CHAPITRE 2
“Colonel, au rapport !”, aboya Hammond, visiblement de fort mauvaise humeur, dès que Jack eut franchi la porte.
“On s’est fait entuber, mon général”, répondit celui-ci sans chercher à masquer sa colère. “Notre soi-disant ami Tok’ra était un traître à la solde de Ba’al. On est tombés dans une embuscade. Le major Carter et son père ont été capturés. Et le major Bennett aurait bien besoin d’un nouveau séjour à l’infirmerie.”
Hammond se tourna vers l’intéressé.
“Major, vous êtes blessé ?”
“ça va aller, mon général. Delek m’a déjà soigné.”
“Ce n’est pas que je n’ai pas confiance en nos amis Tok’ra, mais je préfèrerais quand même que vous alliez montrer ça au docteur Fraiser.”
“Mon général, je vous assure que…”
“C’est un ordre, major. D’ailleurs, il vaut pour tout le monde. Je veux tous vous voir à l’infirmerie d’ici 5 minutes.”
“A vos ordres”, répondit Jack en faisant signe aux autres d’y aller.
Il attendit que ses compagnons se soient éloignés, puis se tourna vers son supérieur.
“Mon général, Delek est en ce moment en train de faire part de la situation au grand conseil Tok’ra. Il a dit qu’il reviendrait avec des renforts pour décider avec nous de la suite des opérations.”
“Très bien, nous verrons ça. Débriefing dans 45 minutes. En attendant, allez rejoindre les autres à l’infirmerie, et demandez au docteur Fraiser de se joindre à nous.”
“Oui, mon général.”
*********
“Maître, voici les Tau’ri que nous avons réussi à capturer”, annonça un Jaffa en s’inclinant devant Ba’al, tandis que ses hommes forçaient Sam et Jacob à s’agenouiller.
Ba’al se leva de son « trône » pour les observer de plus près.
“Celui-ci est un Tok’ra”, remarqua-t-il d’un ton méprisant en dévisageant Jacob.
“Il s’appelle Selmak, monseigneur”, indiqua Eltan en s’avançant dans la pièce. “Il est considéré comme l’un des Tok’ra les plus sages ; il est très respecté.”
“Vraiment ? Tu dois savoir beaucoup de choses, dans ce cas, shol’va”, reprit Ba’al en se penchant vers Jacob.
Mais celui-ci demeura silencieux, les yeux fixés droit devant lui.
“Tu refuses de parler ? Très bien, comme tu veux. Nous verrons combien de temps tu résisteras à mes méthodes. Qui est la femme ?” demanda-t-il alors en se tournant vers Sam.
“C’est une Tau’ri, monseigneur”, le renseigna Eltan. “Le major Samantha Carter, de SG-1.”
“Maudits Tau’ri. On verra si celle-ci est plus bavarde que mon dernier invité.”
Sam serra les dents à ces mots, réunissant tout son sang-froid pour ne pas sauter à la gorge de Ba’al. Elle ne savait que trop bien à quoi il faisait allusion, elle avait vu dans quel état le colonel était lorsqu’il avait finalement réussi à s’enfuir, et connaissant Jack, elle se doutait qu’il avait volontairement omis de mentionner dans son rapport certains détails des séances de torture que le Goa’uld lui avait infligé. Elle ne voulait pas faire le plaisir à ce monstre de parler, mais elle ignorait si elle serait aussi résistante à la torture que le colonel. En tout cas, elle résisterait jusqu’au bout de ses forces.
“Monseigneur…”, reprit Eltan, hésitant à poursuivre.
“Quoi ? Eh bien, si tu sais quelque chose de plus, parle !”
“Maître, cette femme est la fille de l’hôte Tok’ra, Jacob Carter.”
“Vraiment ?”
Ba’al considéra Sam et Jacob avec un intérêt nouveau.
“Intéressant. On dit que les Tok’ra ne parlent jamais, même sous la torture. Mais si je concentre mon attention sur la fille, peut-être que le père retrouvera l’usage de la parole. Qu’est-ce que vous en dites ?”, demanda-t-il à Jacob avec un petit sourire malsain.
Le Tok’ra se crispa mais Sam lui intima d’un regard de ne pas répondre.
“Oui, je crois que je vais avoir une vraie distraction”, conclut Ba’al d’un air satisfait. “Tu m’as bien servi, Kin’tar”, reprit-il en se tournant vers Eltan. “Je saurai m’en souvenir.”
“Merci, maître”, répondit celui-ci en s’inclinant, sous le regard dédaigneux des deux prisonniers.
“Jaffas ! Emmenez les prisonniers en cellule !”, ordonna Ba’al. “Je m’occuperai d’eux plus tard.”
*********
Toutes les têtes se tournèrent lorsque le général Hammond fit son entrée dans la salle de briefing.
“Asseyez-vous, tout le monde”, ordonna-t-il en prenant lui-même un siège en bout de table. “Colonel, quelle est la situation exacte ?”
“Eh bien, pour résumer : Ba’al et ses Jaffas sont en pleine forme, ils nous attendaient de pied ferme, la taupe Tok’ra a rejoint l’ennemi, Bennett a été salement touché mais ça ira, et pour finir Carter et Jacob sont entre les mains de ce maudit serpent. On attend toujours des nouvelles de Delek pour organiser une mission commune de secours.”
“Oui, je comprends votre désir de vous porter au secours du major et de Jacob dès que possible, mais étant donné la situation avec Ba’al, ça risque d’être difficile”, répondit Hammond.
“Si ça ne dépendait que de nous, je serais d’accord avec vous, mon général”, répondit Jack. “Mais Delek a promis de revenir nous donner un coup de main, et vous savez bien que les Tok’ra ont toujours une nouvelle trouvaille ou un nouveau gadget qu’ils rêvent de nous faire tester. Pour une fois, je compte sur eux.”
“Bien. J’espère que vous ne serez pas déçu. En attendant, reposez-vous un peu. Vous aurez besoin de toutes vos forces pour cette mission.”
“A vos ordres.”
*********
En sortant de la salle de briefing, Jack, Teal’c et Daniel passèrent voir Bennett qui se reposait à l’infirmerie. Après avoir reçu l’assurance de Janet qu’il allait bien et qu’elle prendrait bien soin de lui, ils décidèrent d’aller manger un morceau.
Ils avaient à peine posé leurs plateaux sur leur table que le Dr Kemper les rejoignit. Jack ne tenta même pas de dissimuler son irritation.
“Kemper, c’est pas le moment !”, gronda-t-il.
“Oh, rassurez-vous, colonel, je ne viens pas pour vous interroger. En fait, je viens juste d’apprendre que le major Carter et son père avaient été faits prisonniers. Je voulais juste vous dire que je partage votre inquiétude et que j’espère que vous réussirez à les libérer.”
Jack considéra le petit homme en silence pendant de longues secondes, puis haussa les épaules.
“C’est ce qu’on espère tous. Quoi qu’il en soit, on retournera les chercher dès que possible. On n’abandonne jamais l’un des nôtres.”
“Oui, c’est ce qu’on m’a dit”, opina Kemper. “Je vous souhaite bonne chance, colonel. Messieurs.”
Il adressa un bref signe de tête à Teal’c et Daniel et tourna les talons.
“Vous pensez qu’il est sincère ?”, demanda Daniel lorsqu’il fut parti.
“Je n’en sais rien, mais honnêtement, pour l’instant, c’est la dernière de mes préoccupations”, répondit Jack d’un air sombre en fixant son café.
“Jacob Carter et le major ne révèleront aucune information à Ba’al”, déclara Teal’c d’un ton confiant.
“Je sais, Teal’c, et c’est bien ce qui m’inquiète.”
“Comment cela ?”
“S’ils refusent de parler – ce qu’ils feront – Ba’al les torturera … J’en sais quelque chose”, ajouta-t-il à mi-voix, les yeux toujours baissés.
“Selmak aidera Jacob à tenir le coup”, intervint Daniel. “Mais Sam…”
“Le major Carter est forte. Elle résistera à la torture”, répondit Teal’c.
“Oui, mais pour combien de temps ?” demanda Jack.
Ses deux amis, sentant son inquiétude, ne trouvèrent rien à répondre. Tous trois baissèrent les yeux sur leurs tasses, auxquelles ils n’avaient pas touché, et un pesant silence s’abattit sur la cafétéria, les autres membres du SGC présents partageant l’angoisse et l’émotion de SG-1.
*********
“Activation extérieure non programmée !” annoncèrent les haut-parleurs dans toute la base.
Aussitôt, le général Hammon sortit de son bureau et rejoignit la salle de contrôle.
“Nous recevons un code d’identification”, l’informa Davis. “C’est la Tok’ra.”
“Ouvrez l’iris !”, ordonna aussitôt Hammond. “Et prévenez… Non, laissez tomber, c’est inutile.”
SG-1 arriva au pas de course dans la salle.
“Mon général ?” interrogea Jack.
“Nos amis Tok’ra sont de retour”, répondit celui-ci, devinant la question informulée de son subordonné.
Comme le général finissait sa phrase, Delek franchit la porte, accompagné d’une jeune femme.
“Oh, c’est pas vrai !”, grogna Jack en l’apercevant. “Pourquoi est-ce qu’ils nous l’envoient, elle ?”
Daniel eut un petit sourire, le premier depuis des heures.
“Allons, Jack, Anise est très qualifiée, dans son domaine. Si elle est là, c’est sûrement que le Haut Conseil a jugé qu’elle pourrait nous être utile.”
“Oui, eh bien la dernière fois qu’ils ont jugé ça, on a failli y rester, alors excusez-moi si je ne déborde pas d’enthousiasme !”
Quelques minutes plus tard, les deux Tok’ra arrivèrent dans la salle de briefing, escortés par un SF.
“Delek, Anise, soyez les bienvenus”, les salua le général.
Anise jeta un coup d’œil furtif en direction de Jack, qui lui offrit un de ses sourires forcés les plus réussis, avant de se tourner vers son supérieur.
“Mon général, vu la gravité de la situation, est-ce qu’on pourrait abréger les civilités et se mettre au travail ?”, demanda Jack.
“Bien sûr, vous avez raison, colonel. Asseyez-vous, je vous en prie.”
Tous prirent place autour de la table, les deux Tok’ra d’un côté, SG-1 de l’autre, et le général en bout de table, présidant la réunion.
“Alors, Delek, qu’a dit le Haut Conseil ?”, demanda Hammond en se tournant vers le jeune Tok’ra.
“Le Conseil se montre très préoccupé par la situation, et vous présente toutes ses excuses. Nous étions à cent lieues de nous douter qu’Eltan était un traître. Il a toujours été loyal à notre cause, et ce depuis de très nombreuses années. Nous ne comprenons pas ce qui a pu le pousser à nous trahir.”
“Peut-être a-t-il subi une procédure qui a altéré son jugement”, proposa Teal’c.
“Comme les zatarc ?”, demanda Daniel.
Jack grimaça à ce mot, et Anise baissa les yeux.
“Non, les zatarc sont programmés pour tuer quelqu’un, rappela Delek. Néanmoins, il est possible qu’il ait subi ce que vous appelez un lavage de cerveau. Ba’al semble disposer de moyens assez évolués dans ce domaine.”
“Génial ! Bon, ce n’est pas que tout ça ne soit pas absolument fascinant, mais est-ce qu’on pourrait en revenir à Carter et Jacob ?”, demanda Jack, impatient d’en arriver à l’essentiel.
“Nous avons bien sûr à cœur de les délivrer tous les deux le plus vite possible. Les informations que possède Selmak sur notre organisation et nos agents sont inestimables. Nous ne pouvons pas nous permettre de les laisser tomber entre les mains de Ba’al.”
“Quoi, c’est tout ce qui vous intéresse ?”, s’insurgea Daniel. “Les informations qu’il risque de livrer ? Vous n’accordez donc aucune importance à leur vie ?”
“Bien sûr que si, docteur Jackson”, répondit Anise d’un ton conciliant. “Leur libération nous préoccupe tout autant que vous, soyez-en sûr. Mais comprenez que si jamais nous échouons, les conséquences pourraient être dramatiques pour nous.”
“Elles le seraient pour nous aussi”, rappela le général. “C’est pourquoi nous devons conjuguer nos efforts pour libérer Jacob et le major Carter.”
“Absolument, approuva Delek. Et nous avons justement un plan à vous proposer.”
*********
“Super, j’adore les geôles goa’uld !”, soupira Sam en arpentant leur cellule. “Vraiment, ça me manquait !”
“Sam, je suis désolé”, répondit Jacob. “C’est ma faute si on se retrouve là. J’aurais dû savoir qu’Eltan était un traître.”
“Et comment tu aurais su ça ? Tu n’es ni devin, ni télépathe, que je sache !”
“Non, mais Selmak et moi avons de l’expérience. J’aurais dû le sentir.”
