- Je suppose qu’il a dû reprendre sa petite vie de Prior et qu’il continue à prêcher la grandeur des Oris ! Non mais tu te foutais de ma gueule ?
Vala regarda l’homme en face d’elle. Il était furieux, ça elle n’en doutait pas. Cela avait sûrement un rapport avec la scène à laquelle elle avait assisté à l’infirmerie, mais elle avait peur de faire le lien entre ce qu’elle avait pu dire ou non…
- Daniel ? Qu’est-ce que tu racontes ? Je…
- Je te parle de Paesimeb et du fait que tu nous as caché ce qui se passait là-bas !
- Vous… vous n’êtes pas allés sur cette planète quand même ?
- Réponds-moi ! hurla-t-il soudain. Tu savais qu’il était dangereux !!
- Daniel, je… Mais comment avez-vous réussi à vous rendre là-bas ? Et qu’est-ce qui se passe ? On n’a rien voulu me dire mais je sais que le colonel Carter est toujours en salle d’opération et que Mitchell n’est pas là. Que vous est-il arrivé ?
- Tu veux savoir ce qui nous est arrivé ? Tu as menti et tu es responsable d’un fiasco, voilà !!
Elle accusa le choc et la colère prit rapidement le pas sur tous les autres sentiments.
- Je n’ai rien fait ! se défendit-elle. J’ai voulu vous empêcher d’aller là-bas ! Pourquoi vous ne m’écoutez jamais quand je vous avertis ?
- Tu ne nous as pas avertis ! Tu… tu as délibérément caché une information capitale !
- Je ne sais même pas ce qui s’est passé ! Vous n’auriez jamais dû découvrir la vérité et je serais partie! C’est moi qui suis en danger, c’est moi qu’ils veulent !
- Le danger est pour la galaxie Vala ! Ce malade a décidé de monter une armée au service des Oris, il nous a attaqués sans même savoir qui nous étions ! Nous avons dû les fuir pendant trois heures avant de nous risquer à retourner vers la porte, avec les conséquences que tu as vues !!
C’était pire qu’elle ne l’imaginait… Et elle avait bêtement cru que…
- Je… je ne savais pas Daniel, je te le jure, bégaya la jeune femme. Je pensais qu’il allait simplement se contenter de me poursuivre… C’était… stupide de ma part peut-être… Je ne sais pas,… je n’ai pas réfléchi je pense…
- Tu ne réfléchis jamais ! C’est toujours pareil avec toi : tu mens sans jamais penser aux conséquences !
- Et bien sûr, c’est pour ça que je suis coupable ! railla-t-elle
- On ne peut pas te faire confiance, tu attires les catastrophes avec ton égoïsme ! lui asséna-t-il soudain en cogna son poing contre le matelas
- Qu’est-ce que tu peux bien savoir de ma vie ?!
Daniel sentit quelque chose se rompre au fond de lui en l’entendant crier. Comme si un monstre tapi au fond de ses entrailles venait de briser les chaînes qui le retenaient. C’était au-delà de la fureur, il n’arrivait même pas à mettre un nom dessus. Et de toute façon il n’en avait pas envie. Tout ce qu’il voulait, c’était évacuer cette haine qui l’habitait.
Et avant qu’il ait réalisé son geste, il la gifla.Elle n’avait même pas cherché à esquiver. Et maintenant elle le regardait avec ses grands yeux gris, choquée. La bête au fond de lui hurlait toujours sa rage mais il comprenait maintenant que ce n’était pas le sang de Vala qu’elle réclamait. Il avait trouvé son coupable idéal et encore une fois, il n’avait pas écouté ce que la jeune femme disait.
Et il venait sûrement de détruire à jamais le peu de confiance qu’elle lui accordait encore…
Il ne se reconnaissait plus. Il n’avait jamais été cet homme violent et avide de vengeance. Quelque chose en lui avait disparu et il s’en rendait compte maintenant. C’était venu petit à petit, sans qu’il s’en aperçoive vraiment, mais c’était déjà là avant que la voleuse n’entre dans sa vie. Comme si son idéalisme et son innocence avaient été balayés par les batailles qu’il avait menées. Comme si ses espoirs s’étaient peu à peu éteints…
Et Vala continuait de garder ses yeux fixés sur lui, au bord des larmes.
Chancelant, l’archéologue recula vers la porte, renversant au passage une cuvette remplie d’instruments en fer. Le bruit assourdissant que ceux-ci firent en tombant ne le sortit même pas de l’état dans lequel il se trouvait. Une main sur la bouche, qui étouffait des paroles bégayées, il s’éloignait d’elle, ses yeux toujours accrochés aux siens.
Alors qu’il allait se retourner pour partir en courant, elle ouvrit la bouche pour la première fois depuis qu’il l’avait frappée :
- J’ai eu peur Daniel. Je… il…
Et elle fondit en larmes.
Incapable d’esquisser le moindre mouvement, il l’observait en silence. La situation était surréaliste : il venait d’avoir un accès de violence dont il ne se savait même pas capable et devant lui se trouvait Vala Mal Doran qui pleurait sans chercher à se retenir. Comme si les événements avaient brisé quelque chose en lui comme en elle, quelque chose qu’ils ignoraient ou peut-être préféraient ignorer. Depuis toujours il refusait de laisser la colère prendre le pas sur sa raison. Mais elle avait fini par exploser malgré lui… Il n’arrivait plus à comprendre pourquoi ; lui qui cherchait toujours le meilleur au fond des autres, se trouvait soudain face à sa propre part d’ombre. Et cette rage qui ne demandait qu’à sortir, trop longtemps retenue…
Il s’approcha lentement du lit. Recroquevillée en position assise, son visage caché dans ses bras, elle lui parut soudainement fragile. Comme si elle aussi avait retenu cette facette de sa personnalité qui apparaissait maintenant au grand jour. Il ne l’avait jamais vue ainsi, si peu maîtresse d’elle-même… Il avait bien eu un aperçu de ses limites quand elle avait ressuscité du bûcher dans cette autre galaxie, mais elle s’était recomposée un masque sitôt levée. Là c’était différent : la peur qui jaillissait maintenant avait une origine beaucoup plus ancienne et elle avait dû être enfouie avec un soin tout particulier. Il commençait tout juste à faire le lien entre les événements et ce qu’avaient dit les Tok’ras, mais il comprenait que ce qui faisait la Vala qu’il avait toujours connue était ce passé sur Paesimeb dont elle avait refusé de parler.
