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Ne remets pas à demain ce que tu peux faire après-demain.
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Verdande : Chapitre 2

Jack referma la porte derrière lui et s’aventura dans la neige qui recouvrait la petite terrasse. De petits flocons recommençaient à tomber, mais la température semblait s’être radoucie. Il s’assit doucement sur un petit banc déjà occupée Lizzie, qui avait cessé de pleurer mais dont les yeux étaient encore rouges.

  • Je suis désolé.
  • Non, vous ne l’êtes pas, dit-elle calmement.
  • Je le suis vraiment Lizzie, me pensez-vous à ce point dénué de cœur ?
  • Je ne sais plus, se contenta-t-elle de répondre en fixant l’étendue neigeuse devant-elle.

Il resta silencieux quelques minutes. Il réfléchissait. Comment allait-il lui dire ce pour quoi il était venu à elle ? Elle venait de perdre la personne qu’elle aimait sans avoir pu y faire quelque chose, c’était une situation qui ne lui était pas inconnue et il savait combien il était difficile de s’en remettre.

  • Veuillez m’excuser pour ce que je vais vous dire Lizzie, mais il faut que je le fasse.

Il attendit une réaction mais la jeune femme resta stoïque.

  • Il faut que je sache si Sam est là, quelque part en vous.
  • Maintenant je sais Andrew, lâcha-t-elle sèchement, vous êtes totalement dénué de cœur.

Il se leva et se posta devant elle. Cela lui faisait mal de continuer ainsi à perdre sa confiance, mais il devait le faire. C’était d’ailleurs Daniel, qui étudiait la relique à l’intérieur, qui lui en avait conseillé ainsi. Lui attrapant brutalement les poignets, il les tira à lui pour la relever jusqu’à ce qu’elle lui fisse face. Elle le regarda sans broncher mais il put dicerner un choc profond dans ses yeux.

  • Beaucoup l’on entendu très distinctement tout à l’heure, vous avez prononcé ‘mon colonel’. Et je vais vous dire ce que vous savez aussi bien que moi si vous jetez un oeil sur votre subconscient. Sam est ici, en vous, aussi bien que je suis à l’intérieur d’Andrew Summerlee. Je ne sais pour quelle raison, elle n’a pas pris le dessus sur vous et j’aimerais qu’elle lutte pour prendre le contrôle. Vous entendez Sam ? Luttez, luttez comme si vous deviez battre un symbiote.

Il attendit.

Impassible, la jeune femme continuait à le fixer.

Il attendit encore.

Soudainement, elle ferma les yeux et ses genoux se dérobèrent sous elle.

~*~

S’il y avait une chose qu’elle appréciait lorsqu’il lui arrivait de perdre conscience, c’était qu’à son réveil, il était rare que le visage inquiet de son colonel ne la surplombe pas. Cette fois-ci ne faisait pas exception.

Elle était tout simplement exténuée. Quand il l’avait supplié de lutter, il lui avait semblé que ses forces lui revenaient soudainement. Elle lui avait obéi et elle avait finit par prendre le contrôle de Lizzie, mais cela l’avait épuisé et elle avait perdu conscience.

  • Sam ?

Elle sourit à l’air concerné de Jack. Elle aimait vraiment qu’il tienne à elle de cette façon. Cette relation qu’ils avaient développés aux fils des ans était tout simplement extraordinaire, et la longue histoire racontée à Lizzie l’avait encore rendue encore plus précieuse à ses yeux.

Pour toute réponse, elle serra sa main qui s’était comme par magie glissée dans la sienne.

  • Je déteste demander à une femme de se lever, mais il faut que nous trouvions une solution pour repartir…

Il l’aida à s’asseoir sur le lit, puis à se mettre debout. Elle chancela les premières secondes, comme si son corps avait quelques réticences à retourner sous son contrôle, puis, aidé par son colonel, elle se stabilisa. Il y avait tout dans leurs regards, plus encore que d’habitude. Le remerciement, l’affection, le soulagement, la chaleur humaine.

  • Jack, Sam ! J’ai besoin de vous ici ! cria Daniel de la pièce d’à côté, brisant un instant qui aurait pu dériver bien plus loin.
  • Heureux de vous revoir, ajouta simplement Jack.

~*~

  • Vous veniez de reprendre la relique des mains de Teal’c et vous vous concentriez dessus.
  • Vous deux êtes arrivés à cet instant.
  • Et puis vous avez marmonné pour vous-même un de ces baragouinages dont je rafole.
  • Qu’ai-je dit ?
  • C’est pas à moi qu’il faut demander… Carter ?
  • C’était de la mythologie germanique selon vous. Vous avez ensuite cité plusieurs noms étranges…

Daniel reporta toute son attention sur l’objet et le manipula avec précaution.

