Citations du moment :
La droite a gagné les élections. La gauche a gagné les élections. Quand est-ce que ce sera la France qui gagnera les élections ? -Coluche
Imagine

Cet espoir partie 2 : Chapitre 2

-Mais Teal’c vous n’avez pas de naquada dans le sang ? S’étonna Janet.
            -Non, mais mon symbiote si. C’est lui qui me donne l’immunité contre les maladies. Vous savez que  si on m’enlève le symbiote je meurs rapidement.
            -En effet, mais le major a du naquada dans le sang ! Les restes des protéines de Jolinar.
            -Mais peut-être pas en quantité suffisante ?
            -Vous voulez dire qu’un Goa’uld pourrait les sauver ? Je n’aime pas du tout cette idée.
            -Non, ce n’est pas ce que je voulais dire, mais si vous préleviez du sang dans mon symbiote. Vous pourriez peut-être fabriquer un vaccin à base de naquada.  A moins que vous puissiez injecter du naquada directement dans leur sang.
            -C’est trop dangereux Teal’c. Mais vous-même, si je touche à votre symbiote il risque de mourir et vous avec.  Je ne peux pas accepter cela. Tuer un malade pour en guérir un autre. Non c’est impossible et contraire à l’éthique.
            -Mais Docteur Frazier, je ne vous demande pas votre avis. Je veux le faire. J’en ai parlé au général Hammond il est d’accord.
            -En effet docteur, c’est un ordre. Dit Hammond, qui venait d’entrer dans la chambre.
            -Alors si c’est un ordre… Mais laissez-moi quand même vous mettre en garde. C’est très dangereux, et nous n’avons absolument pas la certitude que cela va marcher.
            -Il ne vous reste pas beaucoup de temps docteur dit Hammond. Commencez tout de suite.
Janet avec le sang du symbiote courut au laboratoire, et vit tout de suite que c’était la bonne idée. Le produit fabriqué détruisait immédiatement les particules de poison.
Elle courut jusqu’au lit de Daniel et lui aussitôt l’injection, puis à Carter, enfin au colonel.
Le retour à la vie fut difficile, l’empoisonnement fut long à juguler surtout chez Daniel, qui n’avait pas de naquada dans le sang. O’Neill fut debout très rapidement et passait tout son temps à l’infirmerie près de Carter, qui reprenait des forces et souriait à toutes les blagues de son colonel.

Carolina les voyait, les entendait. Il ne se passait rien de particulier entre eux du moins pour un œil  peu exercé. Mais on ne la faisait pas à Carolina French. Elle sentit le poison de la jalousie s’infiltrer en elle. Elle préféra quitter l’infirmerie et se réfugier à l’extérieur de la base dans le petit appartement qu’elle louait dans un quartier calme de Colorado Springs. Elle s’assit lourdement et ouvrit son journal.
Elle écrivait depuis l’évaluation qu’elle avait faite à la base. Cela la soulageait d’écrire noir sur blanc ce qu’elle ressentait. Comme elle ne pouvait parler à personne, elle aurait eu trop honte à son âge d’avouer les sentiments qu’elle avait pour le colonel. Elle ne voulait pas en parler non plus à un thérapeute, après tout l’amour n’était pas une maladie. Son journal était là pour ça.
Mais comment décrire ce qu’elle ressentait.
Elle savait que c’était une situation désespérée. Elle était venue se jeter dans le piège tête baissée. Mais elle savait qu’elle n’aurait pas pu faire autrement. Elle souffrait, mais  elle était toujours vivante. Et puis elle pouvait quelquefois se leurrer. Elle s’était fabriqué un petit monde où tout était encore possible Après tout il était très gentil avec elle, n’était pas avare de sourires ni de paroles.
Elle se sentait acceptée peut-être pas au même titre que Janet qui les connaissait depuis longtemps, mais comme Eva, qui s’était fait progressivement une petite place. Ils la consultaient volontiers, pour des petits riens, des conseils. Enfin les autres, pas lui. Il n’aimait pas beaucoup l’infirmerie, et y allait le moins possible, juste le petit minimum pour ne pas être en faute vis à vis de sa hiérarchie. Dans les couloirs de la base, ils échangeaient avec elle des plaisanteries, oui, elle avait maintenant sa place parmi eux.
