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Une noisette, j'la casse entre mes fesses tu vois... J.C. VanDamme
Imagine

De simples pensées : Chapitre 2

         Il resta enfermé quelques heures dans la cellule du vaisseau puis il sentit qu'ils décollaient. Il allait bientôt découvrir son "hôte". Il se maudissait de n'avoir pas songé plus tôt à laisser un indice à son équipe. Ils risquaient d'être surpris de ne pas le trouver sur P1X304. Tiens, il se souvenait du nom de cette planète. Il faudrait qu'il pense à le dire à Daniel, ça lui clouerait le bec pour une fois.  Il sourit. Il se demanda s'ils allaient penser qu'il avait pu être capturé par les Goa'ulds. Il préféra stopper ses réflexions. S'ils n'envisageaient pas cette solution, ils risquaient de le considérer comme "disparu" à plus ou moins brève échéance. Et pour l'heure, il n'était pas question d'avoir des idées négatives. Il laissait cela à Carter. Il sourit encore.

 

            Il entendait l'agitation qui régnait derrière la porte de sa cellule. Ils devaient être arrivés. Il fut sorti sans ménagement et conduit dans une petite salle. Quelques lumières éclairaient faiblement la pièce. Les murs étaient ornés de tentures rouges, les quelques meubles étaient couleur ébène, juste rehaussés de quelques touches d'or. Un trône du même style était disposé au centre de la pièce.
         "Super décoration. Félicitations. On se sent tout de suite à l'aise" dit-il en voyant arriver ce qu'il supposa être le maître des lieux.
         "Colonel O'Neill, de la Tauri. C'est un honneur et un plaisir pour moi de vous avoir en ces lieux"
         "Je ne voudrais pas vous vexer, vu l'accueil chaleureux dont vous faites preuve, mais croyez bien que ce n'est pas réciproque"
         "J'ai beaucoup entendu parlé de votre sens de la répartie, mais sachez que je ne suis pas un Goa'uld ordinaire …"
         "Si vous saviez le nombre de fois où vos collègues m'ont dit ça!"
         "Il suffit …"
         "Vous voyez …"
Il ne put finir sa phrase, des Jaffas venaient de l'empoigner et de le mettre à genou. Il avait trouvé étrange que le Goa'uld lui laissât une certaine liberté de mouvements. S'il s'était tu, il l'aurait encore. Au lieu de cela, il sentait la pression d'une lance sur sa nuque, coupant net, pour l'instant, ses velléités de résistance.

 

         "Voila, c'est beaucoup mieux comme cela. Je regretterais d'avoir à employer les méthodes barbares de mes congénères. Tenez vous le pour dit, Colonel O'Neill."

 

            Il dévisagea le Goa'uld qui lui faisait face. Il était grand, mince, ses cheveux noirs et bouclés tombaient délicatement sur ses épaules. Il avait les traits fins. Tout son être, ses gestes, sa façon de parler, ses vêtements étaient raffinés. Il inspirait presque confiance. Presque.
            Jack venait de croiser son regard, gris, froid, dur, vicieux, inquisiteur. Il avait la dérangeante impression qu'il sondait son âme. Il frissonna malgré lui mais se ressaisit bien vite.

 

         "Au fait, votre nom c'est…?"
         "Exgavus" lui répondit ce dernier avec un sourire en coin qui n'annonçait rien de bon. "Je vous offre l'hospitalité pour la nuit, Colonel." Il fit un signe aux Jaffas. "Emmenez le, je veux qu'il soit en forme pour demain."

 

            Ils l'emmenaient déjà hors de la pièce lorsqu'il entendit les dernières paroles d' Exgavus, ponctuées d'un rire démoniaque. " Profitez de cette nuit de repos, Colonel, votre long calvaire n'a pas encore commencé."
            Il ignorait le traitement qui lui serait réservé le lendemain et n'était pas pressé de le connaître. Il fut conduit dans une petite cellule et fut surpris par l'aménagement. Il y avait un vrai lit, avec couvertures et oreillers, une espèce de bibliothèque emplie de livres qui auraient fait le bonheur de Daniel et surtout il y avait une table couverte de victuailles. Tout simplement stupéfiant.
- Quelle chance, une prison quatre étoiles!
            Il s'approcha de la table et hésita un instant. Il finit par se dire qu'Exgavus n'allait pas l'empoisonner. Et puis, son estomac lui rappelait qu'il n'avait pas mangé depuis … qu'il avait quitté la Terre. Il grignota un peu et profita ensuite du confort du lit. Il ne parvint pas à s'endormir, il repensait sans cesse aux dernières paroles d'Exgavus, il entendait encore son rire et surtout il revoyait ses yeux, son regard sadique. Il avait déjà été capturé un nombre incalculable de fois, mais pour la première fois, il était loin d'être "rassuré". Il ressemblait à Ba'al dans sa façon élégante de parler, de s'habiller. Mais il avait l'air beaucoup plus retors que lui. Et cela ne lui disait rien qui vaille. Il se prépara toute la nuit pour affronter au mieux son "long calvaire."

 

            Le lendemain matin, il fut amené, avec beaucoup moins d'égards que la veille, dans une grande salle, juste dotée d'une chaise où il fut assis et attaché solidement. Il resta un bon moment seul puis entendit le pas léger d'Exgavus. Les festivités allaient débuter.

 

         "Vous avez apprécié les bons soins dont nous avons fait preuve, Colonel?"
         "Ca manquait de sel, mais sinon, c'était pas mal. Ah, juste une chose, l'oreiller, je le préfère plus dur."
         "Vous avez eu tort de ne pas profiter." Ses lèvres s'étirèrent en une grimace satanique.

 

Jack avait les poignets collés aux accoudoirs, enserrés par des entraves en fer, ses chevilles étaient emprisonnées de la même façon sur les pieds de la chaise. Deux cercles métalliques entourés son torse, le bloquant sur le siège. Il n’avait aucune liberté de mouvement. Même sa tête était immobilisée dans un carcan. Il sentit une légère piqûre dans le bras lorsqu’on lui posa une sorte de perfusion et tressaillit sous l’impulsion électrique des électrodes qu’on venait de lui appliquer sur les tempes. Il  n’aimait pas du tout la tournure des événements.  Il aurait préféré être battu, torturé physiquement. Là, il avait le sentiment d’être un cobaye entre les mains d’un savant fou.

 

Exgavus s’approcha et planta son regard gris acier dans les yeux de Jack.

