Elle s’arrêta au milieu de sa phrase, Jack était bouleversé, Sam avait le teint terreux, elle semblait à bout de forces et à bout de souffle. Il s’assit sur le bord du lit et tint sa main dans la sienne. Il caressa légèrement les doigts glacés, puis la prenant dans ses grandes mains essaya de la réchauffer.
-Je vous interdis bien de mourir Carter ! c’est un ordre.
-Oui mon général dit faiblement la malade. Je voulais… écoutez moi…
Jack se pencha pour mieux saisir les mots qui s’échappaient des lèvres pâles de la jeune femme.
-Vous ai entendu… avec le docteur… trop dangereux … elle a raison. Itzamna trop cruel… faut rien tenter…. Laisser mourir… le SGC…
Jack savait bien qu’elle avait raison, c’était très dangereux de vouloir forcer Itzamna dans son repaire et pourtant il avait pris sa décision, il irait. Rien ne pourrait le faire changer d’avis, il faudrait juste trouver les bons moyens pour que cette mission ne se transforme pas en suicide.
-Ne vous faites pas de soucis Carter, on va trouver une solution, mais vous guérirez.
-A vos…ordres…
Epuisée, elle ferma les yeux et s’endormit. Il la regarda dormir un instant, puis à regrets s’éloigna du lit de la jeune femme. Il alla voir Daniel et Teal’c qui étaient dans le même état.
Une rage sourde l’empoigna, cette façon de faire la guerre le révoltait, s’attaquer lâchement à quelqu’un par poison interposé était indigne d’un guerrier. Cet Itzamna était un serpent répugnant, il se promit de le détruire.
O’Neill fit venir Cathy O’Donnell, l’assistante de Daniel et le professeur Lee. Ils se réunirent tous les trois dans le bureau de Jack.
-O’Donnell, savez-vous combien de planètes possède Itzamna ?
-Il y a Tegucigalpa, répondit la jeune femme, la planète où SG1 est partie en mission en octobre dernier, Yutacan la planète mère du dieu, une planète sans naquadah. Il possède également P9N543, et P7H523, où ils ont été fait prisonniers.
-Que pouvez-vous me dire d’autre sur ce Goa’uld ? est-il puissant ?
-Il n’a pas rang de grand maître dit-elle ce qui veut dire qu’ils ne possède pas une armée de jaffas assez puissante pour soutenir une guerre. Il a été par le passé en butte à des Goa’ulds plus puissants que lui.
La jeune archéologue parlait sans chaleur, avec une précision toute technique. Elle connaissait bien son sujet et développa un long exposé devant le général O’Neill qui était suspendu à ses lèvres. Il regrettait de n’avoir pas ou mal écouté le topo qua Daniel avait fait sur Tegucigalpa et le Dieu Maya.
Elle retraça la vie du dieu, les évènements connus dans la mythologie maya.
Itzamna était une importante divinité du panthéon Maya. Il était le fils d’Hunab le créateur. Il était le dieu du Ciel, de la Nuit et du Jour. Dans ces deux dernières fonctions, il était étroitement lié à Kinich Ahau, le dieu du soleil, "le seigneur de l'Oeil du Soleil", que l'on adorait particulièrement à Izamal, au nord du Yucatan, et à Ix Chel la déesse de lune dont il était sans doute l'époux. Il avait inventé l'écriture, les livres et établi les cérémonies religieuses. Il avait donné le nom aux diverses contrées du Yucatan. Il enseignait la médecine aux guérisseurs. C'était une divinité bienveillante qui était plutôt adoré par les classes riches de la société. Itzamna était l’objet d’un culte, au début de chaque année : on lui sacrifiait un chien voire un homme. Le sacrifié était précipité du haut d’une pyramide. Une fois au sol, on lui arrachait le coeur pour en faire l’offrande au dieu.
-Un dieu bienveillant ? Ce n’est pas l’impression que ça donne jusqu’à présent dit O’Neill en haussant les sourcils.
