un anthropologue, une astrophysicienne, un guerrier alien. Deux scientifiques de trop, se répétait-il, quoique pour rien au monde il ne les aurait échangé contre qui que ce soit.

  • Encore une seconde Jack

La pluie battait sans interruption sur les grandes baies vitrées du British Museum. Les rares touristes encore présents à cette heure tardive achevaient la visite de la salle 33, délaissant finalement les pays Nordiques pour les arts Islamiques, situés dans la salle annexe.

Le jeune archéologue tournait indéfiniment autour d’un piédestal, murmurant de temps à autre que l’un des objets supportés par celui-ci était fascinant, ou incroyable. Jack, quant à lui, n’y voyait qu’un petit cylindre doré d’à peine dix centimètres, recouvert de signes répétitifs, totalement dénué d’intérêt.

Il abhorrait les musées. Il exécrait la pluie. Il abominait les archéologues. Pour finir, il maudissait Hammond d’avoir trouvé utile d’envoyer l’équipe entière en Angleterre.

Teal’c passait sans se lasser de vitrine en vitrine et examinait scrupuleusement les objets les uns après les autres, se réjouissant de pouvoir enfin découvrir les différentes évolutions de l’humain de la Tau’ri.

Carter, quant à elle, semblait se contenter de la situation. D’après ses propres dires, et d’après son enthousiasme à l’idée de traverser l’Atlantique, elle avait une tante dans la grande banlieue de Londres chez qui elle avait passé la presque totalité de ses vacances d’adolescente. En attendant de la revoir, elle prenait le but officiel de la mission comme un temps libre bien mérité, loin du piège de son laboratoire qui s'obstinait à la narguer durant ses congés.

Confortablement installée sur une petite banquette de bois sculpté et de velours rouge, elle regardait, presque avec nostalgie, la pluie s’abattre violemment sur le pavé.

  • Excusez-moi, le musée ferme dans… dites-moi que je rêve, Daniel Jackson ?
  • Peter ? 

Sa première surprise passée, l’homme s’avança à la rencontre de l’archéologue et le prit dans une accolade amicale. Après quelques secondes, Daniel s’en détacha et le tint cordialement par les épaules.

  • Peter Lytton… si je m’attendais à ça ! 

Ravi de l’occasion de briser la monotonie qui s’offrait à lui, Jack marcha vers les deux hommes, aidant au passage Carter à se relever.

  • Conservateur du British Museum ? Ben mon vieux tu t’embêtes pas… 
  • Daniel ? 
  • Oui pardon, Peter, le colonel Jack O’Neill et le major Samantha Carter, US Air Force. Là-bas, c’est Murray. Et voici Peter Lytton, un ami de longue date… Peter, j’ai une faveur à te demander… 

L’homme l’engagea à continuer.

  • J’aurai besoin d’examiner l’amulette 264 quelques minutes avant la fermeture, si c’est possible.
  • Eh bien normalement… 

Le conservateur hésita. De toute évidence cela lui coûtait de déroger à la règle. Il finit pourtant par hausser les épaules.

  • C’est bien parce que c’est toi Daniel, soupira-t-il, je te la laisse le temps que je vérifie les salles.

Sur ces mots, il sortit un trousseau de clés de son veston et s’avança vers le piédestal indiqué par le jeune homme qui affichait maintenant un grand sourire et ne tenait plus en place.

Jack regarda avec désespoir le conservateur s’éloigner. Ce qu’il avait prit pour une libération ne faisait finalement que renforcer la déjà bien pénible situation.

  • Et c’est repartit, grogna-t-il en allant s’asseoir aux côtés de Carter qui l’avait devancé dans sa démarche. Vous croyez qu’on s’en sortira un jour ? 

Le Jaffa s’approcha avec intérêt du jeune homme qui examinait à présent l’amulette sous tous les angles. Il ne pouvait plus cacher sa ferveur et son excitation habituelle aux instants qu’il qualifiait de grandes découvertes. Là, en l’occurrence, il s’agissait plutôt d’une découverte personnelle. Selon un confrère de Chicago, Simpson, lors de son expédition en Norvège septentrionale, avait laissé une petite note à l’intérieur de l’amulette en compagnie de deux pièces de monnaie d’époque et de quelques reliques. Le recto indiquait la date à laquelle il avait dû la découvrir, et le verso laissait quelques mots sur une relique en particulier, recouverte de signes étranges. Relique précieuse pour ses recherches, du moins il le croyait. Selon lui, elle n’avait pas encore livré tous ses secrets, et peut-être ceux qui restaient à découvrir étaient à sa portée de linguiste qualifié dans les écritures extra-terrestres…

  • Trouvez-vous le moyen de l’ouvrir Daniel Jackson ? 
  • Laissez-moi une seconde… voilà, s’exclama-t-il en tirant victorieusement sur l’une des extrémités. Les pièces n’y sont plus, elles sont exposées un peu plus loin dans la galerie… en revanche le papier et les reliques… 

Le jeune homme secoua la petite amulette pour en faire tomber le contenu dans sa main. Il y remit les choses par lesquelles il n’était pas intéressé et déplia le papier.

" La relique ovale reste encore étrange à mes yeux. Métal et calligraphie inconnue. William Simpson, 17 février 1879 "

L’archéologue jubilait. Il tendit la relique à Teal’c qui l’examina avec attention pour tenter de distinguer les idéogrammes plus petits. Sentant que la mission touchait à sa fin, Carter s’était rapprochée, tirant par la manche son colonel toujours pestant contre le monde. 

  • Je reconnais l’écriture, mais il me faudrait plus de temps pour l’analyser… déclara le linguiste qui plissait les yeux sur la relique… Je crois qu’il s’agit d’une légende de la mythologie germanique, il y a les symboles d’Yggdrasil, des trois sœurs Urd, Verd…

Daniel ne finit jamais sa phrase. Une lumière rouge s’échappa de la relique et inonda la salle, faisant trembler les lustres et vibrer le sol. Jack attrapa Sam par le bras et tenta de courir vers la sortie.

~*~

  • Mr. Illingworth, réalisez-vous le coût de cette expédition que vous nous proposez ? 

Thomas Illingworth rageait. Il était à leur expliquer le bien-fondé de son idée ainsi que les bénéfices que le Commonwealth pouvait en tirer depuis plusieurs heures maintenant. Des dizaines de scientifiques et de gentlemen étaient venus de tout le pays pour supporter ou désapprouver l’expédition, mais chaque fois, ses arguments étaient coupés par des questions budgétaires.