S’asseyant sur le lit, il hésita un instant quant à l’attitude à adopter. Il se sentait maladroit, pas à sa place. Peu de gens avaient dû voir la jeune femme dans cet état et il se doutait qu’elle se sentait vulnérable voire même nue au moment présent. Il posa doucement sa main sur son épaule et elle sursauta, comme si elle prenait conscience de sa présence. Ses yeux accrochèrent les siens et il vit cette peur qu’elle n’arrivait plus à cacher. Alors qu’il se demandait s’il était judicieux de lui parler, elle se coula contre lui et l’étreignit.
Elle avait eu raison en lui crachant au visage qu’il ne savait rien de sa vie. Il avait toujours soupçonnée cette blessure en elle, mais il n’aurait jamais imaginé la voir ainsi…
Après quelques minutes, les larmes se tarirent mais aucun d’eux n’osa bouger. Ils allaient devoir parler et des vérités seraient étalées au grand jour, ils en avaient bien conscience.
Daniel continuait de passer ses mains dans le dos de la jeune femme alors qu’elle avait le visage caché dans la veste rêche de l’uniforme qu’il portait. Il la sentit bouger mais elle ne s’éloigna pas de lui pour autant, préférant enfouir son nez dans son cou. Elle soupira et eut soudain un petit rire.
- Mon Dieu, je crois que je n’ai pas pleuré comme ça depuis que j’avais treize ans… Depuis la mort de mon prétame…
- Ton prétame ? demanda-t-il, acceptant de la laisser parler d’un sujet qui n’avait pas de rapport.
- Un animal de compagnie… Ca n’existe peut-être pas sur Terre. Ma sœur me l’avait offert pour une fête de la moisson, il s’appelait Sylia. Enfin elle, c’était une femelle…
- Tu as une sœur ?
Elle ne répondit pas et il se traita mentalement d’abruti.
- Je suis désolée Vala. Pour tout. J’ai un peu… pété les plombs…
- Les Terriens ont de ces expressions… Ne t’inquiète pas pour moi, c’était probablement mérité…
- Pas venant de moi…, lui répondit-il doucement.
Elle se dégagea de ses bras et chercha du regard de quoi s’essuyer les yeux et le nez. Daniel sortit un mouchoir de sa poche.
- Ca sera plus hygiénique que le drap que tu t’apprêtais à utiliser…
- Votre noblesse de cœur vous perdra Docteur Jackson… Et je n’aurais pas osé prendre le drap…, dit-elle en faisant la moue.
- Menteuse…
Elle se moucha en riant. Apparemment calmée, elle s’adossa aux coussins de son lit et regarda l’archéologue dans les yeux.
- Nous allons devoir parler n’est-ce pas ?
- Il y a des vies en jeu Vala, il faut que tu me dises ce que tu sais, soupira-t-il. Je me doute bien que ça doit être difficile, surtout d’après ce que les Tok’ras nous ont dit. Ou peut-être ce qu’ils n’ont pas dit…
- Ooooh, les Tok’ras… Ils savent que je suis ici ? ricana-t-elle.
- Maintenant oui je suppose… Mais quand ils sont arrivés à midi, nous ne leur avons pas parlé de toi. Peut-être que si nous t’avions évoquée, ils auraient pensé à nous signaler que la planète où ils nous envoyaient était la tienne…
- Pourquoi là-bas ?
- Activité suspecte… Ils nous ont demandé de vérifier s’il y avait un Prior.
Elle soupira et joua avec le drap qui la recouvrait.
- Et vous y êtes allés…
- Ce devait être de la routine, rien de dangereux si nous restions incognito, tenta-t-il de justifier. Mais ils ont « oublié » de préciser qu’un fou dirigeait sûrement cette planète.
- Comme c’est étonnant de leur part… Ces espèces de serpents exploitent la bonté de leur alliés, on devrait leur…
- Mon Dieu, on dirait Jack…
Elle haussa les sourcils.
- Jack ?
- O’Neill, l’ancien général de la base, répondit-il.
- Ah… Bon… Tu aimes les longues histoires j’espère ?
- Je n’ai pas le choix… Fais au plus vite tout de même parce qu’on a besoin de renseignements rapidement.
- Vous n’allez pas y retourner quand même ?!
Elle n’arrivait même pas à envisager qu’ils puissent se rendre à nouveau sur Paesimeb…
- Si, dit-il. Cameron est encore là-bas, on a pour politique de ne jamais laisser quelqu’un derrière nous.
- Je vois…
Elle soupira et se cala plus confortablement contre les coussins.