  • En effet, c’est germanique. Il y a le symbole d’Yggdrasil…
  • Hep hep hep… Qu’est-ce que c’est que ça pour commencer ?
  • Yggdrasil, c’est un frêne cosmique. Odin s’y est pendu pendant neuf nuits afin d’acquérir la sagesse… Il est décrit comme l’arbre le plus grand et le plus majestueux qui ait jamais poussé. Une de ses trois racines était enfoncée près d’Asgard, la forteresse des dieux, sous le puit d’Urd où ils tenaient leur réunion quotienne… C’est tout ce dont je me souviens.
  • Urd… je crois que vous avez en effet prononcé ce nom, c’est d’ailleurs à peu près à cet instant que tout a basculé, je crois.
  • Urd ? Voyons, c’est une des trois Nornes, les Parques germaniques. Elle représente le passé ou le destin, et elle est associée à ses sœurs qui représentent quant à elles le présent et le…

Il s’interrompit quand il remarqua que ses amis le regardaient avec insistance.

  • Quoi ?
  • Urd… Passé… Vous ne croyez pas qu’il y a un quelconque rapport ?
  • Oh ! Eh bien logiquement si.
  • Alors, vous proposez quoi ?

Daniel se tourna vers la jeune femme.

  • Sam, vous avez dit qu’au mot Urd, tout s’est déclenché ?
  • Hum…
  • Eh bien je pense que pour aller dans le futur il faudrait tout simplement prononcer Skuld…

~*~

Il y avait de nouveau eu cette lumière rouge qui s’était échappée de la relique, mais cette fois, tout était différent. Ils avaient été englobés, puis, plus rien. Du blanc et de l’argenté, un sol sans consistance et un espace sans dessus dessous, où les notions d’intérieur et d’extérieur n’avaient plus aucun sens, ni plus ni moins. Jack attrapa la main de son major… du moins il espérait que ce fut la sienne et non celle de Daniel. Ses sensations étaient toutes chamboulées et son regard fixé sur la tache de couleur droit devant lui sans qu’il ne puisse rien y faire. Une silhouette qu’il reconnu comme étant celle de l’archéologue se dirigeait déjà vers elle. La main qu’il tenait l’y entraîna à son tour.

Lorsqu’ils eurent atteint leur but, tout sembla s’atténuer. L’espace multidimensionnel s’estompa. La gravité finit par prendre le dessus et les couleurs prirent une signification. C’était un arbre. Un gigantesque frêne qui n’en finissait pas d’étendre ses branches vers le ciel, ou quoi que ce fut.

A son pied, se tenaient trois femmes. L’une, agée, était assise sur une racine et jetait occasionnellement quelques graines à deux cygnes qui nageaient dans un petit étang. La seconde était debout, majestueuse, belle comme un soleil. De long cheveux dorés glissaient en d’interminables boucles le long de son dos. Elle souriait, radieuse. La dernière était aussi assise, emmitoufflée dans un manteau vert. Elle restait invariablement tournée vers l’astre levant.

  • Où sommes-nous ? demanda Daniel en guise d’approche.
  • Au pied d’Iggdrasil, répondit la jeune femme. Je suis Verdande, et voici Urd et Skuld. Vous avez fait une erreur en appelant Skuld devant la relique, mon nom vous aurait renvoyé chez vous. Mais vous êtes maintenant dans l’empire du futur, ce qui nous permet de vous rencontrer enfin.
  • Eh bien nous sommes… enchantés, conclu sincèrement le jeune archéologue.
  • Loin de moi l’idée de vous froisser Daniel Jackson, mais je parlais de ceux nommés Samantha et Jonathan.

Elle leva soudainement un bras vers le ciel et prononça quelques mots dans un dialecte qui leur était inconnu. Le tronc de l’arbre se fissura derrière elle et un brouillard pourpre en sortit. Aussitôt qu’il eut atteint Daniel, celui-ci s’éclipsa.

  • Où est-il passé ? s’alarma Sam.
  • Ne vous inquiétez pas, il est en sureté. Il en sera de même pour vous dans quelques instants mais nous avons certaines choses à vous apprendre, préalablement.

La vieille femme prit alors la parole pour la première fois. Étonnamment, sa voix n’était ni enrouée, ni fatiguée. Elle s’apparentait même à celle de sa sœur, Verdande.

  • Vous n’avez pas été envoyé dans le passé par hasard, jeunes gens. Le destin en avait décidé ainsi. J’en avais décidé ainsi si vous préférez.
  • Où voulez-vous en venir ? questionna Jack qui en profita pour entrelacer ses doigts avec ceux de Sam.
  • Patience, patience… Le temps n’est pas important.

Seule la vie est importante, marmona Jack pour lui même. Il avait l’impression de vivre ce film de science-fiction qu’il avait regardé en compagnie de Teal’c avant de partir pour l’Angleterre.