-Ce dont je vous parle c’est ce que dit la mythologie Maya. Maintenant le Goa’uld Itzamna peut être très différent. Il possède les caractéristiques générales du dieu , mais le côté mégalomane du Goa’uld en fait un personnage très distinct du dieu d’origine. L’abus du sarcophage a fait le reste. C’est le cas de tous les Goa’ulds.
-Vous pensez qu’il est sur la planète Yutacan ? demanda O’Neill.
-D’après ce que j’ai compris c’est son lieu de résidence habituel. Cependant il lui arrive de séjourner sur ses autres possessions.
-On a plus de chance de le trouver sur Yucatan ?
-Oui, général O’Neill répondit la jeune femme.
O’Neill se tourna vers le professeur Lee.
-Au niveau technologique a-t-il des points faibles que nous pourrions exploiter ?
-Il possède les mêmes technologies que les grands maîtres Goa’uld. A savoir tout le technologie dérivée du naquadah. Il a cependant un atout, il est comme Nirti, un scientifique et un expert dans l’art des poisons et des contrepoisons. Il a beaucoup voyagé dans toute la galaxie et serait venu sur terre il y quelques siècles, et il s’est parait-il inspiré de Cosimo Ruggieri, l’astrologue de Catherine de Médicis. Il aurait retrouvé de vieux grimoires appartenant au grand savant, c’était une sorte d’éminence grise , un astrologue de talent, un maître dans la science des poisons, sans qui Catherine de Médicis n’aurait jamais pu avoir autant de pouvoir sur ses ennemis.
-Je vois, je vous remercie tous les deux, dit-il en leur faisant signe de sortir.
Il resta seul un moment à réfléchir. Il fallait établir une stratégie très serrée, un plan d’attaque imparable, un piège dans lequel Itzamna tomberait.
A l’infirmerie Sam reprenait conscience. O’Neill était resté à son chevet. Il était fatigué et s’était endormi sur la chaise, la tête penchée. Il sursauta quand l’infirmière s’approcha du lit.
-Vous devriez vous reposer mon général dit-elle à voix basse pour ne pas fatiguer la malade.
-Je vais bien dit-il, en passant la main sur les muscles endoloris de sa nuque.
Sam ouvrit les yeux et le premier visage qu’elle vit fut celui de Jack. Une étincelle s’alluma dans son regard, vite éteinte par la douleur et l’épuisement. il lui sourit vaillamment malgré son inquiétude.
-Alors Carter ! on a encore fait un gros dodo !
-Fatiguée dit-elle, avec un semblant de sourire.
O’Neill composa le numéro de Sandra Lassiter
-Elle est réveillée dit-il.
Sandra lui fit un examen rapide, par discrétion O’Neill s’éloigna du lit.
-J’ai toujours très mal dans mon épaule, dit Sam.
-Je sais, répondit Sandra, je peux vous donner des calmants si vous voulez .
le regard des deux femmes s’accrochèrent.
-Vous n’avez toujours rien trouvé dit Sam faiblement, ce n’était pas une question qu’elle posait mais plutôt une évidence.
Sandra lui essuya les gouttes de sueur qui perlaient sur son front.
-Malheureusement non. Mais nous continuons à chercher. Tous les techniciens du labo travaillent d’arrache pied jour et nuit.
Sam avait compris depuis longtemps qu’elle et ses amis étaient condamnés. Seul Itzamna pourrait faire quelque chose pour eux. Mais pourquoi le ferait-il ? Son but était de les tuer pas de les sauver. La fièvre de Sam avait un peu baissé, mais le docteur Lassiter ne se faisait pas beaucoup d’illusion.
L’état de Daniel et de Tea’lc s’améliorait aussi lentement. C’était incompréhensible. Sandra se sentait totalement dépassée. Elle avait pourtant fait appel aux meilleurs spécialistes des poisons, les archives de la base avaient été pillées, à la recherche du moindre indice, toutes les connaissances accumulées depuis sept ans avaient été examinées soigneusement. Mais en vain.