  • Je le réalise bien Mr. Bradbury. Le fait est que, comme je vous l’expliquais, la région du Nordland regorge de richesses à intérêt scientifiques qui valent bien quelques Livres sterling de… 
  • Docteur Thomas Illingworth, j’aimerais vous croire. Hélas, nous ne pouvons vous offrir la possibilité de réaliser votre projet. La conférence est finie. 
  • C’est pas croyable, s’exclama le Docteur Simpson qui accompagnait Illingworth dans son argumentation.
  • Je crois bien que si mon ami, cette fois, c’est bel et bien fini. Adieu Nordland… 
  • C’est pas croyable, continuait de répéter celui-ci, sans se soucier de la dernière remarque de son confrère.

Il regardait, incrédule, la salle se vider des hommes qui avaient assisté à la conférence.

  • Il faut t’y faire mon vieux, on ne… 
  • Thomas, hasarda-t-il en levant ses mains devant lui pour le couper dans sa lancée.

Illingworth ouvrit de grands yeux interrogatifs vers lui. Il devait aborder la trentaine, peut-être plus. Ses yeux étaient vifs et d’un bleu glacial, son nez aquilin, et un grand front prématurément dégarni lui donnait un air de jeune érudit.

  • Où… Simpson se mordit la lèvre inférieure. Il semblait hésiter sur la façon dont il allait formuler sa question, … sommes-nous ? 
  • Pardon ? 
  • Où sommes-nous, exactement 

Illingworth le toisa suspicieusement. La décevante nouvelle reçue quelques minutes auparavant avait-elle déstabilisé l’esprit de son ami ?

  • A Londres, William.
  • William ? 
  • William Simpson, s’énerva-t-il. Mon cher ami, j’aimerais que tu ailles te reposer, la journée a été dure. Rentre chez toi va, on se retrouve ici, demain, pour la conférence d’Havisham.

Simpson le regarda s’éloigner, interdit. Il avait mal à la tête… encore ces maudites migraines songea-t-il, avant de s’interroger sur ses propres pensées. De quelles migraines était-il donc question ? Il n’avait jamais été sujet aux migraines…

Il se sentit soudain tiré en arrière par son… pardessus queue-de-pie ? Cela devait être un rêve… seulement un rêve. Recherchant son équilibre, il se trouva nez à nez avec un homme, grand, ou peut-être était-ce seulement son chapeau haut-de-forme qui en donnait l’impression. Ses traits lui revinrent immédiatement en mémoire, quoi qu’il ne parvint pas à mettre immédiatement un nom dessus. Comme s’il le connaissait depuis toujours sans ne l’avoir jamais vu.

  • Daniel… ouh ouh ! 

Jack.

Jack ? Le jeune homme recula de quelques pas pour obtenir une vision d’ensemble de son interlocuteur. Il le toisa des pieds à la tête, arrêtant finalement son regard sur le sommet du chapeau haut-de-forme, totalement hilare.

  • Excusez-moi, grogna-t-il en réponse au rire innocent du jeune homme, mais vous n’êtes pas mieux Danny Boy.

Il attendit ensuite que le fou rire de son ami se calme pour poser sa question.

  • Vous avez fini là ? Bon… alors peut-être pourriez-vous me dire ce qu’on fait ici ? C’est quoi ce cirque ? 
  • Ca fait trois questions à la fois, Jack, dit-il en tentant de se reprendre, et je ne peux répondre à aucune. Tout ce que je sais c’est qu’on est à Londres, ce qui n’a pas changé, et que vous portez un… un…

Le jeune homme repartit de plus belle, tant et si bien que Jack finit par ôter son couvre-chef. Il soupira et lui tourna le dos, s’éloignant assez de lui pour ce dernier le rappelle en catastrophe. Satisfait, il se tint sur le bord de l’estrade et regarda la salle vide.

  • Je m’appelle Sir Andrew Summerlee. Je suis marié, elle s’appelle Jane, elle est enceinte de quatre mois. Et je suis à la tête d’un petit empire économique…

Il se retourna vers son ami qui s’était maintenant calmé et le regardait avec le plus grand sérieux.

  • Des entreprises de textiles.

Il poussa un profond soupir et se dirigea vers les quelques marches de l’estrade.

  • Ne me demandez pas ce que j’ai dû faire pour obtenir ces informations. Jane pense que je suis quelque chose comme schizophrène, elle est partie chercher un médecin, finit-il en s’y asseyant.

Daniel rejoignit son ami et s’installa à ses côtés.

  • Avez-vous une idée d’où Sam et Teal’c peuvent être ?
  • Non, aucune. Si ça se trouve, ils ne sont même pas ici, peut-être n’ont-il pas fait ce petit voyage dans le temps avec nous…
  • J’en doute Jack, ça n’aurait aucun sens… vous avez dit voyage dans le temps ? 
  • A moins que ce soit une caméra cachée particulièrement bien réussie, je ne vois pas quoi d’autre. Et puis ce n’est pas impossible, souvenez-vous de 1969.

Le jeune homme fronça les sourcils et resta silencieux quelques instants. Il se souvenait de la relique, de la lumière rouge, de Jack entraînant Sam… c’était absurde, totalement absurde. D’autre part, quelque chose n’était pas clair.

  • 1969… ce n’était pas dans les mêmes circonstances. Nous étions nous-même. Or ici, j’ai une vie, vous avez la votre, apparemment… Nous sommes quelqu’un d’autre… 
  • J’appellerais ça une vie antérieure, et ensuite je me ferais interner à l’asile le plus proche. 
  • Soyez un peu sérieux Sir Summerlee, déclara l’archéologue sur un ton faussement hautain.
  • N’en rajoutez pas Daniel, on n’a pas besoin de ça. Je vous rappelle que c’est sans aucun doute à cause de votre relique que nous sommes ici, et surtout maintenant, accusa-t-il.

Il se leva et en se dirigea vers une allée latérale.

  • Le 20 décembre 1878 si vous voulez tout savoir.

Une fois encore, l’archéologue se lança à sa poursuite.

  • Je peux savoir où vous comptez aller ?
  • Ecoutez, ma charmante femme va bientôt revenir avec un médecin. Un médecin du dix-neuvième siècle, vous voyez ce que je veux dire ? Pouvez-vous imaginer la taille des seringues à cette époque ? Je pars chercher Carter, c’est moins risqué. 
  • Et Teal’c. 
  • Et Teal’c. 
  • Très bien, je vous accompagne. 

