-Pauvre femme dit Daniel.
-Oui elle est très seule, son mari est décédé il y plusieurs années.
Le retour se fit en silence jusqu’à l’ aéroport. Sam se demandait ce qu’elle allait dire au général Carrey. Elle ne lui avait fait part d’aucune de ses découvertes, mais elle avait enfreint les règlements et les protocoles pour accéder à ces données. Ce qu’avait fait Jack dans les Black Ops était strictement confidentiel, et normalement n’existait même pas. Les quelques lignes qu’elle avait décryptées n’auraient même jamais du être dans les dossiers. A la réflexion c’était très étonnant qu’elle ait trouvé quelque chose. Elle pensa qu’elle devait la vérité au général Carrey.
Elle lui demanda un entretien dès son arrivée et joua franc jeu avec lui. Elle lui dit tout, les dossiers secrets, le nom de code de Jack, ce qu’il avait fait, et sa visite à la voisine des familles Market et O’Neill.
-Une bien maigre moisson mon général dit-elle.
–Je ne suis pas d’accord avec vous colonel, nous savons maintenant que le fils du major Market est venu venger son père.
-Mais comment a-t-il pu apprendre que c’était le général O’Neill qui avait tué son père ?
-Sans doute de la même façon que vous, c’était peut être un mauvais militaire mais un excellent informaticien.
-Naturellement, je n’y avais pas pensé mon général. Comment va le général O’Neill ?
-Il retrouve peu à peu la mémoire, sauf la période qui a précédé son agression.
-C’est une bonne nouvelle ! dit Sam en souriant.
Rien n’aurait pu lui faire plus plaisir de savoir que le général O’Neill allait mieux.
**********
Jack s’allongea sur son canapé, il ferma les yeux et essaya de se concentrer. Il pensait avoir retrouvé intégralement la mémoire, cependant le visage de l’auteur de son agression lui échappait . Il plongea dans ses souvenirs essayant de mettre de l’ordre dans sa mémoire fragmentée.
Chicago… la maison de ses parents…. Sa chambre… Les trois jardins qui se touchent. Sa maison est au milieu. Adrian Naymith, Paul Market. Oui il se souvient de Paul. Un enfant un peu timide qui ne parle pas beaucoup, obéit facilement. Il le prend sous son aile, car l’enfant est craintif. C’est vrai qu’il le protège ! Paul a peur d’aller tirer les sonnettes, il court moins vite, rouge et essoufflé, et c’est lui qui se fait piquer !
Cathy sa sœur, une chipie qui cafte comme elle respire. Sa mère , son parfum, ses robes de coton fleuri, son sourire, son beau visage de madone.
Jimmy, la petite boule toute ronde qu’il aime prendre dans ses bras, il le fait tournoyer au dessus de sa tête, l’enfant rit aux éclats.
La voix grave du père :
-Jonathan ! laisse ton frère tranquille.
Il file doux, les taloches sont dispensées généreusement mais toujours avec justice.
Adrian , le petit voisin est toujours avec eux. Jack l’aime bien, il invente toujours des nouveaux jeux passionnants, ils font des bêtises ensemble, des trucs de gosse qui ne font rire qu’eux-mêmes. Piquer les vêtements de la voisine sur sa corde à linge, ou vider la bouteille de lait de la vieille grincheuse d’en face et le remplacer par de la peinture blanche, guetter les hurlements de la vieille et s’enfuir en riant comme une volée de moineaux.
