Citations du moment :
Regarde où l'ennemi t'attaque : c'est souvent son propre point faible.
[Bernard Werber]
Imagine

Le monde sans elle : Chapitre 5

-Plusieurs semaines ? Que s’est-il passé ?
            -C’est une très longue histoire général Hammond dit Daniel un peu gêné. Une partie de cette histoire est personnelle au colonel Carter, mais nous pouvons toujours vous dire où elle est, même si nous ne pouvons pas rentrer dans les détails.
Dans l’heure qui suivit Daniel et Teal’c firent le récit un peu étrange de ce qui était arrivé à Sam. Ils se relayaient, chacun apportant sa touche personnelle. Teal’c restant assez froid se contentant d’énoncer les faits sans les interpréter et Daniel s’impliquant plus dans son récit racontait les faits tels qu’il les avait ressentis. Il parla aussi des relations tendues entre Sam et Jack, mais sans insister, il n’en connaissait pas les tenants et les aboutissants, seulement que depuis le départ de Sam le caractère de Jack avait totalement changé. Il s’était isolé et ne parlait plus que pour le travail, et il était toujours seul.
Hammond était abasourdi par ce récit, jamais il n’aurait pu imaginer que Sam ait choisi l’autre univers, elle devait être bien désespérée pour faire une telle chose qui ne lui ressemblait pas. Il se promit d’en dire deux mots à O’Neill quand il le verrait, s’il revenait un jour.
            -Général ! Que fait-on pour Jack ? 
-L’enjeu est trop important, le général connaît tous les secrets de la planète et il pourrait être torturé pour livrer tout ce qu’il sait. Il faut aller le chercher.
            -En effet il y un gros risque dit Teal’c, si Heru’ur a acquis la technologie d’ Anubis, contre le capteur qu’il avait implanté dans le cerveau de Thor et celui de Jonas, O’Neill ne pourrait rien faire.
            -C’est exact dit Hammond, il y a un trop grand risque. En conclusion j’envoie une expédition sur P8S711. Docteur Jackson et vous Teal’c vous partirez avec SG8 et quelques hommes supplémentaires. Naturellement je n’ai pas besoin de vous inciter à une très grande prudence. Nous enverrons d’abord le MALP en reconnaissance. Départ dans une heure.
            -Bien général, dirent-ils ensemble.
Sur la planète P8S711, O’Neill était étendu sur une table de pierre. Heru’ur l’avait interrogé, torturé pendant des heures, il n’avait pas parlé, n’avait même pas crié, ne voulant pas donner ce plaisir à son ennemi. Il s’était contenté de l’attiser par des paroles blessantes, ce qui était d’une grande stupidité, il le savait bien mais c’était pour lui sa seule façon de résister. Contre la douleur il savait qu’il ne tiendrait pas éternellement, et il souhaitait que Heru’ur rendu furieux par ses propos insultants le tue le plus vite possible.
La colère du dieu était terrible, il n’arrivait à rien contre ce prisonnier. Il le connaissait très bien ayant eu affaire à lui dans le passé, celui-ci avait toujours gagné. Mais pas cette fois, il finirait par parler, le petit supplice qu’il lui préparait était autrement plus douloureux et plus déstabilisant que tout ce qu’il avait pu lui faire jusqu’à présent.
Il le lui dit, O’Neill répondit par un ricanement et une force qu’il était loin d’éprouver, malgré lui le dieu douta. Il sortit de la pièce, furieux, laissant l’homme torturé gémir sur son banc de pierre.
Quand il revint quelques instants plus tard il tenait en main un petit dispositif de forme oblongue, bleuté, et qui possédait deux boutons sur un de ses côtés.
            -Regarde bien ceci, dit-il à O’Neill, c’est une petite merveille, un excitateur des terminaisons nerveuses.
O’Neill pâlit tandis que Heru’ur lui expliquait en détail ce que ferait sur son corps la petite machine en question.
