Un jour elle prit sa décision, elle n’en parla à personne, mais prépara soigneusement son départ. Elle quitterait le SGC. Mais elle voulait se donner une dernière chance, en parler au général O’Neill. Elle aurait pu partir sans rien dire en référer uniquement à l’état major, mais cela n’aurait pas été honnête vis-à-vis du général. Elle demanda une entrevue.
Le général était seul dans son bureau au téléphone quand elle frappa. Il lui fit signe de s’asseoir.
La voix de O’Neill était sèche, son interlocuteur devait en prendre pour son grade, encore quelqu’un qui ne faisait pas bien son boulot ! Pensa t-elle.
Il raccrocha nerveusement sur des mots très durs.
-Ce n’est peut-être pas le bon moment mon général !
-Mais si Carter je vous écoute, c’est juste Walter qui me casse les pieds avec des réunions supplémentaires, dit-il en souriant. Qu’est-ce que je peux faire pour vous colonel ?
Sam hésitait, puis repensant à toutes ses semaines un peu vides elle se lança :
-Je voudrais quitter le SGC mon général.
La stupeur se lut sur son visage. Elle voulait partir, mais pourquoi ?
-Quoi ! Mais vous faites un travail qui vous passionne, dit-il vivement, enfin c’est ce que je croyais ajouta t–il plus lentement, et en la regardant plus attentivement.
Elle garda un masque impassible.
-Mon général je crois qu’il est préférable que je parte.
Il garda un instant le silence puis dit à voix basse,
-Je le pense aussi, mais seulement pour une période de repos, vous venez de traverser une rude épreuve. Mais ne prenez pas de décision définitive, laissez-vous une porte de sortie.
Le visage de Sam était fatigué, avec de grands cernes sous les yeux, il lui trouva mauvaise mine et lui demanda d’une voix douce :
-Pourquoi voulez-vous partir Carter ?
-C’est personnel monsieur, dit-elle d’une voix un peu plus sèche qu’elle n’aurait voulu.
-Il faut m’en dire plus.
Elle hésitait, rougit, le regarda à nouveau :
-Si vous ne le comprenez pas, je ne peux rien faire… murmura t-elle.
Il y eut un long silence entre eux. Il sentait qu’on arrivait au cœur du problème, mais avait –il réellement envie d’aller plus loin ? Il se força tout de même, par respect pour elle et pour ce qu’elle venait de vivre et qui l’avait marquée profondément.
-Vous ne m’avez pas tout dit sur ce qui s’est passé dans l’autre univers ? N’est-ce pas ?
Elle le regarda d’un air si malheureux qu’il en fut ébranlé. Elle l’aimait donc toujours ? Bien sûr qu’elle l’aimait il le savait très bien, mais voulait nier ces sentiments, ne pas les laisser prendre le dessus. Elle l’avait parfaitement compris.
-Dites-moi… mon double… Il s’arrêta ne pouvant aller plus loin.
-Mais dites-le une fois pour toute, dites-le, oui votre double aimait Samantha Carter ! Vous le savez très bien ! Elle mordait dans les mots, en proie à une colère qu’elle ne pouvait maîtriser.
Elle était en train de le perdre définitivement, elle le sentait à son recul et à son visage qui se fermait.
- Ils étaient ensemble, continua t-elle sur le même ton abrupt, ils s’aimaient ! Et puis brutalement elle a été tuée en mission…
-Oh ! Il comprenait mieux maintenant, car la douleur qu’il ressentait rien qu’à l’idée de la perdre, était insupportable.
De nouveau, le silence, un lourd silence. De toute façon entre eux ce n’était que le silence, il ne pourrait y avoir rien d’autre…
-Maintenant monsieur, c’est à vous de me retenir, dites un seul mot et je reste…
Non il ne le pouvait pas, ce mot il ne le dirait pas, elle dut le sentir car elle se leva et sans demander l’autorisation, elle le planta là, le laissant seul dans son bureau, à la tête du SGC, militaire jusqu’au bout des ongles, et englué dans un règlement qui elle le savait n’était qu’un prétexte à ne pas s’engager.