Elle se sentait très proche de Sam, en elle, elle admirait la femme et la scientifique. Entre elles, elles avaient des conversations qui faisaient périr d’ennui le colonel. Elles en riaient toutes les deux à se tenir les côtes. Et lui jouait à fond le rôle qu’on aimait lui attribuer, celui qui ne comprend rien aux sciences. Avec Daniel elle s’entendait bien. Il était toujours curieux de tout, elle ne se lassait pas de l’écouter.
Mais celui qu’elle préférait c’était Teal’c. Il était d’un calme olympien et ne s’étonnait de rien. Quand elle était déprimée elle allait le voir. Il avait réussi à lui enseigner la relaxation. Alors tous les deux ils faisaient leurs méditations ensemble dans la chambre aux lumières. Cette pièce si apaisante. Cela lui permettait de se ressourcer et de relativiser les petites souffrances qu’elle pouvait éprouver. Ce n’était rien à côté de ce qu’elle avait connu avant. Elle bénissait tous les jours de sa vie, cette captivité qui avait effacé l’autre, si terrible.
Les missions avaient repris, elle était quelquefois du voyage, elle avait vu son premier goa’uld et en avait été impressionnée. Elle aimait traverser l’anneau de lumière, rencontrer d’autres peuples. Quelquefois les missions tournaient au désastre, et il fallait alors rentrer en catastrophe à la base.
Le plus souvent elle travaillait à l’infirmerie. Elle adorait cette vie et cette adrénaline qui montait à chaque fois que les alarmes se déclenchaient. Il pouvait à ce moment là, tout arriver. Des blessés, des malades, des morts même. Le lieutenant Smith était mort hier, il faisait partie de SG4. La base était en deuil. Perdre un homme était la pire chose qui pouvait se passer. Elle eut pitié du colonel Figherton qui venait de perdre un de ses meilleurs éléments.
Elle redoutait un jour d’avoir à assister à une cérémonie au pied de la rampe d’embarquement pour un de ceux qu’elle aimait.
Après plusieurs semaines de travail intense, le général Hammond avait décidé de leur donner quelques jours de congé. La base se vida rapidement. Daniel bien sûr avait pris le premier avion pour l’Egypte, où il espérait toujours faire d’autres découvertes sur les Goa’ulds. Le colonel O’Neill était parti pour son chalet. Même Sam avait quitté son cher labo et était allée passer quelques jours avec son père sur une mystérieuse base Tok’ra. Chulac et son fils attendaient Teal’c qui se tenait en tenue traditionnelle  prêt au départ.
            -Et vous docteur French vous allez quitter la base j’espère ? Dit le général Hammond, je vous trouve une petite mine.
            -Oui général, je pense aller voir mon père. Je ne l’ai pas vu depuis que je suis à la base et il me manque.
            -Bonnes vacances docteur French, dit Hammond en lui serrant la main.
Carolina conduisait doucement car la route était sinueuse, et il faisait déjà presque nuit.
Elle s’installa plusieurs jours et passa de délicieux moments avec son père. Naturellement elle lui parla de son travail dans une base militaire. C’est tout ce qu’elle pouvait dire, elle n’avait pas le droit de parler du projet porte des étoiles.
Son père  la regardait
            -Es-tu heureuse ma fille ?  Lui dit-il doucement.
Elle se sentit rougir.
            -Il s’appelle comment ?
            -C’est en fait très compliqué.
Elle ne voulait pas lui parler de choses anciennes, qui les avaient détruits tous les deux. Mais lui parler de Jack était au-dessus de ses forces. Comment aurait-elle pu évoquer devant lui cette scène dans la prison. Ce pauvre petit bonheur qui s’obstinait à fuir et cet espoir qui ne voulait pas mourir. Il n’aurait pas compris.
Elle se tut.
Il respecta son silence.
C’était une belle nuit d’été propice à l’amour. Mais pour Carolina ce serait toujours le désert.
Elle repensait toujours à la base, elle y était entrée comme on entre en religion de tout son corps et toute son âme. Sa pensée était là-bas, elle revivait et se torturait des petits riens qui jalonnaient son quotidien, des mots gentils, des sourires. Et puis son abandon total entre ses mains quand il était malade ou blessé. La totale confiance qu’il lui faisait. Elle savait tout de lui, pas un pouce de son corps ne lui était étranger, et pourtant, elle n’était que son médecin. Elle pouvait le toucher, panser ses plaies, lui tenir la main, lui faire tous les soins nécessaires, mais elle n’avait pas le droit de franchir la barrière. A la base il était le colonel O’Neill, mais dans son cœur il était Jack. Elle se demandait combien de temps elle pourrait tenir à se consumer ainsi.