- Tout d’abord, commença-t-elle, tu dois savoir que Quetesh n’était pas le premier Goa’uld. Il y en avait déjà eu un, des siècles auparavant, Minerve je crois. Un jour, les mines de Paesimeb se sont épuisées et le serpent n’est jamais revenu, laissant la population à l’abandon. Le culte de la déesse a cependant continué et évolué… En fait, on vénérait « La Guerrière », qui nous avait créés. Nous étions ses enfants en ce bas monde et lorsque nous mourions, nous allions rejoindre les rangs de sa glorieuse armée. Le culte était assuré par des sortes de prêtres, qui transmettaient leurs titres par le sang. Il y a eu des affrontements entre différentes familles qui revendiquaient la direction du culte. Quand je suis née, cela faisait deux siècles que les Ta’ula étaient au pouvoir. Ils organisaient le culte, dictaient les valeurs et les conduites, punissaient les hérétiques… En parallèle, il y avait des seigneurs dont les préoccupations étaient plus matérielles. Ils faisaient la loi sur leurs terres, se battaient entre eux, …
- Je vois, une sorte de féodalité.
- Ces seigneurs se soumettaient cependant au pouvoir du culte et donc à la famille Ta’ula.
Il fronça les sourcils et se décida à lui poser une question :
- Aucun autre pouvoir n’a émergé pour réguler les seigneurs ? Une sorte de gouvernement central ?
- Non, répont-elle, ils écoutaient et respectaient simplement les préceptes du culte… Et s’affrontaient pour le pouvoir. Paesimeb n’a jamais été très peuplée à cause des guerres et des famines qu’elles ont engendrées…
Elle marqua une pause, comme pour se remémorer les événements.
- Et ton lien avec tout ça ?
- Les Ta’ula résidaient dans la ville principale de la planète. Et mon père en était le seigneur…
- Je vois, dit-il tout en l’encourageant d’un geste de la main à continuer.
- Oh non, Daniel, tu ne vois pas… Les Ta’ula était une famille aussi avide de pouvoir que pouvaient l’être les seigneurs. Ils possédaient les esprits mais voulaient avoir aussi les corps et les terres. Un pouvoir absolu… Et pour commencer cette conquête, quoi de plus pratique qu’un mariage ? J’ai été promise au descendant alors que j’avais à peine douze ans.
- Mon Dieu… Ils t’ont forcé à l’épouser ?
Elle ricana.
- Même pas ! Il avait le même âge que moi et son grand-père assurait encore le culte à l’époque. Mon « fiancé » s’appelait Galban et je le trouvais fascinant, comme tout le monde d’ailleurs. Il était intelligent, beau, il avait de l’ambition… J’en suis tombée amoureuse… Il fallait vraiment que je sois aveuglée par son charisme pour subir ses violences et ses caprices…
- C’est lui qui est le Prior maintenant, n’est-ce pas ? soupira-t-il.
- Oui… Nous avions vingt ans quand son grand-père est mort. Son père a accédé à la direction du culte mais Galban a peu à peu pris une place importante auprès de lui. Il fascinait la foule, les habitants l’adoraient. Et je me sentais si fière… Quelle idiote… Mon père a perdu toute son influence et je n’ai rien vu. Le culte s’est durci, on a traqué ceux qui ne se soumettaient pas. Galban était méprisant et autoritaire avec tous, y compris avec moi. Mais je l’aimais… Etonnamment, c’est le jour où il a frappé son père devant moi que j’ai commencé à réaliser quel genre d’homme il était. J’ai voulu rompre mes fiançailles et ça l’a rendu fou de colère ! Il m’a séquestrée pour me punir, m’a battue et humiliée… J’avais toujours vécu dans une bulle avant et tout mon univers s’est écroulé d’un coup… Un garde m’a aidée à m’enfuir et m’a fait comprendre que je ne m’en sortirais pas si je restais sur Paesimeb. J’ai essayé de gagner la porte mais ils m’ont rattrapée. A partir de là, tout s’est enchaîné comme dans un cauchemar : il a commencé par me déclarer possédée et a organisé un bûcher public pour tuer la sorcière que j’étais devenue.
- Cela me paraît difficile à imaginer…la coupa-t-il. Le peuple a vraiment cru que…
Elle se redressa soudain dans le lit et lui répondit brusquement :
- Ils étaient soumis depuis des siècles ! On les empêchait de réfléchir par eux-mêmes ! Et c’était encore pire depuis que Galban avait de l’influence. Pourquoi n’auraient-ils pas cru leur guide ? Même mon père ne pouvait rien pour moi…
- Tu es toujours là pourtant…, observa-t-il.
- Le Goa’uld m’a sauvée, enfin pour ainsi dire, soupira-t-elle … Quand je dis que tout s’est enchaîné, je ne plaisante pas : la veille de mon exécution, un vaisseau s’est écrasé à côté de la ville. Je pense que Galban a été dans les premiers avertis et que c’est pour cela qu’il a rencontré Quetesh très vite. J’ignore ce qui s’est passé exactement dans sa tête mais il a vu là un moyen extrêmement efficace d’étendre son pouvoir. Il a donné mon corps au Goa’uld et organisé une mascarade pour me brûler. Je me suis relevée des flammes et j’ai affirmé être La Guerrière… Enfin Quetesh l’a fait, moi je n’étais plus là…
- Je suis désolé…
Il posa sa main sur la sienne en un geste de réconfort, mais elle la retira.
- La suite, tu la connais…, continua-t-elle. Quetesh a régné sur une petite partie de cette galaxie avec Galban à ses côtés pour la servir, son père étant décédé des suites d’une mystérieuse maladie. Et mon cher fiancé a un peu trop abusé du sarcophage…
- Ce qui n’a pas dû améliorer sa santé mentale…
- Non, pas vraiment…, ricana-t-elle en se calant à nouveau contre ses coussins. Un jour la Tok’ra est arrivée, s’est débrouillée pour me libérer et est tout simplement repartie – tu les connais... Galban, lui, était toujours là… Et il a compris que c’était lui ou moi. Il terrorisait le peuple et le maîtrisait comme si c’était son jouet. J’ignore comment il fait ça, il a un pouvoir sur eux qui est hallucinant. Mais il a organisé ma lapidation, se lavant de tout soupçon en inventant je ne sais quelle histoire de possession.