-Ils vont mieux mais ce n’est qu’une rémission dit Sandra au général O’Neill. La prochaine fois, hélas….
Cela conforta Jack dans l’idée qu’il fallait faire quelque chose et très vite.
Jack avait décidé qu’ils partiraient tous les quatre. Il fallait profiter d’un répit dans la maladie de ses amis pour agir. Il s’était écoulé une dizaine de jours entre les deux accès de fièvre et de douleur. C’était largement suffisant, même s’il n’y avait aucune certitude quant au moment de la crise suivante.
Yucatan était leur destination. Ils attendaient l’ouverture de la porte dans la salle d’embarquement. Un moment comme autrefois quand ils allaient tous en mission ensemble, réunis comme les doigts d’une seule main. Ils auraient savouré cet instant s’il n’y avait pas eu l’épée de Damoclès suspendue au dessus de leur tête.
L’atmosphère était chargée d’émotion car les voyageurs étaient bien pâles et bien fatigués pour faire un tel déplacement. O’Neill devant les risques encourus avait souhaité partir seul avec eux. Pourtant de nombreux volontaires s’étaient proposés pour les accompagner. Le général avait refusé tout net.
-Si nous ne revenons pas, le projet Porte des Etoiles doit continuer sans nous. Vous aurez un nouveau commandant et vous devrez poursuivre votre travail, accomplir votre devoir qui est de lutter contre les Goa’ulds et défendre la terre contre toutes les attaques possibles et inimaginables.
Chacun était à son poste, le vortex brillait de sa lueur bleue, dans la salle d’embarquement tout était prêt. Sam ne tenait debout que par la seule force de sa volonté, O’Neill la prit par la taille et la soutint la serrant bien fort contre son flanc. C’est ainsi que l’un soutenant l’autre, ils passèrent la porte. Daniel et Teal’c partis avant eux les attendaient de l’autre côté.
Planète Yucatan Avril 2005
C’était une belle journée de printemps sur Yucatan, un vent léger et tiède soufflait dans les ramures d’une végétation luxuriante. Des fleurs, des plantes à profusion, un magnifique ciel bleu.. C’était un paysage idyllique qui invitait au repos et à la détente.
Le temple du dieu était situé à trois kilomètres de la porte. Ils avançait lentement. Sam et Daniel étaient fatigués. Teal’c avec sa force naturelle réagissait mieux et pouvait même aider Daniel.
Jack n’avait pas lâché Sam. Il la tenait toujours contre lui.
-Daniel ? vous êtes sûr de la direction demanda t-il après une heure de marche.
-Oui, absolument sûr, seulement nous n’allons pas vite du tout dit-il essoufflé par le moindre effort.
-Bon, je propose qu’on fasse une pause dit Jack. Vous avez tous l’air au bord de l’évanouissement.
Ils s’assirent par terre lourdement et Teal’c tira une gourde d’eau de son sac.
-Tenez colonel, buvez un peu dit-il à Sam.
Elle but avidement quelques gorgées.
-Merci Teal’c, j’avais très soif.
-Il faut dire aussi qu’il fait chaud dit O’Neill en s’épongeant.
La chaleur avait augmenté de quelques degrés en une heure, le deuxième soleil était apparu et au fur et à mesure qu’ils avançaient il y avait de moins en moins de végétation.
Ils parlaient de tout et de rien pour combler un silence qui les gênait. Pour oublier pendant quelques minutes pourquoi ils étaient là. Pour recréer quelque peu l’ambiance de leurs missions d‘autrefois quand ils étaient tous ensemble dans SG1.
Il reprirent leur route au moment où le troisième soleil se levait à l’horizon. Il était énorme et sa lumière rasante jetait un éclat rougeâtre sur le paysage devenu tout à coup beaucoup plus clairsemé.
-Je n’y comprends rien dit Sam, on est sur une planète tropicale ou désertique ?
-Je pense que la porte est située dans une oasis dit Daniel.