Oh cet espoir qui ne voulait pas mourir.
Quelques jours plus tard une force inconnue la poussa à aller voir Jack dans son chalet. Carolina  n’avait pas besoin de la carte, elle connaissait la route par cœur.
Elle arrêta sa voiture assez loin, pour prendre son temps, réfléchir avant peut-être de franchir une étape. Elle ne savait pas du tout l’accueil qu’elle recevrait. Il pouvait être très dur en paroles quelquefois, elle en avait fait les frais quand il lui avait jeté à la tête son QI de 145. Cela l’avait atteinte beaucoup plus profondément qu’elle ne l’avait laissé voir. D’ailleurs, elle n’avait rien laissé voir du tout.
La journée était chaude, c’était l’heure de la mi-journée où tout fait halte. Aucun bruit de la civilisation ne parvenait jusqu’ici. L’eau jaillissante des cascades rafraîchissait l’air immobile et brûlant. Au virage suivant c’était le silence. Carolina comprenait pourquoi le colonel aimait tant cet endroit. Un lieu si calme pour se ressourcer. Un lieu pour oublier une vie si difficile parfois.
Elle l’aperçut de loin. Il était devant la maison, un chalet de rondins, rudimentaire. Elle le voyait de dos, il était en short et torse nu. Tenue très inhabituelle chez lui, mais qui était naturelle dans un tel endroit. Le chalet était planté au bord d’un petit lac ou un ponton avançait dans l’eau verte où se miraient les noirs sapins. Elle ralentit, il ne l’avait pas encore vue. Elle dut faire crisser son pas car il se retourna brusquement. Il mit sa main en visière car elle s’avançait dans le soleil.
Elle s’arrêta à quelques mètres de lui et fut accueillie par un brusque :
            -Qu’est ce que vous foutez là !
Elle faillit prendre ses jambes à son cou mais continua d’avancer. Son cœur battait comme un tambour, elle balbutia une pauvre excuse :
            -J’étais dans les parages,… mon père a une maison pas loin d’ici, et je me suis dit que … Elle bafouillait.
            -Ne restez pas dehors au soleil, vous allez prendre mal, lui dit-il bourru.
Elle fit les quelques mètres qui le séparaient de lui.
            -Excusez ma tenue je n’attendais personne.
            -C’est très bien comme ça.
Ils échangeaient des banalités, des choses qui n’avaient plus aucun sens pour elle. Elle hurlait son nom à l’intérieur d’elle-même, mais elle collait sur son visage un masque d’indifférence.
Puis elle craqua :
            -Jack !
Il recula d’un pas.
            -Jack, redit-elle
Il dut lire dans ses yeux ce qu’elle ne disait pas, car il dit cette phrase surprenante que rien ne prévoyait :
            -Ce n’est pas une bonne idée.
Elle cria encore
-Jack !
 Elle pleurait, elle sanglotait. Elle se jeta contre lui, il la repoussa
            -Non, Carolina, non.
            -Mais pourquoi ? On est pareil tous les deux. On a vécu la même chose. Il n’y a que toi pour comprendre ce que veut dire être soumis à un être qui vous prend et vous torture. Les démons que j’ai connus, pour toi ils s’appellent Nirti et Kali.  On est pareil !
Il était comme pétrifié, elle s’accrochait à lui, ses larmes lui mouillaient la poitrine.
Alors elle recula dans le soleil,
- C’est ça qui te gêne ?
Elle défit son chemisier et sur sa peau brune apparurent des petites traces blanches.
            -Tu vois là, ce sont les marques de cigarette, et là un coup de couteau ; car ça je ne te l’ai pas dit ils m’ont tailladée la peau à plusieurs reprises. Tiens regarde là il y en a encore une autre.
Elle était déchaînée, rien ne pouvait plus l’arrêter.