“Papa, arrête de te tracasser avec ça. Ce n’est pas ta faute. Et puis ça fait partie des risques du métier !”
“Sam, si Ba’al te torture… Je ne pourrais pas le supporter”, avoua-t-il dans un souffle.
Sam vint s’asseoir à ses côtés, retrouvant soudain son sérieux.
“Papa, quoi qu’il arrive, quoi qu’il me fasse, je t’en prie, ne dis rien. Ma vie a peu d’importance comparée aux milliers de vies qui seraient menacées si tu révélais ce que tu sais.”
“Objectivement, je le sais. Mais tu es ma fille, Sam. Tu crois vraiment que je pourrais le regarder te torturer sans rien faire ?”
“On n’a pas le choix”, répondit Sam d’un ton ferme. “Il faut qu’on tienne jusqu’à ce qu’on vienne nous sortir de là.”
Jacob hocha la tête.
“Tenter de nous libérer en ce moment serait du suicide pur et simple, Sam. S’ils ont un peu de jugeotte, ils ne viendront pas.”
“Tu ne connais pas le colonel O’Neill !”, répondit-elle. “Il n’abandonne jamais un membre de son équipe. Crois-moi, j’en sais quelque chose”, ajouta-t-elle en détournant le regard.
“Surtout si c’est toi ?” interrogea Jacob avec un petit sourire.
Sam rougit légèrement.
“Non, pas du tout. Il ferait ça pour n’importe lequel de ses hommes.”
Jacob sourit et n’insista pas.
Quelques minutes plus tard, un Jaffa vint ouvrir la porte de leur cellule.
“Tok’ra, kree !” lança-t-il à Jacob en lui faisant signe de se lever avec son arme.
Celui-ci échangea un regard avec Sam, soupira et se leva.
“Papa !”
“ça va aller, Sam, ne t’inquiète pas”, répondit Jacob en lui adressant un sourire encourageant.
Le garde le poussa dans le dos avec son arme et la porte se referma. Jacob se retourna et rencontra le regard angoissé de sa fille.
“Je t’aime, Sam”, murmura-t-il.
Puis il lui tourna le dos et suivit les Jaffas d’un air résolu.
*********
“Ah, je savais bien que ça allait pas me plaire !”, s’exclama Jack en grimaçant.
“Colonel, je reconnais que c’est risqué mais c’est notre meilleure chance de sauver le major Carter et Selmak”, répondit Anise.
“En endormant gentiment les Jaffas avec une drogue expérimentale dont vous ignorez les effets précis ??”
“Ce n’est pas tout à fait exact”, répondit la jeune femme, un brin vexée. “Nous en connaissons les effets. Ce produit est un narcoleptique très puissant qui provoque un sommeil quasi-immédiat chez celui qui le respire. La seule variable que nous ignorons, c’est le temps pendant lequel il sera efficace.”
“Quoi, vous ne l’avez pas testé ?”, demanda Daniel.
“Si, mais pas à si grande échelle. Nous ne disposons que d’une quantité limitée de ce produit, et si nous voulons agir rapidement, nous n’aurons malheureusement pas le temps d’en produire davantage. Nous ignorons si tous les Jaffas seront touchés, et même si c’est le cas, les effets ont une durée limitée.”
“Euh, limitée comment ?” questionna à nouveau le jeune archéologue d’un air méfiant.
“Entre 20 et 40 minutes, je pense”, répondit Anise.
“ça ne nous laisse pas beaucoup de marge de manœuvre”, grogna Jack.
“Désolée, colonel, nous n’avions pas prévu de tester ce produit sur le terrain si tôt. Nous n’avons pas encore eu le temps de remédier à tous les problèmes.”
“Quoi, il y a d’autres problèmes ?”
“Oui, il y en a un. Ce produit ne fait pas la différence entre les Jaffas et les humains. Il agit sur toutes les formes de vie. Nous devrons donc porter des masques pour ne pas être affectés nous-mêmes.”
“Oh, génial, j’adore ces trucs ! C’est tellement confortable !”
“Colonel, nous réalisons que ce plan n’est pas parfait, mais nous n’en avons pas de meilleur”, intervint Delek. “Et sans vouloir vous alarmer, nous perdons du temps à discuter.”
Jack soupira et se tourna vers son supérieur pour avoir son avis.
“Mon général ?”
“Il a raison, Jack. On n’a rien de mieux à proposer. N’est-ce pas ?”
“Non.”
“Très bien, dans ce cas, vous avez le feu vert. Allez vous préparer.”
“Bien mon général.”
“Nous vous attendrons sur Lentyak”, déclara Delek en se levant. “Nous allons préparer le vaisseau.”
“D’accord, on vous rejoint d’ici une quinzaine de minutes”, répondit Jack.
Les deux Tok’ra prirent congé du général et gagnèrent la salle d’embarquement. Quelques secondes plus tard, ils étaient partis.
“Jack, étant donné les circonstances, je ne peux pas envoyer une autre équipe avec vous en renfort. Il y a beaucoup de blessés à l’infirmerie, SG-2, 5, 12 et 13 sont en mission, SG-3 et 8 sont de repos, et je dois garder quelques hommes valides à la base en cas de problème.”
“Je comprends, général. On se débrouillera.”
Dix minutes plus tard, les 3 membres de SG-1 regardaient le dernier chevron se verrouiller avant que le vortex se forme.
“SG-1, ramenez-nous le major et Jacob vivants !”, leur lança Hammond dans le micro.
“A vos ordres”, répondit Jack.
Il enfonça sa casquette favorite sur sa tête, adressa un bref salut à son supérieur et se retourna vers ses coéquipiers.
“Prêts ?”
“Tout à fait, O’Neill”, répondit Teal’c.
“Bien sûr”, ajouta Daniel.
Les trois hommes remontèrent la rampe menant à la porte et disparurent dans l’horizon liquide. Ils n’entendirent pas le « bonne chance » que murmura le général Hammond en les regardant partir.
***********
Sam bondit sur ses pieds en entendant des Jaffas approcher. Tendant l’oreille, elle fronça les sourcils : les Jaffas avançaient bien plus lentement que d’habitude, et on entendait un bruit de frottement, comme s’ils tiraient quelque chose de lourd sur le sol. Quelques dizaines de secondes plus tard, elle se rendit compte avec horreur de ce que les Jaffas transportaient lorsqu’ils ouvrirent la porte de la cellule et y laissèrent tomber leur « paquet » sans ménagement. C’était son père, ou du moins une masse inerte et meurtrie qui avait ses traits. Sam se précipita vers lui et s’agenouilla à ses côtés tandis que les Jaffas refermaient la porte s’en allaient sans un regard en arrière.
Jacob gisait sur le sol, inconscient, et ne répondit pas aux appels angoissés de sa fille. Celle-ci vérifia son pouls : il était faible mais régulier. Comme chaque fois que son père était blessé, elle se félicita de l’avoir convaincu de devenir un Tok’ra. Selmak l’aiderait à se remettre une fois de plus, même si cette fois son père ne présentait aucune blessure visible. Seuls ses vêtements étaient déchirés par endroits, mais la peau en dessous était lisse et rien n’aurait pu laisser penser qu’il avait été blessé. Mais Sam ne s’y fia pas. Elle connaissait les méthodes de torture de Ba’al grâce aux rapports du colonel O’Neill. Elle se doutait donc qu’il avait fait subir de terribles tourments à son père avant de lui redonner vie grâce au sarcophage. Soupirant, elle souleva délicatement la tête de Jacob pour la placer sur ses genoux en attendant qu’il se réveille, et leva les yeux au plafond, priant pour que ses amis les sortent vite de cet enfer.
*********
Delek stoppa le vaisseau un instant et se tourna vers ses compagnons.
“Nous sommes presque arrivés, annonça-t-il. Je vais essayer de trouver un endroit dégagé pour nous poser, si possible pas trop loin du vaisseau de Ba’al.”
“Pourquoi nous poser ? demanda Daniel. On pourrait utiliser les anneaux.”
“Nous ne pouvons pas les utiliser lorsque le mode furtif est activé, et ils nous repèreraient tout de suite si on le désactivait.”
“Donc il va falloir qu’on fasse une petite rando avec nos masques à gaz, plus Sam et Jacob au retour ?”
“Désolé, docteur Jackson, nous n’avons pas le choix. C’est notre seule chance de parvenir à les sauver.”
Daniel soupira.
“Bon, d’accord. Allons-y.”
Delek reprit les commandes et quelques minutes plus tard, ils arrivèrent en vue de la planète.
“Le scanner indique une zone dégagée à moins de 3 kilomètres du vaisseau-mère”, indiqua-t-il. “Je vais essayer de me poser là.”
*********
La première chose que vit Jacob en ouvrant les yeux fut le visage tendu et inquiet de sa fille penché sur lui. Il lui adressa un faible sourire.
“Sam.”
“Papa, comment tu te sens ?”
“J’ai connu mieux, mais ça ira. Pour cette fois, en tout cas.”
Sam l’aida à se redresser et à s’asseoir contre le mur de la cellule.
“Qu’est-ce qu’il t’a fait ?” questionna la jeune femme.
Jacob détourna les yeux.
“Peu importe. Je ne le laisserai pas recommencer”, répondit-il.
“Comment ça ?”, demanda Sam, surprise.
Jacob regarda sa fille droit dans les yeux, hésita un instant, puis soupira.
“Sam, tu sais comment Ba’al procède. Il torture les gens jusqu’à ce que mort s’ensuive, ensuite il les met dans un sarcophage et il recommence, jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il veut.”
Sam baissa les yeux, luttant contre la terreur que ces images faisaient naître en elle.
“Je sais”, murmura-t-elle.
“Et tu sais aussi quels sont les effets du sarcophage lorsqu’il est utilisé de manière répétée. Ils sont encore pire sur les Tok’ra, à cause du symbiote que nous portons et qui réagit davantage à cette technologie. Je ne peux pas prendre le risque de livrer des informations à Ba’al parce que le sarcophage aura brouillé mon jugement, et celui de Selmak.”
“Mais qu’est-ce que tu comptes faire, alors ?”
Jacob se mordilla la lèvre, et Sam prit peur en voyant ce geste de nervosité si inhabituel de la part de son père.
“Papa ?”, insista-t-elle. “Qu’est-ce que tu as dans la tête ?”
“Je sais que ça ne va pas te plaire, mais s’il te plaît, écoute-moi, Sam. Tous les Tok’ra prévoient l’éventualité d’être capturés et torturés un jour. Bien sûr, personne ne veut livrer d’informations, mais même le plus résistant peut craquer au bout d’un moment. Nous avons donc tous en permanence sur nous une petite dose d’une drogue qui cause des dégâts si importants dans l’organisme, et particulièrement au cerveau, que même un sarcophage ne peut pas sauver celui qui l’a absorbée.”
“Un suicide ?”, murmura Sam, pâle comme un linge.
“Dans les cas extrêmes, c’est la seule solution”, répondit Jacob.
Sam hocha lentement la tête, tentant de digérer tant bien que mal ces informations.
“Je comprends”, répondit-elle sans lever les yeux.
Jacob prit sa main dans la sienne et la serra fort.
“Si la cavalerie n’arrive pas, je n’aurai pas le choix”, murmura-t-il.
“Est-ce que tu as une dose suffisante pour deux personnes ?”, demanda la jeune femme d’une voix légèrement tremblante.
Jacob soupira. Il s’attendait à cette question.
“En principe, non”, répondit-il. “Mais je ne supporte pas l’idée que ce monstre s’en prenne à toi. Alors s’il faut qu’on partage, on partagera, et j’espère que ça marchera.”
“Espérons qu’on n’aura pas à en arriver là”, répondit Sam en relevant les yeux vers son père.
Jacob lui sourit et hocha la tête en serrant sa main. Sam ferma les yeux et se blottit contre lui, laissant sa tête reposer sur l’épaule de son père, sans pouvoir s’empêcher de penser que d’habitude, c’était contre Jack qu’elle se laissait aller ainsi, et son cœur se serra à cette pensée.
*********
Le vaisseau une fois posé, Delek s’était joint à Jack, Daniel et Teal’c pour aller à la rescousse de Jacob et Sam, tandis qu’Anise restait à bord, prête à décoller rapidement en cas d’urgence. Après une marche forcée d’une vingtaine de minutes à travers bois, les quatre hommes stoppèrent en arrivant en vue du vaisseau de Ba’al.
“Bon, je suppose que c’est le moment de tester votre trouvaille”, lança Jack en se tournant vers Delek.
Le jeune Tok’ra acquiesça en sortant une petite fiole de sa tunique.
“Très bien tout le monde, sortez vos masques”, reprit Jack en joignant le geste à la parole.
Tous s’équipèrent avec les masques à gaz qu’ils avaient apportés, puis les trois Terriens se tournèrent vers Delek.