-Cela ne ressemblait pas à une oasis, mais plutôt à un jardin luxuriant. Le palais du dieu devrait être près de la porte et pas dans ce désert.
La chaleur maintenant était accablante, ajoutée à la fièvre des trois amis, il leur semblait dériver dans un monde de chaleur et de couleur où rien ne paraissait réel, où les mirages succédaient aux mirages et où leur esprit s’enfonçait de plus en plus dans la confusion et le doute.
O’Neill les voyait sombrer, il fallait qu’il ait de la clairvoyance pour quatre, mais lui-même se sentait un peu perdu, et la douleur de son dos le reprenait. Le fait de porter à moitié Sam n’y était sans doute pas étranger.
Ils s’étaient à nouveau laisser tomber sur le sol, épuisés.
Jack prit les choses en main.
-Arrêtez de parler leur dit-il, il faut nous concentrer sur ce temple et y arriver le plus vite possible c’est notre seule chance de survie. Allez courage on se remet debout.
Et comme ils réagissaient mollement à ses ordres, il les bouscula, les forçant à se relever, il les prenait par le bras,
-Allez ! On se lève ! il faut y aller,
Devant leur manque de réactions, il cria encore plus fort :
- C’est un ordre !
Par la force de l’habitude en entendant leur chef les commander ils se levèrent et reprirent leur marche forcée, il restait plusieurs centaines de mètres, quand O’Neill aperçut le sommet d’une pyramide dans le lointain.
-C’est là, courage on y est presque, cria t-il.
Ils avançaient un pas puis un autre, véritable chemin de croix vers une liberté toute proche ou peut être tout simplement la mort.
Le doute s’insinuait dans l’esprit de Jack. Pourquoi le dieu les guérirait-il ? Que demanderait-il en échange ? Pourrait-on le satisfaire suffisamment pour qu’il accepte de les soigner ?
La pyramide était là devant eux, une immense construction faite dans une pierre brune. A côté le palais d’Itzamna. Après leur traversée du désert c’était comme s’ils étaient arrivés au paradis. La chaleur était intense mais il y avait de l’ombre procurée par des arbres. C’était une oasis identique à celle de la porte. Un ruisseau coulait à quelques mètres du temple, ils plongèrent avec délice leurs mains dans l’ eau fraîche et s’aspergèrent le visage chassant la chaleur et la poussière du voyage.
Les jaffas fondirent sur eux avant qu’ils ne soient relevés. Ils les remirent debout brutalement et sous la menace de leur lance ils les conduisirent à l’intérieur du palais.
On les enferma dans une pièce et le bruit de la clé tournant dans la serrure sonna pour eux comme un glas. Ils étaient prisonniers. On leur avait laissé leurs affaires mais pas leurs armes, et pas une parole n’avait été prononcée.
O’Neill ouvrit son sac et sortit des médicaments. Sandra Lassiter l’avait briefé avant le départ. Il prépara une seringue pour chacun et fit la piqûre à Daniel et à Teal’c en premier. Quand il s’approcha de Sam il vit qu’elle s’était évanouie. Il lui fit aussi sa piqûre et l’appela doucement, puis il lui donna de petite claques sur le visage pour la faire revenir à elle. Elle ouvrit ses paupières lourdes de fatigue et s’épuisement.
-Ça va dit-elle en voyant penché sur elle le visage inquiet de son supérieur. C’est juste l’épuisement.
Elle voulut se lever mais il l’en empêcha.
-Ne bougez pas, dit-il.
Il l’aida à s’asseoir le long d’un mur, et elle resta un moment immobile sans bouger le temps que le médicament agisse.
O’Neill était désemparé, il ne voulait pas le montrer à ses amis, mais personne n’était dupe. Leur voyage ne se déroulait pas comme prévu. On les avait enfermés, peut être allait-on les laisser croupir dans cette pièce, et crever comme des bêtes. Le silence était pesant, Jack aussi était fatigué, chacun se renfonça dans ses sombres pensées, ne voulant pas prononcer un mot de plus de peur de dire l’irréparable.