            -Et toi, tu en as aussi des cicatrices, je les connais par cœur, celles qu’on voit et celles qu’on ne voit pas. Je sais exactement où se trouvent les deux marques de balles que tu as sur le ventre. Je connais aussi les traces laissées par les lances jaffas, et puis cette petite cicatrice que tu as en haut de la cuisse droite. Et je sais exactement les cicatrices  qu’on ne voit pas, celles des armes de poing qui te font toujours souffrir, et je connais aussi la souffrance de ton divorce, et celle de la mort de ton fils !
Elle hurlait ces derniers mots. Ses yeux étaient pleins de fureur quand elle le regardait. Il la rattrapa comme elle tombait évanouie de désespoir et de colère, son corps vidé de toute force.
Elle se réveilla à l’intérieur. Il faisait frais dans le chalet. Elle était allongée sur son lit, là où il l’avait portée. Elle était seule, il l’avait laissée se reprendre. Elle savait qu’il n’y avait plus rien à espérer.
Oh ! Cet espoir qui ne veut pas mourir.
Elle sortit, il était là sur le banc. Il avait préparé le repas.
Elle s’assit lourdement en face de lui.
            -Jack, je te demande pardon.
Elle le regardait dans les yeux. Dans les siens elle y lut une sorte douceur qu’elle interpréta mal :
            -Je ne veux pas de ta pitié, Jack !
Il sourit :
            -Tu es tout sauf pitoyable Carolina,
 Il compta sur ses doigts :
-Nerveuse, passionnée, exaltée, un peu folle peut-être ?
Elle rit soulagée
            -Tu me pardonnes ?
            -Bien sûr, tu n’étais plus toi-même, tu as tellement souffert !
Elle remarqua qu’il la tutoyait, la barrière s’entrouvrait peut être un peu ?
            -Mange lui dit-il en lui montrant l’assiette de sandwiches.
            -Je n’ai pas très faim.
Elle se força à avaler quelques bouchées car elle n’avait rien pris depuis le matin.
Le temps était en train de changer. En cette fin d’après-midi de gros nuages avaient envahi le ciel et le sommet des montagnes disparaissait déjà dans la noirceur. De temps à autre des éclairs zébraient le ciel et de grosses gouttes commençaient à tomber.
            -Il faudrait que je rentre dit-elle sans conviction.
            -Non, dit-il fermement, tu n’es pas en état de conduire, et puis les orages sont très violents par ici. D’ailleurs tu devrais aller chercher tes affaires avant la pluie.
Elle courut jusqu’à sa voiture chercher son sac, quand elle rentra la pluie commençait à tomber et la température avait chuté de plusieurs degrés.
Dans la grande pièce il faisait bon.  Jack alluma une flambée dans la cheminée pour chasser l’humidité qui s’infiltrait sous les fenêtres mal jointes.
La pièce était très sobre. C’est bien la maison d’un célibataire, pensa t-elle. Depuis le bahut de bois blanc, quelques chaises autour d’une table, jusqu’à l’unique fauteuil près de la cheminée. Sur une étagère quelques livres, un jeu d’échecs, et dans un coin du matériel de pêche.
Carolina sortit de son sac un épais cahier et le tendit à Jack.
Il fut surpris :
            -C’est quoi ?
            -C’est mon journal, je voudrais  que tu le lises.
Il ouvrit de grands yeux :
            -Pourquoi ?
            -Je voudrais que tu saches tout de moi.
            -Je ne suis pas sûr d’en avoir envie.
Elle parut déçue :
            -Pourquoi ?
            -Parce que je ne trouve pas ça bien. Tu dois garder tes secrets, je n’ai pas besoin de les connaître. Et puis ça te servirait à quoi ?
            -Je ne voudrais pas que tu me juges mal dit-elle après un instant d’hésitation.
            -Je ne te juge pas du tout, ce n’est pas mon genre.
            -Je parle de toi dedans dit-elle légèrement
            -Ah oui ? Il sourit.
Son regard ne la lâchait pas comme s’il voulait lire en elle.
Elle n’insista pas, et fit le tour de la pièce.
            -Tu n’as pas la télé ?
            -Non, ni le téléphone non plus.
            -Et si le général Hammond veut te joindre ?
            -J’ai quand même un portable, mais il n’y a que le général qui a le numéro,  ajouta t-il en souriant, alors je suis tranquille.
            -Ça fait longtemps que tu fais ce métier ?
            -Quoi ? Militaire ?
            -Oui,
            -T’as pas lu mon dossier, de long en large et en travers, dit–il avec un fin sourire ?
