Citations du moment :
Les hémorragies cérébrales sont moins fréquentes chez les joueurs de football. Les cerveaux aussi ! Pierre Desproges
Imagine

Le Pardon : Chapitre 6

 

La lumière était déjà allumée lorsque Vala pénétra dans le bureau, mais celui-ci était vide. Elle s’avança un peu plus dans la pièce afin de s’assurer que Daniel ne se trouvait pas caché derrière un artefact un peu imposant, mais elle ne put que constater l’absence de l’archéologue. Etant donnée l’heure tardive, ce n’était pas vraiment étonnant d’ailleurs. Il avait simplement dû oublier d’éteindre la lumière.

Elle soupira en appuyant sur l’interrupteur et se tourna en direction de la sortie. Alors même qu’elle allait franchir la porte, elle entra en collision avec un corps non identifié. Déséquilibré, celui-ci chancela et lâcha ce qu’il tenait dans les mains. Un bruit de poterie brisée résonna dans la pièce.

 

Daniel étouffa un juron et tendit prestement la main pour rallumer la lumière. Il gémit en constatant la casse et ses yeux se posèrent sur la jeune femme qui, à quelques pas de lui, se mordait la lèvre d’un air désolé.

 

-         Excuse-moi, je…

-         …ne l’ai pas fait exprès, la coupa-t-il d’un ton bourru. Je m’en doute bien.

 

Elle lui fit un petit sourire gêné puis se baissa afin de l’aider à ramasser les morceaux.

 

-         C’était quelque chose de précieux ? demanda-t-elle anxieusement.

-         Pas vraiment, soupira-t-il en observant le morceau qu’il tenait dans ses mains. Mais comme je pensais étudier les glyphes qui étaient gravés dessus, il va falloir que je le reconstitue maintenant.

-         Tu veux que je t’aide ? C’est un peu ma faute si…

-         On verra ça demain, la coupa-t-il à nouveau. Il est trop tard là.

 

Il se releva avec l’amphore brisée dans les mains et la déposa sur son bureau. Il commença à lire un papier annoté de sa main mais marqua soudain un arrêt. Il se retourna vers Vala :

 

-         Au fait, qu’est-ce que tu faisais là ? l’interrogea-t-il. Tu voulais quelque chose ?

-         Et bien… commença-t-elle avant de s’arrêter, cherchant ses mots.

 

Il l’observa en silence, se demandant ce qu’elle était venue faire ici à cette heure tardive. Quelle heure était-il exactement d’ailleurs ? Jetant un coup d’œil discret sur sa montre, il constata qu’il était minuit passé et fronça les sourcils.

 

-         Vala, demanda-t-il troublé, est-ce que tout va bien ?

-         Oui, oui… fit-elle avec un nouveau sourire gêné.

 

Perplexe, il détailla un instant le visage de la jeune femme et finit par reposer la feuille qu’il tenait entre les mains. Il s’assit sur une des deux chaises qui occupaient la pièce et lui  indiqua de faire de même.

Elle hésita un instant mais devant son regard décidé, elle obtempéra. Ses yeux se promenèrent quelques temps sur le décor du bureau avant de se reposer sur ceux de l’archéologue. Celui-ci n’avait pas bougé et attendait qu’elle se décide à prendre la parole.

 

-         Je voulais juste… parler, avoua-t-elle doucement.

-         A plus de minuit ? demanda-t-il d’un ton concerné. Que se passe-t-il pour que ça n’ait pas pu attendre demain ?

 

Il avait au départ été contrarié par la présence de la jeune femme, mais il commençait maintenant à s’inquiéter. Vala avait l’habitude de venir le trouver dans son bureau à des heures plus ou moins tardives, souvent parce qu’elle s’ennuyait, parfois simplement parce qu’elle recherchait sa présence. Mais elle n’était encore jamais venue avec cet air mélancolique qu’elle affichait maintenant.