Au bout de plusieurs heures Jack se leva, il se mit à arpenter la pièce d’un long pas furieux. Il grommelait incapable de se contenir plus longtemps. Il tapa à grand coups de poings et de pieds dans la porte qui ne bougea pas d’un centimètre.
Une semaine plus tard rien n’avait changé, sauf leurs corps qui s’épuisaient de plus en plus. Jack était terrifié par son impuissance. Une colère permanente l’animait. Le dieu cruel l’obligeait à regarder mourir ses amis. Il venait de leur faire la dernière injection de morphine. Il glissa les dernières gouttes d’eau entre les lèvres desséchées de Sam. Lui-même avait arrêté de boire la veille, gardant le précieux liquide pour ses amis qui en avaient besoin plus que lui. les rations étaient épuisées. Bientôt ce serait la mort. Jack se dépensait sans compter pour eux, il s’évertuait à les empêcher de sombrer, ils les maintenait éveillés dans la journée, en leur parlant, en les secouant, en leur inventant des histoires pour les faire tenir, en leur faisant croire que les jaffas lui avaient dit que le dieu était en voyage et reviendrait le lendemain. Ils répondaient par monosyllabes, croyant tout ce qu’il voulait bien leur raconter, la fièvre leur brouillant l’entendement.
Dix jours après leur arrestation les trois amis étaient à nouveau aux portes de la mort. D’après ce qu’avait dit Sandra la troisième attaque leur serait fatale. Ils étaient allongés tous les trois à même le sol la tête soutenue par leur veste roulée en boule. Plus loin Jack dormait épuisé par ce combat incessant et perdu d’avance. Il dormait mais les sens toujours en éveil, le moindre gémissement le retrouvait à genoux au chevet de l’un ou de l’autre. Il essuyait la sueur des fronts, mais ne pouvait rien faire de plus.
Ce jour là était différent des autres jours, il y avait du bruit à l’extérieur. Le soupirail étant trop haut il ne pouvait pas voir dehors, il attendit le coeur battant à tout rompre. La porte s’ouvrit à la volée, et les jaffas qui vinrent les chercher ne furent pas étonnés de voir les trois personnes allongées sur le sol, immobiles. Un jaffa fit signe à O’Neill de le suivre tandis que les autres prenaient dans leur bras les malades.
O’ Neill ne vit rien de la splendeur du palais d’Itzamna, des hauts plafonds décorés, des fresques courant le long des murs, des immenses salles ornées et richement meublées, des tentures colorées, couvrant les pierres. Non il ne vit rien de tout cela, pour la première fois de sa vie, il avait hâte de voir un Goa’uld. Jamais il ne s’était senti aussi impuissant ni aussi humilié. Il était dans une position de faiblesse insoutenable et il détestait cela. Pourtant il savait que pour ses amis il était prêt à tout, même au pire.
Itzamna était assis sur un trône en or. Trois marches conduisaient à ce siège monumental, sur chacune de ces marches une jeune fille toute de blanc vêtue, telle une sorte de vestale qui tenait dans la main un flambeau allumé, hommage au dieu du jour et qui éclairait le trône d’une lumière blanche et presque éblouissante pour le prisonnier qui venait d’un sombre cachot.
En d’autre temps O’Neill aurait ricané devant tant d’arrogance, là il ne dit rien se contentant de regarder le dieu droit dans les yeux.
-Prosterne-toi ! cria celui-ci.
On le poussa et il tomba sur les genoux avec un gémissement.
Quelques instants de silence passèrent tandis que le dieu regardait les trois corps étendus au pied du trône.
-Jack O’Neill dit Itzamna de sa voix rauque tandis que ses yeux s’illuminaient. Tu sais que ta réputation est grande dans toute la galaxie.
Il s’arrêta un instant et jetant un regard aux formes immobiles sur le sol
-Je vois que c’est une réputation surfaite ! dit-il en prenant plaisir à saisir dans l’œil d’O’Neill la rage et la colère.