Elle rougit :
-Oui je sais beaucoup de choses sur toi. J’ai même lu tous tes dossiers confidentiels, C’est pourquoi je voudrais que tu me connaisses mieux.
Le cahier était posé sur la table entre eux.
La nuit était tout à fait tombée et les éléments se déchaînaient au dehors. La pluie résonnait sur le toit du chalet. L’orage grondait et se rapprochait.
            -Tu devrais aller dormir, il est tard se contenta t-il de dire. Je te laisse la chambre.
            -Et toi tu vas dormir où ?
            -Ici, et il lui montra le fauteuil.
            -On pourrait se partager le lit dit-elle malicieusement ?
Il fit celui qui n’avait rien entendu et d’un geste lui fit voir où était la salle de bain.
Carolina n’insista pas. Elle se coucha le cœur en paix. Elle était dans son chalet, il ne l’avait pas mis dehors. Elle avait pourtant senti que s’il n’y avait pas eu cet orage providentiel il l’aurait sans doute laissée partir.
Jack s’assit dans le fauteuil et allongea ses jambes vers le feu. Il tenait dans ses mains le journal de Carolina.
Il hésitait un peu à l’ouvrir. La personnalité de Carolina le troublait, elle était compliquée et il ne voulait pas s’engager dans une voix qu’il n’avait pas choisie. Et puis Carolina était médecin à la base. Elle le soignait quand il était blessé ou malade, elle l’obligeait quelquefois à parler de lui, elle avait une façon très efficace de le faire en le fixant de son regard gris si calme et si étrange. Quelquefois de guerre lasse il lâchait quelques mots, une phrase qui le dévoilaient. Il avait toujours pensé qu’il ne fallait pas mélanger le travail et le plaisir. Enfin c’est le sentiment qu’il voulait donner. Car il savait qu’au fond de lui-même, c’était peut être un peu différent.
C’était un gros cahier.
18 mars : J’ai commencé ce matin mon travail à la base de Cheyenne Mountain. J’ai rencontré SG1, j’ai tout de suite sympathisé avec eux. Sauf avec le colonel O’Neill. Quand je l’ai aperçu, j’ai failli me trouver mal. Il ressemble tellement à Peter.
19 mars : En fait Jack O’Neill de près ne ressemble pas tant que ça à Peter, l’allure générale peut–être, un visage dur, grand, mince, une impression de force et de détermination.
20 mars :  J’ai commencé les visites médicales. Avec O’Neill ça a démarré en fanfare. Je l’ai fait mettre nu, comme les autres, il m’a sorti une phrase très insolente, qui m’a beaucoup choquée.
A l’évocation de cette scène, Jack trouva qu’il avait été un peu fort. Mais elle l’avait tout de suite agacé.
Il passa une partie de la nuit à lire le journal de Carolina. Elle écrivait bien, se décrivait sans complaisance, ne parlait pas de son travail sauf si cela l’impliquait personnellement. Son nom à lui revenait à toutes les pages. Depuis la scène de la prison, elle était amoureuse de lui. Il lut aussi ce qu’elle avait écrit de son départ, quand elle était sortie dans l’indifférence générale.
Elle parlait aussi de la dépression qu’elle avait eue après, de sa vie, ou de sa non vie à New York.
Le journal s’arrêtait la veille.
« Demain, je vais chez Jack, je prendrai ma décision après selon l’accueil que je recevrai. »
Il referma le cahier , et resta songeur un moment.
Il s’endormit devant le feu.
Ils se retrouvèrent sans un mot devant le café qu’elle avait préparé. Ils burent en silence.
Jack reposa sa tasse et lui demanda :
            -C’est quoi la décision que tu dois prendre ?
Elle se défit sous son regard interrogateur. Ses mains tremblaient. Elle renversa son café.
            -Quelle sotte je fais !
Elle se reprit :
            -Tu as lu ? Dit-elle d’une petite voix.
            -Oui j’ai lu, j’ai même tout lu. Je suis d’ailleurs effaré de tout ce que tu écris.
Il ajouta :
            -Excuse-moi, j’ai été assez grossier avec toi.
            -Quand ça ?
            -Lors de la première visite médicale.
            -Oh je vois, c’est pas grave.
            -Tu n’as pas répondu à ma question, insista t-il, c’est quoi la décision que tu dois prendre ?