 

            "Très cher Colonel, l’heure des réjouissances a sonné. J’imagine aisément que vous avez hâte de savoir ce qui vous attend", dit-il d’une voix si douce qu’elle en était presque mélodieuse.
            "Si vous le dites..." lui répondit Jack l’air blasé
            "Je sais que vous êtes très résistant Colonel, mais croyez moi sur parole, tout ce que vous avez pu connaître jusqu’ici n’était que piètre plaisanterie."
             "Vraiment?" Il affichait son air ironique, il savait qu’il allait bientôt passer un très mauvais moment et il ne voulait pas donner la satisfaction à Exgavus de voir la peur qui l’envahissait depuis quelques instants.
            "Faites le fanfaron Colonel, d’ici peu vous me supplierez, vous pleurerez comme un petit garçon, vous m’implorerez de tout stopper." Son rire s’éleva dans la pièce glaçant le sang de Jack.
- Vraiment cinglé ce serpent, ça promet.
            "Vous ne dites rien? Alors je vais vous expliquer en quelques mots. Vous êtes relié à une machine de ma conception, c’est comme un extracteur de pensées. Tout ce qui se trouve dans votre petit cerveau primitif sera exposé sur cet écran." Comme pour illustrer ses propos, une toile blanche fut descendue sur le mur face à Jack. "Tout ce qui constitue votre vie, tout ce qui fait que vous êtes vous, vos pensées, vos souvenirs et bien sûr, vos cauchemars, vos angoisses, vos doutes... Grâce à mon génie, cette extraordinaire invention est capable de trier tout cela et comme je suis bon joueur, je vous épargnerai les aspects positifs de votre vie. "

 

Il rit de nouveau. Jack ne visualisait que trop bien ce qui allait refaire surface. Il se concentra pour fermer son esprit, pour bloquer ses souvenirs. Il sentit une main sur son épaule, Exgavus était près de lui.

            "Allons Colonel, inutile de chercher à résister. Le produit qui coule actuellement dans vos veines va vous ôter toute capacité de résistance. Détendez vous, la suite va être extrêmement divertissante. "

- Je n'en suis pas si sûr…

 

Jack tentait de fermer son esprit à cette intrusion mais bientôt il vit les premières images sur l'écran. Il baissa les paupières. Il ne voulait pas voir. Ce fut sans compter l'intervention d'Exgavus. Deux Jaffas immobilisèrent davantage la tête de Jack et lui fixèrent des espèces de crochets pour maintenir ses paupières ouvertes.

 

Alors il se vit. Il était scotché sur cette espèce de paroi ajourée, paralysé, attendant que Ba'al lui envoie la dague effilée qu'il tenait à la main. Jack se souvenait encore de la douleur qu'il avait ressentie lorsque Ba'al l'avait lâchée et qu'elle s'était plantée près de son cœur après qu'il lui ai demandé la signification d'"impudence". Puis, une autre dague suivit la première, à droite de sa poitrine cette fois. Jack avait l'impression de sentir le métal froid transpercer sa peau. Il grimaça.

            "Ah oui, quel étourdi je fais. J'ai omis de vous prévenir que j'avais également doté cette petite merveille d'un générateur de douleur." S'exclama Exgavus, un sourire moqueur sur le visage.

 

La douleur devenait insupportable et Ba'al poursuivait ses questions. "Parlez moi de votre mission" "Pourquoi êtes vous revenu?" "Qu'avait-elle de particulier, cette femelle?"  La troisième dague fut la bonne. Jack avait l'impression de mourir. Il se souvenait que Daniel était venu lui parler peu de temps après, mais bien sûr, rien n'apparut à l'écran. Daniel l'avait soutenu, lui avait apporté du réconfort. Il fut emmené une nouvelle fois devant Ba'al. Cette fois, c'était avec une fiole de poison qu'il le menaçait. Avant même de poser sa première question, Ba'al laissa une goutte du poison s'échapper de la fiole, il avait visé juste, Jack sentait le poison s'insinuer en lui, lui brûler les cellules. "Il ronge et cautérise la chair au fur et à mesure, mais il y en a toujours une fraction qui pénètre une veine et se diffuse dans le flux sanguin." lui avait expliqué Ba'al. C'était exactement ça. Son sang n'était que feu, il brûlait de l'intérieur. Et Ba'al continuait inlassablement ses questions. Il aurait donné n'importe quoi pour se souvenir, pour lui fournir une réponse, il se consumait doucement et n'en pouvait plus. Sa mémoire lui revint subitement, il donna le nom du Tok'ra à Ba'al. L'antidote, le retour dans sa cellule furent écartés. Il se revoyait avec Daniel. A ce moment là, il s'était senti trahi, il avait été déçu que son ami refuse de l'aider. Daniel ne voulait pas se prendre pour Dieu comme le faisaient les Goa'ulds mais il allait le laisser se faire torturer par Ba'al. Il était en colère, il en voulait à Daniel, il lui avait même dit que Jonas était sûrement plus intelligent que lui. "Concentrez vous, ouvrez votre esprit" Il s'en foutait de l'Ascension, il voulait juste quitter cet endroit maudit. Il s'énervait contre Daniel et il ressentait à nouveau cette colère alors qu'il était bloqué dans ce siège. Il avait fait une dernière offre à Daniel. Il voulait mourir. Même cela, Daniel lui avait refusé. Et il était encore mort sous les effets cumulés des dagues et du poison. Ba'al avait alterné, il voulait vraiment des réponses. Et tout avait recommencé, encore une fois, une énième fois. Il était épuisé moralement, il cachait les informations à Ba'al mais savait qu'il ne résisterait plus longtemps. Jack se revoyait appelé Daniel à l'aide. Il focalisait le peu de concentration qui lui restait sur son ami. En pure perte, il repassa par le sarcophage et fut réintroduit dans sa cellule. Pour la première fois depuis bien longtemps, il baissait les bras. Jack avait à l'instant ce même sentiment de désespoir. 

