Jack tenta de reprendre une respiration, et un rythme cardiaque plus apaisés, aussi discrètement que cela lui fut possible. Il ne voulait pas prendre le risque de faire du bruit.
Il était entré dans la pièce depuis un long moment déjà, mais il restait entièrement hypnotisé par le spectacle sous ses yeux.
Comme hier son second était allongée sur le ventre sur la première table de massage.
Comme hier elle semblait dormir, mais le gémissement qu’elle venait d’émettre, qui l’avait sorti de ses pensées et de sa contemplation, était la preuve qu’elle n’était pas totalement au pays des rêves.
Jack déglutit difficilement, définitivement troublé et perplexe quant à la marche à suivre.
Comme la veille, elle était nue, sauf que cette fois-ci, sûre que seule Kiara viendrait la rejoindre pour la masser, elle n’avait pas mis le bout de tissu qui lui avait couvert les reins.
Carter était donc allongée complètement nue devant lui ; le prenant de court tant il ne n’y s’était pas attendu.
Jack ferma les yeux sous la puissance du désir qui l’envahit.
Il devait effacer cette image obnubilante de son second pour retrouver un peu de contenance, mais son tourment s’intensifia quand il les réouvrit si rapidement malgré lui.
Le regard qu’ils avaient échangé hier, et qui lui avait fait passer une complète nuit blanche, s’imposait instantanément à son esprit dès qu’il fermait les yeux, le mettant encore plus au supplice. Tout autant que ceux chargés de désir que Sam avait posé sur lui aujourd’hui, alors qu’elle ne pensait pas être observée.
Le Général avait beau être un supérieur qui respectait avec honneur et intégrité sa subordonnée et la femme qu’elle représentait, il n’en était pas moins un homme. Un homme qui la désirait… depuis leur première rencontre.
Et si hier encore, face à la pénombre, il avait pu continuer à garder des doutes, aujourd’hui il avait su qu’elle le désirait elle aussi… Et peut-être même bien aussi impétueusement que lui !
Jack regretta alors instantanément d’avoir proposé son aide à Kiara.
Il aurait dû lui demander l’identité de la personne concernée, alors que la jeune femme massait tant de gens.
Quelle aurait pu être la probabilité qu’il tombe effectivement sur Carter ?
Il n’avait pas pensé une seule seconde que cela se passerait ainsi, et se maudit même de ce que pouvait parfois occasionner son sens sincère du « service ».
Et le pire dans tout ça, c’est qu’il était coincé !
Dans cette pièce, bien sûr, à cause de son inattention.
Bien trop occupé à trouver comment il allait faire ce massage à quelqu’un qu’il ne connaissait certainement pas, il n’avait pas retiré en entrant le mécanisme de sécurité de la porte, et celle-ci s’était comme scellée.
Une idée ingénieuse de Carter !
Seule la clef pourrait l’ouvrir maintenant… Clef qu’il n’avait évidemment pas!
Et face au nouveau et très pratique système de Sam, Kiara n’avait pas jugé utile de la lui confier. Il ne voulait pas penser une seule seconde que la jeune femme elle-même avait pu le suivre et les enfermer ici.
Cela pourrait pourtant expliquer le regard et le sourire lourds de sens, qu’elle lui avait jetés comme pour le sonder avant d’accepter avec reconnaissance sa proposition d’aide.
Carter avait déjà apparemment vaguement expliqué à la jeune et curieuse Bréane, qu’il y avait une loi sur leur propre planète qui les empêchait de nouer une relation plus que fraternelle.
Kiara n’avait sans doute pas vraiment compris les raisons, mais elle n’avait pas insisté.
Elle avait juste continué à les observer, et à les réunir de plus en plus dans la même pièce à les faire jouer avec le feu, le temps d’un massage par exemple, comme cela s’était produit la veille.
Jack pourrait toujours tenter de sortir en appelant de l’aide à l’extérieur, pour ne pas rester coincé ici toute la nuit, mais il savait que Kiara ne reviendrait pas avant le lever du soleil.
Son rythme cardiaque s’emballa alors outre mesure, bien que ce ne fût pas le fait de passer une nuit ici qui l’effrayait le plus. Il aurait tout aussi bien pu se mettre à patienter dans un coin, et laisser Carter finir par s’endormir, mais cela était sans compter sur son lancinant désir, qui surpassait quasiment sa raison…
En faisant du bruit, il prendrait le risque de la réveiller ou de révéler sa présence, et n’arrivant pas à gérer totalement son propre appétit, il ne pouvait imaginer laisser entrer celui de la jeune femme en scène…
Cependant, qu’aurait-il dû faire ? Laisser Kiara s’occuper de son dernier massage alors qu’elle était dans un état de fatigue extrême ?