Pourtant elle lui donna une chance, elle resta un long moment à la porte de son bureau, laissant les larmes couler sur ses joues. Mais il ne bougea pas, ne la rappela pas, elle savait que tout était perdu.
Resté seul, il sortit le papier de sa poche, « ne fais pas l‘idiot » Mais il n’avait pas le choix, il devait rester à la tête du SGC, il devait rester général, elle, elle devait rester colonel, le Pentagone avait été ferme la dessus. Il aurait pu batailler, il aurait pu faire appel au président, non, il s’était résigné, comme s’il ne voulait pas que les choses évoluent entre eux. Il y avait tout un tas de raisons, il se trouvait tout un tas de raisons, sa carrière à elle surtout. Déjà colonel à son âge, elle gravirait vite les échelons, dans une dizaine d’années peut-être moins, elle serait général. Il n’avait aucun droit de bloquer son avancement pour une obscure raison sentimentale, qui n’était même pas sûre de résister à l’épreuve du temps.
Sam après cette entrevue pénible et stérile se rendit dans ses quartiers, elle voulait être seule. Elle arrivait à un tournant primordial de sa vie, qu’allait-elle faire ? Il refuserait sa démission, il refuserait qu’elle redevienne civile, car de ce fait elle ne pourrait plus être à la tête de SG1. Elle avait conscience du piège dans lequel elle était enfermée. Pour la première fois de sa vie, elle ne fit pas passer son devoir en premier. Elle ne le pouvait pas, c’était pour elle une question de vie ou de mort. Elle devait partir, laisser tout tomber, refaire sa vie ailleurs…
Ailleurs, c’est à ce moment-là que l’idée commença à faire son chemin en elle. Oui, c’était cela la solution, elle devait y réfléchir, mais vite.
Devant elle s’ouvrait deux chemins : d’un côté sa vie actuelle, à côté d’un homme qui elle le savait était l’homme de sa vie, mais avec qui il n’y aurait jamais rien. De l’autre, un autre homme, le même en fait qui elle le pressentait n’attendait que son retour. Irrésistiblement elle se sentait attirée par le O’Neill de l’univers miroir, l’amour qu’elle avait lu dans ses yeux au moment de leurs adieux, hantait ses jours et ses nuits.
Elle ne dit au revoir à personne et profita d’un moment de congé de son équipe pour faire ses paquets et sortir presque en catimini de la base.
Elle avait emporté au cas où, un détecteur de phase. Cela lui serait peut-être utile si elle voulait repasser dans l’autre monde, elle n’avait pas encore décidé, et se donnait quelques jours de réflexion.
Elle passa quelques jours à la campagne, elle avait loué un petit appartement pour une semaine, loin de tout. Elle voulait rester seule pour faire le point et se décider.
Au matin du cinquième jour, elle prit avec elle un léger bagage, rendit les clés de l’appartement et loua un hélicoptère. Elle eut du mal à en trouver un disponible, c’était très cher mais elle avait vidé son compte en banque avant de partir. Maintenant c’était trop tard, elle avait brûlé ses arrières.
Elle prit la direction des Bermudes. Elle n’avait pas suivi son plan de vol, coupé les communications. Elle ne voulait pas qu’on la cherche avant qu’elle ne soit arrivée à destination.
Elle repéra la faille et s’y engouffra. Au moment du passage elle sentit une légère désorientation et une lumière plus vive qu’elle n’avait pas remarqué la première fois. Elle ne s’en inquiéta pas, et continua sa route.
Pour tout le monde le triangle des Bermudes avait fait une victime de plus.
Plus elle approchait de la base de Cheyenne Mountain, plus elle ralentissait. Mais maintenant c’était trop tard pour reculer, elle avait fait son choix.
Elle rentra beaucoup plus facilement dans la base que la première fois. La première personne qu’elle vit fut Daniel. Il fut très heureux de la revoir et le manifesta par des paroles enthousiastes
-Vous êtes revenue Sam, c’est fantastique, j ‘en connais un qui va être content.
Tous la reconnurent, elle avait l’impression d’être rentrée chez elle. Comme quoi nul n’est prophète en son pays. Cela soulagea un peu son angoisse de l’inconnu et sa souffrance d’avoir tout quitté.