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Ils se regardèrent. Personne n'avait prononcé le moindre mot. Ils souffraient en voyant ce qu'avait enduré le Colonel. Daniel, plus que les autres. Il n'avait plus aucun souvenir de cette époque. Il songea avec effarement qu'il avait assisté au calvaire de Jack mais qu'il n'avait pas su l'aider. Les autres se rendaient compte à quel point cette période avait due être difficile pour le Colonel. Même s'ils s'en étaient douté, le voir souffrir, lutter pour ne pas parler, mourir, le voir se résigner leur était extrêmement difficile. Daniel et Jack n'avaient jamais reparlé de son passage chez Ba'al, et pour cause... Il n'avait jamais songé que Jack lui en avait autant voulu. Il se sentait coupable quand bien même avait-il fait, à l'époque, tout ce qui lui était possible de faire sans enfreindre trop de règles. Jack l'avait aidé à faire l'Ascension mais lui n'avait pas eu la force de l'aider à mourir.

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L'écran s'animait encore, d'autres images arrivaient. Comme si Jack avait entendu les pensées de Daniel, ils virent l'infirmerie. Daniel était allongé sur un lit, couvert de bandages et Jack était à son chevet, l'air plus pensif, plus contrarié, plus triste que jamais. Une colère sourde l'avait envahi lorsqu'il avait aperçu Jonas. Jacob venait d'arriver, il essayait de sauver Daniel avec le gant de guérison Goa'uld et il n'était pas sûr d'y parvenir. Tous  attendaient, anxieux de voir les résultats. Jack sentit une main sur son épaule et aperçut Daniel. C'était comme dans un rêve.
"Dites à Jacob de tout stopper" lui disait Daniel.
Jack lui avait demandé pourquoi il devrait faire ça. Alors Daniel lui avait expliqué, il lui avait parlé d'Oma, du fait qu'il devait poursuivre sa voie, qu'il leur serait plus utile comme ça. Après maintes hésitations, Jack avait fini par accepter la décision de son ami. Il avait demandé à Jacob d'arrêter le traitement mais ce dernier semblait hésiter. Jack pouvait lire sur le visage de ses amis leur incompréhension. Lui ne faisait que respecter le choix de Daniel.
 
"Laissez le partir" avait répété Jack. Alors Jacob avait obéi.
Plus personne ne parlait, tous regardaient Daniel, puis les instruments indiquèrent que tout était fini. Daniel venait de les quitter. "Colonel?" avait presque supplié Janet les yeux pleins de larmes. Il n'eut pas le temps de répondre, une forme lumineuse sortait du corps de Daniel. Tous la regardèrent s'élever.
Jack se retrouva à nouveau face à Daniel.
"Vous me manquerez Jack" avait-il dit, ses grands yeux bleus baignés de larmes.
"Oui, vous aussi" avait répondu Jack avec un petit sourire triste.
"Merci… merci pour tout"
"Alors … quoi… on se reverra?" avait demandé Jack. Il ne pouvait se faire à l'idée de ne plus revoir son ami.
"J'en sais rien" Jack avait acquiescé, c'était la fin, Daniel s'avança vers la Porte des Etoiles.
"Hey, où est-ce que vous allez?" avait-il encore demandé. Il voulait retarder l'échéance, garder encore un peu son ami près de lui.
"J'en ai aucune idée." Ils s'étaient regardé puis avaient souri. Daniel était heureux de partir et Jack acceptait le choix de son ami. Daniel passa la Porte sans se retourner. Jack venait de perdre son meilleur ami. Il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas ressenti autant de tristesse et pourtant il était content pour Daniel.

 

L'écran se brouilla, Jack était dans le couloir suivi par Carter. Elle n'avait pas apprécié qu'il accepte la mission confiée par les Asgards.
"Mon Colonel, il faut que je vous parle"
 "Je ne veux rien entendre Carter" Il continuait d'avancer sans la regarder.
 "Vous ne pouvez pas faire comme si rien…"
 "Je ne fais pas comme si rien ne s'était passé, ceux sont les risques du métier, nous perdons des hommes tous les jours"
"Mais là il s'agit de Daniel"
Sam lui en voulait, il le savait, il l'entendait au son de sa voix, il le lisait sur son visage.
"Que voulez vous que j'y fasse? Il est parti, on a du travail"

 

Il avait poursuivi sa route et avait laissé Sam en plan dans le couloir. Il sentait qu'il l'avait blessée mais lui aussi souffrait. Il devait passer à autre chose, continuer et cette mission de secours tombait à point nommé, elle l'empêcherait de cogiter et de ressasser sans cesse la perte de Daniel. Et il voulait que Sam fasse la même chose, il espérait qu'elle comprendrait, après tout ils étaient des militaires. Il savait qu'il l'avait déçue, qu'elle comptait sur lui. Mais c'était comme ça. Il avait refoulé ses émotions et s'était barricadé, refermé, isolé. Elle, était très en colère contre lui.

 

Il était toujours ferment attaché sur son siège et bien que Daniel était revenu tout cela était encore très douloureux pour Jack. Il revoyait Sam, il ressentait sa déception, sa tristesse, sa colère, son incompréhension. Et cela, il avait du mal à le supporter. Il avait senti son estomac se nouer lorsqu'il avait revu ces événements.

 

            "C'est très étrange Colonel, on dirait presque que vous avez plus souffert d'avoir blessé cette jeune femme que d'avoir tué le Docteur Jackson." Dit Exgavus d'une voix pensive. "C'est extrêmement intéressant. Aurais je trouvé une faille dans votre cuirasse, Colonel?" conclut- il en riant.

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Sam n'en revenait pas. Elle ne pouvait croire que son attitude lui avait fait plus de mal que la disparition de Daniel. Elle tenta de maîtriser le flot d'émotions qui la submergeait. A l'époque, elle avait cherché son soutien et elle n'avait pas vu à quel point la mort de Daniel l'avait affectée, elle n'avait même pas songé que la décision de laisser partir Daniel avait dû lui coûter énormément. Sa douleur était trop forte et elle n'avait pas vu celle de son supérieur. Elle n'avait pas compris que reprendre les missions, c'était sa façon à lui de surmonter l'épreuve. Elle n'avait vu en lui qu'un militaire sans cœur. Bien sûr, avec le temps, elle avait fini par lui pardonner même si elle avait eu des difficultés à comprendre son comportement. Aujourd'hui, là dans cette salle, tout prenait un nouveau sens. Elle n'avait fait que le blesser plus qu'il ne l'était déjà. Elle posa les yeux sur lui et vit qu'il avait la mâchoire crispée. Elle se demanda si c'était lié aux souvenirs qu'il avait ou au fait que tous voyaient ce qu'il avait ressenti.