~*~

  • D’accord Jack, on n’a rien trouvé, mais ce n’est pas la peine de s’énerver comme ça… elle doit être dans le coin… la ville est immense vous savez, on ne peut pas tout faire en une journée. 

Daniel criait presque en trottinant derrière son ami. Ce n’était déjà pas facile, pourquoi fallait-il qu’il en rajoute ?

  • C’est pas la peine de s’énerver ? reprit-il toujours aussi énergiquement. Si à vous ça vous plait d’être coincé ici en 1878, très bien, parlez pour vous, mais ne me dites pas ce que je dois faire ou ne pas faire, lança-t-il en accélérant le pas.
  • Où allez-vous ?
  • Je rentre chez moi. 
  • Où donc ? 
  • J’ai une villa un peu plus loin… c’est pas très moderne mais y’a le confort.

Daniel stoppa net et le regarda s’éloigner. Au bout d’un moment, Jack dut s’étonner de s’être débarrassé aussi facilement de son compagnon. Ralentissant progressivement, il finit par se retourner.

  • Qu’est-ce que vous faites ? lui demanda-t-il en haussant la voix pour couvrir la distance qui les séparait.

Le jeune homme regarda ses pieds.

  • Je n’ai aucune idée de l’endroit où j’habite… 

Jack sourit malgré lui. William Simpson ou Daniel Jackson, c’était toujours le même. Aujourd’hui il avait oublié où il habitait, demain il oublierait sa tête.

  • Venez, je dois bien avoir une chambre d’ami… soupira-t-il.

~*~

Jane le dévisagea avec méfiance tandis que le garçon de service lui déposait un œuf sur le plat dans son assiette. Elle était pâle, ses traits étaient tranchants, jamais un sourire ne transparaissait sur son visage et des cheveux noir geai relevés en chignon serré encadrait sévèrement le tout. Elle portait une robe à la dernière mode, néanmoins noire et sans falbalas inutiles.

  • Daniel, lui glissa Jack à l’oreille, dites-moi comment j’ai pu consciemment épouser cette femme…
  • Vous ne l’avez pas épousé, il l’a épousé, nuance…

Soupirant, Sir Andrew Summerlee, maître des lieux, reporta son attention sur ce qu’il avait dans son assiette.

  • J’ai réfléchi cette nuit, continua-t-il sur le même ton, si bien que Jack dut tendre l’oreille pour déchiffrer ses paroles. Nous sommes le 21 décembre 1878, j’ai appris hier que je suis William Simpson et que je prépare une expédition pour la Norvège. Ca ne peut pas être une coïncidence…
  • Expliquez-vous, murmura-t-il, adressant à son épouse un petit sourire qui se voulait rassurant.
  • William Simpson a déposé une note datée du 17 février 1879 dans l’amulette que j’étudiais. Elle a été découverte dans cette division Norvégienne appelée Nordland…

Jack avala une bouchée de blanc d’œuf en grimaçant.

  • Et alors ? On attend que quelqu’un la trouve et on a notre billet de retour. Pendant ce temps on part à la recherche de Carter et de Teal’c.
  • Vous savez, je ne pense pas que l’on trouve Teal’c ici… J’imagine que ses vies antérieures se situent sur Chulak… D’autre part, l’amulette peut très bien ne jamais être découverte si William Simpson ne part pas en expédition à sa recherche…

Le jeune homme avait presque oublié la présence d’autres personnes dans la salle à manger.

  • Vous voulez dire qu’on décolle pour les Fjords ?
  • Vous avez entendu Bradbury… pas assez d’argent…
  • Donc ? Une solution ?

Daniel s’empara d’une tranche de pain recouverte de marmelade et leva un regard innocent vers son ami.

~*~

  • Excusez mon interruption Docteur Havisham, avant de commencer j’aimerais remettre sur le tapis cette histoire d’expédition en Norvège.

Tous les regards se tournèrent vers Simpson qui venait de se lever et de couper brutalement la parole à un des conférenciers les plus en vue de l’époque. Illingworth paraissait catastrophé et le fixait avec incrédulité. Il avait décidément perdu la tête… Et quelle était cette étrange expression qu’il venait d’employer ?

Outré, Bradbury fit claquer sur une petite table un ouvrage qu’il tenait en main. Si seulement cet insolent de Simpson pouvait être la pauvre et innocente mouche qui se trouvait par le plus grand des hasards sur le lieu de l’impacte…

  • Avant que vous ne disiez quoi que ce soit, sir Bradbury, j’ai trouvé une solution à nos différents.

Illingworth ne savait plus où se mettre, avec tous ces personnages de la haute société qui le regardaient de haut. Mais bien que son ami soit incontestablement devenu fou, une lueur d’espoir naquit dans ses yeux.

  • Expliquez-vous, rapidement, répondit-il en appuyant sur sa recommandation, après avec inspiré profondément.
  • Votre principal argument étant budgétaire, j’ai résolu la question en trouvant un sponsor… Pardon, une aide financière.

Son ami sembla s’enterrer sous son siège.

  • Allez donc au fond de votre pensée, nous n’avons pas tout notre temps !

Un autre homme se leva dans le fond de la salle. Il chancela lorsqu’une femme à ses côtés le tira par la manche en lui faisant signe de se rasseoir.

  • Moi, annonça-t-il en se dégageant avec véhémence et en s’engageant dans l’allée, je finance le projet.

Il fut rejoint sur l’estrade par Simpson qui entraînait avec lui Illingworth, plus abasourdi que jamais. Bradbury sembla alors se résoudre à remettre la conférence d’Havisham à plus tard, et discuta quelques points avec les trois hommes. Il fut convenu que l’expédition partirait après les réjouissances de fin d’année, le temps de la préparer un minimum. Vint ensuite le problème des hommes. En effet, deux seulement ne pouvaient à eux seuls se porter garants de la réussite du projet. Sous les cris lointains d’une femme de l’assemblée, Sir Summerlee se porta alors volontaire. Sir Lawrence Clifford, vétéran de ce genre de voyage, se dressa alors à son tour dans la salle de conférence.

Ils étaient alors quatre, en tout et pour tout.