            -Tu vois il y a plusieurs intensités, à la plus faible tu ne sentiras qu’un léger picotement, et puis au fur et à mesure que je monterai l’intensité, ce sera une légère douleur qui augmentera, augmentera, et tu auras alors la sensation de n’être qu’une boule de feu. Tous les nerfs de ton corps s’embraseront, tu ne perdras pas conscience car cet autre petit bouton que tu vois ici, t’en empêchera quand je l’activerai. Tu hurleras, tu ne pourras pas faire autrement, tu me diras de toi-même tout ce que je veux savoir pour que la douleur cesse.
O’Neill avait écouté ce petit discours suffisant du dieu sans le regarder. Il frémit, pâlit, son cœur battait à grands coups irréguliers dans sa poitrine, il avait peur, une peur viscérale qui lui tordait les entrailles. Il sentait qu’il vivait là sa dernière journée, il souhaita que le soleil se couche rapidement pour qu’enfin il trouve le repos. Il eut une dernière pensée pour Sam… partie si loin de lui… Finalement il ne regrettait rien elle était heureuse près de cet autre lui-même, moins bête que lui, sans doute, et moins pressé d’aller se jeter tête baissée dans les pièges tendus pour lui.
Heru’ur posa doucement le dispositif sur le bras de Jack. Il sentit un faible picotement, puis le Goa’uld augmenta l’intensité…Après ce fut l’enfer.
Dès qu’ils franchirent l’anneau de pierre ils surent qu’il était arrivé une catastrophe         sur la planète. Des incendies s’éteignaient lentement, des cadavres de jaffas jonchaient le sol. Plus loin dans le palais il y avait encore des combats.
Les jaffas de Heru’ur se battaient contre ceux de Svarog, et des gardes des deux camps gisaient sur le sol. Les hommes du SGC s’avançaient prudemment. Mais les jaffas de Svarog n’étaient pas si nombreux que cela.  L’attaque avait pris Heru’ur par surprise, mais il avait abandonné le terrain, et lâchement s’était enfui. De Svarog, nulle trace non plus, cette attaque devait être une préparation à une attaque de plus grande envergure, pour la possession de cette planète. En fouillant le palais ils découvrirent O’Neill. Son cœur battait faiblement et ils le mirent sur un brancard pour le ramener de toute urgence à la base.
Daniel trouva le dispositif qu’Heru’ur avait perdu dans sa fuite, il le mit dans sa poche et l’oublia. Puis tous rentrèrent à la base, mission accomplie. Le tout n’avait pas pris plus de deux heures.
Jack flottait dans un brouillard de douleurs et de calmants. Il ne reprenait conscience que par moment. Autour de lui des ombres, des visages et des voix venus d’un autre monde, très lointain. Il ne comprenait pas les mots et mais de temps en temps ressentait une présence rassurante à ses côtés. Daniel passait en effet beaucoup de temps à son chevet. Plusieurs fois par jour il venait aux nouvelles, mais le visage peu rassurant du docteur Bright l’inquiétait. Plus le temps passait en effet, moins Jack avait l’air d’aller bien.
            -On dirait qu’il ne lutte pas, dit le docteur, savez-vous ce qu’on lui a fait ? Je n’arrive pas à comprendre la nature de ses blessures.
            -Non dit Daniel, je ne sais pas. Cela a dû être terrible !
Puis subitement il se souvint de l’objet qu’il avait ramassé, par terre près de Jack agonisant.  Mais qu’est-ce que j’en ai fait ? Puis il se souvint de la veste d’uniforme qu’il avait déposée sur une chaise…
Il sortit en trombe de l’infirmerie sous le regard ébahi du docteur.
Le dispositif paraissait bien inoffensif, il y avait des inscriptions en goa’uld sur le socle, mais elles étaient si petites qu’il fallait un fort grossissement pour les lire. Il demanda l’aide de Teal’c et tous les deux, ils commencèrent la traduction. C’était une sorte de mode d’emploi de l’appareil de torture le plus terrifiant qu’ils n’aient jamais rencontré. L’imagination des goa’ulds était sans limite. Quoique connaissant parfaitement leurs ennemis, Daniel pensait bien qu’ils avaient du voler cette technologie à d’autres peuples plus perfectionnés mais tout aussi cruels sinon plus. Daniel alla tout de suite voir le général Hammond pour lui faire part de ses découvertes, il lui demanda de le rencontrer à l’infirmerie, pour gagner du temps s’il y avait un traitement à administrer à Jack.