La nouvelle de son retour se répandit comme une traînée de poudre, cela arriva bientôt aux oreilles du général.
-Faites-la venir dit-il seulement.
A cet instant où elle pénétra dans le bureau de O’Neill le temps sembla se ralentir. Leurs yeux étaient rivés l’un à l’autre et un langage muet s’engagea pendant quelques instants.
Ce fut lui qui parla en premier
-Vous êtes revenue Sam, il dit les mêmes mots que Daniel.
Un sourire éclaira son visage sévère lui adoucissant les traits et lui redonnant du même coup un air de jeunesse et de vitalité qu’il avait perdu. Elle se perdit dans la contemplation de ce beau visage, la ligne abrupte du nez, la forte arcade sourcilière avec la petite cicatrice, la mâchoire carrée, la bouche, surtout la bouche aux lèvres pleines et sensuelles, et ce chaud regard brun qu’il posait sur elle, un regard brûlant d’amour contenu.
Elle fit quelques pas dans sa direction. Avec lui elle se sentait plus à l’aise, il n’avait pas mis une carapace autour de lui comme l’autre Jack.
-Oui je suis revenue, mais je ne suis pas sûre que ce soit la bonne solution, tout dépendra de vous monsieur, murmura t-elle.
-Si j’ai bien compris, l’autre O’Neill n’a pas saisi mon message ? Répliqua t-il
-Je ne sais pas monsieur ce qu’il y avait dedans.
-Oh ! Je lui avais simplement dit de ne pas faire l’idiot, je sais combien je peux être têtu ! Ainsi il n’a pas réagi ? Continua t-il avec une grande douceur dans la voix.
-S’il ne l’a pas fait c’est qu’il ne le pouvait pas, le règlement militaire…
Elle le défendait encore…
C’était un sentiment étrange, elle parlait de l’absent à celui qui était là, c’était comme un dédoublement, elle se sentait coincée entre les deux univers, comme coupée en deux.
-Un règlement ça se change, quand il n’est plus bon, et qu’il détruit des hommes se contenta t-il de répliquer.
Elle eut un oh ! De surprise.
-Parce que vous ? Vous…
Un gouffre s’ouvrait sous ses pieds, le règlement pouvait donc être changé, cela ne lui avait pas effleuré l’esprit. Alors pourquoi ?
-La première chose que j’ai faite en arrivant à ce poste c’est une demande d’allègement de ce règlement, qu’il ne s’applique plus au SGC, expliqua t-il. Nous avons du attendre un certain temps, la hiérarchie, vous voyez…
Elle voyait très bien, elle voyait surtout que son général à elle n’avait pas bougé le petit doigt, et pourtant elle était sûre qu’il avait des sentiments pour elle. Alors pourquoi cet immobilisme ? Il ne voulait pas s’engager, tout simplement, rester dans une neutralité de sentiments. La mort de son fils avait fait de tels ravages en lui, qu’il ne pouvait pas s’en remettre. Il ne voulait plus s’attacher de peur de souffrir encore, une réaction de défense qu’elle comprenait très bien, mais qui menait à une impasse.
Finalement elle avait peut-être bien fait de franchir le passage et de venir le rejoindre. Mais saurait-elle mettre ses pas dans ceux de la morte ? Pourrait-elle la remplacer, vivre sa vie ? Toutes ces questions l’angoissaient mais elle n’avait pas pour le moment de solution.
-Pourquoi êtes-vous revenue ? Avait-il demandé à ce moment-là. Son visage était redevenu sérieux, impassible, il attendait.
-Parce que pour moi là-bas il n’y avait plus rien, un désert de sentiment, le vide…. Mais je ne veux pas prendre sa place, avait-elle ajouté rapidement, je sais que je suis différente, je veux vivre ma vie, moi Samantha Carter de l’autre monde. Je veux vivre ma vie, mais ici.
-Nous avons tout notre temps Sam, dit-il d’une voix douce et lente, je te demanderais de la patience, c’est toi et c’est elle en même temps. Ce sera peut-être un peu dur au début, Il ne faudra pas t’étonner si moi je vois des différences, mais je sais que je m’y ferais car je t’aime plus que tout Samantha Carter, et je ne veux pas laisser cette chance qui m’est offerte une seconde fois.