Jimmy, son sourire, son rire cristallin, ses mots hésitants, sa petite voix douce, le bel enfant blond…
Un jour comme les autres, un jeu stupide qui les accapare et voilà que l’enfant devenu tout à coup silencieux, disparaît. Quatre ans et une envie folle de découvrir le monde, innocent, inconscient du danger ! Il sort dans la rue, n’entend pas le hurlement de Jack, le choc, un horrible bruit, un crissement de pneu, la voiture redémarre à toute vitesse et disparaît. L’enfant est au sol. Jack s’agenouille près de lui, le visage du petit est en sang, il voit tous les détails de la blessure, la tête a heurté le sol avec une telle violence que le sang a giclé. Jack le touche, il le prend dans ses bras, il veut crier mais aucun son ne sort de ses lèvres. Après c’est le trou, il a oublié. Il est dans les bras de Marie Naymith, il pleure.
Chez lui, il ne veut pas y retourner, son père le tuerait. Il s’enfuit, va en ville à pied, se cache dans des trous, vole des fruits à l’étalage. Il erre dans toute la ville, atteint des quartiers qu’il ne connaît pas, et échoue au bord du lac. Il reste ébloui, il se croit au bord de la mer. Il perd la notion du temps, la nuit tombe, il a peur , il a dix ans, il appelle sa mère, c’est un petit garçon perdu qui vient de tuer son petit frère, il le sait, c’est lui, c’est comme s’il l’avait poussé sous la voiture. Il ne veut pas rentrer.
C’est le 15 juin 1967, sa vie vient de basculer, il ne sera plus jamais le même. Son enfance vient de se terminer dans un bain de sang.
La police le ramène chez lui quelques jours plus tard. La maison est dans le noir, les volets sont fermés, les rideaux tirés.
Il atteint le salon, ses parents sont sur le divan, assis bien droit, ils se tiennent la main, leurs yeux sont grands ouverts et n’ont plus de larmes. Cathy est assise par terre la tête sur les genoux de sa mère, elle le regarde par en dessous méchamment. Il est figé, sale, les vêtements déchirés. Personne ne se lève pour le prendre dans ses bras. Il fait un pas vers sa mère, mais le regard de Clara est fuyant, il comprend qu’elle ne lui pardonnera jamais ce qui est arrivé. Le cœur de l’enfant se déchire, mais lui non plus ne pleure pas.
Alors son père se lève et froidement il le frappe en silence, sans un mot, une claque , puis une autre. Une colère froide le soulève . Puis c’est le ceinturon à la boucle de métal qui l’atteint en pleine poitrine. Il se recroqueville, protège sa tête de ses deux bras. Les coups pleuvent, il est au sol, petit tas de vêtements sales, de sang, et de douleur. La boucle glacée de son cœur enfle encore un peu plus.
Le plus terrifiant c’est le silence de cette scène, personne ne dit un mot, personne ne crie, pas même l’enfant battu. Il ne se plaint pas , il supporte la raclée, il la mérite. C’est dans l’ordre des choses.
Puis les jours défilent gris et identiques. Plus de rires d’enfants dans les maisons et les jardins. La douleur de la famille O’Neill les a éloignés de leurs voisins. Seuls les Naymith et les Market leur restent fidèles.
Le père n’a plus de travail, il ne pense qu’à remplir son verre et y faire disparaître son chagrin. Il se met à haïr son fils et se déteste pour cela. Il en veut à la terre entière. Plus il le frappe, plus sa colère enfle, plus il boit.
Un jour Jack voit sa mère avec des meurtrissures, elle lui dit qu’elle est tombée. Il la croit, il est encore très jeune. Puis c’est Cathy qui a un gros bleu sur la tempe. Cathy qui le déteste et épie derrière la porte quand elle voit son père défaire sa ceinture. Elle accuse Jack de tous les maux, c’est sa faute, il a gâché sa vie à elle aussi.
Jack commence à faire des bêtises, il fugue, il vole, il fait l’école buissonnière, il fume, il boit, il se durcit, il fait du sport. Il sait se battre maintenant, il fait tomber des plus grands et des plus forts que lui. Le maniement du couteau n’a plus de secrets pour lui, il grandit, il se muscle, il devient rebelle à toute autorité.