Malheureusement le docteur Bright était formelle, même si elle connaissait maintenant la nature des blessures de Jack, elle n’avait pas de traitement. Il fallait juste qu’il tienne le choc suffisamment longtemps pour que la douleur des tortures s’estompe d’elles-mêmes. S’il n’avait pas la force il mourrait.
Elle faisait son possible pour soutenir le cœur, lui faciliter la respiration. Mais il ne luttait pas beaucoup et se laissait aller.
Un jour il ouvrit les yeux, et vit Daniel à son chevet, il murmura :
            -Daniel ! 
            -Jack sursauta Daniel, vous vous décidez enfin à regagner le monde des vivants. Comment vous sentez-vous ?
            -Pas très bien. Je vais mourir.
            -Chut… Ne dites pas cela, vous n’avez pas survécu à un tel supplice pour mourir maintenant.
            -Vous savez Daniel, je n’ai rien dit, rien du tout.
            -Je le sais dit Daniel très ému en serrant la main de son ami. J’ai toujours su que vous ne trahiriez jamais. Mais vous allez vous remettre.
            -Non, écoutez-moi Daniel. Il y a un traître dans la base. Il faut faire une enquête.
            -Un traître !
            -Oui, quelqu’un a averti Heru’hur de notre arrivée. On nous a tendu un piège.
O’Neill parlait avec lenteur en s’arrêtant entre chaque mot. Daniel était penché pour ne pas perdre un seul mot de ce qu’il disait.
            -Je vais avertir immédiatement le général Hammond dit Daniel. Savez-vous ce qui s’est passé sur la planète ? Heru’ur est-il mort ?
            -Je ne sais pas, il était entrain de me torturer quand des jaffas ont attaqué. Je ne sais rien de plus. Après je me suis réveillé ici.
            -Il faut vous reposer maintenant Jack, et garder espoir. Vous allez guérir.
            -Non… je suis trop atteint, vous n’avez pas idée Daniel…
            -Chut ! Daniel ne voulait pas en entendre plus, il ne voulait surtout pas entendre que Jack voulait mourir.  Si celui-ci disparaissait il se sentirait comme amputé d’un membre. Ils avaient vécu tellement de choses ensemble, mené tant de combats côte à côte, il perdrait une grande partie de lui-même.
Il regardait le teint plombé d’O’Neill, ses lèvres desséchées, son visage émacié et il prit peur.
            -Jack il faut lutter, Jack, je vous en prie ! Ne nous laissez pas.
En un éclair il revit leur groupe, leur équipe SG1 comme elle l’avait été pendant sept ans. Sam, il faut rechercher Sam, il n’y a qu’elle pour l’empêcher de mourir.
            -Jack, tenez bon, je vais LA chercher.
Il partit en courant vers le bureau du général.
            -Jack est entrain de mourir, général Hammond, il se laisse aller, il ne lutte plus.  Il faut absolument aller chercher Sam. Elle seule pourra peut-être le retenir.
Hammond avait blanchi sous le coup de l’émotion.
            -Que dit le docteur ?
            -Qu’il n’en a plus pour bien longtemps. Permission de passer la faille et d’aller rechercher Sam.
Hammond ne réfléchit pas longtemps :
            -Il vous faut combien de temps pour atteindre la faille ?
            -Deux heures général Hammond.
            -Préparez-vous avec Teal’c, pendant ce temps je prends les dispositions nécessaires. Et Ramenez-nous le colonel. Bonne chance.
Sam était penchée sur le réacteur à particules qu’elle étudiait depuis plusieurs semaines. C’était un appareil très prometteur. Il permettrait de décupler la puissance du naquadah et améliorerait grandement la vitesse du Prométhée.
Elle s’épongea le front et se releva en gémissant, le dos raidi.
Elle fit quelques mouvements d’assouplissement, se massa le cou et ferma les yeux. Elle ne l’entendit pas entrer, mais sourit quand elle sentit deux mains chaudes se poser sur sa nuque et masser doucement ses muscles douloureux.