Elle se sentait défaillir, ce qu’elle avait attendu de « l’autre » pendant des années, c’était lui qui le faisait, son cœur faisait des bonds dans sa poitrine, il allait exploser, les mots s’ancraient en elle, prenaient leur place, cet amour qu’elle avait retenu pendant si longtemps, elle pouvait enfin l’exprimer, la joie déferla en elle, elle le regarda des larmes plein les yeux.
-Alors tu veux bien de moi ? Avait –elle murmuré.
Il n’avait pas répondu tout de suite, il s’était seulement rapproché et l’avait prise dans ses bras. Alors dans un élan de tout son être elle avait passé ses bras autour de son cou et l’avait attiré à elle.
Le départ de Sam avait été comme un coup de tonnerre, personne ne s’y attendait. Daniel avait déboulé dans le bureau de Jack, en colère :
-Qu’est-ce que vous lui avez dit ? Vous l’avez laissée partir !!! Elle est retournée dans l’autre univers.
-Quoi !
-Qu’est-ce que vous lui avez dit ? Répéta le jeune homme un peu plus calme
-Mais rien du tout ! Pourquoi ? Elle est partie se reposer !
-Se reposer ! Vous voulez rire ! Vous n’avez pas lu les journaux ce matin ? Regardez :
L’article s’étalait en première page.
« Le triangle des Bermudes a fait une nouvelle victime, une jeune femme Samantha Carter, 36 ans, à bord d’un hélicoptère a soudainement disparu des radars… »
Jack était effondré, elle l’avait fait, elle était allée le rejoindre ! L’autre ! Le cruel aiguillon de la jalousie griffa son cœur. Il l’imaginait dans les bras de l’autre, faire l’amour avec l’autre… Une telle souffrance envahit son âme à ce moment là, qu’il crut que son cœur allait s’arrêter. Mais jamais il ne s’arrêterait de battre pour elle, maintenant il en était sûr. Mais c’était trop tard. Il ne pouvait plus rien pour elle.
Daniel pouvait voir les sentiments et la souffrance passer sur le visage de son ami.
-Vous n’aviez pas vu qu’elle était à bout ? Vous êtes aveugle Jack !
-Daniel laissez-moi seul ! Et comme le jeune archéologue ne bougeait pas, s’il vous plait !
-De toute façon, seul, vous l’êtes maintenant, vous l’avez perdue, et nous aussi nous avons perdu une amie, une femme extraordinaire. Elle nous manquera, oui elle nous manquera beaucoup, ajouta t-il la gorge serrée.
Il était un homme seul, et il contemplait un morceau de papier chiffonné, où un homme avisé d’un autre monde lui avait dit de ne pas faire l’idiot.
Et il l’avait fait, l’idiot, elle était partie, et il n’avait qu’à s’en prendre qu’à lui-même.
Ils étaient dans son bureau. Le téléphone n’arrêtait pas de sonner. A la fin n’y tenant plus il hurla sur Walter qu’il ne voulait être dérangé sous aucun prétexte. Le pauvre Walter courba l’échine et se retira en fermant doucement la porte derrière lui.
-Enfin seuls, dit Jack en souriant.
Elle le regardait avec indulgence. Il semblait totalement débordé. Elle ne pouvait s’empêcher de faire des comparaisons, LUI, comment aurait-il réagi ? Sans soute de la même façon ! Elle sourit.
-Ça te fait rire ! Tu sais, c’est vraiment le bazar ici.
-Je sais, dit-elle simplement.
Il lui jeta un regard appuyé.
-Cela me fait tout drôle de penser qu’il y a un autre univers exactement comme le nôtre, et que tu en viens.
-Tout n’est pas forcément pareil, j’en suis la preuve, Jack, dit-elle avec douceur.. Mais il faut reconnaître qu’au niveau de la pagaille, c’est très ressemblant ajouta t-elle en riant.
Un silence un peu gêné s’installa entre eux. Sam était perdue dans ses pensées, dans les souvenirs de ce qu’elle avait quitté. Tout cela lui paraissait si irréel, car elle avait vraiment l’impression d’être dans son SGC, celui qu’elle fréquentait depuis 7 ans.