Sa scolarité est épisodique, mais sa vive intelligence lui permet de combler quelques lacunes. Il passe des nuits entières dans son repère, un toit plat d’une maison. Là, il s’allonge sur le dos et regarde les étoiles. « Un jour j’irai, pense t-il plein d’espoir ».
Le lendemain il oublie son rêve, confronté à la dure réalité de la rue.
Il devient chef d’une bande de vauriens, il a quinze ans et en parait beaucoup plus, sa voix devient grave, c’est déjà un homme.
La bière, les filles, les bagarres, la défense de son territoire, le petit monde de Jack est restreint, il en oublierait presque son rêve d’étoiles.
Depuis qu’il est devenu aussi grand que son père, il le contre, il se battent sous les yeux horrifiés de Clara. Quelquefois Jack a le dessus, c’est son père alors qui quitte la maison pour oublier au fond d’un verre, toute la misère de sa vie, et qu’un jour il a eu un enfant blond au rire plein de joie. Jack s’ occupe de sa mère, il la pousse au divorce. Elle refuse. Il hausse les épaules « si ça te plait de te faire battre…., en tout cas moi, il ne me touchera plus jamais ! »
Son couteau, il l’a toujours dans sa poche, c’est un cran d’arrêt avec un manche en ivoire sculpté. Il l’a volé dans une armurerie, il ne le quitte plus.
Les armes à feu, il connaît bien aussi. Il sait très bien viser, et tirer, et ne rate jamais sa cible. Les autres le savent. Ils lui obéissent.
Il se fait arrêter, vraie tête de pioche, il regarde le juge sans ciller. Celui-ci l’envoie en prison pour quinze jours. Deux mois plus tard rebelote. A la cinq ou sixième fois le juge tape du poing sur la table. Il cherche à comprendre pourquoi ce gamin de bientôt dix huit ans gâche sa vie de cette façon. Il n’a même pas l’excuse d’être un fils d’immigré. Le gosse est intelligent, un peu inculte mais intelligent. Il le prend entre quatre yeux.
-Mon garçon, avec ce que tu viens de faire c’est trois ans de prison minimum ! Si tu continues comme ça tu seras plus souvent derrière les barreaux que dehors.
Jack a l’habitude du discours du juge, il l’engueule à chaque fois. Il écoute distraitement, de toute façon, il ira en prison. Alors à quoi bon ?
Silence. Le juge a fini sa phrase, Jack relève la tête et attend qu’on lui remette les menottes. Le regard du juge se fait insistant, Jack se redresse de toute sa taille, machinalement il tâte sa poche, le couteau n’est plus là bien sûr, on le lui a pris. Le silence et le regard du juge lui pèsent. Il se trouble. C’est pire que des mots, cela le touche, il s’agite, commence à marcher.
-Qu’est ce que tu veux faire dans la vie ?
-J’sais pas.
-Tu aimes la prison ?
-Non. Il répond sèchement. Il a beau crâner, la prison, il déteste.
-Je te propose une chose, un choix !
Jack est surpris, c’est bien la première fois qu’on lui donne le choix.
-Mais réfléchis bien, c’est ta dernière chance.
Jack ouvre de grand yeux, mais que voulait ce juge ?
-Le choix est le suivant : l’armée ou la prison.
Au mot « armée », Jack tressaille, l’ armée, c’est la discipline, marcher au pas, obéir, faire tout un tas de chose qu’on pas forcément envie de faire. C’est perdre sa liberté !
-Je peux réfléchir… ? monsieur le juge ajoute t-il.
-Tu as une minute.
-Une minute, c’est pas assez !
-Tu perds du temps, il te reste trente secondes.
-Je peux poser une question ?
-Bien sûr !
-Je peux choisir dans quelle arme ?
Le juge a un fin sourire, le garçon est ferré.
-Naturellement
-L’Air Force dit Jack d’un ton décidé. Je veux voler !
Voilà c’est fait, il a signé.