“C’est bon, allez-y.”
Le jeune homme opina et brisa la fiole contre un arbre. Jack fixa le petit tube de verre brisé et fronça les sourcils.
“Dites, c’est normal qu’on n’ait rien vu sortir de ce truc ?” demanda-t-il.
“Parfaitement normal, colonel”, répondit Delek. “Ce gaz est incolore et inodore, en un mot indétectable.”
“Ah. Bon. Si vous le dites. Espérons que ses effets seront un peu plus détectables, en tout cas.”
“Il n’y a plus qu’à attendre”, répondit le Tok’ra. “Je pense que les Jaffas les plus proches de nous seront affectés d’ici 5 minutes environ.”
6 minutes plus tard, les premiers Jaffas s’écroulèrent lourdement au sol.
“Bon. Ça marche”, commenta Jack.
“En effet”, approuva Teal’c, observant d’un œil surpris ses « frères » succomber l’un après l’autre à la drogue tok’ra.
“Bon, allons-y”, décréta Jack.
“Colonel, il serait plus prudent d’attendre encore quelques minutes”, protesta Delek. “Laissez le temps au gaz de faire son effet sur le plus de Jaffas possible.”
“Je le ferais bien volontiers, mais ce malade est certainement en train de jouer à des petits jeux sadiques avec avec Carter et Jacob, en ce moment. Alors je n’ai pas trop envie d’attendre, vous voyez. En plus, on ne sait pas combien de temps ces chers agneaux resteront dans les bras de Morphée, donc je suggère qu’on y aille et qu’on s’occupe des Jaffas qui ne seraient pas encore dans les pommes si on en rencontre.”
Sentant que Daniel et Teal’c se rallieraient à l’opinion de Jack quoi qu’il puisse dire, Delek céda et le petit groupe s’élança vers le vaisseau.
*********
Sam ouvrit les yeux en sursaut en entendant la grille de leur cellule se relever. Deux Jaffas entrèrent tandis que deux autres restaient à l’extérieur.
“Toi, viens avec nous”, lui intima l’un de ceux qui étaient entrés.
Sam échangea un rapide regard avec son père et se leva. Les deux Jaffas la firent sortir et refermèrent la grille. L’un d’eux la poussa dans le dos avec sa lance.
“ça va, ça va, j’y vais”, protesta Sam.
“Avance et tais-toi”, lui répondit le Jaffa en la poussant à nouveau.
Sam serra les dents pour s’empêcher de répondre. Les Jaffas étaient visiblement énervés, il était inutile d’en rajouter.
Elle fut conduite à une petite salle où, comme elle s’y attendait, se trouvait déjà Ba’al. Celui-ci sourit en la voyant arriver.
“Major Carter, quel plaisir de vous recevoir !”
Sam lui adressa un sourire crispé.
“Vous m’excuserez si je ne vous retourne pas la politesse.”
Le sarcasme ne sembla pas affecter le Goa’uld, qui continua de sourire.
“Vous êtes courageuse, pour une femelle, surtout dans votre position. Tant mieux, ça sera plus amusant. Jaffas, laissez-nous !”
Les Jaffas s’inclinèrent et sortirent, laissant Sam seule face à Ba’al.
“Bien. J’espère que vous vous montrerez plus coopérative que votre père”, commença-t-il. “Pour votre propre bien, s’entend. Pour moi, ça ne me dérange pas. J’ai tout mon temps. Mais mieux vaut pour vous que vous parliez tout de suite.”
“Allez vous faire voir”, répondit Sam en souriant.
Le sourire de Ba’al s’élargit à cette réponse.
“Vous êtes une forte tête, comme votre père. Très bien, comme vous voulez.”
Il se tourna vers une petite console et appuya sur un bouton. Aussitôt, Sam se trouva projetée contre une paroi, maintenue en l’air contre le mur comme un aimant sur une plaque de fer.
“Je vous offre une dernière chance, offrit Ba’al. Donnez-moi les codes qui désactivent l’iris que vous avez placé sur votre cha’paï et je vous tuerai rapidement.”
Sam serra les dents et garda un silence obstiné. Ba’al hocha la tête.
“Très bien. Dans ce cas, ce sera un peu plus long”, conclut-il en la fixant d’un air glacial.
*********
Jack et ses compagnons s’introduisirent sans peine dans le vaisseau-mère, enjambant au passage les Jaffas endormis.
“Les cellules se trouvent par là”, indiqua Delek en désignant un couloir sur leur gauche.
“On y va”, approuva Jack. “Gardez les yeux ouverts, les enfants, on ne sait pas s’ils sont tous HS. Je ne veux pas de blessés supplémentaires, c’est clair ?”
“Tout à fait”, répondit Teal’c.
“Daniel ?”
“Je ferai de mon mieux”, répondit le jeune archéologue en réprimant un soupir d’agacement.
“Bien.”
Les quatre hommes suivirent le couloir indiqué par Delek et arrivèrent à la partie du vaisseau où se trouvaient les cellules sans rencontrer de Jaffa – ou du moins aucun en état de leur causer des ennuis.
“Ils devraient être par là”, déclara le jeune Tok’ra. “Il faut faire le tour des cellules.”
“D’accord. Daniel, allez avec Delek. Teal’c, avec moi”, ordonna Jack.
Les deux groupes se séparèrent et commencèrent leur inspection des cellules. La plupart étaient vides, aussi ils eurent vite terminé. Jack et Teal’c inspectaient les deux dernières de leur côté, lorsque leur radio craqua.
“Jack, on a trouvé Jacob !” annonça Daniel.
“On arrive !”, répondit O’Neill.
Ayant rejoint Daniel et Delek, Jack jeta un œil à l’intérieur de la cellule. Jacob gisait sur le sol, apparemment inconscient.
“Il est comme ça à cause de votre drogue ou d’autre chose ?” interrogea le colonel en se tournant vers Delek.
“Je ne sais pas encore, mais il n’a pas l’air blessé”, répondit celui-ci.
“ça, ça ne veut rien dire”, grommela Jack entre ses dents, des images de ce que lui avait fait subir le Goa’uld lui revenant à l’esprit.
“Ecartez-vous”, ordonna Teal’c.
Il pointa sa lance sur le mécanisme d’ouverture de la grille et fit feu. La cellule s’ouvrit aussitôt et les quatre hommes entrèrent. Daniel s’accroupit auprès de Jacob et l’examina rapidement.
“Pas de blessures apparentes, son pouls est régulier. Je pense qu’il dort”, annonça-t-il.
“Très bien. Delek, Daniel, prenez Jacob et ramenez-le au vaisseau. Teal’c et moi, on va chercher Carter.”
“Mais vous ne savez même pas où elle est !”, protesta Daniel.
“Oh, j’en ai une petite idée”, répondit Jack en tournant les talons. “Si on n’est pas revenus dans 30 minutes, partez sans nous. Quand les Jaffas se réveilleront et comprendront ce qui s’est passé, ils risquent de ne pas être très heureux. Inutile que vous traîniez dans les parages.”
“Vous plaisantez ? On ne peut pas partir sans vous !”, se récria Daniel.
“Daniel ! 30 minutes.”, répéta Jack.
Son ton n’admettait aucune protestation, aussi Daniel soupira bruyamment et se retourna vers Jacob, pendant que Teal’c suivait O’Neill dans le couloir.
*********
Sam serra les dents pour ne pas crier lorsque le premier poignard vint se ficher dans la chair de son épaule droite. Ba’al la considérait calmement, visiblement à peine contrarié par son refus de répondre à ses questions.
“Alors, major, toujours pas décidée à parler ?”
Sam le fixa d’un œil déterminé, tout en tachant d’occulter mentalement la douleur lancinante de son épaule.
“Désolée”, répondit-elle.
Ba’al poussa un soupir mélodramatique, leva les yeux au ciel et saisit un second poignard qu’il caressa amoureusement.
“Ce serait tellement plus simple, pourtant. Ça me ferait gagner du temps, et vous, vous souffririez moins.”
“Vous vous trompez”, rétorqua Sam. “Je souffrirais bien davantage si je vous donnais ces informations et que vous les utilisiez pour détruire la Terre.”
“Allons, allons, je ne suis pas si cruel, ma chère. Je me contenterais d’envahir votre planète et de réduire la population en esclavage. Bien sûr, les vôtres ne se rendraient certainement pas sans livrer bataille, et je serais dans l’obligation d’en éliminer une partie, dont vos amis, évidemment, mais je vous promets que je vous tuerais dès que vous m’auriez dit ce que je veux savoir. Je ne vous forcerais même pas à assister à l’affligeant spectacle de l’anéantissement de votre monde !”
Sam se fendit d’un sourire sarcastique.
“Quelle grandeur d’âme !”
Ba’al lui rendit un sourire froid.
“Oui, enfin, n’exagérons rien. Je me ferai un plaisir de vous tuer quoi qu’il arrive. A moins que je ne décide de vous faire l’honneur de devenir un hôte. Qu’en pensez-vous ?”
“Plutôt mourir.”
“Le mépris que vous autres humains de la Tau’ri affichez à l’encontre de notre espèce commence vraiment à m’agacer”, répondit le Goa’uld.
Il lâcha le poignard qu’il tenait, et celui-ci alla tout droit se planter dans la cuisse gauche de Sam. La jeune femme ne put retenir un petit cri de douleur, et ses yeux s’emplirent de larmes.
“Vous ne tiendrez pas longtemps comme ça”, reprit Ba’al. “Parlez !”
“Allez au diable !”, répliqua Sam.
Le Goa’uld, à présent franchement énervé, saisit un troisième poignard et le lança dans l’abdomen de sa prisonnière. Sam poussa un cri et les larmes roulèrent sur ses joues.
*********
“Savez-vous où se trouve le major Carter ?”, interrogea Teal’c en suivant O’Neill le long d’un couloir du vaisseau.
“J’espère que je me trompe, Teal’c, mais oui, je pense savoir où elle est. Si notre cher ami Ba’al n’a pas déménagé ses locaux, on ne devrait pas être loin.”
Teal’c s’apprêtait à répondre lorsque Jack lui fit signe de s’arrêter et de se taire. Tendant l’oreille, il distingua le bruit caractéristique des pas de plusieurs Jaffas qui approchaient. Les deux hommes firent rapidement marche arrière et se dissimulèrent derrière des colonnes en attendant que la patrouille soit passée. Mais les Jaffas stoppèrent avant et pénétrèrent dans une salle. Comme la porte était restée ouverte, Jack et Teal’c purent entendre sans problème la conversation.
“Monseigneur, pardon de vous déranger”, commença un Jaffa.
“Que se passe-t-il ?”, répondit la voix de Ba’al, clairement irrité d’avoir été dérangé.
“Plusieurs gardes ont été retrouvés endormis dans le vaisseau et dehors, monseigneur.”
“Endormis ?”
“Certainement drogués, monseigneur. On n’arrive pas à les réveiller.”
Un moment de silence suivit cette déclaration, puis Ba’al reprit :
“Ainsi, vos amis sont assez fous pour être revenus vous chercher. Vous devez avoir beaucoup de valeur à leurs yeux. Dommage que vous n’en ayez pas autant aux miens.”
Jack se contracta à ces mots et ses doigts se crispèrent sur son arme. Il savait à qui Ba’al venait de parler, et cette dernière déclaration ne lui plaisait pas du tout.
“Jaffas, trouvez ces intrus !”, ordonna le Goa’uld. “Et amenez-les moi vivants, de préférence. Je sens que je vais avoir beaucoup de divertissement !”
Les Jaffas sortirent de la salle et s’en retournèrent d’où ils étaient venus – sans aucun doute pour aller prévenir leurs « collègues » et organiser une fouille en règle du vaisseau et des environs. Cela laissait peu de temps à Jack et Teal’c pour agir.
*********
A bord du vaisseau tok’ra, Delek s’occupait de Jacob sous l’œil inquiet de Daniel. Le retour s’était passé sans encombre, les Jaffas étant toujours endormis sous l’effet du narcotique tok’ra, et Anise avait semblé réellement soulagée de constater que Jacob était encore en vie. Daniel partageait ce sentiment, bien sûr, mais il ne pouvait s’empêcher de se faire du mauvais sang pour Sam, Jack et Teal’c. Au cours des dernières années, ces trois-là étaient un peu devenus une famille de substitution pour lui, et après ce qui était arrivé à Sha’re, il savait qu’il ne supporterait pas de perdre encore des être chers.
Le grésillement de sa radio le tira toutefois bien vite de ses sombres pensées, et la voix de Jack résonna étrangement dans l’habitable silencieux du vaisseau.
“Daniel ? Vous m’entendez ?”
“Jack, où est-ce que vous en êtes ? Vous avez retrouvé Sam ?”