-Voilà enfin devant moi, le chef de la Taur’i ajouta t-il d’un air satisfait, en croisant ses bras sur sa poitrine. Il avait l’air rusé d’un fauve guettant sa proie.
O’Neill ne le contredit pas, il n’ était pas le chef de la Terre, mais si le dieu voulait le croire, peut être que cela pourrait faire son affaire.
-Pourquoi es-tu venu jusqu’ici ?
-Pour eux, dit Jack en montrant d’un mouvement de la tête, les formes étendues.
Le dieu parut surpris , un sourire cruel sur les lèvres il reprit :
-Et qu’est ce qui te fait croire que je peux quelque chose pour eux ?
-Tu les as empoisonnés, tu peux les guérir !
Itzamna parut surpris, ces terriens étaient décidément très forts, comment avaient-ils su ? il posa la question à O’Neill.
-On est plus malin que tu ne le penses dit Jack en relevant la tête et en plongeant son regard au fond des yeux du dieu.
-Ah oui, tu crois cela ! Je n’en suis pas si sûr !
-Naturellement puisqu’on est là ! répliqua Jack sans se démonter.
Le dieu pencha la tête vers l’arrière et partit d’un formidable éclat de rire qui roula sous les voûtes longtemps après que le dieu se fut tu.
Jack se troubla, où voulait en venir ce maudit Gao’uld ? Cette conversation était une perte de temps, pendant ce temps là ses amis étaient à l’agonie.
-Peux-tu les sauver ? dit-il d’un ton las.
A cette question le visage du dieu se figea, il descendit de son trône et prenant Jack par le bras il le fit se lever. Il le regarda un long instant en silence. L’homme était sale, avec une barbe de dix jours, les vêtements froissés, le visage creusé par la fatigue et l’angoisse, et pourtant dans cet homme déchu, Itzamna trouva une force et une énergie incroyable. Au fond de lui il devait bien reconnaître que la réputation de cet homme n’était pas usurpée. Naturellement il ne le dit pas et se contenta de l’observer en silence. Les deux protagonistes étaient de taille égale, et s’affrontaient du regard en silence. Jack soutint sans ciller le regard cruel et ironique d’Itzamna.
-Pourquoi les sauverais-je ? dit-il à voix basse. J’ai semé la mort en eux, dans le seul but de les détruire, et par là même je t’atteins.
Le dieu non sans finesse avait trouvé ce qui faisait le plus souffrir Jack, voir mourir ses amis sans pouvoir rien faire.
-Je les laisse mourir sous tes yeux, et je ne te tue pas. Je te laisse vivre avec ce souvenir qui empoisonnera ton existence jusqu’à la fin de tes jours, et t’ôtera ta force de guerrier. Ce sera la fin de ta planète. Dans quelques temps je pourrai l’envahir, elle sera sans défenses. N’est ce pas que c’est un joli plan ? dit le dieu en tournant autour de Jack.
Celui-ci restait immobile se retenant de toutes ses forces pour ne pas sauter à la figure de cet arrogant. Mais ce serait une bien piètre victoire, indigne de lui, et des responsabilités qui lui incombaient.
-Qu’est ce que tu demandes en échange ? dit Jack d’une voix sourde.
-Tu es prêt à négocier ?
Jack dut se forcer, mais le oui qui sortit de ses lèvres était presque inaudible.
-Je n’ai pas bien entendu , redit –le plus fort.
-Oui, hurla t-il les traits déformés par la colère. Il ne savait pas s’il tiendrait longtemps car son cœur était sur le point d’exploser de rage et de douleur contenues.
-Et que proposes-tu en échange de leur vie ?
-Je veux savoir d’abord si tu as le contrepoison et si tu peux les guérir.
-Oui, je le peux, dit le dieu en sortant une petite fiole de sa poche. Avec cela quelques gouttes sur leur lèvres et dans une semaine ils sont guéris. Dans ce flacon il y en a juste assez pour eux trois, dit Itzamna sans lâcher du regard les yeux sombres d’O’Neill.