Après un instant elle lâcha dans un murmure :
            -Vivre ou non.
            -Quoi ? Il sursauta, Tu veux mourir ?
Elle baissait la tête.
Il se leva et l’obligea à se mettre debout, lui releva le menton
            -Regarde-moi Carolina dit-il sévèrement, tu veux mourir ?
            -Oui, dit-elle simplement.
            -Mais pourquoi ? Tu ne vas pas bien ?
            -Non je ne suis pas du tout guérie. On ne guérit pas de ce genre de blessure.
            -Pourtant tu as changé depuis que je te connais. Tu n’as plus rien à voir avec la jeune femme de la prison de Mout.
            -Non, je n’ai pas changé. Je ne sais pas quoi faire de ma vie. Je ne peux pas avoir d’enfants, je ne peux pas fonder une famille.
            -Ah oui, ironisa t-il alors tu t’es dit avec ce bon vieux Jack, c’est pas grave, il ne veut pas d’enfant non plus c’est parfait !
Il avait pris un air tellement dépité qu’elle fut prise d’un fou rire. Il rit aussi et se reprit le premier
            -Je t’interdis bien de penser à la mort. C’est compris ? Tu n’aimes pas ce que tu fais à la base ?
            -Si j’adore ce travail, et puis je te vois. Mais il n’y a pas que le travail dans la vie.
Un lourd silence s’installa, l’ombre de Sam planait entre eux.
            -Tu sais pourtant au fond de toi, qu’il n’y aura jamais rien avec Sam ? Reprit –elle.
Il tiqua.
Elle continua impitoyable :
            -Je ne comprends pas du tout votre relation. Il y a si peu de choses qui passent entre vous, quelquefois un regard ou un sourire peut être un peu plus appuyé, mais c’est peu pour bâtir une vie, tu ne crois pas ? J’ai entendu parler d’un règlement de non-fraternisation. C’est de la foutaise ça, Jack et tu le sais. Je commence à te connaître, il n’y a pas un seul règlement de la base que tu n’aies violé deux ou trois fois, alors pourquoi pas celui-là ? Tu risques souvent la cour martiale pour moins que ça ? Tu ne réponds pas ?
            -Fous-moi la paix avec ça, j’ai pas envie d’en parler, et surtout pas avec toi.
Et puis arrête de jouer la psy. Tu n’es pas à la base ici, tu es chez moi, et je ne t’y ai pas invitée.
Bref rappel qu’elle n’était pas la bienvenue. Sans cet orage elle serait partie depuis longtemps.
Elle regarda dehors, le soleil apparaissait sur les sommets les éclairant d’une lueur rosée, ce serait une belle journée d’été. Elle fit quelques pas, essayant de se reprendre. Elle savait qu’elle était dans une impasse. Mais elle s’obstinait, elle irait jusqu’au bout de son rêve, elle le savait, même si elle devait en mourir.
Elle le regarda, c’était un roc, elle se buterait toujours contre cette force. Elle avait une folle envie de lui, mais il avait raison quand il disait que ce serait une mauvaise idée, une très mauvaise idée. Quelles relations de travail pourraient-ils avoir après ?
Etait-elle vraiment guérie ? Elle savait bien que non, elle n’avait pas eu d’hommes dans sa vie depuis le drame. Elle avait pensé que celui-là aurait pu la comprendre, il avait lui aussi vécu des choses terribles. Elle était sûre d’ailleurs qu’il la comprenait ça se voyait dans son regard. Elle était à la croisée des chemins, Ce qu’elle allait faire ou ne pas faire, ce qu’il allait dire ou ne pas dire, déterminerait toute son existence. Elle avait l’intuition que ce serait lui ou rien, que ce serait lui et la vie, et que sans lui ce serait la mort. Peut-être pas la mort du corps, mais celle bien pire du cœur.
Alors pourquoi vouloir entamer une relation qui serait peut être un échec, qui de toute façon n’aurait pas de suites ?  Finalement son rêve, à l’état de rêve n’était-il pas plus beau ? Il la protègerait des souffrances et des douleurs qu’elle ne supportait plus. Il lui permettrait de prolonger son existence. Ce serait un état de neutralité émotionnelle, dans lequel elle se déplacerait comme dans de la ouate.