- Il a réussi à s’en sortir avec des mots ?! s’étonna-t-il.
- Il a un charisme fou Daniel, je… C’est indescriptible… Je crois que tu as vu ce que ça donnait…
Pendant tout son récit, elle avait appuyé ses paroles avec des gestes. Il finit par poser une main ferme sur les siennes, constatant par la même occasion le tremblement nerveux qui agitait la jeune femme. Il caressa le dos de sa main de son pouce et l’encouragea à poursuivre :
- En effet… Que t’est-il arrivé ensuite ?
- J’ai réussi à m’enfuir parce qu’ils croyaient que j’étais mourante et trop faible pour m’en aller sans aide. J’ai déjoué leur surveillance et couru jusqu’à la porte, que j’ai passée. Je suis allée sur une planète de commerçants dont je connaissais l’adresse. Mais quinze jours plus tard, je l’ai vu arriver lui aussi. Alors j’ai volé un vaisseau, mon tout premier, et je me suis enfuie. Je n’ai jamais arrêté depuis…
- Ce n’est pas l’histoire que tu m’avais racontée à bord du Prométhée, fit-il remarquer. Tu avais peur qu’il te retrouve ?
- Il me hait… se défendit-elle. J’ai fait carrière dans le crime pour le fuir, je suis devenue celle que tout le monde connaît, jamais au même endroit, jamais d’attaches…
- Et il t’a retrouvée dans cette autre galaxie n’est-ce pas ?
C’était une évidence maintenant…
- Oui…, soupira-t-elle. Il était déjà un Prior, je ne sais pas comment par contre. Il m’a reconnue avant même que je le voie, et il m’a fait passer la porte pour Paesimeb. Je ne pense pas que les autres Priors sont au courant, il agit avant tout pour lui. Tu connais la suite…
- Bien… Merci. Je vais devoir mettre les autres au courant, ils…
- Tu penses qu’ils vont me renvoyer là bas ? lui demanda-t-elle, se redressant à nouveau dans le lit.
- Non ! Bien sûr que non ! Le général va peut-être te faire un sermon sur les bienfaits de la vérité mais je pense qu’ils vont être compréhensifs.
- Donc je ne servirai pas de monnaie d’échange ?
Manifestement, elle paniquait complètement à l’idée d’être mise à nouveau à la disposition de Galban. Et elle savait parfaitement que si les Terriens la proposaient contre Cameron, son ancien fiancé n’allait pas hésiter une seconde…
- Tu es folle ? Ca ne marche pas comme ça ici ! On ne pratique pas ce genre de marchandage, ou sauf dans des circonstances exceptionnelles…
- C’est à dire ? dit-elle en fronçant les sourcils.
- Livrer un Goa’uld menteur…
- Oui, ça ne compte pas vraiment… Il devait vous arnaquer en plus…
Elle avait retrouvé un léger sourire.
- En fait Jack s’est plutôt servi de lui…, plaisanta l’archéologue. Bref, tu ne seras pas renvoyée là bas et il est même très possible qu’on te garde jusqu’à ce que le danger soit écarté, si tu le désires bien sûr.
Elle soupira et laissa quelques secondes s’écouler avant de reprendre leur discussion.
- Et comment allez-vous faire pour Mitchell ?
- Mission de sauvetage avec toute l’armada je suppose. Il va falloir que tu nous décrives la géographie des lieux, leurs méthodes de combat, ce genre de choses… Mais l’armée s’occupera de tout.
- Agissez vite, l’avertit-elle. Il n’aime pas perdre de temps.
- Nous non plus. J’espère juste que Galban n’a pas averti les autres Priors…
Elle vit la lueur d’inquiétude dans son regard et s’empressa de le rassurer :
- Je ne pense pas. Ca le desservirait plutôt qu’autre chose. Etre un Prior est pour lui un moyen, je ne pense même pas qu’il soit croyant… Enfin l’ascension l’intéresse sûrement mais…
- … nous n’avons donc pas à craindre une attaque des Oris, compléta-t-il. Mais il est quand même en train de monter une armée…
- Daniel, je le connais assez pour te dire qu’il fait ça de sa propre initiative. Il aime ce genre de plans, de calculs… Il espère certainement reconquérir une partie de la galaxie et se présenter avec ses trophées devant les autres Priors à leur prochaine petite réunion. Monter en grade, quoi. Et me lapider au passage s’il peut…
- Donc si on déjoue ses plans, les autres ne seront pas au courant…
Un couinement vint soudain interrompre leur conversation.
Vala fronça les sourcils et chercha du regard d’où provenait le bruit. Elle se tourna finalement vers Daniel qui avait levé les yeux au ciel. Il lui fit un sourire d’excuse et sortit de sa poche une sorte de boîtier noir avec un écran brisé.
- C’est quoi ça ? demanda-t-elle
- Oh, une idée de Cameron, soupira-t-il.
- Et quelle est l’utilité de cette… chose ?
Il remonta ses lunettes sur son nez et observa l’appareil avant de lui répondre :
- Et bien c’est un bippeur. Cela sert à avertir SG1. Par exemple un rendez-vous au mess, ou à la salle de sport…
Elle haussa les sourcils et se permit une moue ironique.
- Et là, qu’est-ce que tu es censé faire ?
- Je n’en ai aucune idée… avoua-t-il. L’écran est brisé, mes « instructions » sont illisibles.