Il quitte sa maison, sans un adieu, sans même embrasser sa mère. Il s’arrête chez Mary Naimyth lui dire au revoir. Il tourne le coin de la rue, il ne se retourne pas.
Sa vie vient de changer une nouvelle fois.
Des pas derrière lui !
-Jack attend moi.
C’est Paul.
-Je pars avec toi.
Jack le regarde durement
-J’ai pas besoin de toi, je pars à l’armée.
-Alors moi aussi !
-T’es trop jeune !
L’ascendance de Jack est telle sur le jeune homme qu’il ne discute même pas. Jack voit la déception sur le visage de son ami.
-Dans deux ou trois ans !
-Oui ! je viendrai dit le jeune Paul les yeux brillants.
Paul rejoint l’ armée, il rentre à l’académie trois ans après Jack. Ils sont de nouveau amis. Ils se voient tout le temps.
Jack a changé. Il s’est calmé. La vie militaire lui va bien. Au début il fait quelques séjours au mitard, mais comprend vite qu’il ne doit pas laisser passer sa chance.
Il fait tout pour ça, travaille comme jamais il ne l’a fait avant
**********************
Les analyses de la lettre anonyme étaient revenues. Il n’y avait aucune empreinte. Sam était un peu déçue, mais elle s’y attendait. L’enquête piétinait.
La culpabilité du fils de Paul Market n’était que supposition. Il était en ville certes, mais cela n’en faisait pas un coupable.
Sam recevait régulièrement les comptes-rendus des soldats chargés de surveiller le jeune homme. Il habitait une petite chambre, était en permission pour plusieurs semaines. Sam, Daniel et Teal’c décidèrent de lui rendre une petite visite. Ils profitèrent de ce que le jeune homme était sorti.
La chambre était presque vide. Un lit, une table avec du matériel informatique performant, des manuels. En somme de quoi pirater le pentagone en toute tranquillité.
Sam s’installa à la table et fit quelques recherches. En une demi heure elle retrouva ce que Julian avait voulu dissimulé.
-Pas très malin dit Daniel penché pour voir ce que faisait Sam.
-Nous emportons le disque dur. Il aura une petite surprise en rentrant. S’il vous plait dit-elle au lieutenant Silers, emportez ça à la base et déposez le directement dans mon labo.
-A vos ordres mon colonel.
-Et nous Sam on fait quoi ?
-Nous attendons ce monsieur tranquillement dans la voiture. Dès qu’il s’approche de la maison, on le coffre. Teal’c, vous vous en occuperez ?
-Avec plaisir colonel Carter.
Teal’c n’avait pas du apprécié que O’Neill se fasse attaquer chez lui lâchement par quelqu’un qu’il connaissait.
-En douceur ! dit Sam en souriant !
-Absolument.
Le jeune homme était en cellule depuis plus d’une heure maintenant, et il commençait à avoir chaud. Les personnes qui l’avaient arrêté n’avaient pas donné de raisons. La jeune femme s’était présentée comme le colonel Carter. Les deux autres n’avaient rien dit. Le grand avec un bonnet sur la tête l’avait pris par le bras avec une telle force qu’il n’avait pas pu bouger. On l’avait conduit dans la base souterraine de Colorado Springs. Il n’y était jamais allé mais savait par sa mère que c’était là que travaillait O’Neill.
A l’évocation de ce nom une bouffée de haine l’envahit. L’assassin de son père. Il en avait eu la preuve en ayant accès à des fichiers codés qu’il avait réussi à décrypter sans difficulté. Il espérait avoir effacé correctement les traces de son passage. Il faudrait un rudement bon informaticien pour arriver à les trouver. Il était inquiet car il n’ était pas le meilleur hacker de la planète.