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Il sentait le picotement des électrodes sur ses tempes. Il devait refouler ce qu'il ressentait pour Carter au plus profond de lui. Exgavus l'avait "démasqué" et il était hors de question qu'il le laisse se servir de Carter pour l'atteindre. Il fallait qu'il songe à autre chose. Une chose qui l'avait fait souffrir. Il fallait qu'il attire l'attention d'Exgavus ailleurs que sur Carter. Il avait peu de marge de manœuvre, il avait beaucoup de mal à se concentrer et à guider le fil de ses pensées.

 

Il se revoyait rentrant chez lui. Il avait embrassé Sara comme il le faisait toujours puis s'était assis contre elle et l'avait enlacée. Les revoir si heureux lui fit mal et il savait que ce qui allait suivre allait être plus douloureux encore. Elle lui montrait la photo que Charlie avait ramenée de l'école. Puis, il y eut ce bruit, sec, fort qui résonnait encore maintenant dans ses oreilles comme si ça venait d'arriver. Il s'était levé et précipité dans leur chambre. Le hurlement de Sara retentissait encore dans sa tête. Jack essayait de fermer les yeux mais sans y parvenir. Alors il revit tout. Son petit corps étendu sur le sol, la flaque de sang qui s'étalait et son visage. Mon dieu, son beau visage était … Jack avait les larmes aux yeux, il pouvait encore sentir l'odeur de poudre qui persistait dans sa chambre, il sentait la chaleur de Charlie alors que la vie le quittait. Il sentait le contact poisseux du sang sur ses mains et il entendait les pleurs de Sara et son cri de désespoir lorsqu'elle réalisa que son fils était mort. Jack avait la nausée, il avait envie d'hurler. Tout cela était tellement réel, il avait l'impression d'avoir fait un bond dans le passé, il revivait cet instant maudit encore et encore. Exgavus avait bloqué sa machine infernale et lui repassait sans discontinuer les mêmes scènes. La diversion de Jack avait fonctionné mais à quel prix. Il avait le sentiment de se perdre, le trop plein d'émotion eut bientôt raison de lui et il s'évanouit.

 

Lorsqu'il s'éveilla, le décor accueillant de sa première cellule n'était plus qu'un souvenir. Ici, il ne pouvait pas se lever, le cachot était trop petit. Le froid et l'humidité le transperçaient jusqu'aux os comme des milliers de petites aiguilles. Il ignorait combien de temps il était resté inconscient mais il avait faim et soif. Il avait beau garder les paupières closes, appuyer dessus de toutes ses forces avec ses poings, les mêmes images défilaient, les mêmes sensations l'étreignaient. Un long calvaire lui avait dit Exgavus.

 

Les jours se suivaient et se ressemblaient. Toujours les mêmes images, toujours les mêmes cauchemars. Et toujours cette sensation de faim et de soif qui le tiraillait à longueur de temps. Exgavus lui donnait le minimum vital. Il s'affaiblissait de jour en jour. Il avait de plus en plus de mal à garder les idées claires. Il priait, lui, Jack O'Neill priait, pour que ses amis le retrouvent.

 

Parfois, Exgavus le laissait croupir plusieurs jours dans ce cachot malodorant, infecte. En plus de ses propres cauchemars, il devait affronter et supporter les crises de démence des autres prisonniers. Le fait qu'il n'était pas le seul à endurer tout cela ne lui fut d'aucune aide. Il avait abandonné depuis quelques temps l'idée de s'évader et même celle d'être secouru. Il avait l'impression de sombrer doucement dans la folie et devait lutter de toutes ses forces pour rester un temps soit peu lucide. Le bruit des ongles sur les murs, sur le sol le rendait dingue. Tout autour de lui n'était que folie. Certains se tapaient la tête sur les murs jusqu'à en mourir, c'était le seul moyen qu'ils avaient trouvé pour abréger leur souffrance. Ils n'avaient rien d'autre à leur disposition que ces murs gris, froids, suintant d'humidité pour se libérer de cette horreur.

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Sam avait la chair de poule, elle avait de plus en plus de difficultés à voir les tortures qu'avait subies Jack. Elle prenait conscience de la démence sadique d'Exgavus. Elle voyait un masque de douleur figer le visage de son Colonel, son regard était tantôt vide, inexpressif tantôt empli de terreur. Elle le voyait se résigner, abandonner, puis se ressaisir et lutter. Elle quitta l'écran et reporta son attention sur Jack. Il souffrait, encore. Elle voulut tout arrêter, lui épargner de revivre tout ça. Mais les Tok'ras lui expliquèrent qu'il devait aller au bout du processus pour se libérer. Elle avait regardé le Général, lui aussi était mal. Teal'c et Daniel n'avaient pas l'air au mieux de leur forme non plus. Tous étaient atteints, choqués, par ce qu'il avait enduré. Ils se sentaient impuissants, désarmés face à sa souffrance.

 

L'écran envoya à nouveau une succession d'images toutes plus insupportables les unes que les autres. Charlie, Ba'al, les méthodes peu orthodoxes qu'il avait employées lors de certaines missions dans les Black Ops, sa captivité en Irak, sa rencontre avec Hathor, la mort de Daniel. Ils se demandaient comment il avait pu survivre à tout ça. Ils observaient l'écran. Il tenait un zat et le pointait sur Carter. Sam ne se souvenait pas de cela, elle n'était plus elle-même ce jour là. Elle lut dans ses yeux marron l'hésitation qu'il avait eue avant de tirer une seconde fois. Rien qu'un instant il avait hésité. Accomplir son devoir et la sacrifier ou la choisir, elle, avec les conséquences que cela impliquait. Le fil de ses pensées fut interrompu par la voix d'Exgavus.

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            "Vous êtes vraiment surprenant Colonel. Depuis des semaines vous aviez réussi à éviter toute pensée sur le Major Carter."

 

Il s'en voulait, cette pensée avait échappé à son contrôle. Il venait de donner à Exgavus un moyen de le torturer davantage. Le meilleur moyen peut-être.

 

            "Je vous laisse tranquille pour l'instant, mais à notre prochaine rencontre, sachez que les règles du jeu seront modifiées. Je vais creuser, sonder votre esprit. Mettre à nu toutes les pensées, les souvenirs qui concernent le Major Carter. Je vais vous briser Colonel O'Neill et ce sera grâce à elle. Votre résistance n'a que trop duré, cela ne m'amuse plus. Je vais vous anéantir. Vous parlerez bientôt et les secrets de la Tauri seront miens. Vous allez contribuer à asseoir ma renommée."  Un rire démoniaque s'éleva.