Elle se mit à rire et lui prit le boîtier des mains.
- Qu’est-ce que tu vas faire alors ? lui demanda-t-elle en agitant le bippeur.
- Vu les circonstances, je suppose que c’est Teal’c qui m’appelle.
- C’est vrai qu’il aurait du mal à se déplacer…
Il sourit doucement. Le Jaffa se remettrait rapidement de ses blessures, mais les doutes subsistaient encore pour leurs deux autres coéquipiers.
Il se leva du lit où il était assis et serra sa main gauche dans la sienne.
- Ils doivent m’attendre en salle de briefing, reprit-il. Je vais leur résumer tout ça pour toi, ça t’évitera de répéter. Des soldats vont sûrement passer d’ici quelques heures pour des renseignements tactiques que les Tok’ras ne seraient pas en mesure de nous fournir. Je te laisse te reposer, je reviendrai dans la soirée te voir.
Il lui fit un petit sourire et sortit de la pièce, la laissant seule avec les pensées qui se bousculaient dans sa tête.
Bizarrement, elle ne se sentait que peu soulagée par les aveux qu’elle venait de faire. Bien sûr, ses angoisses étaient maintenant partagées, elle avait des personnes pour la « soutenir »… Mais le danger n’en restait pas moins réel.
Peut-être qu’elle rationalisait trop… Elle avait toujours entendu dire que les confidences permettaient d’adoucir les tourments. Elle-même avait longtemps pensé cela… Et puis elle avait appris à raisonner pour sauver sa vie. A exclure les sentiments de ses calculs…
Elle songea amèrement qu’elle s’était peut-être perdue en route.
Un bruit dans le couloir lui fit tourner la tête. A la porte de l’infirmerie apparut le visage du docteur Lam, qui prit la parole sans attendre :
- Vala, vous êtes réveillée… Je pensais mettre le colonel Carter dans votre chambre, ça ne vous dérange pas ? demanda-t-elle.
- Euh, non, je… elle va bien ?
- Elle va s’en sortir, du moins on l’espère. Elle est dans le coma pour le moment mais c’est un coma léger. Elle se réveillera bientôt, dans quelques jours tout au plus…
- Ah…
Elle se redressa dans son lit jusqu’à être totalement assise et commença à jouer avec le fil d’un moniteur qui se trouvait à côté d’elle. Elle le lâcha cependant en sentant sur elle le regard réprobateur de Lam. Reposant ses mains à plat sur sa couverture, elle se tourna alors avec un grand sourire vers l’infirmier qui accompagnait le médecin. Celui-ci finit par se racler la gorge et sortit un peu précipitamment de la pièce, embarrassé par le regard insistant qu’elle lui lançait. Elle sourit encore plus ouvertement et rencontra l’expression amusée de la doctoresse.
- Je préfère mettre Sam avec quelqu’un, certaines études montrent qu’une présence favorise le réveil. Si vous vous en sentez l’envie, vous pouvez lui parler…
- Lui parler ? dit-elle en haussant les sourcils. On ne se connaît pas et elle ne risque pas de me répondre…
- Ce n’est pas ce que vous lui direz qui fera la différence, mais le lien qu’elle fera avec votre voix. Et d’après les rumeurs, vous êtes une bavarde impénitente !- D’accord… Je vois… Mais quand même, je dois lui raconter quoi ? Il y a des sujets de prédilections, du genre la météo ou les derniers potins ?
- Ce n’est pas important, la rassura le médecin. Enfin évitez juste les insultes ! Rien ne vous oblige à rendre ce service mais…
- J’ai compris Doc… De toute façon je suis responsable de son état…
Carolyn Lam, qui finissait d’installer le lit à roulettes dans un coin de la pièce, releva les yeux. Elle ne formula cependant aucune question et se contenta de vérifier si les perfusions et moniteurs étaient correctement reliés à Sam.
Elle nota ensuite quelques relevés sur un dossier, jeta un dernier coup d’œil à ses deux patientes dans leurs lits et se dirigea vers la porte. Elle hésita cependant à la franchir, finissant par se retourner :
- Vala, reposez-vous aussi, au lieu de trop réfléchir. Laissez les autres s’occuper un peu de vous et de vos affaires, ça vous fera le plus grand bien.
La jeune femme écouta les talons de la doctoresse qui s’éloignait dans le couloir. Elle soupira mais décida de suivre les conseils donnés. Elle ne se sentait pas le courage d’entamer un monologue pour l’instant. Après un dernier regard à Sam, immobile dans son lit, elle s’allongea elle-même et ferma les yeux.
La base était silencieuse, il devait être tard. Elle n’avait pas encore ouvert les yeux mais elle sentait que seule la veilleuse était allumée. Le docteur Lam avait ramené Sam vers dix-neuf heures, plusieurs heures avaient dû s’écouler depuis… On était peut-être même le lendemain.
Elle s’étira et l’homme arrêta soudain son monologue en prenant conscience qu’elle était éveillée.
Elle ouvrit les yeux et distingua la haute silhouette malgré l’obscurité. Il s’approcha et tendit la main vers la table de chevet, allumant la petite lampe qui se trouvait dessus. Elle cligna des yeux et grogna, ce qui arracha un petit rire à l’inconnu. Alors qu’elle tentait de s’habituer à la soudaine luminosité, elle le vit se retourner vers sa voisine inconsciente. Il remonta sa couverture et remit avec douceur une mèche de cheveux derrière les oreilles de la jeune femme. Puis il se tourna à nouveau vers Vala et s’assit sur son lit sans y être invité.