Jack eut une pensée étrange à ce moment là, son cœur rata un battement il lui avait semblé que le ton du dieu avait changé et se faisait plus menaçant, plus inquiétant. Il eut l’intuition que quelque chose de terrible allait se passer. Il frissonna, mais se reprit. Ne pas se troubler devant le Goa’uld était pour l’instant la chose la plus importante à faire. Ne pas lui faire voir la peur qui lui étreignait les entrailles. Il se raidit, et parla d’une voix ferme, avec un aplomb qu’il était bien loin d’éprouver.
-C’est d’accord. Je te propose un échange. Leur vie contre la mienne.
Le dieu éclata d’un rire tonitruant et insultant.
-Ta vie ? redit –il, il m’en faut beaucoup plus.
-Et pourtant, je suis le chef de la Tauri dit Jack, si je suis retenu prisonnier les miens chercheront à me retrouver.
-Je te garde et je laisse ceux-là ? c’est bien ça ? Ce n’est pas un marché égal que tu me proposes.
-Si je suis leur chef dit Jack, ils m’obéissent en tout.
-Ce sont tes esclaves ?
-Pas vraiment, mes amis plutôt, mais sans moi, ils sont perdus, et n’ont plus de force. Jack s’en voulait un peu de proférer d’aussi gros mensonges, mais personnes n’étaient là pour le contredire, il espérait seulement que le dieu mordrait à l’hameçon.
-Que ferais-je de toi ? Que m’apporteras-tu ?
-Je suis un guerrier tu l’as dit tout à l’heure, le chef de ma planète, je peux commander efficacement une de tes armées. Je peux devenir ton bras droit.
-Il faudrait d’abord que tu gagnes ma confiance dit le dieu, je ne vais pas te mettre à la tête de mes armées d’emblée.
-Naturellement dit Jack, furieux contre lui, il ne fallait pas brûler les étapes, il se maudit intérieurement. Mais il n’était pas un bon négociateur, c’est Daniel qui aurait dû être là à sa place si la maladie ne l’avait pas rongé au point de le rendre inconscient.
Le dieu reprit imperturbable.
-Pour que tu sois le chef de mon armée, il faudrait d’abord que tu deviennes un hôte.
Jack frissonna, le cœur au bord des lèvres, il avait pensé à tout sauf à ça. Que le dieu veuille faire de lui un vilain serpent. Et pourtant c’était logique, il ne pourrait pas avoir confiance en un humain, mais en un serpent, oui. S’il le choisissait fidèle et obéissant.
-Je vais réfléchir à ta proposition, reprit le dieu, sans s’apercevoir du trouble de Jack. Pour le moment tu feras tes preuves dans la mine, tu prononceras un serment d’allégeance envers moi, la plus petite des trahisons et ce sera la mort dans d’horribles tourments et tu auras droit au sarcophage autant de fois qu’il me plaira.
D’un geste le dieu fit signe aux jaffas de les emmener. On les conduisit dans une autre salle du palais. Il y avait trois lits, des sortes de nattes sur le sol, sur lesquelles les jaffas allongèrent les trois malades.
Quelques minutes plus tard, un homme fit son entrée. C’était un vieillard à la barbe blanche, ses longs cheveux étaient nattés et retombaient de chaque côté de son visage.
-Qui êtes-vous ? demanda O’Neill.
-Je suis médecin, le dieu ma donné un médicament pour vos amis pour qu’ils tiennent le temps qu’Itzamna réfléchisse à votre proposition.
Jack s’allongea à même le sol. Il ne parvenait pas à dormir malgré son épuisement. Devenir un goa’uld, le pire pour lui qui haïssait les serpents plus que tout. Tout son être se révoltait à cette idée. Et pourtant il était prêt au sacrifice suprême pour sauver ses amis. ELLE ne pouvait pas mourir ici, sur cette planète, en raison de la mégalomanie et de la cruauté d’un seul. C’était impossible . Elle était jeune et belle. Elle avait la vie devant elle, elle ne méritait pas de mourir maintenant dans d’atroces souffrances.