  • Vous ne croyez pas si bien dire. Vous avez ainsi pris connaissance de l’existence de ce que l’on appelle les vies antérieures, et ce dans un seul but, vous apprendre que vos destins sont immanquablement liés.
  • Oh, s’il vous plait, épargnez-nous les classiques…
  • Mais jamais dans les meilleures conditions… Lizzie et Andrew sont tout deux rentrés par le premier navire en partance pour la Grande Bretagne. Le fils d’Andrew est né quelques mois plus tard, mais est décédé de la grippe à l’âge de dix ans. Jane, sa femme, est morte de chagrin et il a cédé son empire du textile à son neveu pour terminer sa vie retiré dans le sud de l’Italie. Quant à Lizzie, elle a fini par se marier cinq ans plus tard à un homme de bon genre avec qui elle n’a jamais eu l’occasion d’avoir d’enfants. Il est d’ailleurs mort peu de temps après.
  • Je m’abstiendrai de dire que ça a un air de déjà vu…
  • Je pourrais facilement vous citer les destins de plusieurs de vos vies antérieures, car elles semblent être tout simplement maudites. Elle se croisent, se veulent, s’en veulent et se perdent de vue… Une exception est faite à la règle cependant. Le couple originel.
  • Pardon ?
  • Lif et Lifthasir. Vous demanderez à votre ami de vous fournir plus de détails. Ils se sont abrités à la fin du monde dans les branches ensoleillées d’Iggdrasil, et ont ainsi survécu au Ragnarök. Ils descendirent de l’arbre à l’aube d’un nouvel âge avec pour mission de repeupler la Terre.
  • Wow, y’avait du boulot…

Ce fut au tour de Skuld d’ouvrir la bouche. Elle détourna les yeux du soleil et les tourna vers eux, comme hypnotisée.

  • C’est une légende Samantha. Mais je peux affirmer que le couple a réellement existé. Il a juste été maudit par Loki, le dieu du feu, après son passage dans le camps des ennemis de Thor. Je voulais juste que vous le sachiez. Il faut également savoir que Loki est mort à présent. Il ne tient qu’à vous de détruire ce qu’il a construit.

Avant qu’ils n’aient pu ajouter quoi que ce soit, le brouillard pourpre sortait de nouveau de l’arbre sur la commande de Verdande.

~*~

     

  • Je reconnais l’écriture, mais il me faudrait plus de temps pour l’analyser… déclara le linguiste qui plissait les yeux sur la relique… Je crois qu’il s’agit d’une légende de la mythologie germanique, il y a les symboles d’Yggdrasil, des trois sœurs Urd, Verdande et Skuld…

     

Peter Lytton apparut dans le cadre de la porte en faisant tinter son trousseau de clés.

  • Daniel, il faut vraiment que le musée ferme maintenant…

A contrecœur, l’archéologue acquiesça et replaça la relique dans l’amulette. Lytton la déposa délicatement sur son socle et fit jouer une des nombreuses clés dans la serrure.

  • Permettez-moi de vous payer un verre, j’ai fini mon service, déclara-t-il, tout sourire.
  • Je n’y vois aucun inconvénient, répondit Daniel sur le même ton. Jack ?
  • Non, non, bien sûr, allons-y…

Le jeune homme fit semblant d’ignorer l’air peu convaincu, presque déstabilisé, de son ami. Il tirerai ça au clair plus tard.

  • Vous venez Murray ?

Les trois hommes partirent en tête en discutant de choses et d’autres, mais les deux personnes qui voulaient tant partir quelques minutes auparavant restèrent immobiles à les regarder quitter la pièce. Au bout d’un certain temps, quand il se furent assurés qu’ils étaient seuls, leurs regards se croisèrent enfin. 

  • Ce n’était pas un rêve, n’est-ce pas ?
  • Non. Définitivement pas, répondit Sam d’un air convaincu.
  • Bien, alors…
  • Alors ?
  • Alors je ne sais pas. Il va me falloir un peu de temps pour digérer tout ça… Cette histoire de couple originel autant que la blessure dans les yeux de Lizzie…
  • Je comprend… Ca ne doit pas quitter cette pièce, encore une fois ?
  • Je le crois, pour l’instant du moins. Nous avons un combat à mener, et si j’ai bien compris les paroles des Nornes, on survivra au Ragnarök… J’imagine qu’on mettra tout à plat après la fin du monde.

Sam sourit. Elle repensa brièvement à cette histoire qu’elle avait entendu par l’intermédiaire de Lizzie. C’était une merveilleuse histoire. Plus merveilleuse encore que ces contes que sa mère lui racontait avant qu’elle ne s’endorme. Un mélodrame au refrain agréablement sucré, au goût de reviens-y. Daniel leur hurla de se dépêcher un peu, à moins qu’ils ne veuillent passer la nuit en compagnie d’artefacts. Jack commençait à s’éloigner quand elle le rappela.

  • C’était faux Jack, mon sourire n’est pas inconditionnel. Je ne l’offre pas à n’importe qui.

Il fut parcourut par une vague de tendresse. Ce genre de bouleversement qui lance une onde de chaleur vers le cœur et qui vous crie que vous êtes incroyablement chanceux. Il revint sur ses pas et planta un chaste baiser sur ses lèvres, avant même que son esprit n’ait pu donner son accord.

  • Je vous adore major.

~*~

Fin

 

Sir Andrew Summerlee - Jack

Lady Elizabeth *Lizzie* Hearn - Sam

Docteur William Simpson - Daniel

Docteur Thomas Illingworth - Ami de Simpson, fiancé de Lizzie.

Sir Lawrence Clifford – Coéquipier dans l’expédition

Capitaine Bolton - Capitaine du bateau

Edward Bradbury - Conférencier

Jane Summerlee - Femme d’Andrew Summerlee

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