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Jack venait d'ouvrir les yeux. L'écran dans la salle d'infirmerie était blanc. Tous furent surpris, ils ne pensaient pas que l'expérience allait s'arrêter là.

 

            "Colonel O'Neill? Pourquoi avoir tout stoppé?" demanda Anise

            "Je n'ai rien fait. Vous savez très bien que je ne contrôle rien."

            "Je ne comprends pas, que c'est il passé après le départ d'Exgavus?"

            "Pas grand-chose. Il m'a fait reconduire dans mon cachot. Je ne sais pas ce qui est arrivé ensuite. Tout ce dont je me rappelle c'est d'avoir réussi à me cacher lorsque Exgavus a fait évacuer sa base, et ensuite j'ai vu une lumière aveuglante puis Teal'c. La suite, vous connaissez."

            "Je ne vous crois pas Colonel …" poursuivit Anise

            "Ca suffit! Colonel, vous pouvez disposer. Tout ceci est terminé." Décréta le Général Hammond.

Lui, comme SG1 d'ailleurs, faisait confiance au Colonel. Il avait été au bout du processus, il allait être libéré de ses cauchemars et pourrait bientôt reprendre les missions avec eux.

 

Les Tok'ras quittèrent la Terre, peu ravis de la tournure des événements mais le Général avait été très clair. Le ton sec et autoritaire qu'il avait employé, lorsqu'ils étaient allés le voir dans son bureau pour insister sur la nécessité de poursuivre l'expérience, avait coupé court à toute discussion.

Au début, Jack appréhendait la réaction de ses amis. Il détestait l'idée qu'ils avaient vu tout ce qu'il s'évertuait à cacher en temps normal. Il avait craint qu'ils le regardent différemment. Mais ce ne fut pas le cas. Le sujet de l'expérience fut soigneusement évité. Lui ne souhaitait pas en reparler et eux ne voulaient pas le mettre mal à l'aise. Ils le connaissaient suffisamment pour savoir qu'il avait dû détester se mettre à nu devant eux. En reparler ne ferait que raviver de très mauvais souvenirs. Et il y avait autre chose. Tous avaient saisi les allusions d'Exgavus au sujet de Sam. Tous savaient ce que cela impliquait. Y compris le Général. Il avait expressément demandé à SG1 de ne pas mentionner la dernière partie de l'expérience dans leur rapport officiel. Jack avait eu assez de problèmes pour ne pas lui en causer davantage avec un rapport qui pourrait tomber entre de mauvaises mains.

 

Jack se rétablissait doucement et SG1 était cantonnée à des missions scientifiques le temps qu'il puisse réintégrer l'équipe. Tout paraissait normal. Mais quelques jours plus tard, le comportement de Jack changea. Il devenait distant, surtout avec Sam. Il était encore moins bavard que d'habitude, il s'isolait. Son état recommença à les inquiéter.

Il était toujours épuisé. Ses amis l'ignoraient mais ses cauchemars et ses nuits d'insomnie étaient revenus. L'expérience n'avait eu que peu d'effets. Seule la nature de ses cauchemars avait changé. Evidemment, lorsqu'il passa la visite médicale pour vérifier son aptitude à retourner sur le terrain, le verdict tomba. Le Général Hammond, sur les recommandations des médecins, lui ordonna de rentrer chez lui mais sous surveillance constante. Les médecins pensaient que de se retrouver dans un lieu familier et hors du contexte militaire l'aiderait. Il avait besoin de repos mais les médecins estimaient que la fragilité de son mental nécessitait une présence constante à ses côtés. Evidemment, Jack refusa catégoriquement d'avoir une infirmière en permanence chez lui. Le Général réfléchit longuement puis finit par proposer Sam. A la surprise de tous, Jack refusa et dit qu'il préférait Daniel. Il n'essaya même pas de justifier son choix, de toutes façons, son " Carter? C’est hors de question" sec et définitif ne souffrait aucune discussion. Il avait été si catégorique que Sam en avait eu mal.

Elle avait remarqué qu'il s'éloignait d'elle, il l'avait évitée autant qu'il avait pu. Bien entendu, il ne mettait plus jamais les pieds dans son labo sauf s’il n’avait pas le choix. Et lorsque, malheureusement, ils devaient se voir, il était vraiment désagréable avec elle, presque odieux. Il se contentait du strict minimum, leurs conversations se résumaient à peu prés à cela:
            " Bonjour Mon Colonel"         
            " Carter,  il me faut le rapport sur telle mission" toujours dit d’un ton sec, militaire.
Elle lui donnait alors ce qu’il voulait, il la saluait et sortait en lançant parfois un " Carter", mais cela n’arrivait que lorsqu’il était de " bonne humeur ".
Elle avait tenté à plusieurs reprises d’entamer le dialogue mais s’était toujours heurtée à un mur. Lorsqu’elle avait de la chance, elle avait droit à un "je suis pressé" mais les autres fois, soit il devenait subitement sourd et feignait de ne pas avoir entendu la question soit il lui jetait au visage un  "vous n’avez rien de mieux à faire?" agressif et brutal. Elle ignorait ce qui était pire, subir  son indifférence et être aussi invisible pour lui qu’un Retou ou supporter son agressivité et ses piques incessantes.           

Elle n'en avait pas parlé à ses amis car elle avait cru que cela allait s'estomper mais rien n'avait changé. Et elle ignorait pourquoi. Elle se doutait que cela avait certainement un rapport avec l'expérience mais elle avait du mal à saisir pourquoi elle était la seule à subir son mauvais caractère.