“Oui, mais Ba’al est avec elle. Et apparemment, la super drogue de nos amis Tok’ra ne l’a pas endormi, ni lui ni je ne sais combien de ses Jaffas. Ils ont trouvé leurs copains qui dormaient bien gentiment et ça leur a comme qui dirait mis la puce à l’oreille. Ils commencent à fouiller le vaisseau.”
“Ah. Ça, c’est mauvais.”
“On pourrait dire ça, oui. Sans compter que mon pote Ba’al continue de jouer les lanceurs de couteaux avec Carter pendant ce temps. Alors si vous n’êtes pas trop occupés, je crois que ce serait le moment de créer une diversion.”
“Très bien, je transmets le message.”
“Merci. Terminé.”
*********
Sam luttait depuis plusieurs minutes pour garder les yeux ouverts, la douleur lancinante dans sa jambe et son ventre menaçant de l’engloutir dans les brumes accueillantes de l’inconscience à chaque seconde. Ba’al ne semblait pas vraiment pressé de la tuer, au contraire, il s’amusait avec elle comme un chat avec une souris. Mais elle ne lui donnerait pas ce qu’il voulait, il pouvait la tuer si ça lui faisait plaisir, elle s’était juré qu’elle ne parlerait pas. Elle ne pouvait tout simplement pas se le permettre. Trop de vies étaient en jeu.
Le Goa’uld s’apprêtait à lancer sur elle un autre de ses horribles poignards lorsque les Jaffas étaient arrivés, et même si son cerveau fonctionnait au ralenti, elle avait immédiatement compris ce qui se passait. SG-1 était de retour, probablement avec des renforts tok’ra, si l’on en croyait cette histoire de Jaffas endormis. Elle sourit intérieurement en entendant ces nouvelles, et serra les dents de plus belle. Si ses amis étaient là, cet enfer serait bientôt terminé. En attendant, il fallait qu’elle s’accroche. Le visage de Jack s’imposa alors à son esprit, et elle put presque entendre sa voix déterminée qui lui enjoignait de tenir le coup.
“A vos ordres, mon colonel”, murmura-t-elle.
Et elle perdit connaissance.
*********
“Si on fait ça, on a toutes les chances de ne jamais s’en sortir”, déclara fermement Anise.
“Bien sûr que si, on a une chance !” répliqua impatiemment Daniel. “On s’est déjà trouvés dans des situations plus critiques que celle-ci et on s’en est toujours sortis !”
“Vous avez toujours eu de la chance, voilà tout !”, rétorqua la Tok’ra.
Daniel leva les yeux au ciel.
“Ecoutez, ça vous est peut-être égal de laisser mourir mes amis, mais pas moi. On vous a aidés à récupérer Jacob, vous pouvez bien nous aider à votre tour, non ?”
“C’est beaucoup trop risqué ! Les Jaffas repèreront immédiatement notre position et…”
“Et la moitié d’entre eux est encore endormie !”
“Nous ignorons pour combien de temps !”
“De moins en moins longtemps à mesure qu’on perd du temps à discuter !”
“Docteur Jackson….”
“Anise !”
La jeune Tok’ra et Daniel s’interrompirent. C’était Jacob qui venait de parler. Il était de toute évidence encore très faible, mais il parvint néanmoins à s’asseoir avec l’aide de Delek.
“On ne peut pas les laisser aux mains de Ba’al”, déclara-t-il. “Ils savent beaucoup trop de choses, et il arrivera à les faire parler, tôt ou tard. La résistance d’un homme a ses limites. Nous n’avons pas le choix. Il faut leur porter secours.”
“C’est extrêmement risqué !”, protesta Anise.
“Mais les abandonner ici serait une pure folie”, répliqua Jacob.
Anise échangea un regard avec Delek, qui hocha la tête. Elle soupira et se tourna alors vers Daniel.
“Très bien”, lâcha-t-elle de mauvaise grâce. “Allons-y.”
*********
Jack soupira en regardant sa montre pour la 5ème fois en 5 minutes. Mais que faisait Daniel ? Exaspéré, il saisit sa radio.
“Daniel ? Quand j’ai dit qu’on avait besoin d’une diversion, je voulais dire « maintenant », pas « dans 3 mois » !” aboya-t-il.
La radio grésilla un moment, puis la voix de Daniel se fit entendre.
“Désolé, Jack, il a fallu parlementer un peu pour convaincre nos amis Tok’ra. On arrive. Terminé.”
“Je déteste ces serpents”, grommela Jack en se tournant vers Teal’c. “Je jure que je vais finir par étrangler Anise un des jours !”
“Je croyais que vous et elle aviez certaines affinités”, répondit Teal’c.
“Non, non, non ! Elle a un faible pour moi, j’ai jamais dit que c’était réciproque ! Et puis même pas elle en entier, en plus, juste Freya ; Anise, elle, elle craque sur Daniel, du moins autant qu’un serpent puisse le faire.”
“Je vois.”
La conversation fut interrompue par le bruit d’une attaque, et le vaisseau se mit à trembler.
“C’est pas trop tôt”, grommela Jack.
Des Jaffas s’interpellèrent et deux d’entre eux arrivèrent pour prévenir Ba’al.
“Monseigneur, nous sommes attaqués !”
“Par qui ?”
“C’est un tel’tak, Monseigneur. Il ne s’est pas identifié.”
Ba’al étouffa un juron goa’uld que Jack ne comprit pas mais dont il devina sans peine le sens général.
“Vous deux, restez ici et surveillez la prisonnière”, ordonna le Goa’uld.
“Bien, Monseigneur”, répondit l’un des Jaffas.
Puis Ba’al quitta la pièce et s’éloigna à grandes enjambées, visiblement de fort méchante humeur.
*********
Les deux Jaffas restés en poste jetèrent un œil à la jeune femme qu’ils devaient garder et levèrent un sourcil surpris. Vu son état, elle ne risquait pas d’aller bien loin, et ils se demandaient pourquoi leur maître leur avait demandé de la surveiller. Néanmoins, un bon Jaffa obéissait sans poser de questions. Ils prirent donc position à l’entrée de la pièce, un de chaque côté de la porte, tout en écoutant les bruits d’explosions et de tirs qui résonnaient un peu partout dans le vaisseau. Ils auraient voulu aller rejoindre leurs camarades et participer à l’action, mais ils devaient rester là, comme Ba’al le leur avait ordonné, même si garder une prisonnière blessée et inconsciente ne constituait pas une tâche bien passionnante, et même s’ils estimaient qu’ils auraient pu être autrement plus utiles ailleurs.
Ils eurent à peine le temps d’apercevoir leurs assaillants pointer un zat sur eux avant de s’effondrer au sol, inconscients.
*********
Jack abaissa son zat et se dépêcha d’entrer dans la pièce où était retenue Carter, bien qu’il redoutât de voir dans quel état se trouvait son second. Il se figea en la voyant et ravala avec peine la bile qui lui montait à la gorge. De toute évidence, Ba’al n’avait pas changé sa méthode de torture. La jeune femme était « collée » à cette étrange toile d’araignée, plusieurs poignards enfoncés dans sa chair. Du sang coulait de ses blessures et sa tête pendait sur sa poitrine. Elle était inconsciente. Surmontant le choc provoqué par cette vue, Jack s’approcha d’elle et porta deux doigts à sa carotide. Il sentit un pouls, faible et irrégulier, mais au moins elle était en vie. Il lui toucha légèrement le bras.
“Carter ?”
Pas de réponse. Il la secoua un peu.
“Carter, vous m’entendez ?”
Teal’c s’approcha à son tour et échangea un regard avec Jack.
“Je crois que vous ne parviendrez pas à la réveiller, O’Neill. Elle a déjà perdu beaucoup de sang.”
“Je sais. On n’a pas de temps à perdre. Vous savez comment désactiver ce truc ?”
Le Jaffa alla examiner la console de commandes près du siège de Ba’al, et hocha affirmativement la tête.
“Bien, alors allez-y”, ordonna Jack.
Teal’c appuya sur un bouton, et le corps inerte de Sam glissa aussitôt au sol, rattrapé in extremis par Jack. La jeune femme ouvrit alors péniblement un œil, et fixa son supérieur d’un air incertain.
“Mon colonel ?”, articula-t-elle avec difficulté.
“Oui, c’est moi, Carter. Tenez le coup, on va vous sortir de là.”
Elle hocha faiblement la tête et referma les yeux, se laissant aller contre lui.
“Teal’c, vous pouvez la porter ?”, demanda Jack. “C’est pas que je veux pas le faire, mais je crains que mes genoux n’apprécient pas trop. J’ai pas envie de me faire tuer par le doc quand on sera rentrés.”
“Je comprends”, répondit Teal’c.
Il s’accroupit près de Sam et la prit délicatement dans ses bras. Jack prit son arme, se releva et s’approcha de la console qui contrôlait la « salle de torture » de Ba’al. Ouvrant une poche de son gilet, il en sortit un pain de C4 et disposa l’explosif sur le panneau.
“Ba’al va devoir s’acheter un nouveau jouet”, murmura-t-il.
Puis il suivit Teal’c dans le couloir et agrippa sa radio.
“Daniel, on a récupéré Carter, on arrive. Où est-ce que vous êtes ?”
“Oh, on est juste en train de bombarder un peu le vaisseau en vous attendant”, répondit l’archéologue. “Vous feriez mieux d’utiliser les anneaux pour revenir, ça sera plus simple, surtout si Sam est blessée. Au fait, comment elle va ?”
Jack jeta un bref coup d’œil à la tête blonde qui ballottait sur l’épaule de Teal’c.
“Elle est vivante, mais elle ne le restera pas longtemps si on ne la tire pas d’ici vite fait”, répondit-il.
“D’accord, d’après Delek, vous devriez trouver des anneaux juste à côté de la salle où on s’est cachés quand on est montés à bord. Vous allez y arriver ?”
“On n’a pas le choix ! Continuez à occuper les Jaffas.”
“D’accord. On vous attend.”
Jack lâcha sa radio et passa devant Teal’c, son P-90 dans une main, prêt à servir, la lance jaffa de Teal’c dans l’autre, tous les sens aux aguets. Heureusement, les Jaffas semblaient surtout préoccupés par la défense du vaisseau et la riposte contre le tel’tak, ce qui les maintenait essentiellement dans la salle de contrôle et à l’extérieur. Teal’c et Jack purent donc atteindre sans encombre la salle des anneaux. Une fois arrivés, Teal’c prit le soin de pousser un gros container devant la porte, puis il alla rejoindre Jack et Sam, dont le teint de plus en plus pâle ne présageait rien de bon. Jack confia de nouveau son second au Jaffa, qui la porta au centre des anneaux, puis il saisit sa radio.
“Daniel, on est prêts. Vous pouvez nous récupérer ?”
Il y eut quelques grésillements, puis la voix de Daniel se fit entendre.
“OK, mais dépêchez-vous, on ne tiendra plus très longtemps !”
“D’accord, on arrive.”
Jack se hâta d’aller pianoter sur la commande des anneaux avant de rejoindre Teal’c et Sam. Un faisceau de lumière apparut, les enveloppant, et l’instant d’après ils se trouvaient tous les trois à bord du tel’tak.
“Tout le monde est là ?”, demanda Delek par-dessus son épaule, depuis le siège de pilotage.
“Oui, c’est bon”, répondit Daniel.
“Alors on s’en va.”
“Une seconde !”, s’écria Jack.
“Colonel, on n’a pas le temps de traîner !”, répondit Delek, occupé à éviter tant bien que mal les tirs des Jaffas.
“Je sais, ça ne prendra qu’une seconde”, répéta Jack.
Il ouvrit une des poches de son gilet et en sortit la commande déclenchant les explosifs à distance.
“Un petit souvenir de notre passage pour notre cher ami Ba’al”, commenta-t-il froidement en appuyant sur le bouton.
Il y eut un bruit d’explosion dans le vaisseau mère, et quelques Jaffas furent tués, mais le tel’teak était trop loin pour que ses occupants s’en rendent compte.
Delek, pressé de partir, éloigna rapidement le tel’tak du vaisseau de Ba’al et passa en hyperespace, laissant la planète loin derrière eux.
Aussitôt, Daniel se précipita à l’arrière pour rejoindre ses amis. Teal’c était en train d’allonger Sam aussi doucement que possible, arrachant tout de même quelques gémissements à la jeune femme. Jack ôta sa veste et en fit un oreiller où il posa délicatement la tête de son second. Daniel s’agenouilla près d’eux et saisit la main de Sam, bouleversé de découvrir dans quel état critique elle se trouvait.
“Oh mon Dieu, mais qu’est-ce qu’il lui a fait ?”, murmura-t-il.
Jacob approcha lui aussi et grimaça.
“Oh, Sam, je suis désolé !”
“Ce n’est pas votre faute, Jacob”, répondit Jack en enlevant son masque à gaz, imité par Teal’c. “Le seul responsable, c’est cette espèce d’ordure de serpent.”