            -Tu travailles trop ! Depuis quand n’as-tu pas mangé ?
Elle se tourna vers lui et sourit devant ses yeux bruns inquiets, elle regarda sa montre
            -Oh ! Il est déjà 21 heures ? En fait je n’ai rien avalé depuis ce matin. Tu vas me gronder ?
            -Oui dit-il en riant, je vais profiter de mes prérogatives de général pour t’ordonner d’aller manger un petit quelque chose au mess. D’ailleurs je t’accompagne.
            -Avec plaisir ;
Il y avait encore du monde au mess quand Sam et Jack prirent place à une table de libre au fond de la salle.
Les officiers qui étaient entrain de dîner se contentèrent de saluer le général, et le colonel, mais sans se lever. O’Neill avait horreur qu’on se mette au garde à vous à tout bout de champ, et il avait assoupli le règlement à ce niveau.
La pause fit beaucoup de bien à Sam.
            -Tu rentres maintenant lui demanda t-elle ?
            -Oui, la journée est finie, et c’est tant mieux, elle a été bien longue.
            -Alors moi aussi je rentre, dit-elle avec un sourire malicieux. Juste le temps de repasser au labo prendre ma veste, et je suis toute à toi.
Il ne répondit pas mais son regard était éloquent. Visiblement il se réjouissait de la soirée qu’ils allaient passer ensemble.
Sam était heureuse avec Jack O’Neill, il était parfait comme dans ses rêves les plus fous. Pourtant elle notait des différences, il parlait plus, beaucoup plus. Mais cela venait peut-être de leur intimité. C’était tout nouveau pour elle, et elle avait encore du mal à se livrer totalement, alors que lui, il le faisait. En fait les deux Jack n’avaient pas tout à fait le même caractère, elle s’en voulait de faire des comparaisons, d’autant plus que les dites comparaisons n’étaient pas à l’avantage de l’autre Jack, celui qu’elle avait laissé.
Ils étaient à peine arrivés chez eux, que le portable de Jack se mit à sonner.
            -Bon sang râla t-il on ne peut jamais être tranquille.
Il décrocha :
            -O’Neill
            -…
            -Nous arrivons immédiatement.
            -Désolée, Sam, mais il faut y aller.
            -Qu’est-ce qui se passe dit-elle d’un ton désappointé
-Je t’expliquerai en route. Apparemment il se passe quelque chose dans ton univers.
Daniel et Teal’c les attendaient. On les avait laissés passer car maintenant ils étaient connus et tout le monde à la base connaissait cette faille qui faisait communiquer leurs deux mondes.
            -Que se passe t-il ? Demanda Sam en voyant ses deux amis. Tout de suite elle pensa au général, à « son général » il lui est arrivé quelque chose ?
            -Il faut que vous veniez avec nous Sam dit Daniel, le général Hammond vous attend.
            -Le général Hammond ! Et Jack, enfin le général O’Neill ! Que se passe t-il ?
            -O’Neill a été fait prisonnier, nous l’avons récupéré mais il a été torturé et il est mourant, dit Teal’c d’une voix neutre.
Sam était devenue blanche, ses jambes la portaient à peine, elle jeta un regard désespéré à Jack qui n’avait rien dit. Son cœur à lui se serra et une boule se forma dans sa gorge, elle était sur le départ, il le sentait !  Il voyait les émotions sur le visage de la jeune femme, le choc de la nouvelle, puis la peur, enfin la douleur.
Elle le regarda d’un air tragique, son coeur était déchiré entre les deux univers, elle savait qu’elle ne pourrait pas vivre longtemps comme cela, et qu’il lui faudrait faire un choix, mais un choix irréversible. Elle ne pourrait continuer ainsi à passer d’un homme à l’autre, ce ne serait juste ni pour elle ni pour eux. Mais vers lequel aller ? Le regard que Jack posait sur elle à cet instant était particulièrement neutre. Il cachait toute la souffrance qui le déchirait, il ne pouvait rien faire.
            -Tu dois te décider maintenant Sam ! Dit-il d’une voix rendue rauque par l’émotion. Mais pour une fois sois honnête, choisis entre nous deux ! Mais fais –le et de manière définitive.