Lui la regardait, il ne s’en lassait pas, c’était un miracle sans cesse renouvelé de l’avoir à ses côtés.
Dans les premiers jours elle s’était sentie un peu perdue, elle n’avait plus de métier, n’était plus militaire dans cette réalité. Son homonyme étant décédée, elle ne savait pas où elle allait loger, et n’avait probablement pas d’appartement à sa disposition.
O’Neill avait résolu le problème rapidement :
-Le plus simple est que je te donne des quartiers ici à la base et autrement dans un premier temps nous irons chez moi. Qu’en penses –tu ?
Elle avait été d’accord, cela lui paraissait en fait la meilleure solution.
Elle avait vite trouvé de l’occupation à la base, en fait elle avait repris le travail de son double et commanderait SG1. Entre les missions elle travaillerait au laboratoire sur le naquadah ou différents artéfacts, ou à la fabrication d’armes ou à la mise au point de différents dispositifs, en fait le même travail, le même lieu, les même missions. La seule différence serait Jack. Et quelle différence ! Son cœur battait dès qu’elle entendait son nom. Le général O’Neill un grand chef militaire, un homme dur, sévère, intransigeant, à l’humour féroce et décalé, un homme dont le regard s’adoucissait dès qu’il se posait sur elle, un homme merveilleux qui l’aimait sans se poser de questions, sans restrictions aucunes…
Il était prévenant avec elle, se doutant bien que son changement radical de vie ne serait pas simple. Il faisait tout pour lui simplifier les choses, et elle lui en était reconnaissante. Ils passaient beaucoup de temps ensemble dès qu’ils avaient un moment. Pour elle c’était extraordinaire de pouvoir le toucher, l’embrasser, vivre à ses côtés, dormir dans ses bras. C’était un constant émerveillement
Alors pourquoi une vague de nostalgie l’envahissait-elle par moment, quand au creux de la nuit, elle ne pouvait trouver le sommeil et écoutait le souffle régulier de l’homme qui dormait à ses côtés, de l’homme pour qui elle avait tout quitté ?
Dans l’autre réalité, le général O’Neill était seul. En haut de la hiérarchie du SGC, il commandait à tous dans la base. Il était respecté, mais seul.
Son côté bourru s’était encore renforcé, et il s’était enfermé dans un mutisme dont il avait du mal à sortir. Il ne parlait que pour le travail, d’un ton sec et parfois même brutal.
Il avait réussi le tour de force d’éloigner de lui Daniel et Teal’c. A force de repousser leur amitié, il s’était blindé et avait érigé des remparts autour de lui, maintenant il le payait très cher.
Depuis le départ de Sam tout allait mal dans la base. Il n’avait pas du tout compris l’attitude de la jeune femme, même s’il en était quelque part flatté, il ne comprenait pas ce manque de professionnalisme dont elle avait fait preuve et qui ne lui ressemblait pas. En fait tout était désorganisé, SG1 avait perdu son chef, au laboratoire d’astrophysique tout allait de travers, il manquait le moteur qu’était Sam dans tout ce qu’elle entreprenait. O’Neill finalement au bout de plusieurs semaines avait trouvé un nouveau chef pour SG1, il s’agissait du colonel Richard Walker. Un homme exceptionnel d’une quarantaine d’années au parcours sans faute et au dynamisme bien connu dans la base. Un homme compétent qui saurait bien remplacer le colonel Carter.
En fait non pensait O’Neill, Carter était irremplaçable ! Elle avait une façon bien à elle de travailler, efficace, autoritaire mais pas trop, dynamisant le travail des autres et les forçant à donner le meilleur d’eux-mêmes.
En fait O’Neill continuait de travailler par la force de l’habitude, son sens des responsabilités l’empêchait de tout laisser tomber. Il avait demandé à L’Etat major de prendre sa retraite, cela lui avait été refusé. Personne de plus compétent que vous en ce moment ! Tu parles ! Il y avait plein de généraux qui ne demanderaient pas mieux de prendre ce poste. Lui il en avait plein les bottes, tout cela ne l’amusait plus beaucoup.