“Dites, il ne faudrait pas lui enlever ces trucs ?” demanda Daniel en désignant les 3 poignards toujours fichés dans le corps de la jeune femme.
“J’en sais rien”, répondit Jack. “ça risque de la faire saigner encore plus.”
“Pas si quelqu’un s’en occupe”, rétorqua Jacob.
Comprenant aussitôt ce qu’il voulait dire, Teal’c se leva et alla rejoindre Delek et Anise à l’avant de l’appareil.
“Dans combien de temps arriverons-nous ?” demanda-t-il.
“Environ une heure”, répondit Delek. “Elle pourra tenir ?”
“Si elle ne reçoit aucun soin d’ici là, j’en doute fortement.”
“Très bien. Teal’c, vous voulez bien me remplacer un moment ?”
“Bien sûr.”
Le jeune Tok’ra laissa sa place à Teal’c et rejoignit le reste de l’équipe près de Sam.
“Vous pouvez faire quelque chose ?”, demanda Daniel.
“Ses blessures ont l’air sérieuses. Je pourrai peut-être améliorer un peu les choses, mais elle a besoin de soins médicaux.”
“Faites ce que vous pouvez”, répondit Jack.
Delek hocha la tête, s’éloigna pour fourrager un moment dans un coffre, puis revint, un gant régénérateur à la main.
“Il faut lui retirer les poignards”, remarqua-t-il.
Jack, Daniel et Jacob s’entre-regardèrent, chacun espérant voir l’autre se proposer pour cette tâche pour le moins délicate. Comme personne ne se décidait, Jack décida de prendre les choses en main. Il n’était pas médecin et il redoutait d’aggraver les blessures de Sam par mégarde, mais il fallait bien que quelqu’un le fasse. Il remonta donc ses manches et s’installa près de la jeune femme.
“OK, on va y aller”, murmura-t-il. “Accrochez-vous, Carter.”
Il saisit le poignard planté dans la cuisse de son second et le retira d’un coup sec. La douleur réveilla Sam, qui poussa un cri.
“Désolé, Carter, mais il faut qu’on vous enlève ça du corps si Delek veut pouvoir faire quelque chose. Je sais que ça fait mal, mais on n’a pas trop le choix. Il va falloir serrer les dents.”
La jeune femme hocha la tête.
“D’accord, allez-y”, acquiesça-t-elle d’une voix blanche, tout en serrant la main de Daniel.
Jack retira le 2ème poignard de son épaule, ce qui eut pour effet de refaire saigner la blessure. Jacob y pressa aussitôt un morceau de gaze qu’il avait trouvée dans le matériel de premier secours de Daniel.
“Daniel, tenez ça bien appuyé”, lui indiqua-t-il. “Je vais m’occuper de sa jambe.”
Il saisit un bandage et en entoura soigneusement la cuisse de sa fille.
“Voilà, ça devrait aller”, conclut-il. “Vous pouvez enlever le dernier, Jack.”
Sam tourna les yeux vers son supérieur et lut dans son regard la peur qu’il ressentait. Le dernier poignard était en effet enfoncé dans le ventre de la jeune femme. Un mauvais mouvement risquait de provoquer des dégâts irréparables.
“Allez-y, mon colonel”, l’encouragea-t-elle.
“Carter, si je me plante…”
“Delek est là pour limiter les dégâts”, l’interrompit-elle. “Et on sera bientôt à la maison, Janet s’occupera de moi. Ça va aller.”
La main gauche de Jack, qui depuis quelque temps caressait inconsciemment ses cheveux, pour la calmer autant que pour se calmer lui-même, s’y crispa. Sam lui adressa un faible sourire, et la confiance qu’il lut dans ses grands yeux azur le bouleversa. Il hocha lentement la tête et saisit le 3ème poignard.
“OK. On y va à 3”, indiqua-t-il sans lâcher Sam du regard. “1…2…3 !”
Il tira et Sam laissa échapper un hoquet de douleur tandis que les larmes dévalaient sur ses joues. Aussitôt, Delek se pencha sur elle et dirigea le gant tok’ra vers sa blessure. Un rai de lumière orangée en jaillit. Il en balaya lentement tout le corps de Sam pendant plusieurs minutes, s’attardant sur son ventre, son épaule et sa cuisse. Sous l’effet de l’appareil, Sam s’apaisa et ferma les yeux. Jack recula un peu et laissa échapper un long soupir de soulagement. Il ne faisait pas excessivement chaud dans le vaisseau, mais il était trempé de sueur.
“Elle a perdu beaucoup de sang”, déclara Delek après un moment. “J’ai stoppé l’hémorragie, mais je ne peux rien faire de plus. Si elle n’est pas soignée très vite, j’ai bien peur qu’elle ne s’en sorte pas.”
Cette déclaration plongea le petit groupe dans un silence consterné. C’est alors que Sam s’agita de nouveau. Jacob se pencha aussitôt sur elle.
“Sam ?”, murmura-t-il.
La jeune femme ouvrit péniblement les yeux et les posa successivement sur tous ceux qui se trouvaient près d’elle, s’arrêtant sur son père.
“Papa ?”
Sa voix était rauque et les mots semblaient lui faire mal à la gorge. Jacob lui adressa un sourire rassurant.
“Je suis là, ma chérie. Ça va aller. Ne parle pas, repose-toi. On sera bientôt à la maison.”
Sam tourna alors la tête et croisa le regard anxieux de Jack.
“Colonel ?”
“C’est fini, Carter. Delek s’est occupé de vous. Reposez-vous, maintenant.”
“Je me sens…faible”, murmura-t-elle. “J’ai mal partout.”
“Je sais. Tenez bon. Fraiser va s’occuper de vous et vous remettre sur pieds en moins de deux, vous verrez.”
Cette remarque lui arracha un faible sourire, et elle chercha instinctivement sa main. Jack la prit et la serra doucement dans la sienne.
“ça va aller, Carter”, répéta-t-il.
Sam hocha la tête et referma les yeux, sa main toujours serrée dans celle de Jack.
*********
“Général, nous recevons une transmission radio ! C’est SG-1 !”
Hammond s’approcha aussitôt du jeune sergent et s’empara du micro.
“SG-1, ici Hammond. Où en êtes-vous ?”
“Nous sommes en route, répondit Teal’c. Nous devrions être à la base dans environ 30 minutes.”
“Bien. Vous avez récupéré le major Carter et Jacob ?”
“Oui. Ils sont en vie tous les deux, mais le major est gravement blessée.”
“Très bien, je préviens l’équipe médicale de se tenir prête. Faites aussi vite que vous pouvez.”
“Nous nous y employons”, répondit laconiquement Teal’c.
“Bien. A tout à l’heure, alors.”
“A tout de suite, général. Terminé.”
Le général s’éloignait pour prévenir l’infirmerie lorsque le Dr Kemper arriva.
“Général, pourrais-je vous voir un moment ? J’aimerais…”
“Pas maintenant”, le coupa sèchement Hammond en le contournant pour attraper le téléphone.
Il pianota rapidement un numéro et colla le combiné à son oreille.
“Ici Hammond, je veux une équipe médicale prête à intervenir en salle d’embarquement dans 30 minutes. On nous amène 2 blessés, peut-être plus, dont un grave… Oui. Faites le nécessaire. Merci.”
“Général, qu’est-ce qui se passe ? demanda Kemper, fébrile. C’est SG-1 ? Qui est blessé ? C’est le major Carter ? Ils l’ont trouvée ?”
Le général raccrocha le téléphone en soupirant et se tourna vers le psychologue. Cet homme lui déplaisait de plus en plus, mais il n’avait pas le choix, il devait supporter sa présence, aussi irritante fût-elle.
“Oui, il s’agit de SG-1, répondit-il, et oui, le major est blessée. C’est tout ce que je sais.”
“Vous croyez que ce Goa’uld, euh…”
“Ba’al.”
“C’est ça. Vous croyez que, enfin qu’il l’a… ?”
“Torturée ? Oui. Autre chose ?”, demanda-t-il, la colère grondant dans sa voix.
Kemper prit un air penaud et recula d’un pas.
“Euh, non, non, pas pour l’instant. Je vais, euh…”
Il pointa le pouce derrière son épaule et recula encore.
“C’est ça, faites donc”, répondit Hammond en se détournant vers son bureau.
Le docteur fit le tour de la pièce du regard et s’aperçut que tous les techniciens présents le fixaient d’un œil peu amical. Il leur adressa un petit sourire nerveux et s’empressa de sortir sans demander son reste.
*********
28 minutes plus tard, la Porte s’activa, livrant passage à SG-1. L’équipe médicale prit aussitôt en charge la blessée, la transportant rapidement vers l’infirmerie.
“Colonel ?”
Jack détourna les yeux du brancard sur lequel on avait allongé une Sam Carter pâle comme la mort pour dévisager son supérieur. Celui-ci partageait ostensiblement son inquiétude pour la jeune femme, mais il voulait également des explications. Jack aurait aimé lui demander de remettre ça à plus tard et suivre l’équipe médicale à l’infirmerie, mais en tant que plus haut gradé et responsable de l’équipe, il était de son devoir d’informer le général des résultats de leur mission. Aussi laissa-t-il ses coéquipiers s’éloigner sans lui pour se tourner vers Hammond.
“Mission accomplie, mon général, comme vous pouvez le constater, répondit-il. Jacob va bien, il est resté avec Delek et les autres sur Lentyak. Il passera plus tard.”
“Bon, je suis soulagé que vous ayez ramené tout le monde en vie”, approuva Hammond.
“Espérons que cet état de choses se maintiendra”, répondit Jack, la voix sourde d’inquiétude.
Devant l’air interrogatif du général, il se résolut à expliquer la situation avec un peu plus de détails.
“Carter a perdu beaucoup de sang, et elle a subi… Enfin, elle est gravement blessée. Delek lui a fait son petit tour de magie Tok’ra pour limiter les dégâts, mais ça a une efficacité limitée. Ba’al ne l’a pas épargnée”, ajouta-t-il en détournant le regard.
Le général sentait l’angoisse de Jack et la partageait. Il aurait voulu le congédier et lui permettre d’aller rejoindre ses amis, mais il fallait qu’il sache ce qui s’était passé, au moins en gros – les détails attendraient.
“Que s’est-il passé sur le vaisseau ?”, demanda-t-il, forçant Jack à ramener ses pensées à la mission.
“La drogue Tok’ra a bien marché”, répondit lentement celui-ci. “Les Jaffas se sont endormis comme des bébés, et on a pu monter à bord sans problème. On a trouvé Jacob dans une cellule, inconscient mais pas blessé, apparemment. Cela dit, ça ne signifie pas qu’il n’a pas été torturé. Je connais les méthodes de Ba’al. Il a dû le mettre dans un sarcophage quand il en a eu fini avec lui, c’est tout. Daniel et Delek l’ont ramené au tel’tac et je suis parti chercher Carter avec Teal’c. On l’a trouvée…mal en point. Les gars ont canardé le vaisseau pour faire diversion pendant qu’on la sortait de là. On a rejoint le tel’tac par les anneaux et on a mis les voiles.”
“Personne d’autre n’a été blessé ?”
“Non, je ne crois pas”, répondit Jack, se rendant soudain compte qu’il s’était à peine posé la question.
“Bon, dans ce cas, ce sera tout pour le moment, conclut Hammond. Disposez.”
“A vos ordres.”
*********
Cela faisait maintenant près d’une heure qu’ils étaient rentrés, et tout juste un peu moins que Jack O’Neill patientait à l’infirmerie. Enfin, « patienter » était peut-être un bien grand mot en l’occurrence. Il ne cessait de se lever pour faire les cent pas avant de se rasseoir pour se prendre la tête dans les mains, le tout accompagné de moult soupirs et coups d’oeils à la pendule, et ce manège commençait à exaspérer sérieusement Daniel Jackson.
- Jack, pour l’amour du ciel, asseyez-vous et restez-y ! s’écria-t-il comme le militaire se levait pour la 20ème fois au moins.
O’Neill s’arrêta et lui lança un regard surpris, comme s’il était étonné de le trouver là. Puis il détourna les yeux, jeta un œil à sa montre et soupira.
- Le temps ne passera pas plus vite si vous regardez l’heure toutes les deux minutes ! ajouta Daniel.
- Daniel, ça fait une heure qu’ils sont avec elle ! Qu’est-ce qu’ils fichent, bon sang ?
- Les blessures du major Carter étaient sérieuses. C’est normal qu’ils mettent du temps à la soigner, O’Neill, répondit Teal’c.
- Je sais, je sais, mais ça me rend dingue d’attendre là sans rien faire ! rétorqua Jack en reprenant enfin sa place à côté de Daniel.
- Sam est forte, Jack. Elle va s’en sortir, affirma le jeune archéologue avec conviction.