Elle restait sur le seuil de la porte regardant sans les voir les montagnes, ses joues étaient inondées de larmes, un chagrin silencieux et poignant, elle commençait un long travail de deuil, la mort de son rêve. La mort de son cœur.
Oh cet espoir qui ne voulait pas mourir !
Discret, il s’était éloigné, il sentait qu’elle voulait être seule un moment. Il était malheureux pour elle, mais ne savait pas quoi dire. Il ne trouvait pas les mots. Bien sûr il y aurait eu les gestes, les caresses, l’amour qu’il pourrait lui apporter. Mais ce ne serait qu’un moment, et il savait que ce n’était pas du tout ça qu’elle désirait. Elle l’aimait, mais il ne sentait pas capable de répondre à cet amour. Il n'y était pas prêt du tout. Il la laissa et commença à monter le petit chemin qui grimpait derrière le chalet. A quelques centaines de mètres il s’assit sur un petit promontoire où il aimait se rendre pour admirer le paysage. Quand il avait besoin de réfléchir c’est là qu’il allait. Autrement il passait son temps à pêcher dans le petit lac. Il se vidait l’esprit de toutes les missions et se reposait. C’est ça qu’il préférait.
            -Jack,
Il se retourna, elle l’avait suivi sur le chemin de pierres. Il la regardait monter, et la trouva très belle, sans maquillage, vêtue d’un jean informe et d’un pull sans manches. Sa peau mate avait la couleur de l’abricot doré par le soleil. Ses cheveux noirs, tombaient en longues boucles sur ses épaules. Ses yeux étaient gonflés d’un flot de larmes, rougis par le chagrin. Malgré lui il la prit dans ses bras et la serra  contre sa poitrine. Elle se cramponnait à lui.
            -J’ai besoin de toi Jack.
            -Pourquoi moi ? Dit-il, parce que je me suis trouvé là quand tu avais besoin d’une épaule compatissante pour pleurer ?
            -Je ne sais pas. En psychanalyse on dirait que je fais un transfert.
            -Oublie tout ça. Il y a trop de choses compliquées dans ta petite tête.
Elle était si bien là contre lui, elle aurait voulu y passer sa vie. Ils revinrent lentement vers le chalet. Elle savait qu’il lui fallait partir, tout avait déjà été dit.
            -Je vais partir dit-elle simplement.
Il ne répondit pas et la raccompagna jusqu’à sa voiture.
Alors répondant à un élan incontrôlable, elle l’embrassa, il ne la repoussa pas, leurs lèvres s’unirent, soudain, ce fut violent, un vrai baiser profond, le cœur de Carolina battait si fort dans sa poitrine.
Enfin, il réagissait.
Ce fut lui qui s’éloigna.
            -Pourquoi tu ne profites pas de ce que je t’offre, tu as sûrement des aventures, ce n’est pas Sam qui t’arrête, alors c’est quoi ? Tu me trouves laide, moche, ridicule.

Il soupira

    -Je ne veux pas d’une aventure avec toi. Tu souffrirais beaucoup trop.
            -Parce que tu es tenté, dis-le-moi une fois que tu me trouves belle.
Il la regarda gravement :
            -Oui tu es belle, oui j’ai envie de toi, mais je ne veux pas, ce ne serait pas une bonne chose.   Reprenez-vous Carolina.
Elle comprit que c’était fini, car il avait repris le vouvoiement qui l’éloignait d’elle à la vitesse de la lumière.
Elle sut qu’il n’y aurait jamais rien avec cet homme.
            -Alors embrasse-moi une dernière fois, un vrai baiser.
Il se pencha vers elle, sa bouche la meurtrissant. Elle savoura ce baiser, passa sa main sur sa peau, le toucha comme elle en avait toujours rêvé. Elle crut sentir une légère caresse sur ses seins, comme un cadeau.
Ce fut elle qui se détacha les yeux pleins de lumière.
            -Rassurez-vous colonel, je ne vous importunerai plus. Cette scène n’a jamais existé. Maintenant je vais rentrer.
Elle se recula, le gravant à jamais dans son cœur. Il disparut dans la maison.
Secouée de sanglots, elle le quitta pour toujours. Oh ! Elle le reverrait à la base, mais ce ne serait plus jamais pareil.

 
 
Conçu par Océan spécialement pour Imagine.
[ Me contacter ]