Il avait dit les mots qu’elle pensait, elle le regarda douloureusement et murmura à voix basse :
            - Pardonne-moi ! Jack ! Tu ne mérites pas cela.
 Des larmes roulaient sur ses joues, mais il ne fit pas un geste vers elle, il voulait la laisser libre de son choix. Par leur venue Daniel et Teal’c avaient ouvert la cage, elle était prête à prendre son envol. Il détourna les yeux, et recula d’un pas, tandis qu’elle s’avançait vers ses amis. Il sentit qu’elle était déjà loin et silencieusement il quitta la pièce, personne ne s’aperçut de son départ.
Il était seul une fois de plus avec sa peine et son chagrin. Elle l’avait déjà oublié.  En quelques minutes tout avait basculé à nouveau. Il se demandait amèrement ce qu’il pouvait bien avoir de plus, cet autre lui-même qui attirait Sam de façon si irrésistible. Il se retira dans son bureau et là loin de tous il se laissa aller, et une larme traça un sillon sur sa joue et vint se perdre sur son menton. Lui qui n’avait pas pleuré à la mort de « sa Sam », maintenant se laissait submerger par le chagrin, parce qu’il savait qu’il ne la reverrait jamais. Il n’assisterait pas à son départ, ce serait trop dur et inutile. Il ne voulait que son bonheur, c’est ce qu’il avait toujours voulu.  Il remercia et maudit le destin de lui avoir donné quelques semaines de bonheur supplémentaires et de lui arracher le cœur si cruellement.
Le retour à Cheyenne Mountain se fit dans le silence. Daniel et Teal’c avait juste expliqué à Sam que le général partait quelquefois en mission et que là tout avait basculé si vite et de façon si tragique que personne ne pouvait le prévoir. Jack avait parlé d’un traître,. Hammond avait fait son enquête, il s’agissait d’un nouvel informaticien à la solde du NID et de Kinsey qui voulait se venger d’O’Neill et du SGC.  Sam fut surprise également surprise du retour de Heru’ur, que tout le monde croyait mort.
Puis le silence retomba dans le petit avion, chacun ruminant ses pensées.
Sam craignait beaucoup son retour. Le général O’Neill n’avait pas demandé après elle, c’était Daniel qui avait eu l’idée de la rechercher. Elle lui en était reconnaissante, mais elle était aussi terriblement inquiète. Jack ne voulait plus vivre ! Etait-ce à cause d’elle et de son départ, ou bien parce qu’elle vivait avec son double ? Ou pour une autre raison qu’elle ignorait ?
Dès son arrivée elle alla voir le général Hammond qui l’accueillit fraîchement. Elle en fut déçue et peinée.
            -Comment allez-vous docteur Carter ?
« Docteur » ! C’est vrai qu’elle avait donné sa démission, elle n’était plus militaire, elle n’était d’ailleurs plus rien dans cet univers qui était le sien. Elle avait coupé tous les ponts, pour aller retrouver Jack.
            -Comment va le Général O’Neill s’inquiéta t-elle ? Elle n’avait pas répondu à Hammond préférant ne pas relever le « docteur » qui l’avait un instant décontenancée.
            -Il ne va pas bien du tout.
 Hammond se radoucit et expliqua à Sam tout ce qu’il pouvait lui dire sans compromettre la sécurité de la base. Elle s’en aperçut et s’en étonna.
            -On dirait que vous ne me faites plus confiance mon général, je n’ai pas commis de fautes, je suis simplement partie après avoir démissionné de l’armée.
            -En effet, je suis d’accord avec vous ! Mais vous ne faites plus partie du SGC, et vous avez un badge de visiteur qui limite votre accès à nos installations et à nos informations. Cela peut vous paraître dur, mais je n’y peux rien, je suis obligé d’appliquer le règlement.
            -Je comprends général Hammond. Est-ce que je peux aller voir le général O’Neill ?
            -Oui, le docteur Jackson et Teal’c vont vous accompagner. 
            -Je ne peux pas y aller seule ?