Un navire les conduirait le plus loin possible, jusqu’à Tennfjord, un petit village sur la côte norvégienne. Ils n’auraient alors que quelques kilomètres à faire à l’intérieur des terres pour atteindre leur but. Ce fut à peu près à cet instant que Jack commença à avoir des doutes sur le bien-fondé de son action. Ce qui lui restait de connaissances en géographie terrestre déclencha l’alerte rouge : de Londres à Tennfjord, combien y avait-il de kilomètres ? Plus de 1500 lui répondit-on.

  • Daniel, vous n’êtes pas sérieux, lui chuchota-t-il à l’oreille pendant qu’Edward Bradbury récapitulait, 1500 kilomètres sur un navire du 19e siècle pour arriver dans un congélateur ? 
  •  … l’expédition partira donc le 2 janvier prochain et devrait arriver à destination vers mi-février… 
  • Vous voyez Jack, ce n’est pas la peine de vous inquiéter, on a tout notre temps, lui répondit le jeune archéologue avec un sourire narquois.
  • Elle comprendra en plus d’une équipe de vingt marins, le docteur William Simpson et son collègue Thomas Illingworth, Sir Lawrence Clifford qui couvrira le voyage en tant que journaliste et Sir Andrew Summerlee qui finance gracieusement l’opération…
  • Et moi, ajouta une voix féminine dans l’assemblée.

Une jeune femme en robe bleu pâle se leva, bouscula quelques gentilshommes bougons, et à son tour grimpa sur l’estrade. Jack en eut le souffle coupé. Il l’avait cherché toute la journée de la veille dans le vieux Londres, dans les ruelles duquel il n’avait cessé de se perdre, et elle apparaissait à ses yeux aujourd’hui comme si de rien n’était ?

  • Carter ! s’exclama-t-il avec enthousiasme lorsqu’elle se dirigea vers lui.

Daniel affichait un grand sourire à la vue de son amie. Il se réjouit en remarquant que Jack avait retrouvé sa bonne humeur… Jamais il n’aurait pu passer deux mois sur un navire avec lui, tout en sachant que celui-ci aurait immanquablement des jours de déprimes qu’il classait sous la rubrique " Sam ". Au moins, quand celle-ci était à ses côtés, cela limitait les dégâts. Il n’osait même plus penser à ce jour " Sam " qu’il avait passé en compagnie du militaire sur P9Z-686 alors que la jeune femme était restée sur Terre.

Sam passa en coup de vent devant les deux hommes. Elle s’arrêta aux côtés d’Illingworth qui secouait négativement la tête.

  • Lizzie, ca peut être dangereux…
  • Tu n’as pas ton mot à dire Thomas, nous ne sommes pas encore mariés. Et tu sais bien que je ne survirais pas s’il t’arrivait malheur à des centaines de miles d’ici…

Thomas ne répondit pas. Il prit la main de la jeune femme dans la sienne et la serra.

  • Ajoutez Lady Elizabeth Hearn à la liste messieurs.

La fin de la conférence se déroula sans autre incident. Les deux hommes s’interrogeaient grandement sur la cause de cette distance que leur amie mettait entre eux, mais ils convinrent que tout cette mise en scène devait faire partie d’un plan. Après tout elle n’était pas sensée les connaître. 

  • Bien, cette interruption est terminée, Docteur Havisham, vous pouvez reprendre.

Le petit groupe descendit de l’estrade et laissa le conférencier à ses bavardages. Il sortirent discrètement et se retrouvèrent dans une sombre rue de Londres où un léger crachin humidifiait les pavés. Illingworth engagea une grande discussion avec Simpson sur la façon dont il s’y était pris pour résoudre le problème. Jack en profita pour prendre son major à part.

  • Carter, heureux de vous revoir, lui dit-il en posant affectueusement une main sur son épaule.
  • Excusez-moi Sir Summerlee, nous connaissons-nous ?

Jack resta interdit.

  • D’autre part, je ne vois pas à qui vous faites allusion, mon nom est Hearn et non Carter. Maintenant veuillez m’excuser, j’ai une affaire importante à régler. J’ai été heureuse de faire votre connaissance, ce sera avec joie que j’entreprendrai ce voyage avec vous.

Elle lui adressa un sourire poli, ouvrit une petite ombrelle et s’éloigna en interpellant Illingworth au passage. Resté seul, Daniel rejoignit Jack.

  • Elle ne se souvient pas, murmura-t-il, encore sous le choc.
  • Je ne comprends pas, ajouta Daniel… Peut-être n’est-ce pas réellement Sam… peut-être est-ce juste la fiancée de Thomas.
  • Fiancée ? Elle est fiancée ?
  • Vous-même êtes bien marié Jack…

Ce dernier, sentant qu’il ne voulait pas s’engager dans cette voie qui le mettait mal à l’aise, préféra ne rien ajouter à ce propos. Il changea de sujet.

  • Vous avez pensé à lui demander où vous habitez ?

Jack leva les yeux au ciel.

~*~

Daniel était perplexe. Depuis plus d’une heure, les marins portaient de lourdes caisses de bois dans les caves du navire. Et depuis tout ce temps, il essayait de trouver une explication rationnelle aux interrogations de son ami, qui épiait une jeune femme blonde du coin de l’œil. Comment notre scientifique pouvait-il expliquer qu’elle ne se souvienne pas ? Après tout, elle était avec eux dans cette salle de musée lorsque la lumière rouge s’était échappée de la relique. Comment se faisait-il qu’elle n’ait pas été transférée dans l’enveloppe corporelle de sa vie antérieure ?

Car les deux hommes avaient passé la dernière semaine à réfléchir sur ce qu’il se passait. Ils en étaient alors arrivés à cette conclusion théorique qu’était le transfert d’esprits – ou un truc dans le genre, selon Jack – lors de quelque chose qu’avait dit ou fait une des personnes présentes dans la salle à cet instant. Une autre hypothèse avait été émise : une mauvaise blague extra-terrestre. Mais elle avait vite été rejetée à cause, justement, de sa simplicité.

  • Soit ce n’est finalement que la vie antérieure de Sam, soit elle joue un jeu parfait en nous ignorant, ce qui ferait partie d’un plan, visiblement.
  • … dont je ne verrais même pas l’utilité Jack. Cessez de vous creuser la tête, nous allons être en sa compagnie durant près de deux mois et demi, vous aurez tout le temps de mener votre enquette.