Il se savait loin dans les entrailles de la montagne. La peur le rendait nerveux. Il ne savait pas s’il avait tué O’Neill ou pas. La mise en scène qu’il avait faite était excellente, mais ils n’avaient pas dû être dupes, sinon, il ne serait pas là à se morfondre dans cette cellule. Etre aux mains des militaires était la pire chose qui pouvait lui arriver. Avec son dossier chargé, c’était la cour martiale assurée.
Il en était sûr qu’ils lui feraient porter le chapeau ! Il essuya la sueur qui coulait de son front ! qu’est ce qu’il faisait chaud ici !
Une heure plus tard la porte s’ouvrit et Carter entra.
-Alors jeune homme rien à dire ?
-Je sais pas pourquoi je suis là ! dit-il d’un ton rogue.
-Je vais vous le dire dit Sam froidement, vous êtes accusé de l’assassinat du général O’Neill.
Julian se troubla :
-Ce n’est pas moi !
-Nous avons des preuves.
-Quelles preuves ? dit Julian le regard fuyant.
-Nous vous suivons depuis quelques temps, et nous avons vu votre mère.
Julien devint tout rouge :
-laissez ma mère en dehors de tout ça !
-C’est pourtant à cause d’elle que vous avez tué le général ! Elle a bassiné votre enfance de regrets et de haine vis-à-vis du général O’Neill !
-C’est normal ! C’est lui qui l’a tué !
-Comment vous savez ça ?
-je ne dirais plus rien dit Julien en colère, je veux un avocat !
-C’est entendu dit Sam froidement.
Elle posa ses deux mains sur la table et se pencha comme pour l’intimider :
-Vous avez intérêt à en choisir un bon !
-A propos dans votre message vous parlez de la petite copine du général, vous n’avez pas intérêt à lui avoir fait du mal !
Le jeune homme la regarda en ricanant :
-Ya pas de danger, c’est toi la pouffiasse !
-Qu’est ce que vous avez dit !
Il avait fallu à Sam toute sa force de retenue pour ne pas sauter à la gorge du déplaisant jeune homme.
Il avait vu qu’elle était décontenancée et voulut s’engouffrer dans la brèche.
-Si tu crois que je n’ai pas remarqué ton petit manège, ça fait des semaines que je vous observe, et de très près même ! Un petit télescope bien placé et voilà la maison de ton général sous surveillance ! Tu avais l’air de bien t’amuser !
Sam était outrée, comment osait-il les salir, elle et O’Neill !
-Je vous défends de me tutoyer !
-Alors là ma belle ! je fais ce que je veux !
Sam le prit par le col de sa veste et le plaqua contre le mur, elle posa sa main sur sa gorge et commença à appuyer. Il devint tout rouge.
-Tu t’excuses et je lâche !
Il bredouilla quelques mots se terminant en « use » Sam accepta cela comme des excuses et le laissa. Il toussa mais eut le bon goût de se taire.
-Un excellent avocat ! redit Sam les dents serrées, vraiment excellent ! Ton cas s’aggrave !
Elle sortit de la cellule le cœur battant, elle détestait les interrogatoires, les mensonges, les insultes. Ce jeune homme était méprisable, fuyant comme une anguille, menteur et affabulateur. Qu’avait-il bien vu ? puisqu’il ne s’était jamais rien passé entre elle et le général ! Jamais rien !
Elle se souvint il y a trois semaines ils étaient chez lui, leur petite soirée hebdomadaire. Daniel avait failli mourir en mission ce jour là, c’était moins une, elle avait eu très peur. Le soir elle n’arrivait pas à se détendre et Jack l’avait prise dans ses bras pour la consoler, juste la consoler, elle avait posé sa tête sur son épaule une seconde ou deux ! pas plus.
Etait-ce cela qu’il avait vu , et mal interprété ? Sans doute ! Elle avait beau chercher elle ne voyait rien de plus et cela s’était produit une fois, une seule petite fois. Ils ne s’étaient même pas embrassés !