Elle voyait clair maintenant et ne se priva pas de le détailler. Il était militaire, ça ne faisait aucun doute. Et si le physique et l’attitude ne suffisaient pas, l’uniforme répondait à toutes ses interrogations. Elle ignorait la signification exacte des décorations sur sa poitrine mais elle doutait que ce soit seulement esthétique. Manifestement, c’était un haut gradé. Et sexy avec ça…
Elle lui lança son plus beau sourire et rompit le silence :
- Quelle heure est-il ?
- Vingt-deux heures.
- Et vous êtes ?
- Général Jack O’Neill.
- Ooooh, je vois…
O’Neill la détaillait aussi et elle soutint son regard.
- Vous devez être Vala…
- En chair et en os. On vous a parlé de moi, à ce que je vois !
- Mmmmh…
Il sembla soudain réfréner un sourire et elle haussa les sourcils.
- Mon Dieu, j’ai si mauvaise réputation ?
- Non… Enfin si, mais mes principales sources sont le président de la commission budgétaire et Daniel, alors…
- Rassurez-vous, tout n’était pas vrai ! affirma-t-elle en souriant.
- Je pense que si, mais c’est plutôt… divertissant.
- Divertissant ? J’ai moi aussi entendu pas mal de choses sur vous et on m’avait dit que vous n’étiez pas commun pour un militaire mais…
- Vous pensiez que c’était faux ? lui demanda-t-il.
- Que vous séquestriez les diplomates étrangers ? Que vous organisiez des rencontres sportives avec d’autres planètes ? Que vous appeliez votre président « mon pote » ?
- Oui, les rumeurs ont un peu tout amplifié…
Il lui sourit franchement cette fois et lui fit un clin d’œil :
- Je lui ai juste dit « mon vieux » un jour…
Elle éclata d’un rire sonore qu’elle étouffa rapidement dans sa main en se rappelant où ils se trouvaient. Elle jeta malgré elle un regard vers Sam inanimée et secoua la tête.
Il avait suivi ses yeux et son sourire s’était évanoui. Il inspira longuement et se tourna à nouveau vers Vala qui l’observait maintenant attentivement.
- Elle va se réveiller vous savez…, dit-elle doucement.
- Je sais, elle a eu beaucoup de chance.
- On peut dire ça comme ça… Je ne… Non, rien. Laissez tomber…
- Vous vous sentez coupable ? demanda-t-il. Daniel m’a avoué qu’il vous avait accusée…
- En y réfléchissant, il n’avait peut-être pas tort.
- On fait tous des erreurs.
- Pas quand elles peuvent être fatales…, soupira-t-elle.
- Vous lui ressemblez en fait.
- A qui ?
- A Carter. Vous cherchez toujours à tout contrôler et quand vous faîtes une erreur, c’est un drame pour vous, même si vous refusez de le montrer.
- Ils donnent le diplôme de psychologie avec les médailles sur votre planète ?
Il ne répondit rien et sourit doucement. Il la sentait tendue…
Le président de la commission avait été très éloquent sur l’insolence de la jeune femme mais c’était tout de même Daniel qui lui en avait le plus appris. Pendant quelques temps, elle avait été le sujet de prédilection de l’archéologue. Jack ne se souvenait pas de l’avoir déjà entendu râler autant contre quelqu’un, à part contre lui peut-être ! Il avait été amusé quelque part de savoir qu’on occupait cette place qu’il avait laissée vacante, que Daniel continuerait à ne pas trouver cette paix dont il vantait tant les mérites. Et puis il avait appris la disparition de la jeune femme, et Daniel s’était renfermé. Il se sentait coupable et la menace des Oris le préoccupait, Jack le savait. Mais des rumeurs avaient couru jusqu’à Washington, comme quoi le docteur Jackson était plus sombre qu’avant. Cela datait pourtant, il avait déjà remarqué que l’archéologue avait changé. Nul ne pouvait vivre des batailles pareilles sans en être affecté. Mais sans personne pour l’empêcher de ruminer des idées noires…
Quant à elle… Il n’avait pas réussi à s’en faire un portrait très précis. On la disait aussi insolente que belle, et on lui avait vanté son amour pour les choses de valeurs et les archéologues énervés. Mais sa dernière remarque montrait aussi combien elle détestait avouer ses faiblesses et se sentir vulnérable.
- N’utilisez pas le sarcasme pour vous protéger Vala, je connais la technique, c’est même moi qui l’ai inventée…
Oui, elle ressemblait à Carter dans sa volonté de tout maîtriser, mais elle lui ressemblait à lui peut-être plus encore. Ils étaient deux solitaires malgré eux, trop blessés par la vie.
- Vous tenez à elle n’est-ce pas ?
- Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
- Outre le fait que vous tentiez d’éluder ma question ? Et bien il est vingt-deux heures et vous étiez en train de lui parler dans une infirmerie éteinte…
- Elle est mon amie…
- Oh pitié ! C’est votre excuse officielle ça, non ? Celle que vous sortez à tous ceux qui s’aventurent à vous poser la question ? J’ai entendu les rumeurs, ça circule beaucoup dans la base ! Vous allez faire quoi quand elle se réveillera ? Rien ? C’est pas parce que vous avez vécu un échec tous les deux que vous devez abandonner. Vous pouvez vous battre pour elle !
Il la regardait sans rien dire, plus trop sûr de ce qu’elle savait réellement et de ce qu’elle inventait.
- Vous allez laisser tomber comme ça ? Froussard ! Ca arrive à tout le monde de se faire lâcher, mais vous êtes assez malin pour avoir compris qu’elle avait peur, non ?