Jack continua pourtant à échaffauder des théories toutes plus compliquées et improbables les unes que les autres, même après que les marins eussent achevé les préparatifs, que tout le monde eut embarqué et que le navire eut levé l’ancre.

Daniel se découvrait un véritable ami. Illingworth semblait tout étonné que Simpson fut à ce point émerveillé par leur amitié de longue date. Le jeune archéologue commença à se passionner pour toutes ces techniques anciennes d’archéologie, dont Thomas avait une connaissance illimité, et il se débrouilla finalement pour s’enfermer avec lui dans une cabine réservée à cet effet dans laquelle les deux scientifiques pouvaient partager leur hobby commun.

Sir Lawrence Clifford se liait quant à lui d’amitié avec le capitaine du bateau, Bolton. La passion de ce monsieur était le voyage en lui même, et non les découvertes capitales qui pouvaient en découler. Il étudiait avec le capitaine Bolton toutes sortes de latitudes, de longitudes et de coordonées diverses que Jack avait maudites depuis longtemps.

Il avait donc tenté d’aider les marins dans leurs différentes tâches, mais Sir Andrew Summelee n’était en l’occurrence pas fait pour ce genre de travaux, dans son costume taillé sur mesures des gens de la haute société. Daniel lui avait glissé qu’il ne serait pas de bon genre de laisser tomber sa classe sociale sous prétexte qu’il s’ennuyait ferme et qu’il en avait pour deux mois et demi.

Un jeune garçon lavait le pont à ses pieds. Il était accoudé à la rambarde et regardait distraitement la mer se casser sous la proue. Ce n’était pas pour rien qu’il avait intégré l’armée de l’air et non les marines. L’eau, ça n’avait jamais été son truc. On lui avait pourtant proposé cette branche de l’armée, mais il avait choisi de piloter des chasseurs. Du moment que cela pouvait l’éloigner de ces histoires de poulies et de taquets dont il avait fait l’expérience pendant un temps.

  • C’est magnifique, n’est-ce pas ?

Jack sentit son cœur accélérer sensiblement lorsque la jeune femme, perdue dans les froufrous turquoises de sa toilette, s’accouda à quelques centimètres de lui.

  • Oui, magnifique, répondit-il, oubliant tout à coup l’aversion qu’il avait pour la marine.

Il ne savait pas ce qu’elle lui réservait. Il l’avait tellement l’impression de la connaître par cœur et de l’avoir perdu du jour au lendemain… Mais il fallait aussi qu’il se mette en tête que ce n’était pas elle, elle ne le connaissait tout simplement pas. En résumé, il croyait la connaître et il ne la connaissait pas, elle aurait dû le connaître mais ne le connaissait pas.

Jack arqua un sourcil en tentant de comprendre sa propre pensée.

  • Nous avons plus de deux mois à vivre tous ensemble sur ce bateau. Thomas travaille avec William, et tel que le connais, il ne passera que rarement la tête hors de sa cabine…
  • Je connais ça.

Lizzie dévisagea son compagnon avec un petit sourire intrigué. Le vent soufflait en rafale violentes, ébouriffait ses cheveux blonds qu’elle avait laissés libres pour l’occasion. Ignorant sa remarque, car elle avait appris sur son visage qu’il avait son passé et ses secrets, elle continua.

  • J’aimerais beaucoup apprendre à vous connaître Sir Summerlee.
  • Commencez par m’appeler Andrew.
  • Lizzie, dans ce cas.
  • Très bien, Lizzie… Vous voulez donc apprendre à me connaître ?
  • Oui, je voudrais en savoir plus que ce que l’on m’a dit.

Jack réfléchis. Il aurait pu faire plusieurs volumes de ses propres mémoires, mais il ne savait absolument rien de Summerlee.

  • Vous avez plusieurs heures devant vous ?
  • Bien sur !
  • C’était ma réponse, Lizzie.
  • Ah.

La jeune femme réfléchit quelques secondes à cette étrange réponse, finit par comprendre et tourna la tête droit devant elle. Décidément, le voyage risquait d’être long.

Jack, satisfait de cette réponse, qui l’avait lui-même laissé perplexe lorsque le docteur Carter avait fait son apparition à la base, se contenta de fixer un point invisible à l’horizon. Si cette version antérieure de son major était identique à celle qu’il connaissait si bien, elle allait l’adopter tel qu’il était au bout de quelques jours seulement.

~*~

Il s’était trompé. Cela ne lui avait pas pris quelques jours, mais quelques semaines. Trois semaines pour qu’il arrive à la faire rire. Ca n’avait pas été une mince affaire, mais le résultat était une réussite.

Ce qui n’était aucunement l’avis de Daniel. Elizabeth était fiancée, répétait-il. Il aurait voulu, par respect pour le destin de Thomas, de la jeune femme et de leurs décendants, que celle-ci ne s’éprenne pas d’Andrew comme Sam l’était de Jack en l’an 2002. Ce sur quoi, sous les foudres de son ami, il avait jugé préférable de se taire.

Qu’importait. Il n’avait nullement l’intention de séduire Lizzie comme Daniel l’imaginait. Il ne voulait en aucune façon que deux personnes qui, d’après leur status marital, n’avaient pas le droit d’aller plus loin, s’embarquent dans une impasse douloureuse. Et cela par sa faute. Il voulait juste une amitié que seuls les atômes crochus qui existaient entre eux pouvaient créer, que ce soit au 19e ou au 21e siècle.

  • Imaginez un instant. Nous nous connaissions antérieurement à ce voyage.
  • Je ne vois pas comment il aurait pu en être ainsi.
  • Pas dans cette vie-là Lizzie… Dans une autre vie !

Paresseusement allongé sur une couchette, Jack observa d’un air amusé le matelas du lit superposé au sien qui s’agitait alors qu’un éclat de rire cristallin envahissait la cabine.

  • Ecoutez bien ce que je vais vous raconter. Prenez-le comme vous le voudrez mais écoutez-moi jusqu’à la fin. Promis ?
  • Promis.
  • Bien. Alors pensez à cela. Chaque personne a plusieurs vies. Dans le passé, il y a peut-être de cela cent ans, une jeune femme identique à vous existait. Votre vie antérieure.
  • Que me chantez-vous là, Andrew ?
  • Vous aviez juré de ne pas m’interrompre Lady Hearn !
  • Excusez-moi. Continez, je vous en prie…
  • J’ai moi aussi des vies antérieures, et j’aurai sans aucun doute des vies postérieures de la même façon.