Jack le regarda un long moment en silence, puis opina.
- Ouais. Vous avez raison. Désolé.
Daniel lui adressa un sourire compréhensif.
- C’est rien. Vous ne seriez plus vraiment vous-même si vous deveniez patient !
- Hé ! Je suis très patient ! se récria Jack. Il arrive juste que certaines circonstances particulières et tout à fait rares me fassent perdre un peu mon sang-froid.
- Oui, bien sûr !
La conversation fut interrompue par l’arrivée du Dr Fraiser, qui sortait de la salle d’opération. Jack se leva aussitôt et s’avança vers elle.
- Alors ?
Janet soupira en enlevant son masque et le bonnet stérile qui protégeait ses cheveux.
- Nous avons réussi à stopper complètement l’hémorragie et à réparer les plus gros dommages. Sa rate était perforée, nous avons dû l’enlever.
- Mais elle va s’en sortir ?
- Son état est stable pour l’instant, mais elle est encore très faible. Elle a perdu beaucoup de sang et son organisme a subi un traumatisme important. Les prochaines 24 heurs seront décisives.
- On peut la voir ? demanda Daniel.
Janet était sur le point de refuser, mais en voyant les regards tourmentés des trois hommes, elle jugea préférable d’accéder à leur requête. Ils avaient un terrible besoin d’être rassurés, et ils ne le seraient pas vraiment s’ils ne pouvaient pas voir leur amie. Aussi le jeune médecin soupira et céda.
- D’accord, mais juste une minute. Elle est encore endormie, de toute façon, et elle a besoin de repos.
- Merci, doc, répondit O’Neill avec un hochement de tête.
**********
Il s’attendait à ne pas la trouver en très bon état, mais il accusa tout de même le coup en la voyant. Etendue dans un lit, elle était reliée à un moniteur cardiaque, une perfusion était enfoncée dans son bras gauche et un tuyau envoyait de l’air dans sa gorge pour l’aider à respirer. Jack s’approcha doucement et la contempla en silence, la gorge serrée. Elle était si pâle que le sang semblait avoir totalement déserté son corps.
- Sam… murmura Daniel en lui prenant doucement la main. Vous allez vous en tirer. Tenez le coup. On a besoin de vous.
Il se pencha et déposa un rapide baiser sur le front blême de son amie, puis sortit. Teal’c prit sa place et contempla la jeune femme endormie d’un air grave.
- Kel’nak chok’ra, déclara-t-il doucement.
Jack leva un regard interrogatif vers lui.
- C’est une formule Jaffa que l’on prononce pour souhaiter à une personne malade une meilleure santé, expliqua le Jaffa.
- Oh. Je vois, répondit Jack.
Teal’c s’inclina légèrement et tourna à son tour les talons, laissant O’Neill seul avec Sam. Il se racla la gorge et jeta un œil derrière son épaule pour s’assurer qu’il était bien seul.
- Carter…commença-t-il.
Mais les mots refusaient de sortir de sa gorge. Il inspira un bon coup, se mordit la lèvre et s’obligea à prononcer tout haut ce qu’il pensait tout bas.
- Vous savez que je ne suis pas très doué pour ça, et je ne sais pas si vous m’entendez, mais… Bon sang, Carter, il faut que vous vous en sortiez. Ne donnez pas à cette ordure la satisfaction d’avoir eu votre peau. Vous êtes un soldat, Carter, alors battez-vous ! C’est un ordre !
- Colonel, il faut la laisser se reposer, maintenant, lui annonça Janet en passant la tête par la porte.
- Oui, j’y vais, répondit Jack, sans toutefois bouger d’un millimètre.
Janet soupira et n’insista pas. De toute évidence, le colonel avait besoin de vider son sac, et Sam ne risquait ni de l’interrompre, ni de répéter ce qu’il dirait à qui que ce soit. Elle s’éclipsa donc discrètement, décidant de lui accorder encore une minute.
Jack soupira en l’entendant s’éloigner. Un millier de pensées se bousculaient dans sa tête et il aurait aimé pouvoir rester près de Sam et lui parler, mais il savait qu’il devait partir. La patience de Janet avait des limites, et en tant que médecin-chef du complexe, elle avait parfaitement le droit de lui donner l’ordre de sortir, voire même de l’y contraindre par la force le cas échéant. Il jeta un œil assassin à la petite caméra de surveillance placée au plafond. Ces dispositifs étaient on ne peut plus discrets, mais ils faisaient de son quotidien une torture, en tout cas depuis que Sam Carter était entrée dans sa vie en renversant allègrement toutes les barrières qu’il avait érigées autour de lui. Et aujourd’hui, alors qu’il avait une envie plus désespérée que jamais de la serrer contre lui et de caresser son visage, ce petit clignotement rouge au plafond lui sembla plus odieux encore. Réprimant son désespoir et sa colère, il s’autorisa un dernier long regard pour son second, puis tourna résolument les talons et sortit.
Il ne remarqua ni le regard navré de Janet qui l’accompagna, ni celui, beaucoup plus intéressé et beaucoup moins amical, du Dr Kemper, à l’autre bout du couloir.
*********
Quelques heures plus tard, après une bonne douche, un vrai repas et un peu de repos, Jack frappait à la porte de son supérieur.
- Entrez ! lui répondit la voix de Hammond.
Jack s’exécuta et ne fut qu’à moitié surpris de trouver Jacob Carter assis face au général.
- Jacob, je ne savais pas que vous étiez là. Comment allez-vous ?
- Un peu courbatu, c’est tout, sourit Jacob. L’un des nombreux avantages de porter un symbiote, c’est qu’on récupère vite.
- Je ne vois pas trop quels sont les autres, rétorqua Jack en haussant les épaules.
- Jack, vous n’allez pas recommencer…
- Non, désolé. Alors, euh… Qu’est-ce que vous faites là ?
- Je suis venu voir comment allait Sam.
- Ah. Jacob, à propos de Carter… Je suis désolé pour ce qui s’est passé.
- Ne vous excusez pas, Jack. Vous n’avez rien à vous reprocher. C’est justement ce que j’étais en train d’expliquer à George. Si quelqu’un est à blâmer, dans cette histoire, c’est nous. Rien de tout ça ne serait arrivé si on n’avait pas fait confiance à Eltan.
- Vous ne pouviez pas savoir qu’il avait l’intention de vous trahir, intervint le général.
Jacob soupira.
- Je ne m’explique toujours pas son geste. Selmak connaît Eltan depuis des années, et il ne l’aurait jamais imaginé pouvoir faire une chose pareille. Il est atterré. Nous le sommes tous, d’ailleurs.
- Mouais. J’imagine qu’il avait une raison de faire ce qu’il a fait. Ça n’empêche pas que si nos chemins se croisent à nouveau un jour, je serais ravi de lui faire payer sa traîtrise.
- Vous n’êtes pas le seul, Jack. Le Haut Conseil ne pardonne pas ce genre de choses. Mais en attendant, ce qui est fait est fait, et on ne peut rien y changer. Je dois repartir pour Lentyak, le Haut Conseil a une mission que seul Selmak peut remplir, apparemment. Je veux juste passer voir Sam avant.
- Je vous accompagne, répondit Jack.
- Euh, Jack, si ça ne vous ennuie pas, je voudrais être seul avec elle un moment.
- Oh ! Bien sûr, pas de problème.
Jacob se leva en souriant et serra affectueusement l’épaule de Jack avant de sortir.
- Je repasserai vous dire au revoir avant de partir, conclut-il en refermant la porte.
*********
Etendu dans son lit, les yeux grands ouverts, Jack soupira en jetant un œil à son réveil. Il était plus d’une heure du matin, et il n’avait toujours pas fermé l’œil. Il se sentait épuisé, mais le sommeil le fuyait de manière exaspérante, et il se connaissait : s’il restait au lit à se tourner et se retourner toutes les deux minutes, ça ne ferait qu’empirer les choses. Il alluma donc la lumière, repoussa les couvertures et se leva.
Cinq minutes plus tard, il était habillé et arpentait les couloirs de la base. Rien de tel qu’une petite balade nocturne pour vous calmer les nerfs, telle était la conclusion qu’il avait tirée de sa longue expérience de ce genre de situation. Deux jeunes SF le saluèrent en le croisant, nullement surpris de le trouver debout à une heure aussi tardive – ou aussi matinale, selon la façon dont on envisageait les choses. Le personnel était habitué à rencontrer des membres des équipes SG dans les couloirs à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, et particulièrement les membres de SG-1, qui avaient la réputation de n’avoir pour ainsi dire aucune vie en dehors du boulot.
La faute à Carter, songea Jack, toujours dans son labo jusqu’à des heures impossibles pour finir une quelconque expérience passionnante. Quoi que Daniel avait aussi parfois tendance à oublier l’heure lorsqu’il était plongé dans la traduction d’un artefact particulièrement intéressant. Jack sourit en pensant qu’il n’utiliserait jamais le mot « artefact » devant son ami archéologue. Non pas qu’il en ignorât la signification, mais parce qu’il était tellement plus drôle d’exaspérer Daniel en persistant à qualifier de « cailloux » ou de « vieux machins » ses découvertes archéologiques.
Et enfin, il y avait Teal’c. Mais lui, c’était différent, il habitait à la base, et puis le Jaffa se livrait parfois à certains rituels bizarres (dont Jack n’osait pas demander la signification) au beau milieu de la nuit. C’était ainsi qu’il avait trouvé un jour son ami sous la douche à 3h du matin, entouré de dizaines de bougies et psalmodiant un espèce de mantra jaffa. Lorsqu’il lui avait demandé ce qu’il fabriquait dans les douches à une heure pareille, Teal’c s’était contenté de hausser son légendaire sourcil et de lui retourner la question. Jack ne put retenir un léger grognement à ce souvenir. Ce n’était pas sa faute si une certaine blonde de sa connaissance provoquait parfois des rêves particuliers chez lui. Et dans ces cas-là, la douche froide restait le meilleur moyen pour lui remettre les idées en place – du moins pour un temps.
Perdu dans ses pensées, il arriva sans s’en rendre compte devant la porte de l’infirmerie. « A croire qu’une certaine blonde hante un peu trop mes pensées », songea-t-il sans pouvoir retenir un léger sourire. Il hésita un instant : ce n’était guère une heure pour passer faire une visite à Carter ; elle devait probablement dormir. « Et après ? », lui souffla une petite voix dans sa tête, « si elle dort, ça ne la dérangera pas que tu sois là ». « Oui, mais ça risque d’éveiller la curiosité du doc », se répondit-il à lui-même. « Bah, comme si elle ne se doutait pas déjà de quelque chose ! Et puis il n’y a rien de mal à s’inquiéter pour une amie qui a été gravement blessée ». Ce dernier argument finit de le convaincre, et il poussa donc la porte.
L’infirmerie était plongée dans une douce pénombre, éclairée seulement par quelques veilleuses et lampes ici et là, et par la lumière provenant du bureau du docteur. Jack jeta un coup d’œil dans cette direction : Janet était penchée sur une volumineuse pile de dossiers et étouffait des bâillements entre deux formulaires. Cette vue le fit sourire : il n’y avait pas que lui que la paperasse endormait ! Mais au moins, tant que Janet était occupée, il avait la voie libre. Avec le vague sentiment d’avoir à nouveau 15 ans et de faire le mur pour aller retrouver sa petite amie, il s’approcha doucement du lit de Sam, situé un peu à l’écart, et écarta le rideau qui le séparait du reste de la pièce. La jeune femme était toujours extrêmement pâle et ses traits étaient tirés, mais on avait débranché le respirateur un peu plus tôt dans la soirée, lorsqu’elle s’était réveillée. Janet avait affirmé que ses jours n’étaient plus en danger et qu’elle aurait seulement besoin de beaucoup de repos pour récupérer. Jacob avait tout de même obtenu la permission de passer quelques minutes avec sa fille avant de repartir, de même que SG-1 et le général, mais Janet avait veillé à ce que personne ne vienne fatiguer sa patiente à l’excès et n’avait pas hésité à mettre Jack et Daniel à la porte lorsqu’ils s’étaient présentés après le dîner pour souhaiter une bonne nuit à Sam. « Elle dort déjà, n’allez pas la réveiller ! Vous la verrez demain », leur avait-elle déclaré, et lorsque Janet Fraiser prenait ce ton-là, il était inutile d’essayer de discuter. Les deux amis avaient donc fait demi-tour, et Jack n’avait donc pas vu Sam depuis le début de la soirée, soit environ 7 heures auparavant.
C’était à la fois peu et beaucoup. Peu, parce qu’il lui était arrivé par le passé de ne pas voir la jeune femme pendant plusieurs mois (quoique bien involontairement, et elle lui avait alors manqué cruellement), mais en même temps beaucoup, parce qu’il ne savait que trop bien que le pire n’avait parfois besoin que de quelques secondes pour se produire.