Alors de temps à autre il partait en mission avec SG1.
La première fois cela lui avait attiré des remarques de Daniel :
-Vous vous ennuyez dans votre bureau Jack ? Avait-il ironisé. Le regard noir d’O’Neill ne l’avait pas interrompu ! Et qui va commander ? Le colonel Walker ou vous ?
-Je ne veux en rien déranger, je vous accompagne c’est tout. Et puis la mission à laquelle je pense est dangereuse, un homme de plus ne sera pas inutile.
-Besoin d’action O’Neill ? Avait demandé Teal’c.
-En effet avait répondu sèchement le général.
Depuis ce jour il partait régulièrement en mission, en fait dès qu’il le pouvait, dès que son travail à la base lui laissait un peu de temps libre. En ce moment c’était assez calme sur le front des goa’ulds et c’était tant mieux, personne n’allait s’en plaindre.
Ce jour-là la mission se déroulait tranquillement, ils étaient partis pour quelques heures explorer un temple inca que Daniel avait repéré sur P9H543. Walker avait pris la tête du groupe. O’Neill savait se faire discret il n’était là que comme accompagnateur, et respectait parfaitement le commandement de Walker. Celui-ci au début était un peu gêné de commander à un général, mais O’Neill avait su le mettre à l’aise et les missions se déroulaient parfaitement entre les quatre hommes.
L’ombre de Sam planait parfois entre eux, mais ils arrivaient à en parler comme d’une bonne camarade qui les avait quittés faire sa vie ailleurs, quelquefois il y avait une note de nostalgie dans leurs propos. Cela faisait du bien à Jack ces sorties avec son ancienne équipe, et le rapprochait de Daniel et de Teal’c avec qui il n’arrivait plus vraiment à communiquer depuis quelques semaines.
Tout se passait bien, Daniel et Teal’c étaient dans le temple, ils avaient dit à Jack qu’ils en auraient au moins pour trois bonnes heures. Jack avait soupiré comme à son habitude mais n’avait rien dit trop content de respirer l’air pur du dehors. La journée en effet s’annonçait prometteuse, chaude mais pas trop, un degré d’humidité parfait, une très belle campagne, un petit ruisseau, des oiseaux, enfin tout ce qu’il fallait pour un amoureux de la nature comme Jack.
Il s’engagea en sifflotant sur un petit sentier qui menait au cours d’eau situé à une centaine de mètres de la porte.
Walker était resté en faction près de la porte, au cas où. Mais il n’y avait personne sur cette planète, à part eux quatre et quelques animaux pacifiques.
Jack s’était accroupi près du ruisseau pour passer sa main dans l’eau et se rafraîchir quand il entendit des cris et des tirs de lance. Tout de suite, il fut sur le pied de guerre et revint en courant vers la porte. Il se cacha juste à temps dans un taillis pour éviter un groupe d’une dizaine de jaffas qui passa près de lui dans un bruit de bottes caractéristique.
Il se releva prudemment et s’approcha de la porte, Walker était étendu sur le sol et ne bougeait plus. Un groupe de jaffas étaient restés près de leur maître, une vieille connaissance de SG1, Heru’ur.
Il sentit une lance s’enfoncer dans son dos et il entendit une voix dure lui crier de lâcher son arme et d’avancer.
Pourvu que Daniel et Teal’c n’aient pas la bonne idée de sortir du temple maintenant ! Pensa t-il tandis que le jaffa le poussait dans la direction du shapaï.
Là on le fit tomber à genoux.
-Prosterne-toi devant ton dieu, misérable, dit une voix rauque.
Heru’ur lui releva le menton pour mieux voir son visage, ses yeux brillèrent de colère.
-Mais je te connais toi !
-Oui, moi aussi je te connais répondit O’Neill sur le même ton, mais je te croyais mort depuis longtemps.
-Insolent ! Le rayon sur le front le fit gémir, mais Heru’ur semblait avoir d’autres soucis que de torturer son prisonnier, aussi le lâcha t-il très vite.
-Ainsi donc vous êtes sur cette planète, c’est bien ce que je pensais.