Lizzie se remit à rire et Jack lui ordonna une fois de plus de se taire.

  • Une de ces vies postérieures se nommera Jonathan O’Neill. Ce sera un soldat. A une certaine période de sa vie, beaucoup de malheurs s’abattront sur lui : il perdra sa femme et son fils.
  • Vous êtes cruel Andrew, pourquoi voudriez vous qu’il perde ainsi des personnes aimées ?

Jack préféra l’ignorer. Lui aussi, il s’était dit que c’était réellement cruel, injuste et tant d’autres adjectifs dont il avait qualifié sa vie. Mais depuis un certain temps, quelque chose –ou quelqu’un– le faisait penser différemment, si bien qu’il avait supprimé le mot fatal de sa liste.

  • Il aura beaucoup de mal à ne pas sombrer. Il abandonnera même pendant un temps le service de sa patrie qui ne voulait plus dire grand chose pour lui. Mais il reviendra à l’occasion d’une expérience fabuleuse qui lui permettra de voyager de planètes en planètes.

Cette fois-ci, alors que Jack s’attendait à une cascade de rires, rien ne vint. Le silence le plus total régnait dans la petite pièce qui se penchait d’un côté, puis d’un autre, au gré de la houle.

  • Lizzie ?
  • Vous avez lu mon livre de chevet Andrew.
  • Pardon ?
  • On m’a fait parvenir une œuvre de M. Voltaire avant mon départ. Un géant venu de l’étoile Sirius se promène de planète en planète selon ses envies. Vous avez dû le lire pour que votre imagination soir devenue si fertile.

Jack sourit.

  • Bien, si vous voulez, j’ai lu Micromégas. Mais je n’ai pas fini mon récit. Jack O’Neill, avec deux L, et Jack car il préférait ainsi, voyagera en compagnie de deux amis très chers et d’une jeune femme blonde qui vous ressemblera étrangement.
  • Ma vie postérieure ? demanda Lizzie, se prenant au jeu.
  • Absolument, vous avez touché juste. Ils deviendront très amis à leur tour, bien que beaucoup de choses les séparent. Notamment une règle de vie qui leur interdira de partager une toute autre relation.

Pourquoi lui racontait-il tout cela exactement ? Il ne savait plus très bien. Le fait était qu’ils navigaient depuis déjà un bon mois et que la vie était de plus en plus monotone à leurs yeux. Et quitte à inventer une histoire pour la distraire, autant en narrer une qui lui pesait sur le cœur.

Les jours passaient, chacun rivalisant d’ennui avec le précédent. Daniel et Thomas Illingworth restaient enfermés dans leur cabine, on se demandait ce qui pouvait mériter tant de temps et d’attention.

  • Et après, que fera-t-il ?
  • Eh, qu’en pensez-vous ? Le temps est une boucle continuelle et Jack et son drôle d’ami Teal’c sont les seuls à en être conscient. Alors, une idée ?
  • Je dirais que tous deux en profiteraient…
  • Exactement !

Une vague plus forte que les autres les déséquibra. Ils se dirigeaient vers une salle annexe aux cuisines qui leur servait de réfectoire. C’était un moment qui n’avait pas de prix pour la plupart des occupants du bateau, du moins ceux qui n’étaient pas occupés au bon fonctionnement de la navigation. Tout le monde se retrouvait autour d’une grande table, sans discrimination aucune, et la monotonie était brisée pendant un temps par une atmosphère conviviale.

  • De quelle façon ?
  • Mettez-vous à sa place… ils n’ont à chaque fois que quelques heures avant que tout ne revienne au début. Pas le temps de sortir, contraints de rester en compagnie de tous les gens occupant les installations souterraines…
  • Oh, je vois… des folies n’est-ce pas ?

En quelques semaines, ils avaient retracé une bonne partie de l’histoire du SGC sous forme d’un jeu qui ne pouvait logiquement cesser. C’était réellement sans fin, cela distrayait grandement Lizzie et animait une joyeuse nostalgie dans l’esprit de Jack. L’occupation parfaite.

  • Il ne profitera pas de Samantha j’espère ?
  • Vous pensez qu’elle n’apprécierait pas ?
  • Non que cela ne la griserait pas sur le moment, mais il serait injuste que seul Jonathan s’en souvienne.
  • Oui, ça serait injuste… Mais profiter n’est pas le mot que j’emploirais, tester serait plus approprié.
  • Comment cela ?
  • Vous savez, ils ne savent rien de ce que pourrait être leur amour si le physique entrait en jeu… Jack voudrait peut-être tester sa réaction.

Jack poussa la porte de ce qu’il surnommait le living room. Toutes les têtes déjà présentes se tournèrent vers les nouveaux arrivants.

  • Vous avez raison finalement Andrew, Jack et Sam y trouveront leur compte, déclara-t-elle en partant s’asseoir aux côtés de Thomas.

Daniel adressa à son ami un regard inquisiteur qui attendait une explication. Ce n’était rien Danny Boy, juste un passe-temps comme un autre, lui répondit-il.

  • Que lui avez-vous dit ? demanda le jeune homme sur un ton de reproche.
  • Tout, elle sait absolument tout.
  • Avez-vous réfléchi aux conséquences ?
  • Oui, et figurez-vous qu’il ne peut y en avoir aucune… Ce n’est qu’une vie antérieure de Sam à qui on raconte une charmante histoire. Et je n’aime pas y penser, mais elle mourra avant d’avoir pu influencer le cours de l’Histoire avec un grand ou un petit H.

Daniel ne trouva rien à répondre et préféra ne plus penser à ce que Jack pouvait faire de son temps.

~*~

Il faisait un froid glacial, les hommes superposaient les pulls de laine les plus chauds qu’ils pouvaient trouver. Elle était assise à ses côtés, sur un tas d’énorme cordes qui devaient servir à amarrer le navire.

  • Vous ai-je raconté le discours que Jack tentera de faire lors de la promotion de Samantha ?
  • Non, mais quelque chose me dit que vous allez vous y appliquer dans quelques instants…

Il respira à fond l’air marin et attendit que le petit texte appris par cœur lui revienne en mémoire. Il s’était appliqué à lui donner un sens officiel et une signification sous-jacente à la fois. Et ne pas avoir pu le lui dire n’avait fait que rendre son cœur plus lourd encore, écrasé par toutes ces choses qu’il ne pouvait avouer. Il espérait en quelque sorte que Lizzie soit en mesure de le soulager.