Hammond hésitait,
            -L’infirmerie est un lieu de haute sécurité, mais je ne pense pas que quelqu’un trouve à redire à ce que vous rendiez visite au général O’Neill.
Sam se sentait soulagée, elle trouvait le général Hammond un peu dur dans son application stricte du règlement. Puis elle se souvint qu’il y avait un traître à la base qui avait envoyé SG1 dans les griffes de Heru’ur. Toutes ces précautions étaient normales. En tant que militaire elle le comprenait, comme amie du général Hammond et des trois quarts de la base, elle le comprenait un peu moins.
Elle croisa peu de monde dans les couloirs, on la regarda avec étonnement, mais elle ne vit personne, ralentissant au fur et à mesure qu’elle se rapprochait de l’infirmerie. Son cœur battait irrégulièrement et lui faisait mal, ses jambes étaient faibles, et quand elle franchit la porte elle eut un étourdissement. Une infirmière dut la soutenir et la fit asseoir sur une chaise en attendant l’arrivée du docteur Bright.
            -Docteur Carter ! Dit-elle, ça ne va pas ?
Elle lui prit sa tension et la trouva trop basse.
            -Vous avez l’air épuisée.
Sam hocha la tête
            -Je le suis, je n’ai rien mangé depuis plusieurs heures. Et puis je voulais voir le général.
            -Je ne sais pas… dit le docteur
            -J’ai l’autorisation du général Hammond !
            -Ah fit seulement le docteur. Suivez-moi. Mais avant vous devriez manger quelque chose !
            -Ça ira dit Sam, je voudrais voir le général O’Neill.
La douleur avait enfin reflué, il se sentait s’enfoncer dans un monde ouaté, gris uniforme, et doux.  Pour la première fois depuis son retour il se sentait bien. Il flottait, il voyait des ombres tourner autour de lui, il entendait vaguement des voix mais ne distinguait pas les mots. Certaines voix parlaient plus fort, il entendait son nom, elles l’encourageaient. 
            -Général O’Neill !  Jack ! Il faut lutter ! Battez-vous !
Se battre pourquoi faire ? Il s’était battu toute sa vie, il avait 48 ans maintenant, avait déjà beaucoup vécu, beaucoup souffert il n’avait plus d’avenir et était toujours seul. Ah quoi bon continuer ? Personne ne le regretterait sauf peut-être ses amis. Teal’c, Daniel, Hammond, Cassandra. Mais c’était tout, il manquerait à quatre personnes. Les autres l’appréciaient à la base, il était un bon général et dirigeait bien le SGC, mais ils sauraient très vite lui trouver un remplaçant. Il n‘avait plus le goût de vivre. Pas sans ELLE. C’était comme ça ! Il ne pouvait rien y faire. Il allait mourir et c’était très bien. Elle serait heureuse avec l’autre, avec lui cela n’aurait pas marché.
Il s’enfonçait doucement dans la torpeur, quand son cœur se mit à battre plus vite.  Il sentait, flottant légèrement dans l’air ce souffle, ce zéphir qui venait vers lui, diffusant une odeur délicieuse, celle de son parfum. ELLE était là près de lui, cela ne pouvait être qu’elle. Il fit un effort pour se réveiller, mais il avait du mal à sortir de la léthargie qui l’engluait, son désir de mort était trop fort. Puis il sentit qu’on lui prenait la main, il entendait une voix douce lui parler. Il essaya de réagir. ELLE était revenue, pourquoi faire ?  Le voir mourir ! Se réjouir de sa disparition, pour mieux courir ensuite dans les bras de l’autre, la conscience tranquille ?
La colère le ranimait, le tirait à nouveau vers la vie, il entendit mieux ce qui l’entourait, il ouvrit les yeux et vit un visage d’abord flou à ses côtés et puis de plus en plus net. C’était ELLE, son regard bleu très pur posé sur lui. Elle était revenue, une joie puissante le souleva en même temps qu’une colère emplissait son âme d’un flot de rancœur.