 

Elle se mordit nerveusement la lèvre, ne sachant par où commencer. Elle avait décidé de venir le trouver juste après la fin de la soirée Star Wars, préférant dissiper ses doutes sans attendre. Elle avait toujours été d’un naturel impatient et n’était pas de celles qui laissent les situations moisir.

Mais maintenant, assise face à Daniel qui attendait sa réponse d’un air anxieux, elle n’était plus aussi sûre d’avoir le courage d’aborder franchement le sujet qui la tracassait. Elle doutait que le jeune homme apprécie qu’elle lui demande de but en blanc pourquoi il évitait d’être trop proche d’elle.

Il fût un temps où ce genre de considération ne l’aurait pas arrêtée, mais si elle n’avait pas perdu de sa spontanéité, elle devait cependant reconnaître qu’elle était plus… diplomate.

 

 

-         Pourquoi t’es-tu engagé au SGC ? finit-elle par lui demander.

 

Il ne répondit pas immédiatement, se donnant le temps de réfléchir à la manière de répondre à la question de la jeune femme. Il se l’était lui-même souvent posée, principalement pour savoir s’il devait continuer.

Avait-elle l’intention de quitter la base ?

 

-         Au départ, commença-t-il, l’armée m’avait demandé de traduire des inscriptions. Je venais de saborder ma carrière et ma crédibilité en laissant entendre que des extraterrestres avaient construit les grandes pyramides, je n’ai pas pu me permettre de refuser.

-         Tu avais raison pourtant…

 

Il haussa les épaules avec un petit sourire. Parfois il avait encore envie que ses pairs prennent connaissance des découvertes qu’il avait faites, afin de cesser d’être l’hurluberlu qui avait cru aux pharaons martiens. Mais le SGC lui avait tellement apporté, qu’était la reconnaissance à côté de ce qu’il avait vu et appris ? Il savait, cela lui suffisait.

 

-         Le projet était secret, continua-t-il en guise d’explication. Ma traduction a fini par permettre l’ouverture de la porte et je suis parti avec l’équipe militaire lors du premier passage. Enfin je me suis imposé à eux plutôt, tu aurais dû voir la tête de Jack quand il a fallu qu’il se résolve à emmener un archéologue rêveur et allergique à tout.

 

Il s’était de nouveau arrêté, les yeux dans le vague et un léger sourire sur les lèvres, alors même qu’il repensait à la façon dont l’aventure avait commencé pour lui.

Même si Sam lui en avait déjà parlé, Vala n’avait jamais connu ce Daniel là, le scientifique innocent qui pensait que le monde pouvait être meilleur. Certes, il avait toujours ce côté idéaliste, mais il était aussi plus ancré dans la réalité. Et surtout, il avait perdu cette naïveté.

 

-         Je crois que je ne pourrais même pas te raconter cette première traversée, dit-il légèrement exalté, il y en aurait pour des heures. Cela a été une véritable révélation pour moi, j’ai eu l’impression d’avoir enfin trouvé pourquoi j’étais venu au monde. Si l’histoire t’intéresse, je pense que nous pouvons peut-être te donner accès au rapport.

-         Je l’ai déjà lu.

 

Il ne demanda pas comment, c’était plus prudent pour ses nerfs. Il se contenta de secouer la tête d’un air qui en disait long. Même s’il était plus amusé qu’autre chose.

 

Face à lui, Vala s’était calée dans sa chaise et attendait la suite de l’histoire avec une sorte d’impatience.  A son étonnement, Daniel devait reconnaître qu’il se sentait bien à la lui raconter, à repenser à tous ces événements. C’était étrange, parce qu’il avait découvert la violence et la guerre lors de cette mission. Sans compter qu’ils avaient véritablement ouvert la boîte de Pandore.

Mais paradoxalement, il n’avait jamais été aussi heureux qu’à cette période. Il n’avait pas exagéré en parlant de révélation : tout avait soudain pris son sens. Sans doute le moment le plus important de sa vie.