Il se releva et alla s’allonger près d’elle. Il prit sa main glacée dans la sienne et finit par trouver le sommeil, le cœur en paix après avoir pris sa décision. Il accepterait tout, pourvu que le dieu les guérisse.
Le lendemain Jack, seul fut conduit dans la salle du trône. Le dieu faisait les cents pas dans la pièce. Il était seul. Plus de vestales ni de gardes. Il fit un signe et le jaffa s’éloigna.
Les deux hommes étaient face à face.
-J’ai pris ma décision dit le dieu, ton marché me convient. Je vais les soigner et te garder.
Jack hocha la tête en silence. Il était très calme en apparence et Itzamna fut impressionné par une telle maîtrise de soi.
-Tu m’obéiras en tout ?
-Oui, dit Jack, mais avant je veux que tu les soignes. Je veux les voir partir par la porte des étoiles, debout sur leurs deux pieds et en bonne santé.
-C’est entendu dit Itzamna.
Il frappa dans ses mains :
-Allez me chercher les trois malades et amenez-les ici, dit-il au garde accouru à son appel.
Quand Daniel, Tea’lc et Sam furent couchés au milieu de la pièce, le dieu sortit la fiole de sa poche, et en versa quelques gouttes sur les lèvres des mourants. Il se releva et montre le petit flacon à jack.
-Tu vois, il est vide dit-il.
A nouveau Jack frissonna comme la veille. Peut être avait-il eu tort de faire confiance au dieu, mais de toute façon, c’était trop tard.
Il haussa les épaules et dit seulement.
-Ils vont guérir ?
-Dès ce soir ils iront mieux. Mon médecin prendra soin d’eux, et de toi dit-il en jetant un regard méprisant vers Jack. Tu ne fais pas honneur à ton Dieu !
On les emmena dans une chambre confortable du palais. Tea’lc reprit conscience le premier, puis ce fut Sam et enfin Daniel.
Ils étaient très faibles mais la douleur avait considérablement diminué.
-Que s’est-il passé ? demanda Daniel faiblement.
-Mon idée était la bonne dit Jack, nous avons bien fait de venir sur cette planète. Itzamna vous a donné à tous les trois le contrepoison.
Daniel ne réagit pas, encore trop faible pour penser correctement. Mais les questions viendraient plus tard. Tous les trois voudraient savoir ce que Jack avait promis en échange de leur guérison.
On avisera à ce moment là pensa t-il. Il lui faudrait sûrement faire le plus gros mensonge de sa vie et il espérait que ses amis ne seraient pas assez forts pour se rendre compte des couleuvres qu’il leur ferait avaler.
Sam se releva lentement, elle s’assit sur la paillasse et regarda autour d’elle.
-Mon général ?
-Oui, je suis là Carter, reposez-vous, vous êtes encore faible, dit-il en s’éloignant pour couper court à toute question.
Trois jours plus tard, bien soignés et bien nourris, ils purent se lever et firent leurs premiers pas hésitants. Jack était heureux pour eux. Tout se passait au mieux.
-Que lui avez-vous promis mon général demanda Sam qui se doutait bien que l’échange devait être important.
O’Neill ne répondit pas. Elle insista, mais se fit rabrouer.
-Colonel, dit-il sèchement, je ne suis pas obligé de vous répondre. Ne me posez plus de questions.
Et comme Daniel ouvrait la bouche
-Cela vaut aussi pour vous Daniel, dit O’Neill abruptement. Il fit du regard le tour des trois visages, et son cœur se serra, il allait devoir les laisser partir, en espérant que le dieu tienne sa promesse.
Il décida qu’il était temps pour eux de s’en aller, ils étaient suffisamment forts pour faire les quelques kilomètres les séparant de la porte.
-Garde dit-il, je veux voir Itzamna.
Le garde s’inclina devant Jack à la grande surprise de Sam.