**********
Les souvenirs affluaient comme des vagues qui se chevauchaient. Des bribes, des impressions, des mots, des visages. Tout se mettait en place, se structurait. Le passé recomposé.
A l’armée Jack travaille. Il apprend à piloter, son rêve ! Les étoiles se rapprochent ! Son instructeur le modère, il doit d’abord apprendre correctement avant de se lancer seul dans un chasseur !
L’hélicoptère aussi, et les armes. Toutes sortes d’armes. Pour la première fois depuis sa petite enfance Jack est bien, il oublie…un peu.
Il,travaille sa musculature, sa poitrine s’élargit, il épuise sa force dans de longues courses haletantes. Quand le soir il s’écroule après une journée bien remplie, il se sent le cœur en paix.
Quatre ans plus tard il sort de l’académie avec les honneurs, diplôme en poche. Brevet de pilotage, chasseurs, hélico . Il est expert en maniement des armes, P90, HK 91, Beretta… C’est un tireur d’élite.
Sa carrière débute, bien , il monte en grade rapidement. Mais il ne choisit pas la voie facile, classique. Les Blacks Ops lui tendent les bras. Il a le profil : de l’intelligence, une violence contenue et un parfait sang froid, un sens aigu des responsabilités, une force de caractère peu commune. C’est le candidat idéal, il aime le danger. Il accepte.
L’entraînement est terrible, violent. Il va jusqu’au bout de lui-même. On lui demande toujours plus, des efforts sans cesse renouvelés.
On l’entraîne à résister au froid, à la chaleur, à la faim à la soif,au manque de sommeil, aux lavages de cerveau, à la torture ! Tout cela il le fait et même très bien.
Puis ce sont les premières missions, seul ou en groupe de trois ou quatre. C’est dangereux, ils sont seuls, ne sont couverts par aucune loi, aucun gouvernement.
Il fait de tout, de l’enlèvement, démantèlement de réseau, maniement d’explosifs, assassinat.
Il réussit toutes ses missions et se croit invincible. Une fois il a relâché sa garde, il ne le fera plus, il l’a payé très cher et a failli mourir.
Sept ans de cette vie de violence et de dissimulation le transforme, il n’est plus le même homme, il se durcit encore.
Il rencontre Sarah au cours d’une permission, elle lui demande d’arrêter les missions spéciales, c’est trop dangereux. Il accepte, de toute façon, il est grillé sur le terrain, obligé de rentrer.
Il se marie en octobre, et passe une année entière en psychothérapie. Il faut le déprogrammer, et il doit réapprendre la vie normale. Mais il n’y arrivera jamais complètement, c’est trop ancré en lui.
Un jour c’est le miracle, émotion, mains qui se tendent, mains qui tremblent, les même qui ont tué tiennent une petite chose rougissante et criarde, qui vient de naître, un amour de petit garçon.
Non, ce n’est pas Jimmy, c’est Charlie.
Pour l’enfant blond ou grâce à l’enfant blond, il change, il s’adoucit, c’est son rayon de soleil !
Paul trahit ! Jack ne se doute de rien. Un jour il a eu un contact comme il avait quand il était dans les Black Ops. On lui apporte des preuves, Paul trahit pour de l’argent. Il joue et perd beaucoup. Il n’a pas le droit de lui en parler.
On l’oblige à une dernière mission. Oui ce sera la dernière : Paul doit disparaître.
Jack refuse. Il ne peut pas tuer son ami. Il n’a pas le choix, on le menace, lui sa femme et son fils. Jack est en colère, il est devenu vulnérable. Il sait qu’il ne peut pas refuser cette dernière mission.
Un soir de 1991 au début de la guerre ils sont basés à Dubaï. La nuit tombe sur le désert, entre les maisons blanches Jack se cache. Paul est au milieu d’un groupe de soldats. Il le voit dans son viseur, il faut faire vite.