 

-         Enfin je n’ai pas trop compris, grimaça-t-elle en le sortant de ses pensées, parce qu’il est écrit que tu es … mort. C’était encore une de ces fois où…

-         Non ! la coupa-t-il en riant. Jack savait que l’armée risquait de vouloir envoyer une bombe sur la planète, Abydos. Alors lui et ceux qui sont revenus ont raconté que tout le monde était mort.

-         Mais toi, tu es resté alors ?

 

Il marqua un instant d’hésitation.

 

-         Oui, reprit-il lentement, parce que je ne m’étais jamais senti aussi à ma place que sur Abydos.

-         Une planète pleine de sable et avec des habitants encore moins développés que les Terriens ?

-         Il y avait plus… avoua-t-il doucement.

 

Elle fronça les sourcils, plus tout à fait certaine de savoir où il voulait en venir.

 

L’archéologue soupira. Il était peut-être temps de lui parler de Sha’re, ce n’était pas un secret après tout. Elle l’apprendrait tôt ou tard de toute façon. Et il préférait autant que ce soit lui qui lui raconte l’histoire, il était encore celui qui avait été le plus proche de la jeune Abydosienne. Celui qui l’avait le plus connue. Il n’avait pas envie qu’elle soit contée à Vala par un autre que lui.

 

Il inspira longuement.

 

-         Tu vois cette femme dessinée, dit-il en indiquant de la main un cadre posé un peu à l’écart sur une étagère.

 

Elle hocha la tête alors que ses yeux se posait sur le visage auréolé de boucles noires. Elle n’avait jamais vraiment remarqué l’image au milieu du fouillis qui emplissait le bureau de l’archéologue.

 

-         Je l’ai rencontrée là-bas. Et je suis resté pour elle.

 

Elle tourna la tête vers Daniel dont les yeux étaient toujours fixés sur le dessin et elle comprit soudain.

Il était tombé amoureux, tout simplement. Elle savait qu’il était le genre d’homme à laisser son cœur dicter ses actions, mais elle n’aurait jamais imaginé qu’il fût capable de rester sur une planète inconnue pour une femme qu’il ne connaissait que depuis quelques jours. Il avait dû falloir que les sentiments soient puissants…

 

Qu’était-il advenu de la jeune femme ? Avait-elle finalement suivi Daniel sur Terre ? Vala n’en avait jamais entendu parler avant ce jour et elle avait toujours pensé que l’archéologue vivait seul. Peut-être sa compagne avait-elle fini par partir en lui brisant le cœur…

Ce qui était certain, c’est qu’à voir la façon dont il en parlait et la regardait, il l’aimait encore.

 

Une bouffée d’appréhension la saisit et elle se força à sourire pour l’endiguer.

 

-         Elle est très belle, dit-elle un peu amèrement. Comment s’appelle-t-elle ?

-         Sha’re… répondit-il en détournant enfin les yeux du visage de Sha’re pour les reposer sur celui de Vala.

-         Cela signifie « partage », non ?

 

Il acquiesça avec un sourire quelque peu mélancolique.

Puis, pressant ses mains ensemble comme pour se donner du courage, il reprit le cours de son récit.

 

-         C’est aussi pour elle que je suis revenu au SGC et que j’y suis resté.

-         Elle t’a demandé de faire cela ? interrogea-t-elle en fronçant les sourcils.

 

Il laissa échapper un son entre le rire amer et l’étranglement.

 

-         Non, souffla-t-il. Mais environ un an après notre mariage, Apophis est arrivé sur Abydos…

 

Vala ferma les yeux en sentant ce qui allait suivre. Il y avait la possibilité que Daniel ait choisi de s’engager au SGC pour combattre le Goa’uld et protéger ainsi sa famille, mais elle n’y croyait pas trop.

Non, ce qui expliquait la haine de l’archéologue envers les symbiotes était certainement beaucoup plus douloureux…

Elle se mordit la lèvre.

 

-         Il l’a tuée, n’est-ce pas ? demanda-t-elle avec appréhension.

 

Daniel secoua légèrement la tête et détourna un instant le regard.

 

-         Il a fait pire… répondit-il en un murmure.

-         Il y a pire que de mourir ?