 

Le jeune archéologue emménagea donc chez Jack le temps qu'il aille mieux et Sam rentra chez elle. Elle était heureuse d'être là. Sa maison lui avait manqué. Elle ne se souvenait plus à quand remontait la dernière fois où elle avait dormi dans son lit. Elle déposa son sac dans la buanderie et partit prendre une douche. Elle ne comprenait toujours pas le comportement du Colonel O'Neill à son égard et cela commençait à l'agacer. Une douche lui ferait le plus grand bien. Lorsqu'elle eut fini, elle regagna sa cuisine et se "prépara" un plat qui passa directement du congélateur au micro-onde. Elle s'installa tranquillement dans le canapé, alluma la télé et bénit l'inventeur des surgelés. Elle regardait la télé sans vraiment voir ce qui était diffusé. Son esprit vagabondait quand elle entendit un mot qui la sortit de sa léthargie. "Détroit" Par association d'idées, elle se souvint de Pete. Mon dieu, elle était rentrée depuis plusieurs heures et ne l'avait pas encore appelé. D'ailleurs, tout bien réfléchi, elle n'avait plus eu de ses nouvelles depuis leur dernier accrochage au téléphone, la veille de la mission pour récupérer le Colonel. Elle jeta un œil à l'horloge. Une heure du matin. Peut-être un peu tard. "Oh et puis non". Elle décrocha le combiné et composa son numéro. Il n'était pas chez lui. Elle laissa un message sur le répondeur, lui indiquant qu'elle était rentrée et qu'il pouvait la rappeler. Elle partit se coucher. Entre l'attitude du Colonel, le silence de Pete, la tension des dernières semaines, elle avait bien besoin de sommeil.

 

Elle laissa passer quelques jours puis décida de se rendre chez le Colonel pour prendre de ses nouvelles. Selon Daniel, il allait mieux, alors peut-être que sa mauvaise humeur aurait disparu. Daniel lui avait même confié que le Colonel serait ravi de la voir. C'est donc sûre d'elle et heureuse à la perspective de le revoir qu'elle frappa à la porte. Daniel lui ouvrit.

 

            "Sam! Quelle bonne surprise, entrez donc. Jack est à l'étage, il ne va pas tarder" dit Daniel gaiement.

En effet, ils entendirent des bruits de pas venant de l'escalier. Jack portait un jean délavé et une chemise blanche, dont il avait remonté les manches, ce qui faisait ressortir la couleur halée de ses avant-bras.

            "Bonjour Mon Colonel" le salua Sam d'une voix enjouée.

"Carter. Vous m'excuserez, j'ai une course à faire."

Il l'avait à peine regardée, avait attrapé sa veste en cuir et sans qu'ils puissent réagir, il avait quitté la maison.

 

Sam resta sans voix, elle était abasourdie. Il l'avait fuie. Elle se sentait rejetée. Elle se ressaisit pour contenir les larmes qui menaçaient d'arriver. Daniel s'énervait, il marchait à travers la pièce en marmonnant.

            "Daniel … Daniel, vous pouvez arrêter votre marche infernale?"

Il stoppa net et regarda le visage bouleversé de son amie. Il voyait qu'elle se retenait de pleurer. Il s'approcha et la prit dans ses bras.

            "Je suis désolé, Sam. J'ignore ce qui lui est passé par la tête. J'étais pourtant persuadé que…"

            "Ne vous en faites pas, Daniel. Vous n'y êtes pour rien. Je vais rentrer chez moi."

 

Daniel aurait aimé qu'elle reste un peu, mais il comprenait son désir de sortir de cette maison. Sam rentra chez elle juste à temps pour entendre le téléphone sonner. Elle décrocha, espérant bêtement que c'était le Colonel. "Raté". C'était Pete. Elle soupira avant d'avoir pu s'en rendre compte.

 

            "Très agréable ton accueil, je te dérange peut-être?" lui demanda Pete d'une voix sèche.

Elle culpabilisa, cela faisait des semaines qu'ils ne s'étaient pas parlé, elle prit une voix douce.

 

            " Non, bien sûr que non, tu ne me déranges pas. Excuse moi."

            "Je viens d'avoir ton message, j'étais en mission. Vous avez retrouvé O'Neill, j'imagine, puisque tu m'as appelé."

            "Oui, en effet. Ecoute Pete, on pourrait peut-être se voir?"

            " Vous l'avez retrouvé quand?"

Elle voulait le voir et lui voulait savoir depuis quand le Colonel était rentré. Mais quel était le rapport? Elle sentait qu'elle commençait à perdre patience, les sautes d'humeur de ces messieurs lui tapaient sur le système.

            "Je ne vois pas le rapport Pete. Tu veux me voir ou non?"

            "Je prends le premier vol et j'arrive. Il faut qu'on parle Sam."

Il avait raccroché. Il fallait qu'elle se calme. Elle envisagea de retourner à la Base proposer un petit combat amical à Teal'c mais trouva l'idée grotesque. Elle se changea, attrapa l'aspirateur et se lança dans une bonne séance de nettoyage. Toutes les pièces avaient subi la tornade Carter. Aucun grain de poussière n'avait survécu. Elle s'affala sur le canapé, épuisée. Elle détestait faire le ménage mais elle devait en reconnaître les vertus apaisantes.

 

Jack venait de rentrer. Il espérait que Daniel était parti avec Carter. Il n'avait pas envie d'entendre le sermon qu'il ne manquerait pas de lui faire. Perdu.

 

            "Alors, cette course urgente Jack?" Il avait l'air furieux. Daniel tenait ses lunettes dans la main et les balançait dangereusement devant le nez de Jack. Ses yeux bleus lançaient des éclairs. Sa voix était sèche et ses cheveux en bataille. Jack en aurait presque ri mais il s'en garda bien. Il se contenta d'un sourire.

            "Le magasin était fermé."

            "Vous vous foutez de moi??? Je peux savoir quelle mouche vous a piqué? Vous vous rendez compte de ce que vous avez fait à Sam?"

Il croyait avoir un sermon au lieu de cela il devait affronter un archéologue fou furieux. S'il avait eu le choix…

 

            "Daniel, laissez tomber, ça ne vous concerne pas."

            "Vous croyez?"

            "Non, Daniel, j'en suis sûr."

            "Mais qu'est ce qu'elle vous a fait, bon sang, pour mériter un traitement pareil?"

            "Rien. Elle n'y est pour rien." Il savait que cela ne satisferait pas Daniel mais il ne pouvait pas lui expliquer. Il ne lui laissait pas le choix. "Mêlez vous de vos affaires, Daniel."

            " C'est hors de question Jack! Vous êtes tous les deux mes amis, ça me sidère que vous réagissiez comme cela"

            " C'est qu'il vous en faut peu alors"

            " Vous vous rendez compte? Vous l'avez traitée comme une moins que rien."

            " J'ai été plutôt gentil, je trouve" lui répondit Jack avec un grand sourire

            " Vous m'énervez Jack, on parle de Sam là. Et votre comportement est inadmissible"

            " Je n'ai pas de leçon à recevoir de vous, Daniel"

            " Evidemment, comme toujours, vous avez raison. Vous voulez que je vous dise…"

            " Non, Daniel, votre avis ne m'intéresse pas."