O’Neill fronça les sourcils, ils avaient été trahis. Il passa en revue en un éclair toutes les personnes au courant de cette mission, il y en avait bien une bonne cinquantaine. Il y renonça pour le moment.
De l’endroit où il était il pouvait voir Walker immobile et baignant dans son sang. Son cœur se serra et il dut prendre sur lui-même pour endiguer le flot de colère qui l’envahissait. Et puis Heru’ur était bien mort ! Non ! Sans doute ressuscité comme le phénix qui renaît sans arrêt de ses cendres. Les goa’ulds avaient la peau dure ! Il en savait quelque chose, c’était un combat épuisant sans cesse renouvelé.
Maintenant Heru’ur semblait pressé, il fit un signe à un de ses jaffas d’ouvrir le vortex.
O’Neill fut remis debout sans ménagement. Avec un garde de chaque côté il franchit la flaque bleutée le dernier. Il eut le temps de voir par-dessus son épaule Daniel et Teal’c qui arrivaient en courant mais trop tard.
Le retour à la base se déroula pour Daniel et Teal’c comme un mauvais film, envelopper le corps de Walker, le porter à travers l’anneau de lumière, le retour à la base sans le général O’Neill, la consternation dans la salle d’embarquement, les visages horrifiés des personnes présentes, le silence de mort interrompu seulement par les bips des systèmes informatiques. Tout cela avait quelque chose d’irréel et de si brutal qu’ils en avaient tous le cœur serré.
Après un très rapide débriefing avec le colonel Reynolds, celui-ci décida d’envoyer des spécialistes de la porte étudier le shapaï de P9H543, pour essayer de déterminer la destination de Heru’ur.
Une heure plus tard des techniciens venus de la base, purent annoncer les résultats de leur travail, Heru’ur avait rejoint P8S711, une planète Goa’uld, d’un lointain système solaire.
C’était la consternation à Cheyenne Mountain. Il était impossible de savoir où se trouvait O’Neill, peut-être sur cette planète, ou sur une autre, ou dans un vaisseau-mère, aucun moyen de le savoir.
A la base le colonel Reynolds qui assurait les intérims brefs de quelques heures quand O’Neill était absent, avait contacté l’état major, il était hors de question qu’il dirige la base en état de crise. On lui avait promis d’envoyer quelqu’un au plus vite. Ce quelqu’un qui se présenta le lendemain fut Hammond en personne, à la grande joie de toute la base. Hammond dès son arrivée réunit un briefing d’urgence avec Daniel et Teal’c.
-Mes amis faisons le point, dit Hammond, que s’est-il passé ? Dit-il aux deux hommes, et comment se fait-il que le général O’ Neill, soit parti en mission avec vous. Docteur Jackson ?
-Et bien… commença Daniel en hésitant un peu, nous devions étudier un temple inca situé à deux cents mètres environ de la porte. Nous y étions depuis deux heures environ quand nous avons entendu du bruit. Nous nous sommes précipités et nous avons vu le colonel Walker étendu sur le sol et Jack enfin le général prisonnier des jaffas.
-Des jaffas de quel Goa’uld, s’inquiéta Hammond ?
-d’Heru’ur dit Teal’c.
-D’ Heru’ur ! S’exclama Hammond, je le croyais mort, vous êtes sûrs ?
-Tout à fait sûr général Hammond, j’ai bien reconnu la marque de ces jaffas.
-Heru’ur lui-même vous l’avez vu ?
-En effet général Hammond, au moment où il passait la porte. Puis nous avons vu O’Neill encadré de deux jaffas, la franchir à son tour.
Hammond réfléchit un moment puis il ajouta :
-Vous n’avez pas répondu à ma question, pourquoi le général O’Neill vous accompagnait-il ?
Voyant que Daniel hésitait Teal’c vint à son secours :
-Il ne nous a pas donné de raisons précises général Hammond. Il nous accompagnait de temps en temps.
Hammond sourit, il avait parfaitement compris.
-Je vois, l’action devait lui manquer un peu.
-Certainement général Hammond approuva Tea’lc.
-Je ne vois pas le colonel Carter, elle n’est pas là ?
-Non dit Daniel, elle a quitté la base cela fait plusieurs semaines.