Il s’approcha du lit et tira le rideau derrière lui pour leur donner un peu d’intimité. Pas que le rideau cachât quoi que ce soit à la caméra de surveillance, mais au moins il le dissimulait au regard vigilant de Janet. Jack soupira en observant le visage de son second. Elle qui habituellement dormait comme un bébé (et Dieu qu’elle était belle lorsqu’elle était ainsi abandonnée dans son sommeil !), semblait aujourd’hui en proie à quelque rêve déplaisant. Elle était agitée, sa respiration était rapide et elle émettait par intermittence de faibles gémissements. Le cœur de Jack se serra à cette vue. Après ce qu’elle avait subi, il n’avait aucune difficulté à imaginer le genre d’angoisses qui devait hanter les rêves de la jeune femme. Lui-même n’avait que trop d’expérience en la matière. Mais, Janet ayant préconisé le repos le plus complet pour son amie, il n’osa pas la réveiller. Il était sur le point de s’en aller lorsqu’un murmure angoissé franchit les lèvres de Sam. Au début, il crut avoir mal entendu, mais le murmure se répéta, un peu plus fort cette fois-ci :
- Jack !
Celui-ci se figea, le cœur glacé. Il y avait tellement de peur et de souffrance dans ce cri. Instinctivement, il s’approcha et saisit la main de Sam dans la sienne : elle était glacée bien que moite de sueur.
- Chut, c’est rien, Carter, c’est un mauvais rêve, chuchota-t-il.
Mais elle se débattait toujours dans son sommeil, en proie à la plus vive agitation.
- Non, non, laissez-moi ! balbutia-t-elle. Jack, je t’en prie, aide-moi !
Sa voix était si désespérée, suppliante. Il ne pouvait pas la laisser revivre ça ; tant pis si elle dormait un peu moins cette nuit-là, mieux valait qu’elle manquât de sommeil plutôt que d’endurer cette torture mentale plus longtemps. Posant une main sur son épaule, il la secoua doucement.
- Carter, réveillez-vous ! murmura-t-il.
Mais son geste demeura sans effet, la jeune femme étant apparemment profondément endormie.
-Jack, Jack, Jack…
Elle répétait son nom comme un mantra dans son sommeil.
- Carter, ouvrez les yeux, allez, réveillez-vous ! insista-t-il en la secouant un peu plus fort.
Cette fois, sa tentative fonctionna. Sam se réveilla en sursaut et posa sur lui un regard affolé.
- Jack ?
Elle avait l’air complètement perdue.
- Oui, Carter, c’est moi. Vous avez fait un cauchemar.
Elle le considéra d’un œil méfiant, hésitant visiblement à le croire.
- C’est vraiment vous ?
- Quoi, vous trouvez que je ressemble à Homer Simpson ? plaisanta-t-il.
Mais Sam ne semblait toujours pas tout à fait convaincue. Elle leva une main et la posa sur la joue de son supérieur, comme pour vérifier qu’il était bien réel.
- Vous voyez, c’est bien moi. Je ne suis pas un fantôme.
- Oui. Vous êtes là, répéta-t-elle en se redressant pour saisir son visage à deux mains. C’est bien vous.
- Le seul et l’unique, confirma-t-il avec un sourire.
- Mon colonel…
Ses mains tremblaient. Jack saisit ses poignets et l’attira doucement contre lui.
- ça va aller, Sam. C’est fini.
Elle s’agrippa à lui et ferma les yeux.
- Oh mon Dieu, je croyais… C’était si réel, je ne savais plus ce que je devais croire. Je ne voulais rien lui dire, mais lui… J’avais si peur !
- Je sais. Je suis désolé, Sam. Pardon.
- Je n’aurais jamais tenu sans vous, murmura-t-elle contre son épaule.
Jack, interloqué, se recula un peu pour la regarder.
- Quoi ?
- Quand Ba’al… J’avais très peur de ne pas résister. Alors je me suis concentrée sur autre chose, pour ne pas penser aux informations que je ne devais pas lui révéler, expliqua-t-elle d’une voix hésitante.
- Vous… Vous voulez dire que vous vous êtes concentrée…sur moi ?
Elle hocha affirmativement la tête.
- Sur vous, et sur toutes les choses que je ne devais surtout pas révéler, mais pas à Ba’al, au dr Kemper.
Jack était stupéfait.
- Attendez, vous êtes en train de me dire que je devrais aller remercier cet abruti de psy ?
Sam réussit à sourire faiblement.
- Peut-être bien. D’une certaine façon, c’est un peu grâce à lui que je n’ai rien dit à Ba’al.
- Waoh. C’est…bizarre.
- Je sais. Mais c’était plus simple pour moi de me concentrer sur vous sur toutes ces choses que…enfin…
Elle rougit légèrement et Jack se sentit subitement très gêné.
- Euh, oui, enfin, bon, euh, l’essentiel c’est que vous n’ayez rien dit et que ce cauchemar soit fini, répondit-il.
Sam baissa les yeux et secoua la tête.
- ça continue. Dans ma tête. Chaque fois que je m’endors, je revois ses yeux, son sourire, et je suis à nouveau à sa merci, complètement terrorisée, impuissante…
Jack lui prit la main.
- Hé, c’est fini, vous êtes en sécurité, maintenant. Les cauchemars… Je sais ce que c’est. Malheureusement, il n’y a pas grand chose à y faire, sinon laisser faire le temps.
Sam hocha la tête.
- Je sais. Mais j’ai peur de m’endormir, maintenant.
Elle semblait si fragile, si désemparée. Il aurait voulu l’aider, mais il ne pouvait objectivement pas faire grand chose pour elle. En désespoir de cause, il la prit à nouveau dans ses bras. Elle ne résista pas et vint nicher son visage contre son épaule.
- ça va aller, Sam, murmura-t-il en lui caressant doucement les cheveux. Je suis là. Ça va aller.
Elle ferma un instant les yeux pour chasser de son esprit les dernières images de son cauchemar et prit une grande inspiration, s’imprégnant ainsi de l’odeur de Jack. La main de celui-ci glissa dans son cou et elle frissonna.
- Vous avez froid ? demanda-t-il aussitôt.
Sam ne put s’empêcher de sourire. Après toutes ces années, il ne parvenait toujours pas à concevoir que le simple contact de sa main sur sa nuque puisse la faire frissonner.
- Non, je suis bien, murmura-t-elle en réponse.
Jack se détendit et commença inconsciemment à caresser la nuque de Sam avec son pouce. Celle-ci se mordit la lèvre pour ne pas lui dire que s’il continuait comme ça, il risquait de provoquer d’autres manifestations physiques qui n’avaient rien à voir avec le froid.
- Euh, mon colonel ?
- Mmmmmh ?
- Je, euh…Je devrais peut-être essayer de me rendormir. Il doit être tard.
- Assez, oui. Ou bien vraiment très tôt, comme vous voulez.
Sam fronça les sourcils à ces mots et se recula pour le regarder.
- Très tôt ? Mais quelle heure est-il ?
- 1h25, lui apprit Jack après un bref coup d’œil à sa montre.
Sam ouvrit de grands yeux.
- Il est 1h25 du matin ? Mais qu’est-ce que vous faites là à une heure pareille ?
Jack haussa les épaules.
- Je n’arrivais pas à dormir, alors j’ai décidé de marcher un peu, et je me suis retrouvé ici.
Sam le considéra d’un air réprobateur.
- Vous devriez être dans votre lit. Demandez à Janet de vous donner quelque chose pour dormir si vous voulez, mais vous avez besoin de sommeil.
- Vous en avez tous les deux besoin.
Jack et Sam sursautèrent. Ni l’un ni l’autre n’avait entendu Janet arriver. Celle-ci les considérait avec un mélange d’inquiétude, de sévérité et d’amusement.
- Je vous ai laissé le temps de discuter un moment parce que Sam en avait besoin, mais maintenant elle a besoin de repos. Et vous aussi, colonel.
- Vous saviez que j’étais là ? demanda Jack, contrarié d’avoir été surpris.
Janet sourit.
- ça fait 5 bonnes minutes que vous bavassez, tous les deux, et je suis désolée de vous le dire, colonel, mais pour un ancien membre des forces spéciales, vous n’êtes pas très discret.
Jack ne répondit pas et se contenta de lui décocher un regard noir, ce qui n’impressionna pas du tout la jeune femme. Il se tourna ensuite vers Sam, son air de gamin boudeur aussitôt remplacé par une expression un peu inquiète.
- ça va aller ? demanda-t-il.
Sam sourit.
- Oui, ça va. Merci, mon colonel.
Jack hocha la tête et se tourna vers Janet d’un air hésitant.
- Euh, doc, est-ce que vous pourriez… ?
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase, car Janet avait déjà tiré un petit flacon de la poche de sa blouse. Elle en sortit un comprimé qu’elle tendit à Jack.
- Prenez-en la moitié et recouchez-vous, ordonna-t-elle.
- ça ne va pas me faire dormir jusqu’à midi ? s’inquiéta Jack.
La jeune médecin leva les yeux au ciel.
- Non, colonel, rassurez-vous, vous devriez pouvoir vous lever au chant du coq. Maintenant filez d’ici. Je ne veux plus vous voir.
Jack prit le comprimé qu’elle lui tendait et se leva.
- A vos ordres, m’dame, salua-t-il.
Il adressa un bref clin d’œil à Sam et sortit sans se retourner, sous l’œil faussement exaspéré de Janet.
*********
Sam fut autorisée à quitter l’infirmerie une semaine plus tard. Ses blessures cicatrisaient bien et Janet se montrait globalement satisfaite de la santé de sa patiente préférée. Néanmoins, le général ne voulut pas qu’elle reprenne le travail tout de suite, et insista pour qu’elle reste chez elle une semaine encore. Sam eut beau lever vers lui des yeux suppliants, il ne se laissa pas fléchir, et c’est ainsi qu’elle se retrouva chez elle un beau matin de juin, un brin contrariée quoique heureuse de retrouver sa maison, ses affaires et sa tranquillité.
Après avoir passé la matinée à trier son courrier, régler ses factures, arroser ses plantes et assuré successivement à Janet, Daniel et au colonel qu’elle allait très bien et qu’elle n’avait besoin de rien, Sam commanda des nouilles chinoises, qu’elle dégusta avec bonheur, assise par terre sur sa terrasse, tout en écoutant distraitement le CD de Norah Jones que Teal’c lui avait prêté. Elle termina son repas par une pomme et deux boules de glace au chocolat, ce qui constituait une légère entorse à son régime alimentaire habituel, mais qu’elle se permit néanmoins sans trop de remords, n’ayant rien avalé de chocolaté depuis plus d’une semaine ! Comme elle léchait la cuillère pour en effacer les dernières traces de chocolat, la sonnerie du téléphone retentit.
- C’est pas vrai ! s’exclama-t-elle. Ils peuvent pas me lâcher un peu les baskets ?
Le téléphone sonnait toujours, et l’exaspération de Sam ne diminua pas. Ignorant délibérément l’appareil, elle alla se servir un grand verre d’eau à la cuisine et laissa le répondeur se mettre en route.
- Sam, c’est Cassie. Maman m’a dit que tu étais rentrée chez toi ce matin. Tu es là ?
Prise de remords en entendant la voix inquiète de l’adolescente, Sam reposa son verre et se hâta d’aller décrocher.
- Je suis là, Cass. Désolée, j’ai été harcelée de coups de fil ce matin, j’en avais un peu marre, s’excusa-t-elle.
- Je ne voulais pas te déranger, maman dit que tu as encore besoin de repos.
- Oui, je sais, mais je me sens bien, et tu ne me déranges pas. En fait, ça me fait plaisir de t’entendre. Alors, quoi de neuf ?
- Oh, rien de bien intéressant. Je n’ai pas été attaquée par les Gremlins, moi !
Sam sourit. « Gremlins » était un code qu’elle avait convenu avec Cassie et Janet pour parler des Goa’uld lorsque leur conversation risquait d’être écoutée. C’était un peu idiot, parce que les Goa’uld n’avaient vraiment rien en commun avec les petites créatures pleines de fourrure du film, mais c’était facile à se rappeler, étant donné que ça commençait par la même lettre. Et puis, c’était Cassie qui avait choisi, et le colonel O’Neill avait tellement adoré qu’il n’avait plus employé que ce terme codé pour parler de Goa’uld pendant des mois, initiant tout le SGC à cette habitude par la même occasion.
Sam secoua la tête en souriant à ce souvenir. Le colonel était une sacrée tête de mule, mais Cassie le battait sur ce point, et il ne savait pas lui résister. Réalisant combien la jeune fille lui avait manqué, elle lui proposa de venir passer un moment avec elle.
- Tu es sûre que ça ne t’embête pas ? Je ne veux pas te fatiguer.