" D’habitude, je suis plutôt du genre avare de mots. Aujourd’hui, pourtant, trop me viennent à l’esprit pour exprimer ma satisfaction en voyant une personne que j’admire, que je respecte, promue à un grade qui lui est cent fois dû. C’est un conseil que je vous donne, messieurs. Si l’occasion se présente, n’hésitez pas à intégrer une femme à votre équipe. Elle vous offrira gracieusement le meilleur d’elle-même, ainsi que la clarté d’un inconditionnel sourire dont vous avez tellement besoin quelques fois. Et pour terminer, j’aimerais lui manifester ma gratitude pour avoir prouvé à maintes reprises son aptitude à sortir l’équipe des plus mauvais pas, par son intelligence et son courage ". 

Un grand silence suivit ses paroles.

Illingworth sortit soudainement de sa cabine, manqua de renverser Sir Clifford et déboula finalement sur le pont côté babord où on lui avait indiqué qu’il trouverait sa fiancée. Il était heureux qu’elle se fut trouvé un ami le temps du voyage, quelqu’un à qui parler qui ne fut pas lui, pour qu’il puisse tranquillement préparer les recherches avec son ami Simpson.

  • Lizzie ! s’exclama-t-il en la faisant sauter sur ses pieds et en l’embrassant précipitamment sur les lèvres, nous commençons à apercevoir les côtes de Norvège !
  • Vraiment ? répondit-elle en lui rendant tout aussi rapidement son baiser.
  • Nous y serons demain, dans la matinée. Le capitaine Bolton m’a chargé de répandre la nouvelle.

La jeune femme sourit en le regardant s’éloigner vers l’arrière du bateau à la rencontres de tous les marins de l’équipage qu’il pouvait trouver. La nuit avait commencé à tomber moins d’une demi-heure auparavant, mais à présent il devenait de plus en plus difficile de discerner certains détails. Se réchauffant les mains en soufflant dans ses gants, elle se rassit sur le tas de corde.

  • Alors apparemment sous sommes arrivés au bout du supplice, murmura-t-elle.

Jack acquiesça. Ils avaient finit par s’avouer mutuellement qu’un voyage en mer combiné à un froid frigorifique était la pire des choses qui auraient pu leur arriver. Ils avaient même essuyé une tempête la veille au soir.

Les étoiles commençaient à apparaître et les marins se relayaient. La plupart partait dormir.

Ils avaient tous deux convenus qu’il allait falloir qu’ils se décident à en faire autant, mais le froid et l’immobilité engourdissaient leurs membres, si bien que la seule idée de bouger leur donnait des frissons. Ils finirent juste par glisser le long des cordes pour s’y retrouver adossés.

  • Et c’est sur une planète en orbite de cette étoile que Jack se retrouvera coincé, seul, pendant trois mois.
  • Seul ?
  • Pas réellement, une petite partie du village sera restée, elle aussi. Dont une femme.
  • Je n’aime la façon dont tourne tout ça Andrew, on ne pourrait pas oublier celle-ci et en inventer une autre ?
  • J’aimerais Lizzie, vraiment… Mais la vie n’est pas un conte de fées, il la blessera et le regrettera amèrement.

Daniel passa un peu plus tard dans la soirée, emmitouflé dans plusieurs épaisseurs de laine et de coton. Il lança un regard noir à Jack en glissant à Lizzie que Thomas l’attendait.

Toujours aucune réaction.

Le froid était moins saisissant depuis qu’ils s’étaient resserrés jusqu’à ce qu’elle pose la tête sur son épaule. Un malaise s’en suivit qui couru le long de l’épine dorsale de Jack. Il avait cette désagréable impression de déjà-vu : Sam, amnésique, la tête posée sur son épaule… Il se souvint aussi d’où cette relation qui s’était développée entre eux à partir de cet instant avait fini par aboutir. Une nuit qu’il se rappellerait sûrement toute sa vie.

Si l’esprit de Sam n’était pas là, son corps l’était. Il avait encore dans l’esprit la forme de ses courbes, la douceur de sa peau et ses hanches se cambrant vers lui . Ses yeux s’emplirent de larmes lorsqu’il se souvint des derniers mots qu’ils avaient échangé à la fin de cette mission. Rien que le rappel déconcertant de leurs grades respectifs. Et pourtant, ses lèvres jouant avec les siennes encore quelques heures auparavant…

  • Andrew, que faites-vous ?
  • Chut…

Il caressa doucement la joue de la jeune femme tout en plongeant ses yeux dans les émeraudes de ses souvenirs. Prenant son menton entre le pouce et l’index, il réduisit le mince espace qui les séparait et captura sa bouche. Sa langue s’aventura à la rencontre de celle de la jeune femme qui, si elle hésitait encore, n’avait plus aucun doute à ce stade.

Il se séparèrent finalement pour reprendre leur souffle.

  • Sam, murmura-t-il contre sa bouche.

L’effet fut immédiat.

  • Quoi ?

Jack la regarda sans comprendre. Toute cette histoire de vie antérieure tenait-elle toujours ? Est-ce que cela n’avait pas été un immense rêve dont il venait de sortir victorieusement en embrassant Sam ? Entre temps, sa surprise passée, Lizzie semblait réaliser ce qu’elle venait de faire. Elle avait une main sur sa bouche et lui tourna soudainement le dos en se préparant à partir. Jack sauta sur ses pieds et la retint par le bras.

  • Tu l’as dit toi-même Andrew, il y a des règles de vie, que ce soit maintenant ou dans ces vies postérieures que tu nous as imaginé… Elle ne sont pas là pour qu’on les brise.

Elle se dégagea et laissa sur le pont un homme presque perdu, en proie aux bourrasques du vent.

~*~

L’équipage hurlait de tous les côtés. Le petit port de Tennfjord ne devait pas être tous les jours à ce point agité, car la moitié du petit village semblait s’être donnée rendez-vous pour accueillir les voyageurs. Bolton criait des ordres à ses hommes et tentait d’éloigner la population.

Peu après, les ravitaillements effectués, quatre personnes partaient le sac au dos dans les fjords de Scandinavie. Selon deux jeunes hommes du pays qui les accompagnaient, ils arriveraient en fin de matinée sur un site qui suscitait la curiosité depuis les quelques générations qui avaient suivies sa découverte.