Même s’il restait de marbre, il ne put s’empêcher d’être troublé par sa dernière phrase. Comment pouvait-elle savoir ? Enfin il n’en avait rien dit à personne, pas même à ses amis ! Et Sam n’en avait sûrement pas parlé ! Alors comment diable Vala…
Est-ce qu’il y avait d’autres personnes au courant ? Les rumeurs couraient vite dans la base mais là…
Et puis comment osait-elle lui donner des leçons ? Comme si sa vie sentimentale à elle était plus brillante ! Elle avait beau être intelligente, elle ne le connaissait pas ! Il n’était quand même pas si transparent ?
Il envisageait de nier quand il entendit des pas dans le couloir. Un instant plus tard, la tête de Daniel apparaissait à la porte. L’archéologue jeta un regard dans la pièce et sourit en les voyant tous les deux. Il s’avança tranquillement :
- Hey vous deux ! On fait des heures supplémentaires ?
- Jack et moi discutions psychologie. Au fait, je peux vous appeler Jack ?
Ce dernier se tourna vers elle en haussant les sourcils. La jeune femme le regardait avec un grand sourire innocent.
Quelque part au fond de lui, il sentait qu’elle était parfaitement consciente de ce qu’il pouvait ressentir.
Il ne lui ferait pas le plaisir de lui montrer, mais elle avait réussi à trouver sa corde sensible. Elle était douée, c’était indéniable… Elle avait manifestement la capacité de décrypter les comportements de ses semblables. Il n’avait rien laissé paraître, comme d’habitude, mais le regard de la jeune femme lui faisait comprendre qu’au contraire de beaucoup, elle n’était pas dupe. Ce don d’empathie avait dû lui sauver maintes fois la vie…
Et maintenant elle le regardait, l’air faussement étonné qu’il ne réponde pas, haussant innocemment les épaules en direction de Daniel.
- Je suppose que cela serait vain de vous l’interdire, répondit-il ironiquement.
- Parfait ! Tu venais pour quoi Daniel ?
- J’avais dit que je repasserais te voir… Les soldats sont venus ?
- Oui, vers vingt heures, je leur ai répondu gentiment !
- Pas de mensonges ?
- Tu me connais…
Daniel roula des yeux.
A ses côtés, Jack venait de se lever et observait en silence l’échange. Rectification faite, elle ne ressemblait à personne ; elle était unique dans son genre. Il lissa son uniforme et s’avança vers le lit de Sam où sa casquette était restée.
- Bon, je vais…
- Oui ? le coupa-t-elle. Vous nous quittez déjà ? Je vous ai mis mal à l’aise avec mes questions peut-être…
- Vala…
- D’ailleurs Daniel, on ne t’a pas invité ! Nous avions une conversation privée de la plus haute importance, que tu as interrompue !
- Mais bien sûr… Et bien Jack prendra rendez-vous pour te voir la prochaine fois, là il faudrait que tu dormes…
- Ben pourquoi tu es venu alors ? Pour me border ?
A un mètre d’eux, Jack O’Neill les regardait amusé, sa casquette à la main.
Au fond de lui, il se sentait tout de même moins confiant. Elle l’avait pris par surprise… Elle était d’une franchise désarmante. Il pouvait nier autant qu’il était permis, ou même lui opposer un visage de marbre, cela ne l’empêcherait pas de parler et surtout de deviner. Elle sentait mieux que quiconque ce qu’il s’acharnait à cacher. Elle était beaucoup trop maligne…
Mais il refusait de lui laisser voir qu’elle avait raison.
Peu importait que tout le monde s’en doute, il n’avouerait pas. La seule qui méritait la vérité, c’était Sam. Et la situation étant ce qu’elle était…
Il soupira imperceptiblement.
- J’y vais. Passez une bonne soirée.
- Bonne nuit Jack !
- Oui, bonne nuit ! Ne vous en faîtes surtout pas, je veille sur elle !
Le regard volontairement neutre qu’elle récolta ne la fit que sourire davantage et le général O’Neill détourna les talons, sortant calmement de l’infirmerie.
Elle s’appuya à nouveau contre les coussins de son lit et regarda Daniel qui plissait les yeux. Il avait suivi leur échange et manifestement, se posait quelques questions. Manifestement, le comportement du militaire l’avait alerté, même s’il n’arrivait pas à trouver ce qui pouvait clocher. Elle lui lança un grand sourire innocent et il fronça les sourcils.
- Bon, OK, qu’est-ce que tu as bien pu lui dire ?
- Moi ? Rien que la vérité ! Enfin je crois…
- Vala, ne m’oblige pas…
- Je lui ai ouvert les yeux sur sa relation avec le colonel Carter. Enfin j’ai du moins exprimé tout haut ce que tout le monde pensait tout bas…
- VALA !!
Il avait presque l’air horrifié. Jack O’Neill était peut-être un mur que rien ne pouvait ébranler, mais on ne devait pas souvent lui dire ses quatre vérités non plus…
- Quoi ? Si personne ne l’oblige à faire face, il va esquiver !
- Oui, peut-être, mais il y a des façons. Jack a choisi de ne pas parler de ce qu’il ressentait, tu pourras essayer tout ce qui te chante, ça ne servira à rien. Et en plus, tu ne le connais même pas !
- Raison de plus ! affirma-t-elle. Ecoute, n’importe qui d’un peu attentif peut voir qu’il tient énormément à elle. Je ne les ai pas observés longtemps mais ça a suffi…
- Il nous a fallu beaucoup de temps pour comprendre, ils l’ont bien caché…
- Ils ont caché ça ? Parce que j’ai entendu des rumeurs, tout le monde semblait au courant !
Il fronça les sourcils. Il avait lui-même mis quelques années avant de voir à quel point le lien entre ses deux amis était fort. Il y avait bien eu des bruits dans la base, surtout dans les derniers temps mais rien de trop conséquent. Qu’avait-elle bien pu entendre ?