La jeune Bréane avait beau être forte, courageuse et aimer passionnément son métier, sa grossesse, ayant déjà entamé le huitième mois, la fatiguait plus qu’elle ne le voulait l’admettre. Beaucoup l’incitaient à prendre plus de repos, mais la jeune femme n’en faisait qu’à sa tête.
Elle promettait toujours à son mari, inquiet, de masser moins de personnes dans la journée, mais débordante de gentillesse, de bonne volonté et de motivation, Kiara ne refusait jamais une demande.
Jack n’avait ainsi pu manquer son épuisement, à la limite de l’affaiblissement, quand il l’avait croisée, assise à même le sol, les traits serrés, sur le bord du chemin menant à l’est du village.
D’abord inquiet, puis rassuré par son sourire, il l’avait joyeusement abordée pour lui changer les idées, appréciant sa compagnie autant que ses mains extrêmement douées sur ses tensions.
Et quand elle avait finit par lui dire qu’une personne l’attendait encore dans son antre, alors qu’elle se massait toujours méthodiquement le dos et le ventre visiblement douloureux, Jack avait instantanément proposé d’y aller à sa place. Il savait que le mari de la jeune femme s’occuperait d’elle dès qu’elle rentrerait.
Jack avait fortement douté que la Kiara puisse accepter ou aller au bout de ce dernier massage, mais à son étonnement, elle l’avait admis sans protester, voire même avec un soulagement non dissimulé.
Elle avait sourit aussi. Avec un sourire malin ou de connivence, puis elle lui avait expliqué ce qu’il aurait à préparer avant de commencer et avait pris la poudre d’escampette aussi vite qu’elle l’avait pu. Elle était partie avant que le militaire ne puisse réaliser et changer d’avis.
Et là, maintenant, Jack réalisait !
Il était encore incapable de faire le moindre mouvement ou de décider de ce qu’il allait faire.
La bataille entre ses sens et sa raison faisait toujours rage…
Il y avait un fait dans sa tête qui revenait à la charge plus que les autres…
…Carter était toujours fiancée à un autre…
Cela aurait dû le réfréner, comme ça avait été le cas jusqu’à maintenant, mais dans l’espace-temps de cette pièce, leur passé et ce qui faisait leurs vies devenaient tellement dérisoires.
Il avait beau essayer de fixer son regard sur autre chose que la table de massage, ses yeux y revenaient malgré sa forte volonté, comme s’ils y étaient mystérieusement aimantés. Et ce n’était absolument pas cela qui allait l’aider.
Encore moins quand Sam lâcha un nouveau gémissement de bien-être.
Son rêve semblait être fort agréable, et cette idée intensifia un peu plus le feu qui courait en lui. Il n’allait jamais s’en sortir, et sa santé mentale ne serait certainement plus la même après cela !
Et pire encore, il avait excessivement chaud… au point d’être prêt à enlever ses habits. Cependant, face à son second dénudé, il doutait du bien fondé d’un tel geste.
Jack n’avait pas de problème particulier envers les notions de nudité et de pudeur. Il appréciait même la vision des Bréans, qui était bien plus simple et naturelle que sur Terre. Ce peuple ne faisait pas de « culte de l’apparence » ou de chichis liés du corps. Pour tous ici, il était complètement normal que, de part sa fonction, Kiara ait si facilement accès à la nudité de chacun.
Jack avait ainsi rapidement relégué son sens de la pudeur devant elle, et quant à son massage d’hier, quand il avait vu Carter encore présente dans la pièce, il n’avait pas fait de cas non plus. Il avait bien hésité quelques secondes, puis il s’était complètement déshabillé en leurs présences, trouvant même un étrange coté érotique à le faire à deux mètres à peine de son second, nue elle aussi sous le voile qui lui avait couvert les reins.
A cet instant encore, il réprima un énième frisson de plaisir. La veille, il avait du lutter fort pour contenir l’effet excitant et troublant que lui avait causé la présence de sa subordonnée. Et il n’osait pas penser que Carter ait pu suivre chacun des mouvements de Kiara sur sa peau.