 

Elle resta un instant perplexe, cherchant ce qu’Apophis avait pu faire. Mais l’archéologue ne répondit pas à sa question.

Ses yeux se contentèrent d’accrocher ceux de la jeune femme, qui saisit soudain quel avait été le destin de Sha’re. Elle ne pouvait que trop bien le comprendre…

 

-         Mon Dieu, dit-elle en pressant sa main contre sa bouche, je suis désolée. Je…

-         J’ai cru pouvoir la sauver, la coupa-t-il avec émotion, je me suis battu pour elle pendant près de trois ans. Mais cela n’a pas suffi. Le Goa’uld a failli me tuer lors d’une mission, et si je suis encore en vie, c’est parce qu’elle est morte ce jour là.

 

Vala ne répondit rien, laissant le silence retomber sur la pièce.

Qu’y avait-il à dire d’ailleurs ? Elle avait été à la place de la jeune femme, elle savait à quel point celle-ci avait dû souffrir. La mort avait certainement été un soulagement… Même si cela avait brisé le cœur de l’homme qui l’aimait.

 

-         Je ne sais plus trop pourquoi je suis resté au SGC ensuite, reprit-il d’un ton las, je pense que la haine des Goa’ulds y a été pour beaucoup. SG-1 aussi a influencé ma décision. Mais ça n’a jamais plus été pareil…

 

Oui, tout avait changé après la mort de Sha’re, lui le premier.

Mais le temps avait passé maintenant, il avait réappris à vivre. La blessure avait fini par se refermer, même si la cicatrice l’élançait encore souvent.

 

Le jeune homme inspira longuement et esquissa un petit sourire en direction de Vala.

 

Celle-ci gardait le silence, perdue dans ses pensées. Elle comprenait maintenant ce que Teal’c avait sous-entendu en lui disant qu’elle n’était pas la seule à avoir un passé.

Et Daniel avait mieux caché ses blessures qu’elle-même ne l’avait fait, elle n’en avait même pas soupçonné l’existence. Peu étonnant qu’il soit réticent à s’engager maintenant ; connaissant l’archéologue, cela avait sûrement dû le détruire plus qu’il ne voulait l’avouer.

Il l’aimait encore d’ailleurs, et n’avait sûrement pas réussi à passer outre la perte.

 

Elle murmura soudain :

 

-         Ce doit être difficile pour toi de me voir tous les jours alors qu’elle…

 

Il releva les yeux, un peu surpris.

 

-         Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.

-         Quetesh a pu être retirée, mais ce n’est pas le cas de…

-         Je ne vais quand même pas te reprocher d’être en vie ! s’offusqua-t-il.

-         Non, bien sûr, mais c’est injuste quelque part, et tu préférerais sans doute…

 

Il balaya sa remarque d’un geste de la main et elle se figea, attendant qu’il s’explique.

Il secoua la tête et entreprit de la rassurer :

 

-         La vie est souvent injuste Vala, ça je l’ai appris très tôt. Et je ne préférerais pas que tu sois morte et elle toujours avec moi, ce serait tout aussi injuste.

 

L’archéologue marqua une légère pause, perdu dans ses pensées. Puis, détournant la tête, il avoua :

 

-         Un temps, j’aurais MOI aimé être mort à sa place, mais j’ai dépassé cela. On ne peut pas changer le passé de toute façon…

 

Elle le regardait, un peu sceptique.

 

-         Je n’ai plus de regrets Vala, reprit-il fermement en se retournant vers elle. J’ai mis du temps à le comprendre et surtout à l’accepter, mais j’ai fait tout ce qui a été en mon pouvoir. J’ignore si c’est une question de destin ou de hasard, mais je sais qu’il est inutile de regarder en arrière maintenant. Je… je suis veuf, quelque part j’aime toujours ma femme, mais moi je suis en vie et je dois avancer sans me retourner sur le passé.

-         C’est parfois difficile de le laisser derrière…

-         Je crois même que c’est impossible parfois, dit-il d’un air légèrement désabusé. Mais il faut parvenir au moins à vivre avec lui et non par rapport à lui.