Sam était là tout près de lui, elle s’était assise sur le lit et lui avait pris la main. Elle voyait son beau visage apaisé, si proche du repos éternel qu’il en avait déjà pris l’aspect. Elle tenait dans ses mains ses longs doigts fins, elle en caressait la peau suivant le contour des articulations remontant vers le poignet. Sa main était souple et tiède dans la sienne. Elle se pencha vers lui comme si elle voulait déposer un baiser sur ses lèvres, puis elle le sentit se raidir, il ouvrit les yeux et regarda dans sa direction.
            -Jack murmura t-elle.
Que se passait-il ? Elle avait cru lire de la colère, de la haine même dans ce regard ! Elle s’affola, l’appela à nouveau :
            -Jack, c’est moi Sam !
Puis il retira sa main d’un geste brusque et referma les yeux se tournant le visage vers le mur. Le monitor s’affolait, son cœur battait beaucoup trop vite. Sam appela le docteur qui se précipita. Elle injecta aussitôt un produit dans la perfusion et le rythme cardiaque se ralentit.
            -Que s’est-il passé Docteur Carter ?
            -Je ne sais pas, je lui tenais la main, il ne bougeait pas, et tout un coup il s’est réveillé, il était agité.
Elle ne lui parla pas du regard de Jack qui l’avait glacée jusqu’aux os.
Le docteur sourit ;
            -C’est plutôt une bonne nouvelle ! Il a décidé de se battre à nouveau, j’avoue que j’étais très inquiète. Maintenant il faut le laisser se reposer.
Sam ne savait plus où aller, à la base elle n’était rien du tout. D’ailleurs elle s’en rendit compte bien vite car elle avait à peine fait trois pas en dehors de l’infirmerie qu’un airman lui demanda de la suivre. Ils prirent les ascenseurs et elle se retrouva sur le parking du SGC. Seule.
Elle était désorientée, et pourtant elle se trouvait là où elle vivait depuis huit ans, là où était son travail, c’était la ville où elle avait sa maison, où elle avait son cœur. Elle prit un taxi et se fit conduire chez elle. Elle espérait que son père n’avait pas eu l’idée de vendre sa maison en son absence. Cela aurait été plausible puisqu’elle était partie pour ne plus revenir. Elle avait coupé les ponts de façon si brutale qu’elle en avait un peu honte, comment avait-elle pu traiter ainsi son père, ses amis, le général ? 
Daniel et Teal’c ne semblaient pas lui en vouloir. C’étaient de vrais amis qui ne posaient pas de questions, et ne lui en voulaient pas d’avoir tout quitté pour vivre son rêve. Elle n’était pas sûre du tout que son père ait la même largeur d’esprit.
Elle trouva sa maison comme elle l’avait laissée en ordre. Un ordre qui manquait de chaleur, un foyer sans âme où elle ne venait pas souvent. Elle fit le tour des pièces et s’arrêta dans le séjour. Quelqu’un était venu là, pas tout récemment, mais depuis son départ. Jamais elle n’aurait laissé traîné une canette de bière dans le salon. D’ailleurs ce n’était pas la bière qu’elle prenait habituellement, et elle avait vidé son frigo. Machinalement elle prit la bouteille dans ses mains et vit que c’était la marque préférée du général. Mon dieu il était venu !  Dans sa maison, s’était assis dans son salon et avait bu une bière dont il avait laissé la bouteille sur la table basse. Il y avait aussi un journal à la date du 3 novembre, juste quelques jours avant son départ pour cette maudite planète où il s’était fait piéger si cruellement. Sam était bouleversée, qu’il ait pu venir passer ici un moment chez elle !  A l’abri des regards, loin de la base et de ses potins, un peu comme on vient se recueillir sur une tombe. Elle dut s’asseoir les jambes faibles et l’imagina seul dans cette pièce qu’elle avait désertée pour toujours, dans quel état d’esprit était-il à ce moment-là. Elle pouvait l’imaginer sans doute triste, est qu’elle lui manquait ?  Etait-il malheureux de l’avoir perdue ? Peut-être l’aimait–il ? Mais alors pourquoi ne pas l’avoir retenue ? Pourquoi maintenant qu’il était réveillé ce regard de colère et de haine ?  Elle l’avait bien senti, au moment où il avait ouvert les yeux, il la haïssait.
 
 
Conçu par Océan spécialement pour Imagine.
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