- Cass, tu ne me fatigues pas. Au contraire, ça me fera du bien, ça me changera les idées. Enfin, sauf si tu as autre chose à faire.
- Non, j’ai pas cours cet après-midi, ma prof est malade.
- Bon, alors je t’attends.
- D’accord. A tout à l’heure.
*********
Cassandra arriva une vingtaine de minutes plus tard et les deux jeunes femmes passèrent l’après-midi à discuter et à jouer aux échecs sur la terrasse. Cette plongée dans le « monde normal » fit beaucoup de bien à Sam, et elle ne pensa pas une seule fois à Ba’al de la journée. Cassie partie, elle s’offrit le luxe d’un long bain chaud dans lequel elle avait ajouté quelques gouttes d’huile essentielle de lavande (cadeau de Janet, qui lui avait assuré qu’il n’y avait pas mieux pour se détendre après une dure journée de travail). Elle dîna tôt, regarda les informations à la télévision et se mit au lit, frustrée de se sentir aussi fatiguée après une journée passée à ne rien faire. Elle pouvait presque entendre la voix de Janet dans sa tête : « Sam, vous venez d’être opérée, vous avez perdu beaucoup de sang et vous avez subi un grave choc tant physique que psychologique. Vous avez besoin de repos, que ça vous plaise ou non. ».
- Eh bien, ça ne me plaît pas, marmonna-t-elle en se glissant dans les draps frais. Mais il semblerait que je n’aie pas vraiment le choix.
Elle soupira, éteignit la lumière et ferma les yeux.
*********
Jack se réveilla en sursaut en entendant les coups frappés à sa porte. Encore désorienté d’avoir été tiré du sommeil si brusquement, il se passa une main sur les yeux, puis se tourna vers son radio-réveil. Celui-ci indiquait 23h40. Il fronça les sourcils. Qui pouvait bien frapper chez lui à une heure pareille ? Vaguement inquiet, il se leva, enfila un jean et ramassa son arme dans le tiroir de sa table de chevet avant de se diriger vers la porte. Prudemment, il jeta un œil par le judas et soupira de soulagement en reconnaissant son visiteur. Déposant son arme sur une commode, il déverrouilla la porte et ouvrit.
- Carter ? Qu’est-ce qui se passe ?
La jeune femme se tenait sur le pas de la porte, vêtue d’un jean et d’un débardeur, les bras nerveusement croisés sur la poitrine.
- Désolée de vous déranger à une heure pareille, commença-t-elle. Je sais qu’il est tard.
- Ouais.
- Je…euh…
Jack fronça les sourcils. Il l’avait rarement vue aussi nerveuse. Elle balbutiait, cherchait ses mots, se mordait la lèvre, et toute son attitude trahissait son malaise.
- Bon, ne restez pas là, vous allez finir par attraper froid, reprit-il en ouvrant plus largement la porte.
Elle hésita une seconde, puis entra. Jack referma derrière elle et la conduisit au salon, où il alluma une lampe pendant qu’elle s’asseyait sur le canapé. A la lumière, il remarqua la pâleur de son teint et la détresse qui se lisait sur son visage. Il connaissait cette expression.
- Vous voulez un verre d’eau ? proposa-t-il.
Sam leva les yeux vers lui, surprise, et acquiesça.
- Je veux bien, oui, merci.
Jack alla lui remplir un verre d’eau fraîche. La main de la jeune femme tremblait légèrement quand elle le lui prit des mains. Elle but une petite gorgée et réussit à sourire faiblement.
- Merci.
- Pas de quoi.
Jack choisit de s’asseoir sur la table basse, face à elle, et attendit qu’elle se décide à parler.
- Je suis vraiment navrée de vous déranger en pleine nuit, répéta-t-elle.
- Vous l’avez déjà dit. Et vous ne seriez pas là si vous n’aviez pas une bonne raison de l’être.
Sam hocha la tête.
- Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne raison.
Jack soupira et planta son regard dans le sien.
- Les cauchemars sont revenus, c’est ça ? demanda-t-il doucement.
Elle eut un petit sourire navré et détourna les yeux.
- Je croyais qu’ils étaient passés, reprit Jack.
- Ces derniers jours, oui. Mais ils sont revenus…
Elle marqua un temps de silence, comme s’il lui en coûtait d’aborder le sujet à voix haute.
- Je ne pouvais pas rester chez moi, avoua-t-elle dans un murmure. Je sais que c’est ridicule, mais j’ai peur d’être seule.
- Je comprends, répondit Jack. Et ça n’a rien de ridicule. Vous avez bien fait de venir.
Elle releva les yeux vers lui.
- Vous me comprenez toujours si bien. Je n’ai même pas besoin de vous expliquer les choses, vous n’avez qu’à me regarder et vous devinez tout de suite ce qui ne va pas.
Jack s’autorisa un léger sourire et hocha la tête.
- Vous plaisantez ? La plupart du temps, je n’ai pas la moindre idée de ce qui se passe dans votre tête. Mais là, eh bien, disons que…je sais ce que c’est. Et je sais à quel point ça peut être angoissant.
La jeune femme frissonna à ces mots. Le seul fait de repenser à ces cauchemars la faisait trembler. Jack posa une main rassurante sur son genou et le serra légèrement.
- Hé, ça va aller.
Elle acquiesça, plus par habitude que par réelle conviction. A force de répondre « oui, mon colonel » à la moindre de ses phrases, lui obéir était presque devenu un réflexe. S’il disait que les choses allaient se tasser, alors il avait sûrement raison, et elle devait le croire. Elle voulait le croire.
- Vous voulez en parler ? proposa Jack.
- Non !
La réponse avait fusé avant même qu’elle réfléchisse à la proposition.
- Désolée, reprit-elle. J’aimerais mieux pas.
- Je comprends.
Encore. Bien sûr qu’il comprenait. Il était passé par là lui aussi, sans doute plus d’une fois. Il ne la forcerait pas à parler. C’était d’ailleurs pour ça qu’elle était venue le trouver : parce qu’elle savait qu’il comprendrait, qu’il lui ouvrirait sa porte sans poser de questions. Enfin…c’était surtout pour ça. Elle ne voulait pas penser au reste pour le moment.
- Il est tard. Je vais vous préparer un lit dans la chambre d’amis, proposa Jack.
Il se leva, fit quelques pas, hésita, puis se retourna à demi.
- Enfin…si vous voulez. Si vous préférez…enfin…je sais que ce n’est pas vraiment…vous savez. Mais si ça peut vous rassurer de…enfin…
Il soupira, frustré et agacé de ne pas réussir à lui proposer la chose de manière naturelle.
- Quand je suis revenu d’Irak, j’avais des cauchemars récurrents, reprit-il sans la regarder. Je n’arrivais à dormir que dans les bras de Sara.
Elle leva les yeux vers lui, un peu gênée.
- Je ne veux pas vous déranger. Je sais que le moment est mal choisi pour ça, avec Kemper qui nous cherche des poux dans la tête et tout ça, et on ne devrait peut-être pas…
Elle se mordit la lèvre, laissant sa phrase en suspens. Jack se contenta de s’approcher et de lui tendre la main. Elle lui lança un regard incertain.
- Il est tard, Carter. Nous sommes tous les deux fatigués, et je n’ai pas très envie de sortir des draps pour une seule nuit. Mon lit est large et je tâcherai de ne pas trop ronfler, je vous le promets.
Un sourire hésitant apparut sur les lèvres de Sam et elle prit la main qu’il lui tendait.
- Vous ne ronflez pas, mon colonel.
Il sourit et éteignit la lampe avant de la guider dans le couloir jusqu’à sa chambre.
*********
- Euh, mon colonel ?
- Mmmh ?
Jack se retourna pour trouver Sam Carter tortillant nerveusement le bas de son débardeur sur le seuil de sa chambre.
- Vous n’auriez pas quelque chose de plus confortable que je puisse mettre pour dormir ? Je n’ai pas pensé à prendre mon pyjama.
- Oh. J’avais pas pensé à ça. Mais je vais bien trouver quelque chose. Voyons voir…
Il ouvrit l’armoire et y fourragea un moment avant de pousser un petit cri de victoire.
- Aha ! Je crois que j’ai exactement ce qu’il vous faut !
Sam s’approcha, les sourcils froncés, tandis qu’il extrayait un vêtement d’une pile de linge.
- Tadam !
Elle ne put s’empêcher de pouffer de rire. Jack tenait devant elle un t-shirt XXL des Simpsons, représentant Bart brandissant un pistolet à eau.
- C’est Teal’c qui me l’a offert pour mon anniversaire, commenta Jack.
- Oui, je m’en rappelle.
- Il est génial, juste un peu grand pour moi, alors je ne le mets quasiment jamais. Mais vous, ça vous fera une superbe chemise de nuit !
- C’est parfait, merci.
Elle lui lança un sourire reconnaissant avant de disparaître dans la salle de bains pour se changer. Lorsqu’elle en sortit 5 minutes plus tard, Jack était en train d’arranger les oreillers sur le lit et de remettre les couvertures en ordre. Il se retourna en entendant la porte s’ouvrir et resta bouche bée en la voyant. Sam sentit le rouge lui monter aux joues tandis qu’il la détaillait de haut en bas d’un air appréciateur.
- Oh bon sang, murmura-t-il.
Le t-shirt lui arrivait à mi-cuisses, dévoilant ses longues jambes galbées, tandis que l’encolure, trop large, laissait apparaître une de ses épaules.
- S’il vous plaît, pas de commentaire, le prévint-elle.
- Je n’ai rien dit !
- ça vaut mieux pour vous.
Sam écarta les draps et se glissa rapidement dessous. Jack l’imita et se tourna vers elle.
- Vous êtes très belle, murmura-t-il.
Le sourire avait disparu de son visage et il la fixait intensément de ses grands yeux sombres. Le cœur de Sam fit une embardée à ces mots.
- Merci, balbutia-t-elle, un peu gênée.
Jack, réalisant soudain le tour dangereux que prenait la conversation, détourna le regard et toussota nerveusement.
- Bon, eh bien, bonne nuit, major.
- Bonne nuit, mon colonel.
Il éteignit la lumière et s’allongea sur le dos ; Sam se tourna sur le côté, dos à lui, et ferma les yeux. Elle soupira longuement et tâcha de se détendre. Elle était à Colorado Springs, chez le colonel, et même dans son lit, avec lui, il ne pouvait rien lui arriver. Ba’al et ses sbires étaient à des années-lumière de là, si même ils étaient toujours en vie, ce qui n’avait rien de certain. Cette dernière pensée la réconforta et elle se laissa doucement glisser vers le sommeil.
Environ 10 minutes plus tard, alors que Jack commençait à penser qu’elle s’était endormie, Sam eut un brusque sursaut. Jack ne s’en étonna tout d’abord pas ; il lui arrivait parfois d’avoir ce genre de spasme musculaire lorsqu’il était en train de s’endormir. Mais Sam se mit alors à trembler violemment. Il comprit aussitôt que quelque chose n’allait pas.
- Carter ? appela-t-il doucement.
Elle ne répondit pas mais se tourna sur le dos pour pouvoir le regarder. L’effet était peut-être dû à la lumière de la lune qui filtrait à travers le fin rideau de la fenêtre, mais elle lui sembla d’une pâleur effrayante. Il tendit la main vers elle et la posa sur son avant-bras.
- Cauchemar ?
Elle hocha la tête ; son menton tremblait comme si elle était sur le point de fondre en larmes. Jack écarta un peu les draps en un geste d’invite.
- Venez par là.
Elle hésita une seconde, puis vint se blottir contre lui, la tête au creux de son épaule. Il referma ses bras autour d’elle et se mit à lui chuchoter ces paroles rassurantes que les mères murmurent à leurs enfants lorsqu’ils font un mauvais rêve.
- Calmez-vous, ça va aller. C’est fini, vous êtes en sécurité, ici. Tout va bien.
Il la sentait trembler contre lui, et la pensée de ce qu’elle avait dû subir pour être aussi affectée à présent fit monter en lui une sombre colère. Mais il réfréna ce sentiment : le moment pour la colère n’était pas encore venu. A ce moment précis, il ne devait penser qu’à Sam et au moyen de la calmer. Il passa doucement une main dans ses cheveux en resserrant son étreinte et murmura son prénom.
- Sam…
Elle se figea une seconde, surprise, puis se mit à pleurer doucement. Jack la laissa faire. Pleurer faisait parfois du bien, et le fait qu’elle s’autorise à se montrer si vulnérable en sa présence le touchait. Au bout de quelques minutes, ses larmes s’arrêtèrent. Elle renifla et chercha la main de Jack. Lorsque ses doigts s’entrelacèrent avec ceux de son ami, elle murmura simplement « merci » et ferma les yeux.
Jack poussa un long soupir et l’imita, sa main toujours dans celle de la jeune femme.