Il avait pourtant senti son regard insistant le parcourir, mais il ne l’avait rencontré qu’une seule, longue et intense fois au cours de son massage.
… massage…
Les explications de Kiara lui revinrent aussitôt en mémoire et lui permirent de se détacher de l’objet de sa contemplation. Il scruta alors la cheminée, puis le panier où la jeune femme entreposait ses plantes. S’il commençait, il devait d’abord en jeter un bouquet dans l’âtre.
Il se demanda un instant si cela serait vraiment utile… Ces herbes n’auraient pas cette fois-ci sur lui leur effet apaisant, et Carter semblait déjà planer suffisamment !
Allait-il donc rester sans rien faire ?
S’il prenait cette option, ne regretterait-il pas le reste de sa vie d’être passé à coté d’une telle opportunité de la toucher ?
La jeune femme lui en voudrait-elle s’il la tentait ?
Jack caressa à nouveau du regard ce corps diablement tentant, et n’en pouvant plus, il marcha tel un automate jusqu’à la cheminée pour y prendre et y jeter les plantes.
Leurs parfums entêtants se dégagèrent instantanément dans la pièce, mais le général n’y suffoqua pas tant il y était habitué.
Il venait régulièrement ici depuis qu’ils étaient coincés sur cette planète, et il laissa son regard se perdre un moment dans les flammes, pour tenter de calmer le rythme fou des battements de son cœur.
De toute façon, il avait su d’avance qu’il n’aurait pu rester dans un coin à rien faire, et encore moins gérer la gêne de la jeune femme. Il était un homme d’action, et si Carter finissait par le rejeter, au moins la situation serait définitivement claire…
Faisant fi de ses angoisses, Jack tourna la tête du coté des huiles. Il devait maintenant aller les mélanger, puis revenir les mettre à chauffer dans le récipient approprié, logé dans un coin du foyer.
Seulement il hésitait à se retourner complètement, car le visage de Carter était tourné vers ce coté et il appréhendait de voir sa réaction face à la non-présence de Kiara.
Ses nerfs fatigués ne supporteraient pas un autre échange intense comme celui d’hier.
Jack jeta un dernier regard aux flammes faiblissantes, puis soupira pour se donner du courage. Il raviverait ensuite leur vigueur, tout autant qu’il étoufferait les siennes.
Le militaire se tourna alors, et fut soulagé de constater que Sam avait les yeux fermés. Aucune tension ne semblait se trahir dans son attitude.
Elle ne se doutait donc de rien, mais cela fut rapidement le cadet de ses soucis quand il constata la beauté de la danse de la lumière du feu, des ombres créées sur ses courbes et sur cette peau certainement aussi veloutée que douce.
Son désir frisa un nouveau seuil critique quand il se rendit compte qu’il allait bientôt la toucher. Et cette observation annihila toute pensée qu’il avait eu d’annuler cette séance de « torture ».
Il en était incapable. L’envie et le besoin de « la » sentir sous ses doigts étaient devenus trop puissants pour qu’il puisse continuer à les opprimer.
Parcourant son corps d’un regard, qu’il s’autorisa cette fois-ci « brûlant », il alla ensuite s’occuper de l’huile, et il verrait bien comment il arriverait à gérer le reste.
Il n’avait pas sa place ici, mais pour la première fois, il cessa de réfléchir aux lois, aux conséquences, aux valeurs et aux devoirs qui les concernaient. Il vivrait le moment présent, ce qui serait peut-être sa « seule » opportunité de la toucher, de l’aimer à travers ses mains.
Alors il y ferait honneur, et foi d’O’Neill, aussi difficile que cela allait être pour lui, elle aurait un sacré bon massage… Peut-être même le meilleur de tous !
Aujourd’hui, Carter n’avait pas ménagé sa peine pour finir à temps les modifications du système d’irrigation des champs situés à l’ouest du village. Les Bréans devaient commencer au plus tôt la récolte du Nohl, une sorte de cousin du blé Terrien.
Ils espéraient que les travaux proposés par Sam finiraient de stimuler la croissance, avant la moisson différée et aussi l’arrivée des premiers froids. Ils avaient besoin de denrées de bonne qualité pour passer l’hiver, alors que l’été, particulièrement sec, avait ralentit la maturité de la plante. La constitution de leur nouveau stock n’était plus qu’une question de temps et Sam avait ainsi travaillé d’arrache-pied sur les finitions, avec un groupe de volontaires, toute la journée durant sous un soleil de plomb.