- Vala, qu’est-ce que tu lui as dit exactement ?
- Ben je l’ai encouragé à la reconquérir… Je sais qu’elle l’a plaqué avant leur union donc…
Il faillit s’étouffer.
- Ils n’ont jamais prévu de se marier voyons ! A ma connaissance, ils ne se sont même jamais mis ensemble !
- Quoi ? Mais c’est quoi cette histoire de fiançailles rompues ? J’en ai entendu parler plusieurs fois et O’Neill était évoqué à chaque fois, alors j’ai pensé que…
- Mais non ! Bon sang, tu aurais pu faire le tri entre toutes tes rumeurs !! Il y a un peu plus d’un an, Sam s’est fiancée à un homme, Pete Shanahan, mais elle a rompu trois semaines avant le mariage. Et tout le monde a soupçonné que Jack en était la raison…
- Attends, lui dit-elle troublée, je comprends plus rien… Elle allait épouser ce Pat…
- Pete.
- Peu importe. Donc elle allait épouser ce type alors qu’elle en aimait un autre ?
- Oui, répondit-il, parce qu’elle n’avait pas le droit d’avoir de relation avec Jack. Entre autre.
- C’est débile. Vous êtes tordus sur cette planète…
- C’est compliqué et ce n’est pas à nous de nous mêler de leur vie privée. Ils sont adultes et assez intelligents pour faire leurs propres choix…
Elle le regardait, sceptique. Elle n’était pas restée longtemps au SGC mais Jack O’Neill et Samantha Carter étaient des légendes dans la base. Elle en avait entendu pas mal, et en tentant de départager le faux du vrai, elle avait surtout compris que ces deux-là étaient profondément amoureux l’un de l’autre. Certes, elle avait un peu mélangé avec Trucmuche mais bon, ses sources n’étaient pas des plus précises non plus…
Daniel avait eu l’air choqué par ce qu’elle avait dit, mais la situation semblait maintenant l’amuser.
- Mon Dieu… Et tu lui as conseillé de la reconquérir ?
- Ben oui ! répondit-elle en riant. Dans mon esprit, ils avaient rompu pour une raison X mais ils étaient faits l’un pour l’autre ! Ils ont l’air malheureux, tu ne peux pas le nier !
- Non, bien sûr que non… Mais ils refusent d’en parler et je ne me sens pas le droit d’insister… Ce sont mes amis, je sais bien que… Bon sang, c’est le genre de conversation que je ne devrais pas avoir avec toi !
- Oh, allez ! De toute façon c’est trop tard, j’ai déjà mis les pieds dans le plat !
- Pour dire à Jack O’Neill qu’il devrait reconquérir son ancien second, plutôt oui !
Il riait maintenant.
- Bon, allez, c’est pas grave, il s’en remettra. Tu as juste dit ce que tout le monde pensait tout bas, enfin presque !
- Moui… Enfin je comprends pourquoi je l’ai senti choqué. Même si, excuse-moi de dire ça, ces deux-là sont des abrutis et des trouillards !
- Si tout marchait aussi simplement, le monde serait ennuyeux… Dors maintenant.
- Tu ne restes pas ? demanda-t-elle.
- Vala…
Elle était infernale… Elle le regardait avec cet air malicieux, satisfaite de pouvoir le taquiner ainsi.
- Je peux te faire de la place dans le lit si tu veux…
- Je vais plutôt rejoindre le mien. Nous venons d’avoir une conversation sans nous disputer, je suis troublé. Il faut que je médite là-dessus…
Elle sourit franchement et le regarda se pencher pour éteindre la lumière.
- Bonne nuit.
- Dors bien toi-aussi. Je pars demain à l’aube pour Paesimeb, je te verrai en rentrant.
Elle se redressa soudain et attrapa son poignet. Elle semblait anxieuse tout à coup.
- Vous… Daniel, faîtes attention.
- Ca se passera bien. Nous serons équipés et très prudents. Tu n’as pas d’inquiétude à avoir.
- Je… D’accord, je vais essayer… Bonne chance alors.
- Je te promets que je reviens te voir demain soir. Ca te va ?
Elle relâcha son poignet et se recoucha dans son lit. Elle semblait tendue mais de toute façon, elle ne pourrait les empêcher d’aller là-bas.
- Oui… Enfin, ce n’est pas comme si j’avais le choix… Daniel, si jamais vous n’arrivez pas à maîtriser Galban, n’ayez pas de pitié. Il ne le mérite pas.
L’archéologue lui fit un dernier sourire et quitta silencieusement la pièce. Il fallait qu’il se repose, la journée du lendemain allait être animée. Il ne se faisait pas trop de souci quant à la réussite de leur opération mais il se demandait tout de même s’il n’allait pas être un poids pour les soldats. Ils avaient décidé qu’une petite opération serait plus efficace qu’une attaque de masse, mais avait-il vraiment sa place au milieu de trois équipes de professionnels ? Et puis ils ne devaient pas simplement récupérer Mitchell. Il allait aussi falloir neutraliser le Prior pour l’empêcher de monter son armée. Il soupçonnait le commandement militaire d’avoir déjà choisi la meilleure méthode et même s’il la réprouvait, c’était peut-être la seule qui existait… Galban était dangereux, c’était indéniable, et il avait maintenant un lien avec les Oris. Si jamais il réussissait à s’enfuir…
Daniel soupira alors qu’il entrait dans ses quartiers. Cela allait recommencer. Comme avec Khalek… Il détestait ça, il détestait que ce genre de solution soit appliquée. Mais avaient-ils réellement le choix ? Ils étaient en guerre, et même si ça n’excusait rien, c’était eux ou les Oris.