Le cœur qui cogne, la main qui tremble… Profonde respiration, il faut le faire avant que d’autres soldats meurent par sa faute. Comment en est-il arrivé là ? Jack culpabilise, il n’a rien vu ! Ce n’est pas le moment de se poser ces questions.
La silhouette là bas à deux cents mètres bouge. Maintenant ! Jack, maintenant !
Le doigt se crispe sur la détente, respiration profonde, les poumons se remplissent d’air, il fait le vide dans sa tête. La cible juste la cible. Il appuie, il tire. La rafale a jailli dans la nuit. C’est la panique dans le petit groupe, Paul est à terre. Personne ne parle. Il est mort. Jack cache son arme, il a l’habitude, il sait ce qu’il faut faire.
Il va vers le groupe. Paul gît dans une marre de sang de l’étonnement sur son visage. Jack s’agenouille et lui ferme les yeux.
Jack est vidé, son ami est mort, son ami d’enfance.
Sa dernière mission. Mais pas sa dernière douleur !
Quelques années plus tard, un coup de feu dans la chambre du premier étage et c’est l’horreur ! Charlie, son beau petit garçon ! Il s’est tué avec SON arme !
Plus rien, le vide, Jack est mort, définitivement mort !
Sa vie va se terminer dans quelques secondes. Il a survécu à Jimmy, il ne survira pas à Charlie.
Trop dur, trop de souffrances…
Il est assis dans la chambre de l’enfant, sur son lit, il pose l’arme sur sa tempe, son doigt se crispe, il entend à peine Sarah qui l’appelle : Jack
La porte s’ouvre, il cache l’arme, et tourne vers elle un visage aux yeux vides.
C’est le début d’une autre vie.
Tout est revenu maintenant, tout est à sa place. Les gens qui l’entourent, son travail, la base, les missions, les Goa’ulds. Carter, son regard bleu sur lui, ce regard qui le fait vivre, qui le rend plus jeune, moins idiot, moins désabusé, plus humain !
Un jeune homme pâle est venu frapper à sa porte l’autre jour. Il le fait entrer, il se présente c’est le fils de Paul ! L’autre l’accuse ouvertement, il a tué son père, il l’a vu dans les fichiers, sa mère en est sûre !
Le cœur de Jack fait un bond ! il nie, les Blacks Ops, jamais entendu parler !
Le ton monte, le jeune homme se fâche. Jack veut le mettre à la porte, il résiste, crie des insultes, le menace de chantage. Après c’est le vide, c’est à ce moment là qu’il a du le frapper.
Il entame à ce moment là une longue décente au fond du gouffre de l’amnésie, là où se sont réfugié tous ses souvenirs.
Il avait fini par s’endormir et il se leva de son canapé les idées plus claires. Il prit une douche changea de vêtements et partit à la base sans même prendre un café.
Il lui faudrait aller voir le docteur Mac Kenzie avant de reprendre du service passage obligatoire !
En arrivant à la base, c’est tout juste si on ne lui fit pas un triomphe. Il n’aimait pas les débordements et répondit juste le minimum pour rester poli.
Les marques d’amitié le gênait, les compliments aussi, il avait toujours l’impression que ce n’était pas mérité.
La visite médicale fut rapide, il coupa court et dit à Mac Kenzie qu’il reviendrait, il avait hâte de reprendre son poste.
-Salut Chris dit –il en entrant dans son bureau.
-Ah Jack ! Je suis enchanté que tu reprennes le travail. C’est une drôle de base que tu diriges !
-Je ne te le fais pas dire dit O’Neill en riant.
-Tu vas bien ? demanda Chris.
-Tout est OK , je sors de l’infirmerie, je peux commencer quand je veux , mais je ne te chasse pas, ça peut attendre à demain.
-Non dit Chris, je préfère partir maintenant, j’ai des rendez-vous très tôt demain à Washington. Si je pouvais partir aujourd’hui ça m’arrangerait.