 

Elle sourit doucement.

Ils étaient tous les deux conscients que le discours était bien souvent différent de la réalité, ils en étaient les exemples même.

 

 

Le silence s’était à nouveau fait et Vala se surprit à observer les traits de l’homme qui lui faisait face. Elle s’était toujours dit qu’il était sans surprises et avait à tort pensé qu’il était aussi sans failles.

Elle découvrait maintenant cette part d’ombre qu’il avait si bien su dissimuler.

Il avait souffert, peut-être plus que la plupart d’entre eux, à la différence qu’il ne s’en était jamais plaint et avait toujours fait face. Elle repensa à certains bruits de couloir qu’elles avait entendus, de ceux colportés par les militaires. Ce n’était pas à Daniel d’apprendre d’eux, au contraire. Mais lui avait eu la pudeur de ne pas en parler.

Il était certainement plus fort et plus sombre que l’image qu’il donnait, et malgré l’empathie qu’elle ressentait pour ce qu’il avait vécu, elle ne pouvait s’empêcher d’apprécier ce nouveau côté qu’elle découvrait de lui.

 

Loin de la rebuter, ce « côté obscur » lui permettait de se sentir plus à l’aise. Et elle ressentait combien il avait fallu que l’archéologue fasse d’efforts pour pouvoir l’accepter à ses côtés, elle qui menaçait à chaque instant de lui rappeler la défunte.

 

-         Je suis heureuse de savoir que malgré notre histoire similaire, tu ne me compares pas à elle, avoua-t-elle soudain avec un peu de gêne. Je…je crois que je n’aurais pas apprécié d’être le sel qui réveille la plaie…

-         Crois-moi, répliqua-t-il avec un sourire, j’ai bien du mal à penser à elle quand tu es autour de moi.

 

Elle haussa les sourcils.

 

-         Je suis horripilante au point de t’empêcher de penser ? demanda-t-elle un peu amusée malgré tout.

 

Il secoua la tête, et reprit la parole pour préciser sa pensée :

-         Non, ce que je veux dire, c’est qu’elle était très différente, tout simplement.

-         Je m’en doute, fit la jeune femme avec une douceur à laquelle elle ne l’avait pas habitué. Ce devait être quelqu’un de bien. Tu l’as épousée après tout…

-         Tu es aussi quelqu’un de bien, dit-il en lui prenant la main et en la pressant légèrement. N’en doute pas. Elle aussi avait ses défauts, mais je l’aimais pour ça aussi.

 

Elle tiqua légèrement au sous-entendu de sa phrase et ses yeux se posèrent malgré elle sur leurs mains jointes. Le regard de Daniel suivit le sien et il relâcha doucement sa main en se rendant compte de ce qu’il était en train de faire.

Leur discussion avait pris un tour plus intime sans même qu’il s’en rende compte. Il avait été forcé de laisser tomber ses défenses pour lui raconter cette histoire, mais la conversation avait évolué vers quelque chose de nettement plus ambigu.

 

Il pouvait encore faire marche arrière, il en avait envie d’ailleurs, parce qu’honnêtement il avait toujours aussi peur.

Mais il y avait aussi cette autre partie de lui qui se sentait en confiance…

 

Sans compter le fait que pour la première fois depuis longtemps, il parvenait à parler à quelqu’un d’autre de Sha’re et de ce qui lui était arrivé, et cela sans sentir la blessure se rouvrir.

 

-         Tu es juste…complètement différente. Non, honnêtement, même en cherchant bien, j’ai du mal à vous trouver des points communs. La couleur des cheveux peut-être ? plaisanta-t-il pour détendre l’atmosphère.

-         Oh, je suis sûre qu’on peut trouver mieux, rétorqua-t-elle sur le même ton. Voyons… Nous sommes magnifiquement belles toutes les deux par exemple !

 

Il leva les yeux au ciel tout en secouant la tête.