Sentant que le silence qui pesait sur le petit groupe ne pouvait qu’avoir quelque chose à voir avec la soirée de la veille, Daniel accéléra le pas et rattrapa Jack qui partait devant en compagnie d’un de leurs guides.

  • Dites-moi, quelque chose ne va pas ?

Quelle entrée en matière, Daniel, se félicita-t-il mentalement. Depuis quand Jack O’Neill était ouvert à ce genre de questions indiscrètes ?

  • Ca ne vous regarde pas.

Voilà.

Il se contenta de marcher silencieusement à ses côtés, non qu’il avait un plan en tête, mais il n’avait réellement aucune idée de quoi faire face à un tel mur de briques. Ses espoirs se concrétisèrent à son grand étonnement quand Jack prit brièvement la parole.

  • J’ai fait une gaffe.
  • Bah, le contraire m’aurait étonné !
  • Pardon ?
  • Excusez-moi.
  • Pourquoi ?
  • Pourquoi quoi ?
  • Hein ?
  • Hein ?

Comme il l’avait dit auparavant, ce serait sûrement ce genre de discussions avec Jack O’Neill qui lui manqueraient le plus. Celles qui lui demandaient quelques litres de café pour arriver à s’y retrouver et à s’en sortir. 

  • Nous sommes arrivés, déclarèrent un peu plus tard leurs guides en mauvais anglais devant un gigantesque champ de ruines.

Un minuscule village qui ne devait pas excéder une douzaine d’habitants se dressait derrière. Il devait être environ deux heures de l’après-midi. Les estomacs criaient famine si bien qu’ils se dirigèrent directement vers les habitations.

Les Lapons qui les occupaient gagnèrent immédiatement leur amitié. Ils étaient d’une rare gentillesse et générosité, ils leur offrirent gracieusement un logis et une table qu’ils ne refusèrent point.

Illingworth et Simpson installèrent leurs instruments sur un petit bureau du dortoir qui leur avait été attribué et décidèrent qu’ils commenceraient leurs recherches dès la fin du repas. Ils les avaient tellement préparées que le but qu’ils étaient sur le point d’atteindre semblait leur donner des ailes.

~*~

  • Vous avez réellement l’intention de manger du renne ?
  • Allons Jack, que voulez-vous manger d’autre…

Jack grimaça. Tout bien réfléchi, il préférait encore l’œuf sur le plat sans sel qu’il avait pour son petit-déjeuné à Londres. Un grand plat rempli de viande avait été déposé sur la table. C’était comme du bœuf lui avait-on dit pour le rassurer… Pourquoi ne pas manger des escargots pendant qu’on y était ? Le monde avait décidément d’étranges habitudes alimentaires.

Lizzie avait soudainement décidé qu’elle était végétarienne. Ce n’était pas une si mauvaise idée… mais la tactique venait d’être utilisée, il allait falloir qu’il en trouve une autre. Un petit gamin salivait en attendant qu’on le serve, il avait envisagé de lui faire discrètement passer sa part.

Une platrée de renne atterit dans son assiette. Attendant sans doute trop longtemps pour oser y goûter, il reçut un coup de coude dans les côtes, puis un deuxième qui finit par le faire protester.

  • Laissez-moi le temps de m’y faire Daniel, regardez Clifford, il n’y a pas encore touché non plus !
  • Je ne parle pas de ça Jack, murmura-t-il, mais de ça.

Jack suivit du regard la direction que l’archéologue indiquait du menton. Il y avait là un lapon, attablé, finissant de grignoter un os et s’attaquant tranquillement à un autre morceau. Il haussa les épaules et fit signe que non, il ne voyait pas ce qu’il y avait d’extraordinaire.

  • Autour de son cou, insista-t-il.

Il remarqua enfin à quoi son ami faisait allusion, et son cœur sauta dans sa poitrine à la vue du pendentif de l’homme. Il s’adressa à un des deux guides en tentant de couvrir le bruit pour se faire comprendre.

  • Excusez-moi, pourriez-vous demander à cet homme si…

Il fut interrompu par un " oh mon dieu " empreint de terreur, à l’autre bout de la table. Illingworth semblait avoir du mal à respirer, il déboutonnait les premiers boutons de sa chemise et tirait sur les pulls qui la recouvraient. Jack cru tout d’abord qu’il était sujet à une crise d’asthme, mais il rejeta sa conjecture quand Daniel lui fit remarquer que le jeune homme n’était pas asthmatique.

Lizzie continuait à crier en le regardant suffoquer, et toute la salle se regroupait autour du pauvre homme qui commençait à virer au violet.

  • Mon colonel ! entendit-il hurler.

Il sursauta lorsqu’il reconnu la voix de Sam, ou plus précisément de Lizzie qui agitait la main en l’air vers lui. Il se précipita vers la jeune femme en écartant les curieux autour de lui. Lorsqu’il arriva à ses côtés, elle s’était calmée mais était blanche comme un linge et ouvrait de grands yeux effrayés, la main sur son front.

  • Sam, est-ce que ça va ? lui demanda-t-il en la prenant par les épaules.

Elle le regarda en plissant les yeux.

  • Andrew, vous croyez que le moment est approprié pour repartir dans vos délires ? Thomas étouffe pour l’amour de dieu !
  • Vous venez de m’appeler colonel Lizzie !
  • Je n’ai jamais dit une chose pareille, et au lieu de rester là à ne rien faire, tentez de l’aider un minimum…
  • Je n’ai pas cette qualification, Sam l’a.
  • Je ne suis pas Sam ! hurla-t-elle en me repoussant et en se précipitant sur Thomas qu’on avait allongé à terre.

Clifford arriva brusquement d’entre les Lapons et demanda à tout le monde de s’écarter. Il cria à bon entendeur que c’était une allergie à la viande qu’il venait d’ingurgiter, ou plus précisément aux lichens avec lesquels elle avait été assaisonnée. Que devait-on faire, lui demanda-t-on alors ? Il n’en savait rien, mais il fallait le faire vite car une de ses connaissances en avait une fois été victime et n’avait pas pu être sauvée à temps.

Le temps qu’il finisse sa phrase, Lizzie s’était jetée à genous et pleurait sur son fiancé. On remarqua quelques instants plus tard qu’il avait cessé de bouger.

~*~

 
 
Conçu par Océan spécialement pour Imagine.
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