Jack allait donc s’occuper d’elle. Pas comme il l’aurait voulu, mais d’une manière bien plus proche, intime et troublante qu’il ne l’aurait imaginée dans leur contexte actuel.
Même si elle le repoussait quand elle le reconnaitrait, il pourrait enfin la toucher. Pas avec des effleurements impromptus mais d’une manière que tous deux ne seraient pas prêts d’oublier !
Sam bougea légèrement en sentant le fort parfum des plantes, et soupira à nouveau de bien-être quand elle prit conscience qu’on s’activait réellement dans la pièce.
Kiara était enfin là.
L’astrophysicienne ne s’impatientait pas, trouvant ce lieu si propice à la détente, mais elle avait hâte de sentir les mains exquises de la jeune femme détendre un à un ses muscles endoloris.
Elle aimait la délicatesse et la douceur de la masseuse, qui contrastaient parfois avec la force et l’énergie qu’elle imprimait dans ses mouvements, rendant différent chacun de ses massages.
Sam sentit aussi les battements de son cœur s’emballer plus que de mesure, mais elle n’y prêta pas plus d’attention que cela. Tout compte fait, elle s’impatientait bien intérieurement, et surtout elle essayait de maintenir encore présentes les images du massage de Jack dans son esprit, alors que celles-ci disparaissaient doucement, la laissant avide et pantelante …
Peut-être qu’imaginer que ce serait les mains de son supérieur, au lieu de celles de Kiara, qui allaient la parcourir d’ici peu, l’aiderait à juguler son désir interdit et sa forte tension interne ?
Peut-être que cela l’aiderait à pouvoir le regarder en face « comme avant » ?
Sa respiration se transforma en saccades, alors qu’elle sentit la présence se positionner à sa droite.
Oh que oui, elle allait imaginer que ce serait Jack qui allait la masser.
Elle n’ouvrit pas les yeux, et ne le ferait pas, pour plonger allégrement dans son nouveau rêve quand elle sentit l’huile tiède commencer à couler délicieusement et sensuellement sur sa nuque, puis descendre lentement le long de sa gorge et de sa colonne vertébrale.
Sam soupira de plaisir. L’exercice était même facile, tant elle le visualisait parfaitement, si près d’elle… Elle était aussi nue qu’elle l’était maintenant et son cœur n’en pouvait déjà plus de battre.
L’atmosphère lui parue soudainement électrique, sensuelle, et pour un peu, elle sentirait même « sa » respiration hachée.
Immergée dans toutes ses sensations, Sam sourit de bien-être. Pour son plus grand plaisir, elle avait une sacrée bonne imagination, et elle allait à nouveau vivre un moment unique !
Tout se passait pour le moment à merveille, et sentir l’huile continuer à couler en travers son dos était divinement bon.
Son état de relaxation s’approfondissait, mais ce n’est qu’en sentant une main se poser au creux de ses reins qu’elle ouvrit les yeux de surprise.
Elle les referma aussi sec et se mordit fortement sa lèvre inférieure pour tenter de retenir le gémissement qui s’échappa quand même, alors que toutes sortes de sensations explosaient en elle.
… Ce… Ce n’était pas la main de Kiara qui venait tout juste de se poser sur sa peau.
… C’était celle de…
Sam l’avait immédiatement reconnue. « Il » avait trop peu de fois fait ce geste pour qu’elle ne l’ait pas imprimé exactement dans sa chair. Sam se mordit plus vigoureusement encore pour maitriser cette fois la vague de plaisir qui la traversa de part en part…
Elle devait pourtant se tromper… Son corps, son cœur et sa respiration se fourvoyaient !
Ce n’était pas « lui » qui ajoutait sa seconde main à la première pour étaler l’huile.
Ce ne pouvait pas être « lui ». Cela l’était uniquement dans son imagination !
Elle n’était pas si folle pour « se faire du mal » à ce point là. Elle connaissait parfaitement les tenants et les aboutissants de « leur » réalité. Et un fantasme avec son supérieur ne l’avait jamais tuée…
Cependant, à cet instant, alors qu’« il » entamait maintenant suavement un mouvement de descente sur sa peau, Sam abandonna toutes ses tentatives d’extrapolations et sut clairement que Kiara s’était faite remplacée ce soir.
Un tas de questions inonda son esprit, avec en tête un « pourquoi Lui ? » puis tout se noya rapidement dans les sensations exponentielles qu’il faisait naître et qui prirent le pas sur tout le reste.