S’il était indéniable que Vala avait changé depuis quelques temps, certaines choses resteraient les mêmes. Et quelque part, il préférait cela.

 

-         Bon d’accord, c’est trop évident, continua-t-elle. Cherchons autre chose…

 

Elle fit mine de réfléchir quelques secondes puis lui offrit sa moue la plus désolée, tout en reprenant d’un ton fataliste :

 

-         Non, je crois bien que je suis assez unique en mon genre. Niveau points communs, nous devrons nous contenter de la couleur des cheveux. Et du fait d’avoir subi un symbiote Goa’uld, bien sûr, continua-t-elle sans réfléchir.

 

Daniel s’était figé et la jeune femme se mordit la lèvre, consciente d’avoir peut-être été un peu trop loin.

 

-         Désolée, souffla-t-elle, je ne devrais pas plaisanter là dessus.

-         Non, c’est bon, répondit-il en se détendant. C’est juste que je n’ai pas l’habitude d’aborder cela…

-         …de façon aussi brusque, termina-t-elle pour lui. Je n’ai pas réalisé…

 

L’archéologue resta quelques instants silencieux puis un sourire doux revint sur ses lèvres :

-         Tu avais raison de toute manière. A croire que j’ai une attirance particulière pour les hôtes de Goa’ulds, finit-il comme pour lui même.

 

Il rougit violemment en réalisant ce qu’il venait d’avouer. S’il était resté ambigu auparavant, sa dernière phrase paraissait on ne peut plus claire.

Il chercha un peu gêné le regard de Vala, laquelle l’observait maintenant d’un air surpris mais aussi embarrassé que lui.

 

-         Je crois que c’est ce que vous appelez « mettre les pieds dans le pot », grimaça la jeune femme au bout de quelques instants.

-         En fait, c’est « mettre les pieds dans le plat »… corrigea l’archéologue en se frottant nerveusement la nuque. Mais je crois que dans ce cas, on peut dire qu’à force de tourner autour du pot, j’ai fini par mettre les pieds dedans…

 

Elle eut un léger rire.

Ils devaient être en train de dégager un subtil mélange de gêne, de peur et d’autres choses qu’elle n’était pas trop capable d’analyser. Peut-être une sorte de soulagement… Leurs regards se croisaient pour s’éviter aussitôt et elle pensa brièvement qu’ils étaient irrécupérables.

Ils n’avaient pas eu besoin d’analyser ce qui venait d’être dit, tous deux l’avaient compris et en étaient conscients.

 

-         Oh merde… gémit soudain Daniel dans un rire.

 

Il se frottait le visage, comme pour chercher à en faire partir la rougeur qui l’habitait.

 

Elle ne répondit pas immédiatement, se forçant juste à ancrer son regard dans celui de l’archéologue qui tentait en vain de reprendre une contenance. Il n’avait pas l’air mortifié, au contraire. Une sorte de sourire éclairait plutôt son visage, du moins la partie qui n’était pas cachée par sa main. Il avait juste l’air incertain de ce qu’il était censé dire ensuite. De ce qu’il pouvait bien faire après ça

 

Le voir ainsi embarrassé donnait à la jeune femme l’envie de le taquiner mais étrangement, aucune pique ne franchit ses lèvres. Elle attendait juste en silence, avec la conscience que tout avait été dit et que tout restait pourtant à décider.

 

 

Daniel expira longuement comme pour évacuer la gêne et la tension, et son regard se planta à nouveau dans celui de Vala. Il se mordit les lèvres et réfréna tant bien que mal le rire nerveux qui menaçait de les franchir. Il secoua imperceptiblement la tête alors que ses yeux tentaient de lui dire ce qu’il était incapable de prononcer.

 

 

-         Tu prends bien en compte le fait que tu m’as plusieurs fois reproché d’être folle ? lança-t-elle soudain.

 

Le rire qu’il retenait s’échappa et il se frotta la nuque pour la énième fois. Semblant retrouver son courage, il inclina légèrement la tête et répondit d’un air narquois :

 

-         De toute façon je vais être obligé de subir cet aspect de ta personnalité quoi qu’il arrive…

 

Elle fit la moue et le regard de Daniel s’adoucit en l’observant.