            " Tant pis, faites comme si! Vous êtes l'homme le plus égoïste et le plus stupide que je connaisse. Vous vous moquez éperdument de blesser vos proches. Tout ce qui n'est pas vous, vous est égal. Elle voulait juste passer un peu de temps avec vous, pour vous soutenir et vous aider. Et vous, sombre cloche, vous l'avez envoyée sur les roses. Pire que ça, vous avez fui. Ca me désole d'avoir à vous dire ça, Jack, mais vous n'êtes qu'un lâche doublé d'un imbécile. J'espère qu'elle aura l'intelligence de vous fuir, elle aussi. Elle n'a pas à souffrir de votre sale caractère d'irlandais borné. Tâchez de vous servir correctement de votre cerveau pour une fois et repensez au comportement infect que vous avez eu avec Sam. Peut-être qu'il en ressortira quelque chose d'utile. Bon, je préfère vous laisser, je risquerai de dire des choses qui dépassent ma pensée."

 

Il venait de lui dire ses quatre vérités et était parti en claquant la porte. Jack avait tout gagné. Il avait réussi l'incroyable exploit de blesser et d'éloigner deux des personnes qui comptaient le plus à ses yeux. "Bravo O'Neill, bel effort". Il sortit une bière du frigo et se rendit sur le toit, il observerait les étoiles pour se changer les idées.

 

Sam s'était endormie dans le canapé. Ce fut ainsi que la trouva Pete lorsqu'il arriva. Son instinct militaire l'avait réveillée dès qu'il avait franchi la porte mais elle voulait voir comment il allait agir. Il s'approcha d'elle et lui secoua doucement l'épaule en l'appelant. Autant pour elle, elle avait imaginé un réveil plus …tendre mais elle resongea à la tension de leurs dernières conversations. Elle se redressa et s'assit, blottie dans l'angle du canapé. C'était à peine s'il souriait. Elle sentait que le sujet de leur discussion n'allait pas lui plaire.

Et ce fut le cas. Il avait à peine pris de ses nouvelles et très vite, la conversation avait dévié sur le Colonel O'Neill.
            " Tu n'as pas répondu à la question que je t'avais posée par téléphone"
            " De quoi tu parles, Pete?"
            " O'Neill? Vous l'avez retrouvé quand?"
            " Mais en quoi est-ce important Pete? Je ne comprends pas." 
            " J'aimerais juste savoir si tu t'es précipitée sur le téléphone dès que O'Neill est revenu, comme l'aurait fait n'importe quelle femme amoureuse de son compagnon, ou si tu as oublié que j'existais, trop heureuse et accaparée par le retour de ton colonel? Tu vois où je veux en venir?"
            " Tu es ridicule, Pete."
"Dis moi ce qu'il y a entre vous?" lui demanda Pete

            "Rien, absolument rien."

Elle ne mentait pas vraiment. Oui, il y avait eu quelque chose. Un lien qu'elle pensait indestructible. Mais elle avait eu tort. Le Colonel lui avait encore prouvé cet après-midi que plus rien n'existait entre eux.

Pete ne la croyait pas.  Il lui fit l'étalage de tout ce qu'il avait remarqué, observé, analysé.

Il lui rappela le nombre de fois où elle avait prononcé le prénom de son supérieur pendant son sommeil. Il lui reparla de l'anniversaire de Daniel lorsqu'il l'avait accompagnée dehors parce qu'elle voulait prendre l'air. Elle avait frissonné et Pete était rentré pour lui chercher son blouson. Quant il était revenu cinq minutes plus tard, il l'avait trouvée en grande discussion avec le Colonel. Pete n'avait pas entendu ce qu'elle avait dit à Jack mais il l’avait vu poser son pull sur les épaules de la jeune femme. Elle avait planté son regard azur dans ceux du militaire et lui avait souri comme elle ne l’avait jamais fait pour Pete. Puis, le colonel s’était baissé pour ramasser un papier tombé de sa poche et elle en avait profité pour s’emmitoufler dans le pull et avait enfoui son nez pour en humer le parfum. Jamais Pete ne l’avait vue si heureuse.

 Il lui avait aussi remémoré cette fois où elle était sortie de la Base avec son supérieur et qu’elle était passée près de la voiture de Pete sans même l’apercevoir, tant elle avait l’air de boire les paroles de Jack.

Chaque exemple donné lui portait un coup au cœur, lui rappelant ce qu'elle avait perdu avec le Colonel. Son petit ami était en train de lui faire la preuve d'un adultère qui n'avait jamais existé, sauf parfois dans sa tête à elle et Sam avait mal parce que le lien avec son supérieur était brisé. Elle aurait dû nier avec plus de conviction, lui dire que c'était lui, Pete Shanahan et lui seul qu'elle aimait, mais elle était submergée par les souvenirs qu'il venait de raviver. En cet instant, elle ne songeait qu'à Jack. Au bout de quelques minutes de silence, elle vit Pete se lever.

            "C'est fini, Sam.  Je ne veux pas vivre dans l'ombre d'O'Neill."

Il était parti. Il avait perdu. Elle aussi avait perdu.

 

Daniel avait laissé Jack quelques jours seul, il espérait que son ami réfléchirait à son comportement. Teal'c passait voir Jack deux fois par jour pour s'assurer que tout allait bien. Jack ne lui avait parlé de rien. Il ne prenait même pas la peine de demander des nouvelles de Sam. Tout cela commençait à les inquiéter. Ils ignoraient toujours pourquoi Jack agissait ainsi.

Ils se faisaient aussi du souci pour Sam car ils avaient appris sa rupture avec Pete. Elle se renfermait de plus en plus. Ils avaient la vague impression de voir leurs meilleurs amis se détruire. Elle avait pris un rythme de travail encore plus soutenu que d'habitude, elle mangeait quand ils lui apportaient son repas ou qu'ils parvenaient à l'emmener au Mess. Jack lui, ne parlait plus qu'à Teal'c. Le strict minimum. Ils décidèrent que la situation avait assez duré. Daniel allait retourner chez Jack et le forcer à parler, quoiqu'il arrive. Ils étaient amis, il s'était déjà confié à lui, rarement mais il l'avait fait. Daniel espérait qu'il recommencerait.

 

Il ne prit pas la peine de frapper, il avait encore les clés. De toutes façons, Jack avait la curieuse manie de laisser sa porte ouverte. Il entra et le trouva dans la cuisine.