Elle aurait pu profiter de son embarras, mais le simple fait qu’elle ne l’ait pas fait montrait qu’elle n’avait pas l’air décidée à s’esquiver cette fois-ci. La savoir ainsi prête à avancer le rassurait et l’effrayait en même temps.

Parce que cela signifiait que la balle était dans son camp à lui.

 

-         J’ai en tête des tonnes raisons qui justifient le fait que ce soit une mauvaise idée, soupira-t-il enfin.

 

La jeune femme fronça les sourcils et son visage s’assombrit.

 

-         Mais la vérité, reprit l’archéologue, c’est que ce sont des excuses toutes plus fausses les unes que les autres. Je crois que j’ai tout simplement peur…

 

Au son de son aveu, le cœur de Vala s’emballa stupidement. Elle se morigéna intérieurement de réagir comme une adolescente, mais ne put s’empêcher de se sentir fébrile, elle d’habitude si maîtresse d’elle-même. Une partie d’elle était soulagée par le fait qu’il ne se rétracte pas, mais elle appréhendait toujours…

 

-         Pour ce que cela vaut, dit-elle doucement, je suis aussi effrayée que toi, sinon plus.

-         C’est bon à savoir, répondit-il avec une légère grimace, mais je crois que cela ne rassure aucun de nous…

-         Au moins nous sommes deux à avoir l’air ridicule, constata-t-elle avec un sourire en coin.

 

Il leva les yeux au ciel et secoua une nouvelle fois la tête.

Il détailla à nouveau le visage de la jeune femme et une foule de sentiments l’assaillit. Il avait oublié ce que cela faisait, les sensations que cela procurait. Bon sang, il était forcément effrayé par cela, mais il savait aussi que la peur ne dictait pas toujours la bonne solution.

 

Presque inconsciemment, il avait rapproché son siège et se trouvait maintenant dangereusement proche du visage de Vala. Celle-ci tentait d’afficher une assurance qu’elle était loin de ressentir.

 

-         Je crois qu’aucun de nous n’a envie de souffrir encore, souffla-t-il, mais nous savons aussi que cela fait partie de la chose.

-         C’est ce que Forrest Gump a oublié de dire à propos de la boîte de chocolats, n’est-ce pas ? fit-elle avec un léger sourire. Parfois on peut avoir mal au ventre après en avoir mangé…

 

Il sourit à l’image employée.

Bien sûr que tout n’était pas simple. Et avec leur histoire et leur vie, il était certain que leur boîte de chocolats à eux risquait de leur donner des crampes d’estomac à plusieurs occasions. Restait à savoir s’ils étaient prêts à l’accepter…

 

Elle s’était très légèrement penchée vers lui et il pouvait presque sentir son souffle sur son visage. L’archéologue observa longuement les traits de Vala puis semblant trouver dans ses yeux la réponse qu’il y cherchait, il posa doucement sa main sur sa joue.

 

-         Je ne sais pas pour toi, murmura-t-il avec un léger éclat dans le regard, mais cela ne m’a jamais empêché d’en abuser. Parce qu’importe le reste, c’est du chocolat et quoi qu’il arrive on sait que ce sera bon.

 

 

Un sourire commença à illuminer le visage de la jeune femme, mais Daniel l’effaça sous ses lèvres à lui.

Lorsqu’elle l’avait embrassé sur le Prométhée, il s’était dit que si la folie avait un goût, c’était sans aucun doute celui-ci. C’était un peu différent cette fois-ci, plus envoûtant que perturbant, mais le piquant était toujours là.

 

Alors qu’elle s’abandonnait dans ses bras, il songea qu’il avait certainement pioché le chocolat le plus épicé de la boîte. Et qu’importe s’il se brûlait un peu au feu qui s’allumait en lui, il allait aimer ça.

 

 

 

******************

 

 
 
Conçu par Océan spécialement pour Imagine.
[ Me contacter ]