 

            "Daniel? Quel bon vent vous amène? Vous avez oublié de me dire quelque chose la dernière fois?" Il avait adopté un ton sarcastique qui contrastait avec la joie que Daniel avait brièvement aperçue dans ses yeux sombres.

            "Je voulais m'excuser pour mon comportement de l'autre jour… Même si vous l'aviez amplement mérité."

Ils se regardèrent et finirent par sourire.

            "Je vous offre un verre?" demanda Jack. Il était content que son ami soit là. Avec un peu de chance, les choses pourraient aussi s'arranger avec Carter. Il jura intérieurement. Non, il ne pouvait plus parler à Carter. Il devait l'oublier, pour elle. Il reporta son attention sur Daniel.

 

Ils discutèrent un bon moment de tout et de rien. De la Base, des planètes qu'ils avaient visitées et même des dernières rumeurs, ce qui les avaient fait beaucoup rire. Puis Daniel aborda "le sujet", il lui parla de Sam, de l'inquiétude que lui et Teal'c avaient pour elle. Jack ne broncha pas. Il jouait négligemment avec sa bouteille de bière mais Daniel savait qu'il avait toute son attention. Il fit habillement dévier la conversation vers ce fameux jour où Jack avait fui devant Sam. Mais Jack n'était pas décidé. Il tenta de le faire comprendre à Daniel mais c'était sans compter l'incroyable ténacité de son ami. Deux heures, cela faisait deux heures que Daniel argumentait pour qu'il lui raconte. Alors, il lâcha prise. Après tout, Daniel était son meilleur ami, il pouvait lui faire confiance et qui sait, peut-être qu'il trouverait une solution à son problème.

Il lui expliqua dans le détail, il voulait qu'il comprenne ce qui l'avait poussé à être odieux avec Carter. Il lui avoua qu'il avait réussi à interrompre le processus de l'activateur de mémoire Tok'ra. Il avait souri en lui disant qu'Anise avait eu raison, que c'était lui qui avait tout stoppé. Il ne voulait pas que la suite de son "séjour" chez Exgavus soit vue. A partir du moment où ce dernier avait compris que Carter était le point faible de Jack, il n'avait axé sa machine que sur elle. Seuls les souvenirs qu'il avait de Sam revenaient à la surface. Toutes les pensées qu'il avait concernant la jeune femme étaient exposées. Daniel l'avait interrompu: "Toutes vos pensées?" Jack l'aurait bien envoyé promener, il détestait quand il faisait des sous entendus sur Carter avec son air de Saint Innocent. Mais il avait acquiescé et poursuivi son histoire. Il avait vu Daniel blêmir au fil de son récit alors il avait décidé de lui épargner certains détails. Quand il eut fini, Daniel resta sans voix, assimilant doucement ce qu’il venait d’entendre. Il comprenait mieux le comportement de Jack mais était persuadé que rejeter Sam n’était pas la meilleure solution.  Il avait demandé à Jack de lui accorder quelques jours, le temps qu’il réfléchisse.

 

Malheureusement l’état de Jack empira subitement et il fut ramené en urgence à l’infirmerie de la Base. Daniel ne comprenait pas, il avait pourtant eu l’impression que Jack se portait mieux. Le médecin lui expliqua alors que Jack était encore faible physiquement et qu’il souffrait d’un manque de sommeil évident. Il fut mis sous surveillance pour la nuit. L’analyse du médecin fut rapidement confirmée, Jack avait eu un sommeil extrêmement agité, ponctué d’un nombre de micro réveils beaucoup trop élevé et il avait une activité cérébrale presque semblable à celle qu’il avait lorsqu’il était éveillé. Dans de telles conditions, il était évident que son organisme ne pouvait récupérer, son sommeil n’était pas suffisamment réparateur pour qu’il se rétablisse.

 

Lorsque le Général avait reçu le rapport sur l’état de santé de Jack et sur les conclusions du médecin, il avait fait convoquer SG1. Il soupçonnait Jack de leur avoir caché quelque chose et il voulait en avoir le coeur net.

 

            "Je vous ai faits venir par rapport au Colonel O’Neill. Son état de santé devient de plus en plus alarmant et aucun traitement ne semble efficace. Le médecin est persuadé que tout cela est en liaison directe avec son séjour chez Exgavus. Il croit que le traumatisme a été trop important et que le Colonel ne parvient plus à gérer ce qu’il a subi, même s’il n’en a pas pleinement conscience. J’aimerais savoir si Jack vous a parlé, s’il vous a confié quelque chose qui pourrait nous donner une piste pour l’aider à s’en sortir. Avez vous remarqué un comportement inhabituel qui pourrait laisser supposer qu’il nous dissimule quelque chose?"

 

Daniel et Sam se regardèrent discrètement. Ils ne souhaitaient pas aborder devant le Général le comportement désagréable qu’avait eu Jack mais ils voulaient néanmoins l’aider. Ils jetèrent un oeil à Teal’c qui leur fit un petit signe de la tête, indiquant qu'il se plierait à leur décision. Daniel était le plus mal à l'aise. Soit il trahissait la confiance de Jack soit il mentait au Général. L'amitié l'emporta.

 

            "Il était un peu tendu, il avait l'air las, mais avec ce qu'il a vécu, cela n'est pas surprenant" finit par répondre l'archéologue.

            "Major? Teal'c?"

            "J'ai eu beaucoup de travail Mon Général, je n'ai presque pas vu le Colonel ces derniers jours. Mais je rejoins l'avis de Daniel, je l'ai trouvé très fatigué."

            "Idem ici, j'ajouterai cependant que le Colonel O'Neill était extrêmement peu bavard."

En dépit de la situation, tous se tournèrent vers le Jaffa et ne purent réprimer un petit sourire. Il leva un sourcil plus par habitude que par réelle incompréhension de leur amusement et répondit à leur sourire.

 

            "Bien, j'aurais quand même pensé que le Colonel se serait confié à l'un de vous. S'il venait à le faire, prévenez moi. Et gardez à l'esprit que c'est uniquement dans son intérêt que je vous demande cela."
Le Général avait prononcé ces derniers mots en les regardant avec insistance. Ils avaient l'impression qu'il ne les avait pas crus.

 

Il n'y avait aucune amélioration du côté de Jack. Il était toujours aussi distant avec Sam. Le seul qui pouvait encore discuter

 
 
Conçu par Océan spécialement pour Imagine.
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